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Hors connexion

Vous avez peur d'un certain nombre de choses. La mort. Les maladies. Que le groupe ABBA entre par effraction chez vous avant de vous chanter en boucle leurs plus grands tubes jusqu'à ce que votre cerveau fonde. Mais là, ce que vous fait le plus peur, vous le réalisez durement, c'est la solitude.

 

Pourtant, vous avez longtemps pensé que c'était quelque chose qui vous convenait. Combien de fois avez-vous fait en sorte de vous confiner tranquillement chez vous, goûtant à la sérénité du calme qu'on ressent lorsqu'on est bien chez soi ? Seulement, vous ne vous sentez plus seul bien chez vous (pardon à votre plante verte). Ce chez-vous, vous le craignez, même. Vous repoussez le moment de rentrer lors de vos sorties en ville, quitte à errer sans but dans les rues. Au point de presque apprécier le contact vaguement humain d'un énième démarcheur pour une pétition/une inscription/un cd de groupe de métal à acheter. Chez vous, il n'y a rien. Juste des choses, qui vous apportaient une certaine joie auparavant, mais qui ne sont maintenant que des objets dépourvus de chaleur.

 

Regarder vos séries, vos films, lires vos livres, jouez à vos jeux : autant d'activités solitaires qui vous paraissent de plus en plus dépourvues de but sans réelle opportunité de les partager, ne serait-ce qu'à l'occasion. Il n'y a rien qui vous attend, chez vous. Il n'y a rien qui vous attend dehors non plus. Et, depuis votre fenêtre, il y a toutes les autres fenêtres du quartier, celles illuminées dans la nuit, où vous devinez parfois les silhouettes de couples, de familles, d'amis vivant leur vie dans leur cuisine, riant sur leur balcon, des symboles d'une vie qui continue de vous échapper.

 

Vous n'avez jamais autant eu envie d'être « normal », peu importe ce que « normal » veut dire. Un normal qui vous permettrait d'établir de nouvelles connexions avec aise, un normal qui vous permettrait d'avoir du monde autour de vous dès que vous en sentez le besoin, un normal qui ne serait pas impacté par la souffrance, la fatigue, la différence (même si cela devait impliquer de regarder des matchs de foots).

 

Combien de fois avez-vous tenté d'effleurer la surface d'une normalité de contact ? Vous installez dans un bar, un café, sur une terrasse. Rien que pour avoir l'impression d'être en compagnie d'autrui sans pour autant arriver à participer, à rencontrer qui que ce soit. A regarder les gens autour, celles et ceux qui se retrouvent régulièrement pour boire des verres, pour se retrouver, pour être ensemble au milieu de la grande cacophonie.

 

Il y a des gens autour de vous, dans votre vie, pourtant. Votre famille, que vous êtes terrifié de perdre, avec qui vous ne savez pas toujours comment vous connecter. Vos amis -votre autre famille, au fond- que vous adorez. Qui sont toujours là pour vous quand vous en avez vraiment besoin. Mais que, au-delà de ça, vous voyez peu même lorsqu'iels sont proches. Ce n'est la faute de personne : les emplois du temps chargés, le boulot, et encore une fois ces satanées fatigues, ces santés qui dictent une vie à laquelle on ne peut pas couper. Vous donneriez n'importe quoi pour changer ça.

 

Pendant longtemps, vous avez imaginé être simplement solitaire. Introverti, atteint d'anxiété sociale, à l'aise chez vous, au milieu des histoires que vous consommez à travers tous ces médias. Mais plus le temps passe, et plus vous avez faim de contact, de présence. Plus vous en avez besoin. Le vide qui vous dévore, vous lui donnez enfin un nom : la solitude, celle que vous n'arrivez pas à gérer. Et malgré l'introversion, l'anxiété sociale et la timidité, vous avez ce besoin d'être auprès des gens, de vous ruez dans le bruit, de sentir des bras autour de vous, d'atteindre quelque chose de tangible, au-delà de l'écrit et des pensées.

 

Il y a la solitude amoureuse, aussi. Qui vous ronge parfois de l'intérieur, juste quand vous pensiez que cela ne vous manquait pas tant que cela. Il y a un manque affectif auquel vous avez de plus en plus de mal à faire face. Un désir de connexion, de partage, de contact que vous recherchez sans cesse, et que vous trouvez si rarement. L'exaltation de rencontrer une nouvelle personne, de sentir quelque chose cliquer à un niveau indéfinissable. Le manque du pur contact physique, et vous ne parlez pas du sexe, mais de quelque chose à la fois de plus simple et de plus fort : une main dans la vôtre, être dans les bras de quelqu'un et prendre quelqu'un dans ses bras. Une présence contre laquelle vous pouvez vous laissez aller, dépasser vos agaçantes barrières, et une présence que vous pouvez offrir en retour. D'en être privé, vous avez l'impression de perdre quelque chose de fondamental. De vous racornir, faut de liens. Et des liens de toutes sortes, vous en avez besoin bien plus que vous ne le croyiez un temps. Vous ne savez juste pas comment vous y prendre. Comment refaire face à la vie.

 

Il est si rare pour vous d'approcher ne serait-ce qu'une telle opportunité, et vous ne savez pas comment les trouver. Vous ne rencontrez pas beaucoup de nouvelles personnes -de moins en moins, il vous semble parfois- et vous ne sauriez pas trop comment vous y prendre. Il y a les applications de rencontres, auxquelles vous vous essayez, mais des heures passées à scroller n'apportent pas de réels résultats. Il y a des choses que vous n'arrivez pas à trouver -ni même à simplement imaginer- avec juste quelques photos et une vague description (et puis il faut bien dire que la grande majorité des gens là-dessus ne parlent que de faire le tour du monde en ski après avoir grimpé l'Everest juste avant le petit-déjeuner et après le dernier grand voyage. C'est épuisant. En plus, vous seriez prêt à parier qu'il y en a qui aiment Abba.)

 

Une fois de plus, vous vous sentez inadéquat. Vous avez peur de le devenir de plus en plus, de vous éloigner malgré vous de celles et ceux qui vous aiment -et que vous aimer- de finir un jour par les perdre, et de vous retrouvez vraiment et définitivement seul. Vous avez peur de ne plus rencontrer qui que ce soit, d'être à jamais perdu dans la masse, au milieu de personnes que vous ne savez plus comment atteindre, comment trouve.

 

Et pour vous, vous savez maintenant qu'il n'y a rien de plus vide que d'être seul.

 

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