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Lucie 32

Un peu plus d'une page pour aujourd'hui! Si je ne maintiens plus forcément le rythme d'un post par jour, ce n'est pas par manque de motivation ou lassitude, mais simplement parce que j'ai plein de choses à faire (ce qui est plutôt chouette d'ailleurs^^)! Alors ne vous inquiétez pas quand rien ne vient, ce ne sera pas parce que j'ai la moindre intention d'abandonner en cour de route, promis!^^

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-Comment va-t-elle ?

Assis sur l'un des sièges de la rangée la plus proche de la sortie, Canton Adams inclina la tête dans la direction d'où se trouvait Lucie. Installée en face-de lui, de manière à garder un œil sur sa fille, Martha Robbins prit le temps de longuement contempler cette dernière avant de répondre.

-Aussi bien que possible, étant donné les circonstances.

-C'est une gamine solide. Elle se s'est pas laissé démonter quand nous l'avons trouvée, et elle venait pourtant de se prendre un sacré coup sur la tête.

-Elle n'a jamais été une pleurnicheuse. Quand elle rentrait de l'école avec les genoux écorchés, je devais batailler ferme pour qu'elle se tienne tranquille juste assez de temps pour que je nettoie les plaies et y applique un pansement. Et elle repartait aussitôt à l'aventure, dans les coins les plus improbables. Je me rappelle... Le pilier principal, dans notre quartier, a été contrôlé et rénové il y a six mois de ça. Un jour, à la nuit tombée, je l'ai surprise en train d'escalader l'échafaudage laissé par les ouvriers, à la seule lueur du lampadaire du coin de la rue. Je sortais de mon service au bistrot, et j'ai repéré cette petite silhouette qui grimpait le long du béton. J'aurais hurlé, si je n'avais pas eu peur de la surprendre et de la faire décrocher. J'ai dû attendre qu'elle prenne pied sur la première plate-forme, plusieurs mètres au-dessus du sol. J'ai cru que mon cœur allait s'arrêter. Dès qu'elle m'a vu, elle a su qu'elle aurait les plus gros ennuis de sa vie si elle osait continuer. Elle n'avait plus qu'à redescendre, et moi à la regarder faire, morte de peur. Je n'avais pas le choix, remarquez : le temps que j'aille chercher quelqu'un avec le matériel nécessaire -peut-être un des ouvriers attablés dans le café après son service- elle aurait déjà été à mi-chemin du sol.

-J'imagine que la discussion qui a suivi aura été animée.

-Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça une discussion. J'étais tellement furieuse que je n'ai pas réussi à me contrôler assez pour dire le moindre mot avant que nous ne soyons rentrées à la maison. Mais je peux vous certifier qu'une fois à l'intérieur, elle m'aura entendu ! En général, je n'ai pas vraiment besoin de hausser le ton avec elle : elle voit très bien quand elle fait une bêtise qui me met hors de moi, et il paraît que j'étais reconnue dans tout le quartier pour ce qu'on appelait mes colères froides. Hurler ne sert à rien, tout est dans le regard... Il y aura rarement eu un client qui aura plus d'une fois tenté de gruger sur son pourboire ou de m'effleurer les fesses au passage.

-Je l'imagine bien, oui, fit un major Adams, qui n'avait pas pour habitude d'effleurer les fesses de qui que ce soit, au passage ou pas, mais qui ne pouvait s'empêcher de trouver l'idée soudainement troublante. Martha Robbins l'avait impressionné dès qu'il avait posé les yeux sur elle, et ce sur bien des points, certains même dont il avait oublié l'existence depuis bien longtemps.

-Quoi qu'il en soit, j'ai pas mal crié ce soir là, parce qu'elle ne m'avait encore jamais fait une peur pareille. Et je pense que je m'y étais bien forcée afin de faire bon exemple, parce qu'au fond, je ne pouvais m'empêcher d'être fière, en même temps. Elle n'a jamais eu froid aux yeux, et c'est aussi source de fierté que de trouille bleue.

-Comme sa mère, se surprit à dire Adams, qui n'était pas du genre à parler sans réfléchir. Il croisa le regard de Martha, presque aussi bleu que le sien, et il s'aperçut qu'il ne pourrait pas regarder ailleurs même s'il l'avait voulu. Fort heureusement, ce fut elle qui rompit le contact le premier, reportant son attention sur sa fille :

-Un peu trop, même. C'est bien ce qui me fait le plus peur.

Le major jugea sage de ne rien répondre tout de suite, et reprit la tâche qu'il avait commencée en s'installant ici quelques minutes plus tôt. Il avait sorti l'arme de service qu'il portait à sa ceinture, un gros pistolet d'officier à la crosse boisée, et il avait entreprit de le nettoyer avec soin. Il le faisait régulièrement, aussi bien parce que l'exigeait le règlement que parce que cela lui permettait d'occuper -et même d'affûter- son esprit. Tandis qu'il démontait le canon et les autres pièces pour délicatement s'occuper de chacune, il pouvait profiter de ces gestes machinaux pour atteindre une sorte de paix intérieure qu'il n'éprouvait que rarement en temps normal. Malgré la grande maîtrise de ses expressions, généralement taciturnes, Canton Adams n'était pas le puits de calme qu'il s'efforçait de montrer au reste du monde, et il avait toujours bouillonné d'une fougue intérieure qu'il avait du mal à contenir. Rien ne lui pesait plus que l'inaction, ce qui expliquait sans-doute pourquoi il avait aussitôt accepté de se rendre à Haven avec son escouade sans discuter plus avant quand ses supérieurs lui avaient proposé de rejoindre la garnison du fameux complexe. Mais rien ne l'avait préparé à se retrouver bloqué au milieu de nulle part avec un paquet de civils sur les bras, ni à rencontré un tel bout de femme. A vrai dire, il ne savait pas encore ce qui était le plus éprouvant dans tout ça.

-Vous avez déjà eu à vous en servir ?

Il leva la tête de son ouvrage, pour réaliser que c'était de son arme que parlait maintenant Martha Robbins. Elle le fixait avec une intensité curieuse, et il était bien en peine de devenir à quoi elle pouvait bien penser.

-Une fois ou l'autre, seulement quand j'y étais obligé.

-Et c'est efficace ?

-Ce n'est pas une arme d'apparat, et ce n'est jamais du joli, le résultat. Elle fait ce qu'on attend d'elle. Pourquoi ?

-Je me suis toujours demandé ce que cela aurait pu changer...

-D'utiliser une arme ?

-De posséder un vrai moyen de se défendre. Un moyen vraiment définitif.

Elle regardait à nouveau Lucie en disant cela, et Canton Adams ne put s'empêcher de poser la question qui le démangeait depuis tout à l'heure :

-Et le... le père de l'enfant. Il ne pouvait pas la défendre ? Sans mettre en cause votre capacité à le faire vous même, bien entendu.

-Il n'y a pas de père. Je l'ai décidé ainsi dès que j'en ai eu la possibilité. Et il aurait été le dernier à pouvoir la protéger de quoi que ce soit. Il...

Martha se tut, le regard incroyablement dur, et parut finalement sur le point de continuer quand ils furent interrompus par Paul Ravert, sa radio à la main :

-Excusez moi major, mais Grümman aimerait vous parler. Ça semble important.

Adams s'arracha aux yeux de Martha Robbins et, avec un bref sourire d'excuse à son sujet, prit l'appareil qu'on lui tendait :

-Capitaine Grümman, ici le major Adams. Qu'est-ce que vous avez pour moi ?

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