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Lucie 13

Hop, les quelques mots du jour sont là!^^

 

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S'il avait été surpris, le jeune homme ne le montra pas. Il se tenait droit et immobile, ce qui le faisait paraître plus grand qu'il ne l'était, et son visage était parfaitement neutre. Mais son regard était intense tandis qu'il scrutait la fillette, comme s'il essayait de regarder à travers son crâne. Lucie ne broncha pas, refusant de se laisser impressionner, un air de défi sur son petit visage décidé.

-Que fais-tu là ? Demanda-t-il, le premier à prendre la parole. Il n'y avait nul reproche dans sa voix calme, seulement un soupçon de réelle curiosité.

-J'explore. J'en avais marre de rester assise à rien faire.

-Tu es franche, c'est bien.

-Et vous, qu'est-ce que vous faites là ?

-Et directe.

Diego Delgado se permit un de ses rares sourires, et Lucie se dit qu'il avait un air plus doux qu'on ne pouvait le croire.

-J'avais besoin de me dégourdir les jambes, je n'aime pas non plus rester assis à ne rien faire.

Lucie hocha la tête, c'était une explication qui se tenait. Delgado continua :

-Et puis j'étais curieux d'en voir plus, ce train est drôlement impressionnant. C'est fou de se dire qu'il est aussi vieux, et toujours aussi efficace. Nos ancêtres ont réalisé de grandes choses.

-Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi gros ! Les trains du complexe sont tout petit !

-Il te manque, le complexe ? D'où tu venais ?

-Un peu. Il y avait toujours des trucs chouettes à faire. C'était chez moi.

Une lueur mélancolique dansa brièvement dans les yeux du prêtre :

-Je comprends. C'est dur de quitter la maison.

-Vous n'aviez pas envie de partir ?

-Personne n'a jamais vraiment envie de partir, mais quand on appartient à quelque chose de plus grand, on n'a pas vraiment le choix. Ma maison va me manquer, mais je sais que quelque part, je la garde toujours avec moi.

-Oh. C'est normal, je suppose. Je pense que je fais un peu pareil. Tant que maman et moi restons ensemble, surtout.

-Et ton père ?

-Je ne l'ai jamais beaucoup vu. Maman n'aime pas que je parle de lui. Je crois que c'est surtout à cause de ça qu'elle est aussi contente d'aller à Haven.

-On fuit tous quelque chose. J'espère que tout se passera bien, pour vous deux, là-bas.

-Vous n'aimez pas Haven.

-Non, pas vraiment. Je suppose que je ne m'en suis pas caché, hein ?

-Pourquoi ?

-Parce que je ne pense pas que tout ce qu'on y prépare est une bonne chose, pour l'Hégémonie d'une part, mais surtout pour l'humanité en général. Les rêves de surface qui ont cours sont dangereux ; nous ne sommes pas faits pour marcher sous ce ciel.

Lucie lui aurait normalement demandé pourquoi mais, à la place, elle lui dit autre chose, quelque chose qu'elle n'avait jamais dit à personne hormis sa mère :

-Je fais souvent des rêves. Sur la surface.

-Beaucoup de monde en rêvent, j'imagine. Le prêtre gardait un ton détaché, mais Lucie pouvait néanmoins sentir qu'il était intrigué, et qu'il avait de la peine à le cacher malgré la maîtrise de soi dont il avait fait preuve jusqu'à présent.

-Peut-être. Mais pas comme moi, pas tous. Lucie avait dit ça sans arrogance ; c'était quelque chose qu'elle savait, voilà tout.

-Ah bon ?

-C'est comme si j'étais réveillée pendant que je rêve. Je suis dehors, je marche dans la neige, et si je

sais qu'il fait très froid, je n'ai même pas besoin de manteau. Et quand je regarde en l'air, je vois un ciel, plus grande que tous les plafonds ! Et c'est le bleu le plus beau que j'ai jamais vu. Le bleu, c'est ma couleur préférée, en plus. Alors je continue de marcher, tout devient de plus en plus bleu, et je sais que je dois arriver quelque part, et quand j'y arrive... Ben, je me réveille. Et j'ai encore du bleu dans la tête, mais je me sens bien. Ça ne me fait pas peur !

Elle releva un menton volontaire pour appuyer son propos et attendit de voir comment allait réagir le père Delgado. Quand elle mentionnait ses rêves à sa mère, cette dernière l'écoutait avec attention mais se contentait de dire que ce n'étaient là que des rêves ; et si Martha en était parfois un peu troublée, elle n'avait jamais pu expliquer pourquoi à sa fille. Lucie ne savait pas trop pourquoi elle avait soudainement décidé de se confier au prêtre, cet inconnu ; peut-être était-ce parce qu'elle l'avait entendu parler du bleu dans le wagon des passagers, plus tôt, et qu'elle espérait qu'il pourrait lui expliquer de quoi il s'agissait. Il s'était montré attentif, en tout cas, et elle avait vu tressauter une ou deux fois, comme s'il luttait contre un tic nerveux. Il faisait tout pour ne pas le montrer, mais la fillette pouvait sentir que le récit de ses rêves l'avait troublé. Ses yeux regardaient au-delà de Lucie, fixés sur un but invisible. Tout cela dura à peine une seconde, et il souriait à nouveau, calme et doux.

-Certaines personnes font des rêves qui sont importants, mais aussi dangereux. Fais en sorte que ça reste uniquement ceci : que des rêves. C'est un conseil que je te donne, pour ton propre bien, tu comprends ?

Encore une fois, elle hocha la tête.

-Bien. Ne l'oublie pas. Et n'en parle pas à n'importe qui, certains n'aiment pas ce genre d'histoires. Comme animé d'une énergie nouvelle, le prêtre frappa ses mains l'une contre l'autre : Allez, inutile d'être aussi sérieux ! Tu sais quoi ? J'ai cru voir qu'ils transportaient des poulets d'élevage issus du Domaine, sans doute pour les implanter à Haven.

-C'est vrai ? Le questionna Lucie, les yeux ronds. Si elle en avait déjà mangé, elle n'avait jamais vu de poulet vivant, et se demandait si ce serait comme le vieux perroquet qu'elle avait vu lors de la sortie de classe ; c'était aussi des oiseaux, après tout !

-Il me semble, oui. Ce train transporte énormément de marchandises entre les deux complexes, on y trouve toutes sortes de choses intéressantes. Si j'étais toi, j'irai y jeter un œil ! Je dirai à ta mère qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

-Super !

Lucie sourit, laissant l'excitation la gagner à nouveau, et le prêtre s'avança pour la laisser passer. La fillette passa la porte après un dernier merci radieux adressé à l'intention de l'homme, et elle fila vers l'arrière du train sans un regard en arrière. Diego Delgado la regarda un long moment, l'air pensif, comme s'il hésitait entre deux choses à faire, puis referma la lourde porte derrière elle. Et la verrouilla. Puis, l'air de rien, il reprit le chemin du wagon occupé par les passagers avant que son absence ne soit par trop remarquée.

Commentaires

  • Euh... attends... est-ce que j'ai bien lu/compris? Il a vérouillé la porte par laquelle Lucie est passée, ce qui veut dire qu'elle ne pourra pas retourner dans le wagon où se trouvent les autres passagers?

  • Moi qui avait cru que finalement, ce jeune prêtre n'était pas si mauvais que ce que j'avais pensé à la fin du poste 12... ça devient machiavélique ton histoire, ma parole! ^^

  • Ce n'est pas le tour pris par l'histoire dont tu t'attendais? ^^

  • Ben je m'attendais à rien de spécial en fait, mais là du coup je me demande surtout comment ça va tourner ^^

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