Cette fois, il ne s'agit pas d'une historiette. Mais d'une humeur qui vous a pris tout à coup et que vous avez eu envie de maladroitement coucher sur le papier...
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Vous regardez par la fenêtre. Et à travers elle, une fenêtre. Non, vous ne comptez pas vous lancer dans un exercice impromptu de métaphysique ; c’est simplement que ce qu’il y a en face de votre fenêtre, et bien c’est une autre fenêtre sur la façade du bâtiment voisin, encore illuminée malgré l’heure tardive. Vous aviez envie de prendre l’air, de vous débarrasser de cette sensation d’étouffer qui vous poursuit entre vos quatre murs, de sentir du vent sur votre visage fatigué. Car il est des fois où vous avez besoin de quelque chose d’aussi simple, d’aussi élémentaire qu’un souffle sur votre peau pour vous rappeler que vous êtes… vivant.
Alors vous avez ouvert votre fenêtre, et comme il ne sert pas toujours de regarder en l’air pour trouver les étoiles en pleine ville, vos yeux sont attirés par la lueur d’en-face. L’illumination anonyme d’une ampoule de l’autre côté de la cours qui, dans l’état d’esprit où vous êtes, pourrait tout aussi bien représenter la couleur d’un nouvel horizon s’étendant sur un monde inconnu. Contrairement à ce que l’on croit, il n’y a pas besoin de voyager à l’autre bout du monde ou de monter dans une navette spatiale pour voir un nouveau monde. Non, nul besoin de jungle impénétrable. Là, ce n’est qu’une rangée de géraniums ayant connu des jours meilleurs qui se dressent devant la vitrine de l’inconnu, sur un rebord en granit d’où pend une mangeoire à oiseaux. A dix mètres en face de vous, un autre immeuble, un autre appartement, une autre fenêtre. Et pourtant plus lointain que l’extrémité du globe. En fait, vous en savez plus sur les mœurs de peuplades éloignées que sur la vie des êtres humains dont vous partagez la cour.
Qui sont-ils ? Que font-ils ? D’où viennent-ils, et où vont-ils ? Ce ne sont pour vous que de vagues silhouettes sombres qui glissent derrière leur vitre comme des fantômes, des silhouettes spectrales déphasées par rapport à votre propre quotidien, à votre propre monde. A quoi pensent-ils, ces gens que vous ne connaissez pas ? Regardent-ils à travers leur fenêtre pour se poser pareilles questions sur leurs voisins ? Probablement que non. A leurs voisins, ils ont sûrement plutôt tendance à demander du sucre, et leurs questions trouvent sûrement des réponses plus pratiques que les vôtres. Ils sont occupés à vivre leur vie, jour après jour, nuit après nuit. Des figurants du théâtre de votre propre existence, mais dont les buts sont sûrement plus significatifs que tout ce qui pourrait bien vous passer par la tête. Et dieu sait ce qui peut y passer d’étrange… Ces gens là, savent-ils où ils vont ? Vous aimez à le croire. Vous avez besoin de le croire. De vous dire que la plupart des êtres ont trouvé leur but, et s’emploient à le réaliser.
Parce que cela vous permet d’espérer.