Plume de RenardUn renard. Qui écrit. Avec une plume. D'où le titre.2024-01-13T20:26:14+01:00All Rights Reserved blogSpiritHautetforthttp://plumederenard.hautetfort.com/The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlLa questiontag:plumederenard.hautetfort.com,2023-07-17:64527142023-07-17T21:18:14+02:002023-07-17T21:18:14+02:00 « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » ...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Et toi, tu fais quoi dans la vie ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Cette question n'a nulle autre pareille lorsqu'il s'agit de simultanément faire remonter des sueurs froides le long de votre dos et de vous figer sur place comme un lapin surpris pris dans les phares (parfois vous préféreriez être un lapin, même surpris. A vrai dire, les lapins ont globalement l'air surpris en général. Et puis c'est adorable, un lapin, en plus de se poser relativement peu de questions existentielles. Déjà, on leur demande rarement ce qu'ils font dans la vie, et on les grattouille derrière les oreilles). Vous ne savez jamais trop comment répondre, sur le moment. Vous vous retrouvez la bouche semi-ouverte (de manière beaucoup moins mignonne que chez un lapin), le cœur qui bat à cent à l'heure tandis que le reste de votre corps semble soudain fonctionner au ralenti. Vous finissez par bredouiller les quelques mots habituels, qui n'expliquent pas grand chose parce que vous n'avez jamais vraiment su comment l'expliquer.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pourtant, vous devriez avoir eu le temps de vous y faire. Cela fait depuis 2008 que vous êtes à l'AI (l'assurance invalidé, en Suisse), mais vous n'avez toujours pas de réponse toute faite. Il y a le fait que votre état n'est pas définissable en un diagnostic unique, simple et concis. Il n'y a même pas de diagnostic clair. Un mélange de faiblesses et de complications. Il y a la propension quasi innée au burnout, la lutte épisodique avec la dépression, la lutte continuelle avec l'anxiété, la fatigue chronique, la probabilité de vous retrouver quelque part sur le spectre autistique (un autre chapitre à creuser sur lequel vous n'avez pas l'énergie de vous étendre là tout de suite), une mère schizophrène impliquant possiblement des antécédents familiaux complexes qui peuvent peser dans la balance (même si, heureusement, votre neuroatypie n'a jamais été psychotique).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Comment résumer tout cela en quelques mots au détour d'une conversation ? Bon, la plupart des gens -en général- ne réagissent pas de manière spécialement notoire, du moins sur le coup. Même si vous devinez souvent quelque chose de différent dans la dynamique après votre réponse à la question fatidique. Un changement presque imperceptible, mais bien présent. Vous précisez qu'il s'agit bien là de la plupart des gens que vous avez rencontré ici et là et ces dernières années, et non de votre cercle d'ami.es proches qui vous a toujours accepté comme vous êtes, ou de votre famille qui a toujours tout fait pour vous aider.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Seulement voilà : cela s'avère toujours compliqué quand il s'agit de rencontrer de nouvelles personnes, peu importe le cadre, et peu importe les circonstances. Il y aura toujours ce moment délicat. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ». Ça passe, ou ça casse. Ou, la plupart du temps, ça se termine dans une sorte de non-lieu. Et ce n'est pas tant que vous avez peur de la réaction des gens : plutôt que vous avez peur de leur infliger, d'une manière ou d'une autre, votre situation. Et malgré vos envies de rencontrer de nouvelles personnes, de créer de nouveaux liens, vous vous sentez souvent bloqués. Comme si cela ne valait pas vraiment la peine.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>« Tu n'as rien à apporter. »</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ces quelques mots, vous les entendez encore clairement, passant souvent en boucle dans un coin de votre esprit. Et plus le temps passe, plus vous vous rendez bien compte qu'ils font partie de ce blocage qui s'est renforcé en vous au fil de ces dernières années. Il y avait cette personne -un premier grand amour- qui vous avait réveillé, lors de votre rencontre. Qui vous avait montré que vous aviez les moyens de nouer un lien que vous aviez pensé impossible. Avant de vous quitter d'un coup. Parce que vous n'aviez pas assez d'ambition, parce qu'elle n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'elle devait travailler et vous non. Que c'était trop dur pour elle. Soit. Mais ce n'est pas ce qui vous avait brisé (en-dehors de la manière dont on se sent brisé à l'issue du premier grand amour, accablé par le lot habituel du grand mélodrame qui en découle inévitablement.). Non, c'est venu plus tard. Une année après, cette personne était revenu vers vous. Ça y est, elle avait réalisé que vous étiez le bon, elle avait travaillé sur elle-même, elle vous acceptait comme vous étiez, et elle n'avait certainement pas l'intention de vous changer. Vous étiez...assez (ce qui est un sentiment bien plus formidable qu'on n'y prête attention la plupart du temps). Et vous, vous y avez cru (spoilers : vous n'auriez pas dû). Tout ça pour que tout se termine à nouveau, abruptement. Pour qu'elle vous dise qu'elle espérait en fait que vous changeriez, que vous deviendriez ambitieux, que vous auriez finalement quelque chose à offrir (cette personne vous avait même proposé, dans les derniers temps, que vous deveniez son assistant, pour l'aider à gérer ses affaires courantes et que cela vous donne « quelque chose à faire »).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>« Tu n'as rien à apporter. »</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ses mots exacts, lors de la dernière rupture. Il y en a eu d'autres, bien sûr. Vous n'aviez rien à apporter de sérieux. Vous n'aviez rien à apporter à quelqu'un dans une relation. Vous n'étiez pas assez. Vous ne serez jamais assez. Pour qui que ce soit. Ces mots, vous les entendez encore dans votre tête, à chaque fois que vous rencontrez quelqu'un, à chaque fois que vous essayez de tisser un nouveau lien, même simplement amical. Ces mots font partie de vous d'une manière quasiment indélébile, et vous vous rendez de plus en compte au fur et à mesure que vous essayer d'arriver à l'origine de tous vos blocages.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce sont ces mots qui vous ont poussé -plus que toute autre raison, et sans que vous ne le réalisiez vraiment à l'époque- à mettre fin à la seconde -et dernière- relation amoureuse que vous avez eue. Parce que vous n'arriviez pas à croire que quelqu'un pouvait vous aimer comme vous étiez, du moins pas indéfiniment. Parce que vous n'aviez rien à lui apporter, du moins pas sur le long terme. Parce que c'était mieux que cela se termine maintenant plutôt que trop tard, quand elle aurait eu vraiment quelque chose à regretter.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce sont ces mots qui vous ont poussé à vous refermer, à des degrés divers, auprès de tous.tes vos proches. A vous persuadez que finalement, vous n'aviez pas grand chose à dire, pas grand chose à offrir. Qu'aviez-vous à raconter, finalement ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>« Tu n'as rien à apporter. »</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce sont ces mots qui vous terrifient, lorsque vous songez à avancer. Lorsque vous essayez de créer de nouveaux liens. Qu'il s'agisse de nouveaux.elles ami.es ou d'espérer rencontrer à nouveau l'amour, ce sont ces mots que vous entendez en premier. Ces mots auxquels vous croyez. Car, après tout, qu'est-ce que vous avez réellement à apporter ? Vous ne travaillez pas, et vous ne le pourrez sans doute jamais. Vous êtes en thérapie depuis plus de dix ans. Votre situation financière est compliquée, et ne vous permettrait guère de vivre de grandes choses. Vous n'avez pas d'autre ambition que d'essayer d'être heureux, et de faire en sorte que ce soit le cas pour les gens autour de vous également, mais ces mots vous avaient dit que cela n'était pas assez. Vous vous persuadez que vous n'avez effectivement rien à apporter, seulement une situation à infliger.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">L'absence de travail, si elle ne vous manque pas sur le plan de l'ambition, vous la sentez surtout peser sur le côté social. Vous n'avez pas un boulot dont parler, vous n'avez pas les liens sociaux que cela peut offrir. Vous ne savez jamais trop quoi dire lorsqu'on vous demande de raconter vos journées. Une journée type, pour vous ? Vous vous levez, vous profitez de la matinée pour regarder les derniers épisodes de séries que vous suivez, vous manger, vous lisez, vous avancez dans un jeu vidéo, vous sortez faire des courses, ou vous sortez tout court simplement pour ne pas traîner à la maison . Il y a le jour du ménage, il y a les deux jours par semaine où vous allez au sport. Voilà tout. Et vous n'arrivez que rarement à aller dans les détails. Qui y a-t-il d'intéressant à vous écouter parler du dernier épisode de telle série, de tel jeu, ou de tel bouquin ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous savez pourtant qu'il y a des gens pour en parler autour de vous. Vos ami.es, qui partagent les mêmes intérêts. Vos ami.es qui vous comprennent. Vos ami.es qui ont leur lot de situation compliquées. Mais souvent, même avec elleux, vous vous sentez emprunté. De trop. Vous avez en permanence ce sentiment de devoir vous excuser d'exister. Ce sentiment de ne mériter aucune importance. Il y a des choses banales que vous n'arrivez plus à mentionner sans vous sentir trembler de honte de la tête aux pieds. Vous avez trop souvent l'impression que vous n'aurez de toute façon rien d'intéressant à dire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>« Tu n'as rien à apporter. »</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et malgré tout ce que vos proches peuvent dirent sur la question, malgré tout leur soutien et leur façon de dire que ce n'est absolument pas le cas, ce sont toujours ces mots que vous entendez en premier. Pendant longtemps, vous ne vous en étiez pas vraiment rendu compte. Et puis, petit à petit, à force de réflexion, à force d'essayer de comprendre pourquoi vous étiez si fermé, si avide de nouvelles rencontres mais si terrifiés à l'idée de les voir se présenter, vous avez pu isoler ces quelques mots. Et l'impact qu'ils ont eu au fil des années. L'impact qu'ils ont toujours. Ces mots qui vous poussent à vous dire « A quoi bon ? », que vous rencontriez de nouvelles personnes avec qui vous pourriez vous entendre, ou que vous espérez, un jour, rencontre à nouveau LA bonne personne.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ces mots contre lesquels, vous le savez maintenant, il vous faut trouver un moyen de lutter. Un moyen de renverser leur influence sur vous toutes ces années. Un moyen de vous concentrer sur les mots des personnes que vous aimez -et qui vous aiment- et qui sont les seuls mots qui devraient valoir la peine. Ces mots que vous devriez oublier, plutôt que d'avoir sans cesse peur de n'avoir, effectivement, rien à apporter, à qui que ce soit. Ces mots qui représentent une barrière que vous devez apprendre à détruire pour de bon. Ces mots que vous devez laissez derrière vous.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous ne savez pas ce que vous avez vraiment à apporter. Peut-être pas grand chose. Peut-être quelque chose qui ne sera jamais suffisant. Ou, peut-être...juste vous. Le meilleur comme le pire, le plus simple comme le plus compliqué.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pour un jour, simplement espérer...être assez.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlLes coursestag:plumederenard.hautetfort.com,2023-06-19:64482972023-06-19T15:13:26+02:002023-06-19T15:13:26+02:00 Vous n'avez plus rien dans le frigo. Enfin si,...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous n'avez plus rien dans le frigo.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Enfin si, techniquement il n'est pas vide. Il y a l'inévitable pot de confiture qui traîne dans le fond depuis au moins trois ans, ainsi que le bocal de truc à tartiner qui vous avait paru une bonne idée sur le moment mais dont l'actuelle utilisation s'était révélée immédiatement si décevante que vous ne vous rappelez même plus de quoi il s'agit à la base. Vous faites une note mentale de penser à vous en débarrasser à l'occasion, de préférence avant que plusieurs civilisations ne s'élèvent et ne s'écroulent sous le couvercle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a aussi les diverses sauces dans la porte du frigo, destinées à des emplois si spécifiques que la rotation s'avère aussi lente que hasardeuse. Il y a bien évidemment un tube de moutarde (vous ne mangez pas de moutard). Les restes d'une plaque de chocolat -mise au frais après que la précédente ait fondu dans un placard- gisent là où devraient être rangés les œufs si vous pensiez à en acheter de temps en temps. Le ketchup et le tabasco -deux éléments indispensables- sont sagement debout côte à côte. Un peu de lait au fond d'une brique, un reste de jus de fruits. Dans le congélateur repose, seule, la pizza éternelle (éternelle parce que vous oubliez à chaque fois son existence, et que vous finissez toujours par prendre une autre pizza que vous allez manger avant).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Bref : il va falloir aller faire des courses.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce qui implique déjà de sortir le chariot à roulettes récupéré chez votre mère, qui se révèle souvent indispensable lorsqu'il s'agit de refaire le plein. Notamment pour le petit chemin escarpé qui se révèle être le seul accès à l'immeuble, et qui pourrait aussi bien être l'Everest au retour des commissions. Et comme la plupart des chariots, celui-ci semble animé d'une vie propre : les roues aiment aller dans tous les sens, et vous soupçonnez la bête d'être animée de pulsions meurtrières. S'il en était capable, il jetterait des regards mauvais, et si vous avez peur de le laisser sans surveillance ce n'est pas parce que vous craignez qu'on ne s'emparer, mais qu'il décide de sauvagement s'en prendre à toute forme de vie qui aurait le malheur de passer à portée de ses roues.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous guidez donc votre chariot le long du chemin. Puis vous remontez en jurant, le tirant derrière vous, vous engouffrant à nouveau l'ascenseur (qui ne fait que les étages pairs), parce que vous avez oublié votre porte-monnaie. Vous redescendez, avec la désagréable impression d'avoir malgré tout oublié quelque chose de capital, tout en essayant d'inscrire au laser dans votre mémoire qu'il vous faut du liquide vaisselle, parce que ça fait une semaine que vous revenez sans à chaque sortie, et que bon sang ça n'est pas pas très sérieux tout ça! (Vous ne faites pas de liste, parce qu'il vous faudrait alors une liste pour vous rappeler de l'existence des listes.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Fort heureusement, le centre commercial du quartier n'est qu'à quelques minutes de marches, et vous aimez bien longer le vieux mur contre lequel chemine le trottoir. Des pigeons y vivent en grande quantité, et vous éprouvez toujours un certain plaisir à observer ces petits dinosaures modernes. Aujourd'hui, un pigeon mort était étendu au pied des pierres, comme cela arrive parfois. Cela vous rend triste, et vous hâtez le pas avant de traverser la rue qui donne sur le complexe. A travers les vitres qui donnent sur la salle de sport, plusieurs personnes se dépensent sur les tapis de marche et les vélos (vous pouvez passer à toute heure du jour ou de la nuit, il y a aura toujours au moins une personne en plein exercice. Même à deux heures du matin un jeudi. C'est sans doute une de ces lois universelles.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Puis, animé d'une pulsion mercantile, vous décidez de passer le magasin du quartier pour aller à l'un des grands centres, en ville. Histoire d'avoir un peu plus de choix, et puis vous avez envie de marcher un peu plus. La chaleur est présente, mais supportable, pas encore étouffante comme souvent lorsque l'après-midi s'installe. Et puis vous aimez vous mêler un peu aux autres passants, entretenir l'illusion de briser la solitude, et simplement regarder les gens passer et vivre. Votre musique dans les oreilles, vous fredonnez quelques mots ici et là, le temps d'arriver à bon port.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pour vous, les courses représentent toujours une certaine épreuve. Vous vous sentez assaillis de toute part par les différents produites, perdu au milieu d'une montagnes d'informations, d'emballages et de couleur. Même lorsque vous pensez savoir ce que vous voulez, vous vous retrouvez à déambuler entre les rayons comme un ermite dans le désert assailli par les mirages les plus vivants. (Il faut vraiment penser au liquide vaisselle. Parce que la vaisselle ne va pas se laver toute seule. Même si ça serait bien.) Vous commencez par de la salade, parce qu'on ne peut pas se tromper avec de la salade, et que ça vous donne au moins la certitude d'avoir du verre dans votre assiette. Du pain ? C'est compliqué, il y en a souvent beaucoup juste pour vous, et vous oubliez fatalement de le finir. Et puis, un jour, vous ouvrez votre boîte à pain et vous en découvrez un de tellement fossilisé qu'il pourrait servir d'arme de guerre. Pour une personne seule, ce n'est pas évident de gérer les portions : vous vous retrouvez souvent avec bien plus que nécessaire.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous efforcez de vous concentrer sur l'essentiel, histoire de vous nourrir les deux ou trois prochains jours. Les céréales, toujours bien pratiques pour dépanner, et puis un petit lait de chèvre (un pêché mignon). Il vous faudrait des légumes, alors vous errez entre les rayons, et restez bloqués de longues minutes entre deux boîtes de petits pois, à peser le pour et le contre (lesquels sont les meilleurs ? Lesquels sont les moins chers ? Lesquels se gardent le plus longtemps ? Est-ce que la boîte que vous allez laisser de côté sera triste de se retrouver ainsi délaissée ? Vous ne pouvez vous empêcher de remettre une boîte à l'envers dans le bon sens, seul moyen d'apaiser la sonnerie d'alarme qui résonne dans les tréfonds de votre cerveau.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Finalement vous prendrez des carottes.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Les gestes se répètent, les interrogations aussi. Oui, non, plus de ça, moins de ci, pas ça, mais peut-être ça à la place. Vous revenez trois fois en arrière parce que vous passez devant ce dont vous avez besoin alors que vous choisissez quelque chose qui n'était pas prévu (les centres commerciaux, c'est pour vous toujours comme une veille de Noël dans un magasin de jouets : vous avez envie de tester absolument tout). Le chariot traîné par une main, le panier dans l'autre, vous manquez de faire tomber au moins cinq choses, et vous réchappez de justesse à deux collisions avec d'autres clients (le chariot, lui, vous roulera au moins une fois sur le pied). Vous passez au rayon des liquides vaisselle, avant de soudain ressentir le besoin impérieux de repasser du côté des biscuits pour prendre cette marque qui vient de rejaillir dans votre esprit et qui se révèle tout bonnement indispensable là tout-de-suite.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Enfin, vous arrivez gentiment au bout, finissant par vous avouer vaincu. Vous n'êtes même plus sûr de tout ce qui se trouve dans votre panier. En ce moment, les courses se révèlent de plus en plus difficile : vous ne savez plus quoi prendre, entre la lassitude de toujours les mêmes choses et le manque d'imagination concernant les nouvelles. L'angoisse de trouver quoi cuisiner, quoi manger, quoi entasser dans un placard. Vous passez à la caisse puis, mû par une impulsion subite, vous allez vous acheter des fleurs et un vase au coin fleuriste juste après. Vous avez besoin d'un peu de couleurs.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Puis vous prenez tranquillement le chemin du retour, l'habituelle sensation de demi-satisfaction : vous avez de quoi vous nourrir quelque temps, certes, mais cela ne vous remplit pas d'une joie démesurée. Pour remonter, vous prenez le bus, les chansons se succédant à travers votre casque. Le petit chemin à monter -vous échangez des regards compréhensifs avec d'autres voisins forcés de de muscler les mollets- puis la boîte aux lettre, et l'ascenseur (où un voisin étonné vous rejoint en cours de route alors que vous aviez distraitement commencé à chanter à tue-tête une chanson de Pomme.).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Les clefs dans la serrure, ranger les courses -le frigo paraît enfin remplir son office- puis mettre une pizza au congélateur, posée sur l'éternelle qui a été à nouveau oubliée. Vous mettez les fleurs dans le vase, vous saluez votre plante verte, et vous contemplez la suite d'une journée solitaire, sans rien d'autre de prévu. Le chariot à retrouver sa place dans l'armoire, sans avoir fait de nouvelles victimes.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Puis vous vous frappez le front du plat de la main en poussant un long soupir : vous avez encore oublié le liquide vaisselle.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlUn soir d'ététag:plumederenard.hautetfort.com,2023-06-11:64471502023-06-11T12:45:07+02:002023-06-11T12:45:07+02:00 Vous êtes assis par-terre, contre la barrière. Les pieds dans le...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous êtes assis par-terre, contre la barrière. Les pieds dans le gravier, vous savourez l'instant, du mieux que vous pouvez. Le brouhaha de la terrasse du bar sur la place, les ampoules multicolores sur les guirlandes entre les arbres, le ciel bleu nuit d'une fin de soirée d'été, ce petit quelque chose dans l'air qui vous fait espérer pour une longue seconde que tout est possible. Et puis la vie qui reprend son cours, les conversations qui éclosent et se répercutent tout autour de vous, autant de petits nénuphars sonores à la surface de cette mare de communications humaines qui vous échappent parfois (mais pas autant que votre sens indéniablement aigu de la métaphore). Le temps d'une respiration, d'un battement de cœur, le monde se remet à tourner plus vite que jamais. Et parfois, vous n'êtes pas sûr d'arriver à en faire partie. Pas autant que vous le voudriez, pas autant que vous en ressentez le besoin. Vous fermez les yeux, vous vous imaginez en train de vous y lancer la tête la première dans un plongeon désespéré.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous rouvrez les yeux. Les lumières se balancent toujours, les éclats de voix sont emmêlés de rires, d'interjections et de conversations animées. Tout autour de vous, les gens vivent sur la place. En ce moment, il vous y arrive de vous y installer, simplement pour profiter de l'atmosphère. Pour vous sentir près des gens quand vous n'avez pas l'opportunité de passer ce temps avec des proches. Pour imaginer que tout peut arriver. Parce que parfois, vous n'avez pas vraiment envie de rentrer chez vous, pas tout de suite. Vous n'avez même pas besoin de commander quelque chose au bistrot, il y a bien assez de monde pour simplement vous permettre d'exister dans un coin sans subir l'épreuve de rentrer à l'intérieur braver la file d'attente, pour vous faire ignorer au bar. Un de vos superpouvoirs : vous ne savez pas vraiment pourquoi, mais lorsqu'il s'agit précisément de commander une boisson, vous pourriez aussi bien être invisible. Ce qui ne vous dérange pas plus que ça. Il faut dire que vous ne buvez pas beaucoup lorsque l'alcool est de la partie. Il y en a bien peu dont vous appréciez le goût, et vous n'avez jamais vraiment compris la course à l'oubli que cela implique parfois, même s'il vous arrive de vous demander ce que cela ferait. Si les cocktails doivent être impliqués, vous vous contenterez d'un virgin mojito (on ne se trompe pas avec les classiques). De toute façon, vous préfériez boire une bonne tasse de thé. La grand-mère anglaise qui vit au fond de votre âme reste convaincue que tout va mieux du moment qu'on se retrouve avec une bonne tasse de thé entre les mains. Cela a sûrement à faire avec la préparation de la boisson : même lorsqu'il s'agit d'aller au plus simple et de simplement se contenter de plonger un sachet dans de l'eau chaude, vous trouvez des airs de cérémonie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Au pied de la statue sur la petite place, un couple est assis, main dans la main. Un peu plus loin, un groupe d'amis semble emporté dans une passionnante conversation impliquant de grand moulinets dans les airs de plusieurs participants. Près d'un banc, une petite fille -cinq ou six ans, pas plus- est absorbée dans sa tâche, qui consistent à séparer un à un des morceaux de gravier pour les empiler en petits tas ordonnés. Vous lui enviez la concentration sans faille des enfants qui se lancent dans ce qui pour eux pourrait à ce stade aussi bien être la plus grande tâche de leur vie. Il vous manque, ce moment où vous n'aviez pas sans cesse à penser à la suite. Où tout prenait des allures de chef-d’œuvre entre vos doigts, simplement parce que c'était une première fois. De nouveaux éclats de rire résonnent, un autre couple monte l'escalier qui mène à la terrasse, quelqu'un allume une cigarette. En contrebas, la ville glisse lentement du jour à la nuit comme le font si bien les paresseuses soirées d'été.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Qu'est-ce que tu espères ? » demande une voix, comme quelqu'un vous interpellant depuis derrière votre épaule. Vous ne tournez pas la tête, parce que c'est une voix qui n'existe pas, même si vous la connaissez bien. Une de ces voix qui viennent de l'intérieur, et un artifice pratique lorsqu'il s'agit de mettre en mots ce qui vous anime.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Que quelque chose se passe. » vous haussez les épaules.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Que quelqu'un viennent vraiment te demander ce que tu espères, là, assis contre la barrière , à observer la foule ? Une rencontre aussi inattendue qu'inespérée ? C'est un peu cliché, non ? » continue-t-elle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Ce n'est pas parce qu'on espère quelque chose qu'on attend que ça se réalise. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu n'es pas fatiguer, d'espérer ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Si. Mais je n'ai pas vraiment le choix. On ne contrôle pas vraiment l'espoir. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu n'as jamais été doué pour contrôler grand chose. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« C'est vrai. » Vous n'avez pas d'autre réponse à ça. Le contrôle ne vous a jamais vraiment intéressé.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Juste à l'affût des beaux rêves, alors ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Non plus. Je n'ai jamais aimé les vrais beaux rêves. Parce que le réveil nous les arrache. J'ai toujours trouvé ça triste. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Mais tu espères quand même. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Il faut bien. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu sais que ça ne changera rien. » La voix se modifie pour devenir celle de quelqu'un d'autre. Quelqu'un du passé dont les paroles ont encore beaucoup trop de poids pour vous. « Tu cherches des connexions, mais qu'est-ce que tu as à apporter ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Toi, je n'ai vraiment pas envie de t'écouter. Tu as fait bien assez de dégâts comme ça. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu n'as pas d'ambition. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« J'ai l'ambition d'être heureux. Et de faire ce que je peux pour rendre heureux les gens autour de moi. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Ça ne suffit pas. Tu ne bosses pas. Tu n'es pas assez normal. Tu n'as pas ce qu'il faut pour assumer des relations. Tu n'es pas assez. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous n'avez qu'une envie : vous boucher les oreilles. Ne plus entendre sa voix, à elle, l'amour passé. Ne plus vous rappeler distinctement des mots qu'elle a pu prononcer. La personne qui vous avait aidé à vous ouvrir pour vous refermez aussitôt. Parce que vous n'étiez pas assez. Vous l'aviez crue. Et souvent, vous la croyez encore. Qu'avez-vous à offrir ? Qu'avez-vous à apporter ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu ne seras jamais assez... »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous secouez la tête. Au fond de vous, vous fermez les yeux. Vous essayez de chasser ces souvenirs. De retirer son pouvoir à cette voix-là. Et puis vient une autre voix, plus douce, cultivée, une voix qui a tant vécu sans jamais perdre de son humanité. Une voix qui vous a toujours encouragée, et qui n'existe maintenant plus que dans les mémoires.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu n'es pas perdu, juste un peu égaré. Je sais que tu vas t'en sortir. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">La voix de votre parrain. Votre deuxième papa. Et aucun de vos papas n'a partagé votre sang. Ils l'ont été parce qu'ils l'ont choisi.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Je sais que je ne pense pas autant à toi que je le devrais. Mais c'est difficile... » vous dites dans un souffle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Ça ne change rien. Je sais que je suis toujours là. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous rappelez son doux sourire, ses sourcils broussailleux.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Est-ce que je suis toujours là, moi ? » La voix suivant. Plus dure à entendre. « Je crois que je ne sais même plus où je suis. Ou qui je suis. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Tu es ma maman... » vous répondez d'une petite voix. Même dans votre tête, sa voix est fragile, loin de celle que vous connaissiez. Une connexion qui se perd et qui se délite.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« J'ai essayé de t'appeler, aujourd'hui. Tu n'as pas répondu. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Je n'en ai pas eu la force. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Et tu sais que je n'aurai pas su quoi dire. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Et puis je me méfie des téléphones. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Ah bon ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Non, rien... C'est juste...que je les fais tomber. J'ai l'impression que je fais tout tomber, que je n'arrive rien à porter, que je ne suis pas assez... »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Qu'est-ce que tu es devenu ? » une autre voix, encore. Vous vous retournez : un petit garçon est accroupi à côté de vous, une sauterelle dans les mains. Il n'a pas encore de lunettes, et il aime surtout les livres et les dinosaures. Sa tortue ninja favorite est la bleue. Dans quelque temps, il devrait découvrir Star Wars.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Si je savais... »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« On n'est pas devenu paléontologue ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Non. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« On n'a pas écrit un super livre ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Non plus. Enfin, pas vraiment. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« On est pas bibliothécaire ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« La vie a pris un autre chemin. On aime toujours les dinosaures, par contre. »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">« Bon. C'est le plus important. » Un grand sourire : « Est-ce qu'on sauve toujours les sauterelles ? »</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous ne savez pas quoi répondre. Les voix se succèdent : de vieux amis, de vieilles amies, des gens que vous ne voyez plus assez, des gens qui vous ont marqué, celles que vous avez aimé. Et les voix qui n'existent pas encore. Des possibles, des espoirs. Et tous vos voix à vous, toutes les personnes que vous avez pu être, d'épreuve en épreuve, de surprise en surprise, d'une vie toute tracée à une vie imprévue. Des voix qui essaient de trouver qui vous êtes, qui vous pouvez encore devenir. Et derrière, toujours présent, le vide.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous respirez à nouveau. Profondément. Vous levez la tête. Il n'y a plus que la voix des gens sur la terrasse. La vraie vie autour de vous. Vous vous réadossez contre la barrière. Vous regardez les lumières.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous espérez un nouveau soir d'été.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlLa Sauterelletag:plumederenard.hautetfort.com,2023-05-29:64454182023-05-29T22:22:39+02:002023-05-29T22:22:39+02:00 Vous ne savez pas comment commencer. Il y avait un...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous ne savez pas comment commencer.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>Il y avait un chemin...</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ou vous avez peur de commencer.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>Il y avait un chemin, au pied des montagnes...</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Une fois commencé, cela devient encore plus réel. Vous ne faites plus que seulement le penser. Vous l'inscrivez noir sur blanc. Vous y mettez des mots. Les mots ont un pouvoir.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><em>...et sur ce chemin, en plein milieu, il y avait une sauterelle.</em></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Quand vous pensez à votre mère, vous pensez presque toujours à la sauterelle. Vous ne savez pas pourquoi, spécifiquement. Peut-être parce qu'il s'agit d'un des premiers souvenirs d'enfance qui vous vient clairement à l'esprit. Vous deviez avoir quoi, quatre ou cinq ans, pas beaucoup plus ? Vous avez généralement de la peine à vous souvenir de votre petite enfance, mais vous n'avez jamais oublié la sauterelle. Peut-être aussi parce que c'est une histoire que votre mère aimait souvent reraconter, du temps où elle se souvenait encore des histoires.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous voyez clairement le chemin, qui menait du village à la base de la montagne, là où se trouvait l'une des stations de téléphériques de la vallée. Juste en-dehors de Saas-Fée, dans le Valais suisse-allemand. Là où vous êtes allés, votre mère et vous, chaque année depuis votre enfance jusqu'à vos dix-huit ans. Une semaine de vacances annuelles, organisée par le SPJ, alors le Service de Protection de la Jeunesse. (Les montagnes te manquent-elles, maman ? T'en rappelles-tu de temps en temps, quelque part dans les recoins de ton esprit qui se replient sur eux-même de plus en plus?)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Le SPJ a toujours fait de son mieux. Vous vous rappelez de l'agent social qui s'occupait de votre cas avec une certaine tendresse. Pour vous, c'était normal, tout ce que vous aviez connu. Vous n'avez réalisé que bien plus tard à quelle point ça devait être difficile pour votre mère. De ne pas avoir pu vous élever elle-même. De vous voir confié, bébé, à une (super, il faut bien le dire) famille d'accueil. De vous avoir chez elle un week-end toutes les deux semaines jusqu'à votre majorité. Et, chaque année, la semaine à Saas-Fée. (Est-ce que tu te rappelles parfois le village, maman ? Les joueurs d'accordéons devant les bistros, les lanceurs de drapeaux?)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce chemin, vous l'empruntiez souvent lors de ces vacances. Celui-ci menait à la station de télécabines qui montaient jusqu'au glacier, que vous aviez plusieurs fois exploré, tous les deux. Et cet été-là, sur le chemin, il y avait une sauterelle. Votre parrain était là aussi, c'était l'année où il était monté avec vous. Il a été le compagnon de votre mère à travers toutes les épreuves, jusqu'à sa mort il y a quelques années. Jusqu'au bout, il allait la voir à l’hôpital, puis à la maison de retraite. Vous n'avez jamais connu votre père biologique, mais entre votre parrain et votre père d'accueil, vous aurez eu deux pères fantastiques. (Est-ce que tu te rappelles, maman, quand mon parrain et moi nous brossions les dents le soir avant d'aller au lit, et les blagues qu'on faisait pour te faire rire?)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous rappelez vous être arrêté, au milieu de ce chemin, parce que vous y aviez aperçu une sauterelle, d'un vert qui brillait presque sous le soleil. Elle restait plantée là, sur la route, sans donner le moindre indice qu'elle allait se mettre à bouger. Vous vous étiez penché au-dessus d'elle, faisant barrage de votre corps à tout obstacle potentiel. Avec l'obstination de l'enfance, vous l'aviez gentiment capturée au creux de vos mains pour aller la déposer dans l'herbe de la prairie, pendant que votre mère et votre parrain faisaient obstacle à tout marcheur éventuel qui n'aurait pas pris la peine de baisser la tête.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">C'est un de ces souvenirs impérissable, un de ces moments qui semblent se cristalliser autour de quelque chose de particulièrement important, même lorsqu'on ne sait pas trop pourquoi. Et l'une des histoires favorites de votre mère. De celle qu'elle racontait volontiers à n'importe qui, avec la fierté sans limite d'une mère qui en faisait toujours trop parce qu'on lui avait laissé faire tellement qu'elle ne pouvait tout simplement pas s'empêcher de le faire autrement. Vous savez maintenant que votre mère a souffert toute votre vie, de ne pas pouvoir vous inclure dans la sienne comme elle en aurait tant voulu. Elle en a souffert en silence auprès de vous, parce qu'elle ne voulait pas vous inquiéter. Parce qu'elle a toujours voulu faire de son mieux, pour tout le monde. Elle pouvait se plier en quatre pour quelqu'un qu'elle venait de rencontrer. Quand on lui parlait, qui que l'on soit, elle écoutait vraiment comme si on était le centre du monde.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Des années après la sauterelle, toujours à Saas-Fée, il y a eu l'épisode. Le premier épisode schizophrénique depuis des années et des années, et le premier -et le seul- auquel vous vous êtes confronté alors. Une perte de la réalité soudaine, brutale. Vous vous rappelez de l'ambulance arrivant au-bas de l’hôtel, dans ce village sans voiture. De votre mère d'accueil venu vous récupérer. Du couple propriétaire de l'hôtel, qui vous connaissaient de longue date et qui se sont montrer d'une profonde gentillesse. (Est-ce que tu te souviens, maman, que même dans ton délire, tu étais restée aussi calme que possible avec moi?).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et ensuite, pendant près de vingt ans, non pas un calme plat, mais un calme délicat, maintenu avec adresse. Sans nouvelles crises, sans nouveaux épisodes, du moins à votre connaissance. Vingt années tout de même plus difficiles qu'elles ne l'auraient dû. L'adolescence, la découverte de votre propre souffrance, l'arrivée du Vide, des difficultés à vous montrer patient, à vraiment comprendre tout ce qu'elle voulait vivre. Des rapports parfois délicat, un lien entre le fusionnel et l'écartement. Votre mère, qui faisait toujours tout ce qu'elle pouvait pour vous. Qui en faisait souvent beaucoup trop. Au point d'en devenir étouffant, parfois. Et vous qui ne saviez pas toujours comment gérer cette surdose d'amour, cette volonté désespérée comme si elle essayait sans cesse de se racheter pour la direction qu'avait pris vos vies. Vous comprenez mieux, maintenant. A quel point c'était difficile pour elle, de vous voir évoluer dans votre famille d'accueil, devenue il y a longtemps votre seconde famille. A quelle point elle aurait voulu suffire, vous donner plus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Alors qu'elle vous a toujours tant donné. Malgré les difficultés, malgré le lien parfois difficile, elle vous a tant offert. L'amour des bandes-dessinées, puis des livres. Du fantastique, surtout, pour lequel vous avez très vite partagé un attrait. L'amour profond que vous avez pour les histoires, c'est à elle que vous le devez. (Est-ce que tu te rappelles, maman, des heures que nous pouvions passer à parler de nos livres préférés ? A discuter des personnages qu'on aimait, des mondes qui nous fascinait ? C'était notre langage d'amour, les histoires. Maintenant, tu n'en lis plus. Tu regardes peut-être encore des images, mais il n'y a plus cette lumière dans tes yeux lorsqu'on mentionne tes récits préférés.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y avait les cinémas, aussi. Votre mère, qui tenait à aller voir chaque nouveau film de super-héros avec vous, car bien sûr qu'elle aimait aussi les comics ! (A chaque nouveau Marvel je pense à toi, maman. Je me demande lesquels tu aurais aimés. Ce n'est plus tout à fait pareil, sans toi.) Elle aimait tellement de choses. Vous vous souvenez des piles de bandes-dessinées et de livres qui entouraient son lit telles les fortification d'un château fort. Et puis les magazines, sur tout : sur les livres, sur les bds, sur la science, sur la musique, sur l'histoire, sur la psychologie... Tout l'intéressait, votre mère. Et peu de choses l'intéressaient plus que les gens. Il suffisait que quiconque mentionne aimer telle ou telle chose pour que, la prochaine fois, elle ait un journal, une bd, un livre à prêter sur le sujet. (Tu te souviens, maman, des articles de journaux que tu découpais pour moi des que cela ne faisait qu'effleurer un de mes centres d'intérêt? Il y avait aussi cette fois ou, te rappelant de ma période « Pirates des Caraïbes », tu étais une fois revenue avec l'un de ces blocs en verre dans lesquels on taillait des personnages au laser. Il s'agissait ici de Jack Sparrow. Je l'ai encore quelque part, bien sûr. Quelque part, c'était drôle, et puis surtout c'était gentil de ta part. Il est tellement lourd, que ça pourrait être l'arme du crime dans un épisode de série policière !)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous souvenez de son amour pour les librairies. La Fnac, ou Payot, elle finissait toujours par connaître le prénom de chaque vendeur, de chaque vendeuse, avec qui elle échangeait conseils et recommandations. A chaque fois que vous passez entre les rayonnages, vous ne pouvez vous empêcher de l'imaginer circuler entre les livres. C'est une des raisons qui vous pousse souvent à entrer dans une des librairies qu'elle fréquentait, juste pour avoir l'impression de cheminer quelques instants sur ses pas. (Tu te rappelles, maman, des goodies que les libraires te mettaient de côté ? Tu avais tant de mots gentils pour chacun.e d'entre elleux.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous souvenez des séries que vous regardiez ensemble. LOST, Heroes, Doctor Who... Vous vous rappelez du dernier épisode de Doctor Who que vous aviez vu tous.tes les deux, quand Peter Capaldi avait laissé place à Jodie Whittaker, et de la joie sur le visage de votre mère en voyant une femme enfin incarner ce rôle myhtique.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous n'avez jamais vu la suite avec elle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Car juste après, il y a eu la dernière décompensation. Comme si son esprit avait été étiré plus que de raison, avant de céder sous le poids de son propre esprit. La catatonie, que vous aviez cru irréversible. Les mois, puis les années en hôpital psychiatrique. Et, enfin, l'emménagement définité en maison de retraite spécialisée (tu n'avais alors même pas soixante-cinq ans, maman). Devoir rendre -et vide-l'appartement. Vous avez récupéré toutes les bandes-dessinées que vous avez pu, parmi les milliers de sa collection. Il y a une part d'elle, chez vous. Comme il y a toujours une part d'elle dans les librairies de la ville. Toutes ces parts que vous n'arrivez plus à trouver chez elle, au fond.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a les visites, bien sûr, où vous accompagnez votre tante parce que vous ne savez pas si vous êtes assez fort pour la voir seul, dans cet état. Vous vous rappelez des fois où vous aviez essayé, où cela ne s'était pas bien passé, parfois jusqu'à une violence tellement non caractéristique de sa part que vous sentez votre âme se racornir à la seule évocation de ces souvenirs.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a les visites où elle n'est plus là : prostrée sur son lit, le regard dans le vide. Il y a les visites où l'humeur est difficile. Il y a les visites où elle se répète sans cesse, se lançant dans des histoires sans queue ni tête. Et puis il y a les visite où on pourrait presque croire que ça va mieux. Où elle participe à la conversation du mieux qu'elle peut. Mais la mémoire ne suit plus, même dans les meilleurs jours. Tant de souvenirs perdus, naufragés dans le maelstrom de la démence qui a pris ses marques. Parti, l'amour des histoires, des livres, des bds. Elle lit à peine, et ne s'en rappellerait pas. Elle s'y raccroche pourtant, comme au fantôme de quelque chose, ou comme par habitude.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Cette femme qui débordait d'amour inconditionnel pour son prochain, qui débordait de curiosité pour tout et n'importe qui, qui débordait de savoir...et qui vous semble maintenant de plus en plus vide. Cet être vieilli si brutalement, devenue si petite, si ridée, si... étrangère. Et c'est terrible de votre part, de considérer votre mère ainsi. De ne plus arriver à voir la personne qu'elle était. La personne qu'elle ne pourra jamais redevenir. Vous ne savez plus quoi lui dire, vous ne savez plus comment réagir. L'amour est toujours là, ça au moins vous le sentez. Mais vous sentez aussi la tristesse, la solitude, la souffrance qui l'animent. Les moments où la lucidité est plus présente sont paradoxalement les moments les plus durs. C'est vous rappeler trop brièvement de la personne qu'elle était. Quelque part, c'est comme si la mère que vous connaissiez était morte, et qu'une étrangère prenait sa place. Une étrangère avec qui vous ne savez plus comment connecter.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a tout ce que vous réalisez maintenant, bien trop tard. Tout ce que vous ne pouvez plus lui dire. De la colère, aussi, que vous ne pouvez pas lui exprimer. Et de l'amour, surtout, que vous ne savez plus comment lui donner. Alors vous essayez de trouver comment rebâtir un chemin, comment l'atteindre à nouveau, comment construire quelques choses dans les ruines de son esprit dévasté, quelque chose d'assez solide pour vous deux, tant que c'est encore ne serait-ce que vaguement possible.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Alors vous l'écrivez, pour essayer d'y voir plus clair. Pour admettre, noir sur blanc, cette nouvelle réalité. Parce que les mots ont un pouvoir même quand les souvenirs ne sont plus de la partie. Parce que vous l'aimez (je t'aime, maman, et ça, je sais que tu t'en rappelles.), même si vous ne savez pas encore comment le communique dans ce paradigme.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Parce qu'il y a longtemps, il y avait un chemin dans la vallée, et sur chemin, il y avait une sauterelle.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlHors connexiontag:plumederenard.hautetfort.com,2023-05-11:64427212023-05-11T23:04:41+02:002023-05-11T23:04:41+02:00 Vous avez peur d'un certain nombre de choses. La mort. Les maladies. Que le...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous avez peur d'un certain nombre de choses. La mort. Les maladies. Que le groupe ABBA entre par effraction chez vous avant de vous chanter en boucle leurs plus grands tubes jusqu'à ce que votre cerveau fonde. Mais là, ce que vous fait le plus peur, vous le réalisez durement, c'est la solitude.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pourtant, vous avez longtemps pensé que c'était quelque chose qui vous convenait. Combien de fois avez-vous fait en sorte de vous confiner tranquillement chez vous, goûtant à la sérénité du calme qu'on ressent lorsqu'on est bien chez soi ? Seulement, vous ne vous sentez plus seul bien chez vous (pardon à votre plante verte). Ce chez-vous, vous le craignez, même. Vous repoussez le moment de rentrer lors de vos sorties en ville, quitte à errer sans but dans les rues. Au point de presque apprécier le contact vaguement humain d'un énième démarcheur pour une pétition/une inscription/un cd de groupe de métal à acheter. Chez vous, il n'y a rien. Juste des choses, qui vous apportaient une certaine joie auparavant, mais qui ne sont maintenant que des objets dépourvus de chaleur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Regarder vos séries, vos films, lires vos livres, jouez à vos jeux : autant d'activités solitaires qui vous paraissent de plus en plus dépourvues de but sans réelle opportunité de les partager, ne serait-ce qu'à l'occasion. Il n'y a rien qui vous attend, chez vous. Il n'y a rien qui vous attend dehors non plus. Et, depuis votre fenêtre, il y a toutes les autres fenêtres du quartier, celles illuminées dans la nuit, où vous devinez parfois les silhouettes de couples, de familles, d'amis vivant leur vie dans leur cuisine, riant sur leur balcon, des symboles d'une vie qui continue de vous échapper.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous n'avez jamais autant eu envie d'être « normal », peu importe ce que « normal » veut dire. Un normal qui vous permettrait d'établir de nouvelles connexions avec aise, un normal qui vous permettrait d'avoir du monde autour de vous dès que vous en sentez le besoin, un normal qui ne serait pas impacté par la souffrance, la fatigue, la différence (même si cela devait impliquer de regarder des matchs de foots).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Combien de fois avez-vous tenté d'effleurer la surface d'une normalité de contact ? Vous installez dans un bar, un café, sur une terrasse. Rien que pour avoir l'impression d'être en compagnie d'autrui sans pour autant arriver à participer, à rencontrer qui que ce soit. A regarder les gens autour, celles et ceux qui se retrouvent régulièrement pour boire des verres, pour se retrouver, pour être ensemble au milieu de la grande cacophonie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a des gens autour de vous, dans votre vie, pourtant. Votre famille, que vous êtes terrifié de perdre, avec qui vous ne savez pas toujours comment vous connecter. Vos amis -votre autre famille, au fond- que vous adorez. Qui sont toujours là pour vous quand vous en avez vraiment besoin. Mais que, au-delà de ça, vous voyez peu même lorsqu'iels sont proches. Ce n'est la faute de personne : les emplois du temps chargés, le boulot, et encore une fois ces satanées fatigues, ces santés qui dictent une vie à laquelle on ne peut pas couper. Vous donneriez n'importe quoi pour changer ça.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pendant longtemps, vous avez imaginé être simplement solitaire. Introverti, atteint d'anxiété sociale, à l'aise chez vous, au milieu des histoires que vous consommez à travers tous ces médias. Mais plus le temps passe, et plus vous avez faim de contact, de présence. Plus vous en avez besoin. Le vide qui vous dévore, vous lui donnez enfin un nom : la solitude, celle que vous n'arrivez pas à gérer. Et malgré l'introversion, l'anxiété sociale et la timidité, vous avez ce besoin d'être auprès des gens, de vous ruez dans le bruit, de sentir des bras autour de vous, d'atteindre quelque chose de tangible, au-delà de l'écrit et des pensées.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a la solitude amoureuse, aussi. Qui vous ronge parfois de l'intérieur, juste quand vous pensiez que cela ne vous manquait pas tant que cela. Il y a un manque affectif auquel vous avez de plus en plus de mal à faire face. Un désir de connexion, de partage, de contact que vous recherchez sans cesse, et que vous trouvez si rarement. L'exaltation de rencontrer une nouvelle personne, de sentir quelque chose cliquer à un niveau indéfinissable. Le manque du pur contact physique, et vous ne parlez pas du sexe, mais de quelque chose à la fois de plus simple et de plus fort : une main dans la vôtre, être dans les bras de quelqu'un et prendre quelqu'un dans ses bras. Une présence contre laquelle vous pouvez vous laissez aller, dépasser vos agaçantes barrières, et une présence que vous pouvez offrir en retour. D'en être privé, vous avez l'impression de perdre quelque chose de fondamental. De vous racornir, faut de liens. Et des liens de toutes sortes, vous en avez besoin bien plus que vous ne le croyiez un temps. Vous ne savez juste pas comment vous y prendre. Comment refaire face à la vie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il est si rare pour vous d'approcher ne serait-ce qu'une telle opportunité, et vous ne savez pas comment les trouver. Vous ne rencontrez pas beaucoup de nouvelles personnes -de moins en moins, il vous semble parfois- et vous ne sauriez pas trop comment vous y prendre. Il y a les applications de rencontres, auxquelles vous vous essayez, mais des heures passées à scroller n'apportent pas de réels résultats. Il y a des choses que vous n'arrivez pas à trouver -ni même à simplement imaginer- avec juste quelques photos et une vague description (et puis il faut bien dire que la grande majorité des gens là-dessus ne parlent que de faire le tour du monde en ski après avoir grimpé l'Everest juste avant le petit-déjeuner et après le dernier grand voyage. C'est épuisant. En plus, vous seriez prêt à parier qu'il y en a qui aiment Abba.)</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Une fois de plus, vous vous sentez inadéquat. Vous avez peur de le devenir de plus en plus, de vous éloigner malgré vous de celles et ceux qui vous aiment -et que vous aimer- de finir un jour par les perdre, et de vous retrouvez vraiment et définitivement seul. Vous avez peur de ne plus rencontrer qui que ce soit, d'être à jamais perdu dans la masse, au milieu de personnes que vous ne savez plus comment atteindre, comment trouve.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et pour vous, vous savez maintenant qu'il n'y a rien de plus vide que d'être seul.</p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlDe l'infinité des librairiestag:plumederenard.hautetfort.com,2023-05-02:64412312023-05-02T20:03:05+02:002023-05-02T20:03:05+02:00 Vous aimez les librairies. Ce qui ne devrait pas être une surprise...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous aimez les librairies. Ce qui ne devrait pas être une surprise pour quiconque vous connaissant un tant soit peu. La lecture, ça fait partie de vous à un point tel que dès la petite enfance, vous en êtes devenu indissociable. <strong>(1) </strong><span style="font-weight: normal;">Et où trouve-t-on des livres ? Dans les librairies, pardi ! Et dans les bibliothèques, bien entendu, mais vous êtes moins attiré par ces dernières. Vous y allez rarement, tout simplement parce que vous oubliez que vous en avez l'opportunité la plupart du temps, et que quand vous en ressortez, c'est presque toujours sans rien avoir trouvé. Il y a quelque chose dans l'ambiance de bibliothèque -du moins celle de votre ville- qui ne vous happe pas autant que vous n'auriez cru. Vous ne savez pas pourquoi. Vous aimeriez bien être un capybara (le meilleur rongeur) de bibliothèque. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Vous vous sentez tout de suite plus chez vous en libraire. Notamment la grande librairie de la ville, où vous effectuez la grande majorité de vos commandes et achats livresques. Vous vous y sentez toujours bien, il y règne une activité bourdonnante mais agréable, et vous vous sentez un peu lié aux client.es qui arpentent ses rayons, toustes uni.es dans la recherche du bon bouquin pour le bon moment (il ne faut jamais sous-estimer la force du bon moment, qui peut faire et défaire les livres les plus formidables comme les plus inattendus). Même lorsque vous n'avez aucun objectif en tête, si vous êtes en ville et que vous passez à côté, vous allez y rentrer. Aussitôt à l'intérieur, c'est comme de faire escale dans une jolie gare sur le trajet en train de votre vie (ou quelque chose dans ce goût-là). Du moment que vous êtes en librairie, le monde au-dehors s'arrête ou, du moins, ralentit un peu. Du moment que vous êtes en librairie, tout est possible. Du moment que vous êtes en librairie, le multivers vous tend les bras.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Récemment, la chouette </span><strong>(2)</strong><span style="font-weight: normal;"> libraire du rayon anglais vous a recommandé un roman de science-fiction touchant justement à la théorie des mondes parallèles, ici mise en pratique dans un récit d'une diabolique efficacité ! Il s'agit de « Dark Matter », de Blake Crouch. Un livre que vous avez dévoré en deux séances au cours de la même journée, ce qui n'était pas forcément partie gagnée ! Mais suite à un début plutôt terre-à-terre, l'intrigue a su vous captiver, mettant en scène les mondes parallèles à l'aide d'une imagerie puissante et d'un scénario finement maîtrisé ! Mais, plus que tout, vous pensez qu'on mesure un livre à l'impact qu'il continue d'avoir sur nous, et celui-ci vous trotte encore dans la tête des jours après, et vous y repenserez sûrement ici et là tout au long de votre futur.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Tout ceci vous amène au thème des décisions prises, des issues évitées, des actes manqués et des rêves inassouvis, réalisés ou qui se sont vu changés suite à une cascade de décisions semblant au préalable sans importance. Et cela vous fait réfléchir. A ce que votre vie serait, si ces variables étaient rentrées en jeu à des moments charnière. Si vous aviez fait ceci à la place de cela. Si vous aviez osé. Peut-être seriez-vous alors quelqu'un de totalement différent, aujourd'hui. Peut-être que ces possibilités -cette infinie variations de vous- vous auraient propulsés sur des routes qui vous sembleraient aujourd'hui totalement impossibles, inimaginables, voir farfelues ! </span><strong>(3)</strong><span style="font-weight: normal;"> </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> C'est le genre de questionnement qui vous anime, depuis quelques mois. Une soudaine reprise de conscience de votre mortalité, de la vie qui défile à vitesse grand v telle un vol d'oies aux becs ouverts sur une remise en question de leur existence et oh purée est-ce qu'on n'est pas en train de foncer sur cet avion et qui se rappelle du cheminohseigneurnonpitié... ! Et se dire que la mort arrive, si ce n'est pas facile à avaler (même avec une cuillère de miel), c'est aussi se rappeler qu'avant, il y a la vie. Et franchement, être en vie, vous trouvez ça plutôt chouette. Malgré toutes les difficultés que ça représente. C'est banal, on vous dira, mais les banalités ont leur importance, surtout lorsqu'il s'agit de continuer à faire un pas derrière l'autre. Sans les banalités, on n'en serait pas là. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> C'est banal, aussi, de se demander comment sa vie aurait tourné si des décisions différentes avaient été prises. Si on était allé jusqu'au bout de tel rêve, de telle idée, de telle lubie. On si on avait évité ceci, cela, si on n'avait pas engagé la conversation avec cette personne, ou si on avait osé parlé à celle-ci. Est-ce que le sens de la vie se trouve dissimulé derrière l'une de ces portes, tel un chat Schrödinger (la réponse étant que peu importe l'état du chat, ce dont est sûr c'est qu'il sera peu jouasse à l'ouverture) ? </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Dans une autre vie, peut-être que vous auriez échappé aux tares qui vous poursuivent. Peut-être que vous seriez « un élément productif de la société ». Peut-être que vous seriez dans un corps plus sain, un esprit plus sain, une vie moins douloureuses. Peut-être que vous seriez de ces gens qui, plutôt que de lire des livres, se content de quelques décorations froide et blanches dans un appartement artistiquement vidé. Peut-être que vous auriez DEUX plantes vertes (ce qui ferait de la compagnie à Pamela, la plante grimpante qui vous suit depuis plus ou moins dix ans, fidèle constante végétale de votre vie hors du nid parental). Peut-être que vous seriez devenu paléontologue, suivant votre rêve d'enfant jusqu'au bout (trop de poussière et de genoux par-terre, le dos tout plié). Peut-être que vous seriez écrivain, à la suite d'un autre rêve lointain. </span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Dans une autre vie, peut-être que vous auriez une famille. Non pas parce que c'est ce que la société aurait voulu, mais parce que vous auriez eu envie de la fonder, cette famille. Avec la bonne personne (qui, comme les bons livres, dépendent souvent du bon moment). Vous y pensez souvent, dernièrement. Non pas que vous regrettiez tant que ça que cela ne soit pas le cas, mais parce que cette vie vous semble tant aux antipodes de celle que vous vivez actuellement, qu'elle en devient souvent curieuse. Connaître ce que cela implique d'avoir des enfants, des êtres issus en partie de vous, avec lesquels existe un lien qu'on ne peut comprendre autrement. Qu'on ne peut qu'imaginer. Parfois, vous vous demandez si par vos choix, vous vous êtes coupé de quelque chose d'important, d'unique, du cosmique pur à l'échelle humaine. Mais cela n'est pas pour vous, une vie comme ceci. Vous n'êtes probablement pas équipé pour. C'est le regret de la curiosité qui vous saisit parfois, ou du moins est-ce ainsi que vous le vivez. Parce qu'il serait probablement trop dur de faire autrement.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Peut-être qu'il y a une vie où vous auriez parlé à cette personne. Peut-être qu'il y a une vie qui vous attend, quelque part dans les recoins du multivers comme dans les recoins de la libraire où chaque livre s'ouvre sur un nouveau monde.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Peut-être... Il y a quelque chose dans un bon « peut-être », ou du moins un « peut-être » radicalement différent, qui se trouve être plutôt séduisant, souvent triste, parfois difficile. Peut-être que vous pourriez être quelqu'un de profondément différent, si les dés étaient tombés différemment, si vous aviez agi différemment, si vous aviez osé différemment...ou peut-être qu'au finale, vous seriez juste vous, à nouveau. Et quoi qu'il arrive.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"><span style="font-weight: normal;"> Qui que vous seriez alors, vous espérez juste que dans l'infinité des réalités possibles, il y aura pour vous toujours une librairie.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; border-top: none; border-bottom: 1.00pt solid #000000; border-left: none; border-right: none; padding: 0cm 0cm 0.07cm 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><ol><li><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Tout ça grâce aux dinosaures. Vous avez appris à lire en recopiant des nom de dinosaure de mémoire, avant même vos premiers jours d'école. Les dinosaures, c'est chouette. Voilà. Vous aviez juste envie de cette petite précision qui a sans doute changé votre vie.</p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous aimez les livres, et vous aimez les mots. Une suite logique, on vous dira, ce qui ne la rend pas moins...chouette ! Chouette étant votre mot favori lorsqu'il vous vient en tête de dire du bien de qui ou quoi que ce soit. Il y a juste quelque chose de profondément joyeux et sincère dans ce mot qui peut tout aussi bien devenir une expression sincère qui, pour vous, veut dire beaucoup !</p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Surtout celle avec la chèvre jaune !</p></li></ol>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlCrise de réalitétag:plumederenard.hautetfort.com,2023-01-09:64214412023-01-09T20:07:29+01:002023-01-09T20:07:29+01:00 Vous êtes terrifié. Votre crâne résonne sans cesse, comme la...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous êtes terrifié. Votre crâne résonne sans cesse, comme la sensation du vertige lorsqu'on ôte le vertige : vous ne vous cognez pas partout en manquant de tomber, mais la cloche invisible vibre sous vos cheveux. Une nouvelle constante qui vous a assailli progressivement, avant que vous ne remarquiez enfin que c'était là.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais ce n'est pas ce qui vous fait peur. Non, cette peur est primale, ancienne, universelle et, en ce moment totalement hors de contrôle. Vous avez peur de la fin. Sans raison palpable outre que son inéluctabilité. Tout à commencer il y a plus ou moins deux semaines où, perclus par vos soucis d'endormissements, vous avez repensé à cette maladie fort rare se traduisant à terme par un trouble de l'insomnie fatale. Vous aviez par hasard appris son existence quelque temps auparavant, la classant aussitôt sur la liste des choses terrifiantes dont vous auriez nettement préféré continuer d'ignorer l'existence (comme la sortie d'un nouvel album de ABBA ou l'existence des mars frits écossais). Et en y repensant, votre esprit a immédiatement cru bon d'en faire le point d'orgue de vos angoisses, les concentrant instantanément (comme des nouilles) sur la fatalité inexorable d'un tel diagnostic. Une angoisse irraisonnée, certes, mais n'est-ce pas là le sens des angoisses ? Et, plutôt que de s'arrêter là, cette fixation a ouvert la porte à cette ancienne peur que vous aviez réussi à mettre de côté depuis bien longtemps : la peur de la mort.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">A l'âge de douze/treize ans, la soudaine prise de conscience de votre mortalité vous avait plongé dans la première dépression de votre vie, allant jusqu'à vous faire manquer une ou deux semaines d'école à son paroxysme. Les années passant, la peur s'était étiolée, nageant à une distance de sécurité de vos craintes jusqu'à devenir diffuse, lointaine.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et voilà que vous replongez en plein dedans.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce n'est pas la peur de tomber raide mort là tout de suite, mais la peur de l'inévitabilité de la chose. Le fait de savoir que, quoi qu'il arrive, cela va bien vous arriver un jour. Cette réactualisation de cette crainte s'est cristallisée en vous au point de constamment parasiter vos pensée depuis une quinzaine de jours. La cessation de l'existence -et l'incompréhension que cela représente- vous paralyse, un gouffre constant s'agitant au creux de votre estomac. Vous n'arrivez pas à vous changer les idées. Films, jeux, séries, lectures ne vous offrent que quelques minutes de répit ici et là avant de replonger votre esprit dans la terreur. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que le tout s'accompagne de ce que vous qualifieriez de « crise de réalité ».</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a de ces gens qui s'extasient de l'infinité de l'univers et du miracle que notre existence représente. En ce moment, vous trouvez cela infiniment terrifiant plutôt que réconfortant. L'existence vous apparaît comme absurde. Pourquoi l'univers, pourquoi la Terre, pourquoi l'humanité, la vie, pourquoi vous ? Plus rien n'a de sens, au point que vous avez de la peine à vous concentrer sur le monde autour de vous. Vous pouvez vous mettre à contempler votre fourchette d'un air effaré, comme frappé de l'absurdité de son existence.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous avez beau essayé de vous rassurer -vous êtes, de ce que vous en savez, dans une santé physique décente, et à 36 ans vous pouvez encore vous considérer comme jeune- rien n'y fait. La peur est là, surgissant à tout moment au premier pan de votre esprit, vous figeant sur place, déversant en vous les affres de l'angoisse ; et le reste du temps, vous la sentez là, diffuse, tandis que tout vous paraît absurde, aléatoire, dépourvu de sens. Vous regrettez terriblement de ne pas croire en la moindre puissance supérieure. Vous n'arrivez pas non plus à en parler vraiment, vous sentant ridicule. Il y a des problèmes bien plus tangibles, actuels, qui taraudent le monde autour de vous. Vous n'êtes pas malade, vous n'êtes pas condamné, vous n'avez aucun raison d'être à ce point désespéré. Même si vous savez que les angoisses -et les crises qui vont avec- sont irrationnelles, vous en avez presque honte. Mais c'est en train de vous dévorer de plus en plus, aussi essayez-vous de l'exprimer à travers quelques mots tapés sur votre clavier. Essayer de faire un peu sortir tout ça, d'une manière ou d'une autre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Il y a aussi la peur d'un futur possible, pas encore concret, qui ne se réalisera peut-être pas, mais qui vous pèse plus que vous ne le croyiez. Les antécédents de souffrance mentale et de sénilité dans votre famille maternelle, l'inconnu de ceux de votre famille paternelle. Avez-vous une voie toute tracée menant au brouillard cérébral, à la perte de vous-même avant la mort elle-même ?</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et vous ne savez pas comment arrêter de penser à tout. Comment ignorer ces peurs qui ont longtemps été tenues à distance. Comment vous concentrer sur le moment qui compte: l'instant présent. Et dans ces cas-là, vous vous sentez également dévoré par une solitude qui prend de plus en plus de place. Vous commencez à vous dire que le fait de vivre seul, sans présence régulière, commence à vous peser. L'absence d'une présence solide, de contacts affectifs, de contacts physiques (pas uniquement romantiques ; simplement la sensation de la peau de quelqu'un d'autre contre la vôtre, d'un bras autour de vos épaules, d'être pris dans les bras et de prendre dans les bras. De pouvoir vous abandonner à une intimité que vous n'arrivez pas à retrouver.) Vous ne savez plus quoi trouver pour vous sortir de cette angoisse existentielle actuellement permanente, quoi trouver pour vous rappeler qu'il s'agit avant tout de vivre sa vie dans le présent et d'en profiter au maximum, sans craindre sa fin en permanence.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Alors vous espérez que ça finira par passer. Que cet état ne sera pas constant, parce que vous ne sauriez pas comment le gérer. Vous espérez juste de pouvoir, enfin, retrouver la beauté de simplement se sentir en vie.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">D'être, enfin, rangé au côté du miracle plutôt que de l'absurde.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlLe bouchon et l'aspirateurtag:plumederenard.hautetfort.com,2022-05-25:63837022022-05-25T14:12:55+02:002022-05-25T14:12:55+02:00 Voilà bien longtemps -des années et des années!- que vous n'aviez pas tenté...
<p>Voilà bien longtemps -des années et des années!- que vous n'aviez pas tenté une petite historiette, dans cette petite version fictive du quotidien qui vous avait longtemps accompagné. Vous ne savez pas trop pourquoi, mais aujourd'hui, vous avez eu soudain l'occasion de vous y replonger, l'espace de quelques mots.<br /><br /><strong>____________________________________________________________________________________</strong></p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous n'auriez jamais dû passer l'aspirateur. Pas aujourd'hui. Vous l'aviez senti. Si si, parfaitement. C'est une de ces fameuses journées. Où il va se passer quelque chose, de manière totalement inévitable. Tellement inévitable que finalement, vous n'auriez pas passé l'aspirateur, quelque chose d'autre serait arrivé. Les vitres auraient éclaté subitement sous le doux contact du chiffon, le lait aurait explosé à peine sorti du frigo, quelqu'un aurait sonné à la porte avec une sommation venue de nulle part comptant vous expulser d'ici la fin de la semaine avant de saisir votre chat.<strong> (1)</strong> Au fond, ce n'est pas plus mal qu'il ne s'agisse que de l'aspirateur. On peut vivre sans aspirateur. Avec assez de poussière, on pourrait sûrement se rouler dedans comme avec la neige. Évidemment, vous êtes allergique, donc vous seriez plutôt en train de vous rouler dans les restes palpitants de vos poumons expirés par le nez, mais il n'empêche que ça resterait possible.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">L'aspirateur, donc. Une de vos fonctions attitrées dans la répartition du planning. Entre les courses de la semaine, l'organisation de la paperasse et tout un lot des petites choses du quotidien. En terme de ménage, vous êtes capables de vous en sortir avec n'importe quoi pourvu qu'il ne s'agisse pas de repassage. Vous n'avez jamais repassé un seul de vos vêtement dans toutes vos décennies d'existence. Vous n'en êtes pas fier, mais vous ne le regrettez pas non plus. C'est un concept qui vous a toujours paru particulièrement étrange, cette manie de vouloir défroisser à tout prix des vêtements qui finiront chiffonnés d'ici la fin de la journée. Peut-être parce que vous avez tendance à ne porter que des t-shirt, et que si on rassemble quelques vêtements disparates, vous avez à peine un costume complet dans le lot. Et puis vous avez toujours peur d'être attaqué par le fer à repasser. Un objet beaucoup trop lourd et beaucoup trop chaud pour vous inspirer la moindre confiance. De plus, petit, vous vous étiez coincé une jambe dans la table pliante (vous vous êtes coincé au moins une jambe dans la plupart des accessoires pliants de la planète, à ce jour). Du coup vous êtes prêt à faire tout le reste, mais s'il y a quelque chose à repasser, vous passer la main. De préférence pour qu'elle ne finisse pas sous le métal brûlant parce que vous étiez trop occupé à penser à quelque chose de beaucoup plus intéressant que le repassage.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous avez toujours assumé le reste de vos fonction avec l'acceptation tacite de quelqu'un qui reconnaît la valeur du compromis. Vous ne diriez pas exactement que vous le faite avec entrain <strong>(2)</strong>, mais vous le faites naturellement. Ayant longtemps vécu seul, dans cette étrange période suivant le départ de vos parents et l'emménagement avec celle qui partage définitivement votre vie, c'était de toute façon votre prérogative. Vivre à deux n'y changeant rien, d'autant que vous êtes celui qui travaille à la maison, et qui peut se permettre le luxe de gérer son temps d'une manière optimisée (même si vous risquez de mettre deux heures pour changer une ampoule parce que les étapes sont aussi nombreuses que délicates, et que c'est fou le nombre d'autres tâches importantes et immédiates que l'on rencontre sur son chemin lorsqu'on a pourtant décidé de s'appliquer précisément à une autre). L'aspirateur fait simplement partie de votre part. Une fois par semaine, vous le sortez pour pour quelques instants de vrombissement furieux (et une semaine sur deux, vous y ajoutez un bon coup de panosse). Il y a le nettoyage de la salle de bain, aussi le même jour, mais cela demanderait une autre chronique à elle seule.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">L'aspirateur, donc, ne vous a jamais dérangé plus que ça. Le bruit couvre de manière bienheureuse vos vocalises approximatives (vous faites partie de ces gens-là qui prennent à cœur le « chantant en travaillant »), et vous vous laissez tirer par l'objet plus que vous ne le dirigez vraiment avec la plus redoutable des précision. Vous le laissez tressauter entre vos mains, entraîné dans son sillage comme dans celui d'un cochon à la recherche de sa précieuse truffe (vous n'avez encore jamais trouvé de truffe chez vous, hélas.). Il s'agite, vibre et se secoue parfois comme un grand-huit, mais vous finissez toujours par aller dans les moindre recoins, derrière les meubles, sous le canapé et partout là où il est nécessaire d'aller vrombir. Ce qui plaît très moyennement à petit chat qui, dès qu'il entend le redoutable appareil lancer sa première note, file se cacher quelque part, généralement au fond d'une pantoufle.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ce n'est pas une bête qui en demande beaucoup, l'aspirateur. Il suffit de changer son sac de temps en temps (la recherche du sac en question prenant à peine moins de temps que le changement d'une ampoule), de préférence avant qu'il n'implose, et d'éviter de se prendre les pieds dans l'appareil lorsqu'on est un tantinet distrait. Au jour d''aujourd'hui, votre canapé a essayé de vous tuer plus de fois que votre aspirateur, ce qui est plutôt une bonne chose. Vous avez confiance en votre aspirateur. Vous le connaissez, maintenant. Vous n'avez pas à vous en méfier comme l'un de ces petits aspirateurs automatiques, dont la rondeur bonhomme cache sans doute de sombre secrets et qui, s'il passait moins de temps à se cogner dans les murs comme une souris ivre, serait sans nul doute en train de planifier le soulèvement des machines.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais rien n'est parfait, pas même votre fidèle aspirateur, et encore moins cette journée qui vous fait dire depuis le début que le monde entier aurait mieux fait de rester couché. Il suffit de peu de choses : cet innocent bouchon de bouteille d'eau en plastique, tombé derrière un meuble il y a probablement trois ou quatre couches géologiques de cela. Sa rencontre avec l'aspirateur. Le bruit effroyable et soudain de l'objet crissant à l'intérieur du tube en métal comme une poule effarée jetée dans une machine à laver (faisant manquer quelques battements à votre petit cœur surpris – et faisant sauter une pantoufle d'au moins un mètre au-dessus du sol vous renseignant sur la présence exacte de petit chat), le souffle soudain asthmatique de la bête (l'aspirateur, pas le petit chat), le manque flagrant d'aspiration... Et, après inspection, le triste constat du fameux bouchon logé solidement en plein cœur du tuyau, comme une pâte avalée trop vite lors d'un dîner mouvementé.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Après avoir vainement secoué le tuyau dans tous les sens, vous réalisez avec un effroi palpable (au moins) que le sinistre morceau de plastique est bel et bien coincé. Et même muni des ustensiles les plus longs et fins (dont une astucieuse et inutile construction en baguette chinoises née des espoirs les plus fous d'un cerveau alors ravagé par le doute <strong>(3)</strong>), impossible de l'en déloger ! Découragé, sur le point d'abandonner pour l'instant, vous avez alors repéré un détail d'intérêt : une vis fixant le long tube en métal au reste, plus épais, du tube en plastique. Ce qui présentait une solution alors évidente, mais aussi compliquée par le fait suivant : si le ménage, globalement, ne représente pas pour vous une épreuve, le bricolage est à un tout autre niveau. Probablement celui de la Fosse des Mariannes, en ce qui vous concerne. Clouer deux planches de bois ensemble revient à éviter de justesse l'apocalypse quand c'est dans vos mains que reposent l'espoir d'accomplir une telle tâche. Malgré tout, refusant d'abandonner (vous auriez dû), vous avez plongé dans divers tiroir à la recherche d'un tournevis, attaché à un couteau suisse coincé dans au moins trois autres objets (bien sûr, il était dans LE tirroir de la cuisine. Celui où sont cachés tous les objets qu'on cherche sans arrêt, sans préoccupation de leur fonction première, le tout étant bien entendu emmêlé d'une manière grotesque, et bloquant le tiroir d'une manière telle qu'il vous faudrait au moins trois ans d'ingénierie pour réussir à vous en sortir sans que cela ne soit encore pire).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">C'est donc après moult efforts et un acharnement de plus en plus nerveux que vous êtes enfin parvenus à dévisser la chose...pour voir du plastique exploser soudain entre vos doigts une fois la tension relâchée (voilà, vous saviez bien que quelque chose allait finir par exploser aujourd'hui). Vous regardez, sans comprendre -mais aussi sans grande surprise, de cette façon résignée qu'on les gens de constater les dégâts- les petits bouts de plastique ayant ricoché ici et là dans la cuisine. Avec, entre les mains, un tuyau de métal certes débarrassé de son bouchon, mais aussi -et c'est là où ça devient un brin plus embêtant- du reste de l'aspirateur. Comment ? Vous n'en avez aucune idée. Est-ce que cette vis était le le dernier sceau empêchant la fin du monde, vous ayant ainsi fait relâcher les quatre cavalier de l'apocalypse et tout ce qui s'ensuit ? Dur à dire, par les temps qui court. Toujours est-il que vous vous retrouvez tristement en train de maintenir comme faire ce peut le tuyau dans le reste de la machine, réussissant machinalement à terminer la tâche de nettoyage, le dos voûté comme une petite vieille ployant sous les sacs de légumes (dont sort toujours une carotte avec son beau plumeau vert de feuille. Vous n'avez jamais vu de carotte comme ça quand vous allez au marché. Les petites vieilles doivent toutes les prendre avant vous). Votre esprit enfiévré imagine un instant de scotcher le tuyau à l'autre, avec un de ces gros scotchs qui réparent, on le sait, n'importe qui n'importe quand, mais la solution vous paraît temporaire, à la manière d'un sparadrap mental sur la blessure béante de votre psyché en détresse, destinée à vous réduire à l'état d'un trou noir aspirant (ah ah!) petit à petit chaque aspect de votre âme jusqu'à ne laisser de vous qu'une coquille vide sur le sol de la cuisine.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Là, votre morceau d'aspirateur dans les mains, vous devez avoué que vous sentez non pas bête, mais soudainement affreusement triste. Comme lorsqu'un événement des plus mondains fait sauter quelque chose en vous qui s'était tranquillement amalgamé jusqu'à ce qu'il trouve la bonne raison de déborder. La noirceur, le vide, l'entropie attendant toute chose -et tous les gens- qui vous entourent. Quand votre tendre moitié finit par rentrer, vous êtes toujours là, pensif. Un peu cassé vous aussi. Peut-être avec toujours moins de vis. Petit chat ronronne sur vos genoux depuis tout à l'heure, et vous acceptez une main solide pour vous relever. Un échange de regard suffit, le contact de sa peau contre votre peau produit une étincelle. L'aspirateur attendra. Ça se répare, où ça se change. La ruine de votre esprit est toujours là, toujours pas loin de déborder, de prendre le dessus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais ce soir encore, vous n'êtes pas seul. Votre vie continue de se construire, fragile mais toujours nouvelle. Ce soir, le reste peut attendre.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Au moins jusqu'à la semaine prochaine.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;"> </p><p style="margin-bottom: 0cm; border-top: none; border-bottom: 1.00pt solid #000000; border-left: none; border-right: none; padding: 0cm 0cm 0.07cm 0cm;"> </p><ol><li><p style="margin-bottom: 0cm;">La sonnerie de la porte, c'est toujours une mauvaise nouvelle. Ou plutôt, vous êtes constamment persuadé que cela ne peut être qu'une mauvaise nouvelle. Généralement sous la forme d'un monsieur inquiétant pourvu d'un costard noir et de lunette de soleil destiné à vous arracher votre chat pour toujours parce que vous avez payez une facture en retard il y a trois ans et six semaines. Vous êtes de ces gens qui vous sentez coupable par défaut. Peut-être que c'est vous qui avait fait ça, mais si, vous savez, ça !</p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Vous vous méfiez terriblement des gens qui persistent à dire qu'iels aiment faire le ménage.</p></li><li><p style="margin-bottom: 0cm;">Et le désespoir. Par le doute, et le désespoir.</p></li></ol>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlChuter sur placetag:plumederenard.hautetfort.com,2022-05-18:63824992022-05-18T00:52:12+02:002022-05-18T00:52:12+02:00 C'est comme dégringoler, encore et toujours, la terre juste sous les pieds...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">C'est comme dégringoler, encore et toujours, la terre juste sous les pieds mais toujours hors de portée. Vous tombez depuis si longtemps que vous n'avez tout simplement plus l'impression de bouger. Tout est la même chose. C'est autour de vous que tout se passe vite, que le temps, les autres filent à une vitesse qui vous monte à la figure mais ne vous touche même pas, ne réussissant pas à vous entraîner au passage malgré tous leurs effort. Et les efforts ils en font, ils tendent le bras, ils tendent leur cœur, ils tendent leur âme, mais vous n'arrivez même plus à les effleurer du bout des doigts.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous tombez en sur place. Aspiré par le vide, bien sûr, mais aussi retenu par ces réserves d'énergies bornées plantées en vous, qui vous tirent dans l'autre sens au point de vous tordre de plus en plus, vous empêchant de basculer pour de bon dans ce vide qui vit avec vous depuis toujours. Depuis avant même votre naissance, quand le vide s'attaquait déjà sournoisement à votre mère. Votre mère que le vide torture aujourd'hui à travers son esprit et sa mémoire, faisant d'elle une personne si différente qu'elle pourrait aussi bien ne plus être votre mère. Elle n'est plus votre mère. Le vide l'a tué, à sa manière, en la laissant debout, et vous commencez à peine à faire le deuil. Le deuil de la sagesse de votre parrain, emporté lui aussi par son propre vive il y a bientôt un an. Un rocher de votre existence effrité en un instant, des souvenirs comme de la poudre entre les doigts et une incapabilité de votre part à en souffrir autrement qu'en faisant le mur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Le mur face aux vide, ce mur qui vous aura permis de tenir jusqu'à aujourd'hui malgré les épreuves et les effondrements. Ce mur qui siphonne chaque jour un peu plus de votre énergie pour lui permettre de rester dressé face à tout ce que peut vous envoyer la vie dans les dents. Ce mur, générateur de cette endurance têtue qui vous aura permis de gérer et de survivre à des situations compliquées, qu'il s'agisse d'une crise de schizophrénie matérnelle alors que vous étiez enfant, en vacance avec elle, dans une chambre d'hôtel. Une endurance qui vous a fait mettre de côté les brimades et les insultes, mais aussi les espoirs placés en vous qui n'ont jamais aboutis. Une endurance qui vous permet d'être fonctionnel malgré votre atypie, malgré vos faiblesses, malgré votre fatigue, malgré vous manques. Une endurance qui vous permet non pas vraiment d'avancer, mais de ne pas basculer dans l'oubli et le désintérêt le plus total. Une endurance qui vous coûte tellement d'énergie que vous n'en trouvez plus pour écrire, rêver, imaginer. Autant d'éléments de votre vie pendant longtemps aussi essentiel que chacune de vos respirations qui s'en vont de plus en plus loin, vous asséchant l'esprit comme le beurre étalé trop longtemps sur la tartine de Bilbo.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Où est passé celui que vous étiez ? Celui qui écrivait constamment un projet ou un autre, qui se lançait d'histoire en histoire sans même les terminer parce que ce qui comptait c'était de faire naître les idées là où elles venait. Il y avait tous les vous imaginés par d'autres : celleux qui vous voyaient brillant, paléontologue, libraire, bibliothécaire, écrivain, universitaire, même employé de commerce quand il n'y avait plus que le dépit. Mais pour les grandes aspirations comme pour les petites, le vide a continué de vous précipiter dans cette chute sans fin et sans impression de mouvement. Et votre énergie, siphonnée par vos mécanisme de défense. Pour être fonctionnel. Pour vivre au jour le jour, faire vos courses, entretenir votre appartement, vos factures, tout ce qui est nécessaire. Au point où la seule idée d'en arriver à la prochaine lessive vous terrifie tellement que vous sentez les larmes vous monter aux yeux et votre esprit épuisé se tordre face à la répétition des tâches essentielles.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous persistez. Vous ne basculez jamais totalement dans le noir, vous ne coupez jamais tous les ponts, vous gardez un peu de cette énergie pour cela, pour ne pas faire du mal à vos proches, ou du moins le moins possible, en vous retirant d'eux. Des proches qui vous soutiennent de leur mieux, de manière indéfectible et inconditionnelle, et que vous aimez tellement, même si vous savez de moins en moins comment le montrer. Des proches qui ne suffisent pas à étouffer la solitude glaciale qui vous dévore de l'intérieur, vous donnant l'impression de vous ratatiner un peu plus vers l'intérieur chaque jour comme un trou noir qui s'écroule. Comme le vide. Comme de rêver chaque nuit d'une solitude vaincue, d'une vie vécue, d'une personne trouvée, et de vous réveiller chaque matin pour réaliser une fois de plus qu'il n'en est rien. Vous l'avez déjà dit, mais rien n'a changé : ce ne sont pas les cauchemars que vous redoutez. Ce sont les beaux rêves. Ceux qui se terminent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Une solitude qui vous étouffe. Un manque d'intimité que vous n'arrivez pas à trouver qui vous recouvre comme des sables mouvants. Un désir -non, un besoin- de contact physique, à un point tel où le manque en devient douloureux, comme si votre peau brûlait de l'absence d'une simple étreinte. Un contact physique que vous n'arrivez pas à trouver chez votre famille, chez vos amis, où chaque interaction de ce type est pour vous presque aussi douloureuse, remplie de tension et d'une résistance que vous n'arrivez pas à repousser. Rares sont les gens avec qui un tel contact vous met à l'aise. Il n'y a pratiquement que dans l'intimité d'une relation de couple que vous arrivez à vous y abandonner, à ce contact tant rechercher. A vous en nourrir, vous en apaiser. L'absence de cette intimité de couple, voilà qu'elle vous pèse de plus en plus, elle aussi. Jamais vous n'êtes autant vous-mêmes, autant à l'aise, qu'avec la bonne personne. Mais à quoi bon ? Qu'avez-vous à offrir à qui que ce soit dans le domaine amoureux ! Comment pourriez-vous assumer quoi que ce soit ? Être la personne que l'autre mérite ? Seriez vous capable de vivre avec quelqu'un ? D'apporter la moindre chose qui pourrait pousser une personne à vous aimer ? Vous avez perdu cette illusion. L'autre personne méritera toujours mieux, quelqu'un de plus fort. C'est une des choses que vous désirez le plus -vous plongez dans les bras de quelqu'un, être vous-mêmes, vous sentir en sécurité...et offrir sécurité vous aussi- et parfois vous avez l'impression qu'il y a quelque chose, que vous pourriez.... Vous ne savez pas comment ça marcherait. Vous avez tellement envie d'aimer, sans imaginer en être digne, sans imaginer que vous pourriez suffire à quelqu'un. Vous serrez contre vous un coussin, une peluche, avec l'énergie du désespoir, et vous gardez dans votre tête un fragment de souvenir, de quand cela vous paraissait possible, avec la bonne personne. L'espoir. La plus douloureuse des énergies qui s'amenuisent.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Parfois, quand le vide recule un peu, vous souffler pendant quelque temps. Vous êtes plus à ce que vous faites, vous vous sentez moins seul au milieu des gens, vous profitez de vos activités et de vos proches tant que ça dure. Mais de moins en moins d'écriture, de moins en moins d'énergie pour autre chose que cette énergie du fonctionnel, pour continuer de gérer votre vie de tous les jours plutôt que de vous écrouler et de vous laisser aller sans considération pour les gens autour de vous. Ce dont vous espérez rester incapables jusqu'au bout, quel que soit le prix à payer.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">C'est comme dégringoler, encore et toujours, la terre juste sous les pieds mais toujours hors de portée. Tiraillé par la chute autour de vous, le vide à l'intérieur...et, parfois, une note d'espoir qui brûle dans votre cœur, ne laissant plus que des braises sur lesquelles vous ne savez plus trop comment souffler.</p>
The Kitsunehttp://plumederenard.hautetfort.com/about.htmlOù vous parlez jeu de rôlestag:plumederenard.hautetfort.com,2021-07-17:63274912021-07-17T01:29:38+02:002021-07-17T01:29:38+02:00 Le jeu de rôles sur table vous manque. A un point que vous n'auriez pas cru...
<p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Le jeu de rôles sur table vous manque. A un point que vous n'auriez pas cru possible. Peut-être parce que votre point d'équilibre bancal de ces derniers mois s'est transformé en point de rupture, vous replongeant droit dans une dépression comme vous n'en aviez plus connue depuis votre première rupture. Non, c'est pire encore. Vous avez l'impression d'avoir le cœur brisé en permanence. Pour votre mère sans doute, l'élément catalyseur, où une énième phase complexe dans la gestion de sa schizophrénie la reconduite droit à l’hôpital psychiatrique alors qu'elle avait enfin eu une chambre sympa dans une bonne institution. Comme si vous faisiez soudainement le deuil de la personne qu'elle avait été, avec qui vous connectiez sur tous ces points qui vous rapprochaient tant : la lecture de sf et de fantasy, les bds, les séries que vous regardiez ensemble, les films Marvel qu'elle aimait tant et que vous alliez toujours revoir avec elle, et toutes vos discussions sur tous les sujets du monde, avec en face une femme réduite par la vie, mais qui n'avait jamais d'ouvrir son esprit et de s'intéresser à tout, avec le plus beau respect et la plus grande bienveillance du monde. Cette personne qui n'existe plus, à la mémoire fuyante et aux centres d'intérêts tordus, détruits. Cette personne avec qui vous ne savez plus comment connecter. Et votre dépression, votre myriade de troubles psychiques qui vous rendent la vie difficile depuis la préadolescence, sans parler de la fatigue chronique, qui se reprennent plus que jamais au jeu.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais vous vouliez surtout parler du jeu de rôles, et de son manque qui prend une place de plus en grande en ce moment, au point de contribuer méchamment à votre dépression. Le jeu de rôles sur tables, il fait partie de votre vie depuis au moins vingts ans. Vous vous rappelez, jeune ado, du jour où votre mère vous avait emmené dans la seule boutique de jeu de rôles de Lausanne de l'époque, et où vous étiez ressortir avec le coffret du débutant pour Donjons et Dragons. Vous avez dessiné votre première carte, créer vos premiers personnages, écrit votre premier scénario, donné votre première partie en tant que MJ (maître du jeu).</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">MJ que vous avez toujours été par défaut, certains de vos amis si essayant parfois brièvement quand un système ou un monde les intéressaient. Mais vous avez tenus bon ! Parce que cela permettait d'en faire, du jdr, ça permettait de faire vivre des histoires, de faire jouer des joueurs qui y prenaient du plaisir et qui n'auraient pas forcément souvent joué sinon. Vous avez fait de In Nomine Satanis / Magna Veritas votre jeu de prédilection : vous adorez son univers, plus sérieux et épique que l'on ne croit, et vous avez adoré ces campagnes avec différents groupes. Les fous rires bien sûr, mais aussi des arcs narratifs aussi inattendu que bienvenus, et des histoires magiques nées des improvisations aussi bien des joueurs que de votre part. Souvent, vous aimeriez bien remasteriser ce jeu, qui a été une part si importante de votre, l'univers et le système que vous connaissez mieux. Avec de nouveaux joueurs.euses, pour faire découvrir, revivre cet univers.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous, vous n'en avait jamais fait une seule partie en tant que joueur.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous vous rappelez des conventions, notamment les conventions Orc'Idées, chaque année au début du printemps, à l'université de Lausanne. Ces moments où vous avez découvert que dans le cadre du jeu de rôles, en tant que joueur, vous pouviez vous inscrire à n'importe quelle partie et jouer entouré d'inconnus...sans que cela ne soit un problème. Vous, qui êtes maladivement timide et souffrant d'une anxiété souvent paralysante, dès que vous vous glissiez dans la peau d'un joueur de jeu de rôles et de son personnage, ça disparaissait. Et purée, si ce n'est pas l'un des sentiments les plus puissants, agréables, plein de soulagement que vous ayez jamais connu. Enfin quelque instant de libération, de pure joie, de connexion immédiates avec des gens, que ce soient vos proches ou des inconnus.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Pendant près de deux ans, vous aviez trouvé un groupe dans votre région, prenant la place d'un ami qui avait dû arrêter à cause de son nouveau boulot. Vous avez donc pu jouer pendant cette période, en joueur, et vous en gardez de bons souvenirs, même si ce n'étaient pas forcément les univers qui vous intéressaient le plus. Et puis vos chemins se sont séparés.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Vous avez remasterisé ici et là, du INS principalement. Et quand la cinquième édition de Donjons et Dragons est sortie, le coup de cœur ! Une simplification des règles tout en permettant plus de possibilités de personnages et de role play que jamais, dans des univers fantastiques ! Vous avez essayé d'en donné un peu ici et là, avant de réaliser que vous étiez un peu à plat. Ces dernières années, l'énergie a baissé de plus en plus, rendant l'écriture de quoi que ce soit toujours difficile (ne serait-ce qu'un post de forum rp pouvant vous vider de votre énergie pour la journée alors même qu'ils vous faut moins d'une heure pour en pondre un). Et l'idée de masteriser devenait de plus en plus épuisante, frustrante parce que vous vouliez jouer, frustrante parce que vous vous en vouliez d'empêcher des gens de jouer en ne portant pas la casquette du MJ.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Puis, ici et là à nouveau, par chance, vous avez trouvé trois tables Donjons et Dragons où vous avez pu joué. Aucune d'elle n'a duré plus de quatre sessions, les Mjs abandonnant ou disparaissant. Vous n'avez jamais joué comme vous le voudriez tellement : une table avec des séances régulières, avec la possibilité de faire évoluer un perso et ses interactions avec les autres sur la durée. Vous en rêvez la nuit. Le manque en est épuisant, presque physique. Vous êtes bombardés de contenu rôliste de toute part, qu'il s'agisse des bouquins sur lesquels vous craquez, des émissions sur le sujet, ou de toutes ces parties qui se mettent en place loin de vous (l'association suisse de Donjons et Dragons se concentrant beaucoup sur la Suisse-allemande). Vous avez tellement de personnages dans la tête qui ne peuvent pas sortir. Quand la dépression ne vous cloue pas au lit, à écouter de la musique pour essayer de ressentir quelque chose (et même la musique ne vous fait parfois rien ressentir du tout, ce qui ne vous étais encore jamais arrivé), ou à essayer de dormir pour passer le temps, vous pensez jeu de rôles. Vous rêves de vous y trouver une place, de jouer, de vivre ces instants de grâces où, le temps d'une partie, chaque semaine (ou toutes les deux semaines, bref, régulièrement), vous pouvez juste jouer un rôle dans un système qui vous éclate, réussissant à connecter avec des gens avec qui vous n'auriez osé causé en temps normal.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">En tant que MJ, quand vous aviez encore la foi et la force, cela permettait de tenir le coup. Rien que de voir les réactions de joueurs heureux, qui s'éclatent à leur table, qui font vivre leurs persos, qui improvisent des situations que vous n'aviez jamais vues venir (dieu que INS vous manque...)...c'était que du bonheur. Et vous espérez retrouver un peu de ça, un peu d'énergie au moins pour masteriser, pour des potes ou simplement des gens qui n'ont pas l'occasion de jouer autrement. Parce que vous vous sentez coupable de les laisser tomber.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais plus que tout, vous avez envie, vous avez besoin de jouer. D'être pendant quelques heures, de temps en temps, ce personnage qui vous permettra de vivre quelque chose, et de partager ce quelque chose merveilleux qu'est une campagne de jeu de rôles avec d'autres personnes. De vous sentir enfin capable à nouveau de créer des liens, même l'espace d'une partie chaque semaine. D'être, enfin, bien. De remonter la pente.</p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY"> </p><p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais là, cette bouée de sauvetage vous l'avez perdue, et vous ne savez plus comment la rattraper.</p>