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La gueule des statues


podcast
I Say - Pax

 

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On ne sait jamais trop quand de vieilles blessures qu’on croyait proprement cicatrisées ressurgissent soudain. C’est peut-être parce que vous êtes particulièrement doué pour vous mentir à vous-même. Les mauvais souvenirs, c’est comme le vin : plus on les ressasse, plus ils ont de parfums. Cela dit, avec le vin, on peut choisir de s’en prendre plein la gueule ; allez essayer de faire de même avec votre esprit.

 

Il y avait ces jours du temps de votre gymnase, où pendant quelques temps la vie semblait enfin plus facile. Oh, vous n’étiez pas plus prêts d’avoir un avenir que maintenant, mais au moins vous vous sentiez vivre. Vous vous rappelez le soleil pris sur les bancs ou le rebord de la fontaine, dans la cour. Des souvenirs épars s’injectent sous votre crâne comme de la mauvaise came. Ceci dit ,ç’aurait été de la bonne que vous n’auriez su dire la différence. Il y avait les rires pendant les pauses, et le Dinasty tous les mercredi midi. Plus tard, longtemps après avoir quitté ce gymnase, un premier baiser, dans cette même cour. Vos pas vous y avaient conduit ce jour là, tous les deux, d’église en un autre sanctuaire. Elle vous avait dit qu’elle aimait la beauté ancienne de ces édifices, et vous aviez ri quand elle vous avait fait remarqué que les statues de la cathédrale tiraient la gueule.

 

Une soirée avec des amis, pratiquement tous en couple. Ca parle sexe et sentiments à tout va, sautant de l'un a l'autre sur les histoires de qui saute l'autre, balayant les conception d'un temps anciens, entre pesto et sauce tomate. Non pas que cela vous choque; vous n'avez simplement rien à dire là-dessus, et c'est ce qui vous fait le plus mal. Il y a le morceau de serviette entre vos doigts que vous façonner en Sparky, petit chien boiteux aux oreilles mal taillées, et un refuge dans les escaliers.

 

Petit, vous couriez sur la route qui menait à l’étang du Lary. Les graviers glissaient sous vos chaussures. Là encore, le soleil sur votre peau, il faisait chaud. Vous avez de la peine à retrouver des souvenirs de votre enfance, mais vous vous rappeliez les cailloux que vous jetiez en l’air en vous rendant à l’étang. Et de celui qui, un jour, vous était retombé sur le coin de la pomme. Vous vous rappelez du choc, puis du sang. Vous aviez pleuré à chaudes larmes cette blessure superficielle. Un baiser maternel, un sparadrap, et c’était le monde qui vous appartenait à nouveau. Vous n’aviez qu’à sonner chez les voisins du dessus, ceux qui ont si longtemps partagés vos jeux dans le minable gazon derrière l’immeuble à côté de la route. Le plus cool des minables gazons où à tour de rôles vous chantiez sur une souche, avant d’aller sauver le monde au fil des histoires que vous inventiez tous les trois. Vous étiez les sauveurs de la Terre, et l’été finissait toujours par revenir.

 

Il y a les blessures du cœur. Une quantité d’occasions manquées. L’époque jeune des coups de cœurs innocents, et les premiers émois, inattendus, vous laissant désemparé comme une branche de brocoli dans une assiette de frites. Celle que vous avez cru aimer en premier, mais qui aura été ce que vous aviez de plus proche d’une meilleure amie, même si vous ne vous en rendiez pas compte alors. Perdue de vue, pour le meilleur. Vous ne sauriez plus quoi dire. Comme à une autre fille que de peur, vous avez fui. Parce que vous étiez encore un enfant effrayé dans votre tête, que vous n’étiez pas prêt. Vous regrettez toujours d’avoir agi ainsi. Vous n’aurez sans doute jamais l’occasion –ou les trippes- de lui présenter vos excuses.

 

Les tripes, c’est vraiment infect. Comme la langue de bœuf que votre père et votre sœur d’accueil adorent au grand dam de votre famille, et à laquelle ils avaient parfois droit dans un formidable moment de complicité culinaire. Vous, ça a toujours été le jambon madère. Et la complicité avec vos sœurs, parfois diminuée mais jamais annihilée. Petit, au lit, quand l’une d’elle vous lisait Pedro Tango avec l’accent espagnol. A une époque où vous n’aviez qu’à choisir si vous alliez jouez dehors avec les voisins ou lire le lendemain. Mais contre un bon bouquin, le salut de la terre peut attendre.

 

Des choix, que vos avez toujours fait de travers. Vos études, un travail de maturité qui aurait pu tout changer. Avant, même, si vous vous étiez accroché au lieu de fuir la réalité qui vous faisait depuis de plus en peur. Quand vous avez réalisé la réalité, plus rien n’a jamais été pareil. Les choix étaient lourds de conséquences, et l’été n’était plus l’été, au camping au bord de la mer, à Marseillan. Encore un choix, y retourner ou pas ? Le choix de la DS en classe pendant les cours de math au gymnase. Que feriez-vous si vous pouviez revenir à cette époque ? Cette autre fille encore dont vous aviez appris qu’elle vous avait envoyé des signaux que vous n’aviez pas voulu voir. Si vous aviez choisi de les voir, où seriez vous maintenant ?

 

Envie de vous saouler la gueule au Bailey's en écoutant l'accent du sud de Lucero, mais inmpossible. Saleté de médicaments.

 

Un été au valais, avec votre mère, comme un autre été, toujours dans la même vallée que vous aimiez tant. Même l’année où l’ambulance a dû venir la chercher n’a pas diminué le plaisir des suivantes. Vous aimeriez tant y retourner, revoir les marmottes, faire découvrir ce lieu à des amis, à un amour.

 

L’amour que vous avez perdu. Le premier vrai amour et vous ne vous en êtes pas remis, vous le savez maintenant. Si court et si intense, la découverte des sens, la découverte du possible d’un deux. Comme un retour en arrière, vous vous sentiez à nouveau bien. Puis se faire jeter à travers un mail. Peut-être auriez –vous pu l’empêcher. Cela revient vous hanter. Vous aviez fait bonne figure rapidement mais ça vous fait mal, toujours. Pourquoi ?

 

Et ce malheur, déclenchant à l’époque de petits bonheurs que vous aviez toujours eu sans le savoir. Un ami qui vient ventre à terre et vous apporte un croissant. Et qui ne rêve que de partir (l’ami, pas le croissant). Pourquoi ? Que ferez-vous, ensuite, sans lui ?

 

Il y avait cette sauterelle, sur la route de Saas-Fée, que vous aviez prise dans vos petites mains d’enfants pour la mettre en sécurité sur le bord de la route. Du jeu avec vos voisins, vous étiez devenu un véritable sauveur de la terre. Et dans les pages d’écritures plus tard que vous rêverez de faire vivre.

 

Mais aujourd’hui, vous êtes seul comme jamais vous ne vous en êtes rendu compte, parce que les blessures du cœur sont toujours là, et que vous n’arrivez plus à avancer.

 

Dans le hamac au coin du feu, dans la maison de Provence de votre marraine, vous écoutiez la cassette audio de Tiflamme et la Pierre Bleue pour vous endormir. Petit, c’était déjà l’amour des grandes histoires. De Mama Gamba la grand-mère castor et Corbiroux le corbeau à John Locke de Lost. Mais il y avait le hamac, et la cheminée. Aujourd’hui encore, il n’y a parfois que l’histoire d’un petit garçon roux qui cherche sa pierre bleue sur un vieux radiocassette pour vous permettre de trouver le sommeil, seul, malgré vos médicaments.

 

Et les statues de la cathédrale tirent toujours la gueule.

 

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podcast

Des Marées D'Ecume - Saez

 

 

Commentaires

  • Oh ben je vais utiliser mes caractères coréens pour faire mon smiley, tiens:

    ㅠㅇㅠ


    Et si jamais je précise que je ne suis pas en couple, que j'ai pas beaucoup d'expérience, et que je n'ai pas raconté beaucoup de choses non plus. Sauf que je faisais le con avec Math, ça compensait.

    Oui, je sais, mon commentaire est très constructif !

    PS: La p'tite sauterelle *_* !!!

  • C'est pour ça que j'ai écrit "pratiquement tous en couple".
    Parce que je ne t'ai pas oublié, camarade.

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