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Lucie 34

Et hop, une nouvelle page en ce morne dimanche (c'est le propre de presque tous les dimanche, de toute façon^^), où l'on en apprend un peu plus sur un des premiers persos introduits.

 

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André Ladislas Montauban Velázquez ouvrait la marche, sa petite troupe sur les talons. Il portait son long fusil en bandoulière, la main posée nonchalamment sur la crosse au cas où il aurait à s'en saisir rapidement. Le caporal doutait que cela finisse par être le cas, mais il était d'un naturel prudent, bien dissimulé derrière l'attitude d'un homme qui ne prenait rien au sérieux. Si ce n'était, peut-être, une bonne partie de cartes, son apparence et les ordres du major Adams. Personne ne prenait les ordres du major Adams à la légère, sous peine d'en regretter longtemps les conséquences. Au sein de l'armée, les soldats étaient de toute façon entraînés à suivre les directives de leurs supérieurs sans discuter, mais Velázquez n'avait jamais rencontré un officier aussi implacable que Canton Adams. L'homme n'était pas mauvais, pas plus qu'il ne se montrait injuste avec ses hommes, mais il y avait en lui une telle intensité à laquelle très peu de personnes étaient insensibles, et Velázquez ne faisait pas exception. Adams n'était pas n'importe quel officier, pas plus que Velázquez n'étais pas n'importe quel soldat. A vrai dire, le blond moustachu ne s'était retrouvé engagé dans les forces de l'Hégémonie que suite à un fâcheux, improbable et flamboyant concours de circonstances - comprenant entre autres un étrange accident dans un des plus prestigieux vergers du Domaine avec une limousine électrique, la fille d'un vieux dignitaire religieux de l'Hégémonie, un violon antique et hors de prix et une chèvre qui n'avait rien demandé à personne mais dont l'étonnant rôle jouée dans cette affaire prête encore à débat aujourd'hui. Issu d'une lignée de riches propriétaires et investisseurs dont le pouvoir et le prestige remontaient à l'aube de la colonisation d’Éclat par l'Hégémonie, celui qui n'était en ce moment que le caporal Velázquez avait toujours été destiné à une vie dorée et confortable. La famille Velázquez faisait partie de ce qui se rapprochait le plus des vestiges d'une aristocratie plutôt bien établie dans les hautes sphères de l'Hégémonie. Ses membres officieux ne possédaient ni titres, ni pouvoir spécial d'un point de vue gouvernemental mais faisait partie d'une sorte d'élite de la société, où les plus méritants pouvaient se hisser avant d'y établir une véritable dynastie sur plusieurs générations, pourvu que ses héritiers continuent de se montrer aussi capables et efficaces que leurs ancêtres. En tant que premier fils au sein de sa fratrie, André était depuis son enfance préparé à prendre la suite de ses parents au sein des affaires familiales et, s'il s'était toujours montré doué dans tout ce qu'il entreprenait, il ne s'était finalement que rarement intéressé à un domaine qui l'ennuyait. Et beaucoup de choses ennuyaient André Velázquez, notamment lorsqu'il s'agissait de choses aussi rébarbatives que l'administration d'un conseil ou la gestion d'un patrimoine. Ses frasques étaient connues dans tout le Domaine, et sa dernière folie avait poussé ses parents à le mettre devant le choix suivant : soit il s'enrôlait au sein de la plus prestigieuse université de l'Hégémonie pour y reprendre des études poussées et n'en ressortir que bardé de diplômes, soit il s'engageait dans l'un des nombreux ordres dérivés des anciennes religions chrétiennes qui avaient court sous la surface, soit il faisait son service au sein de l'armée. Les études poussées n'ayant guère d'attrait pour lui -il s'estimait d'une intelligence trop peu conventionnelle pour cela- et la seule idée de se mettre au service d'une religion ou d'une autre ne le laissant qu'avec un fou rire irrépressible, il avait opté sans hésiter pour la tenue de soldat, et ce à la grande surprise de ses parents, qui pensaient surtout par ce choix le pousser à reprendre en main don destin d'héritier plutôt que d'être envoyé ailleurs. Mais André avait vu clair dans leur jeu, et il avait sauté sur l'occasion d'échapper un peu plus à leur contrôle et de s'éloigner de ses obligations pour se retrouver très vite confronté à celles, toutes aussi nombreuses et bien moins poliment formulées, du monde militaire.

 

Et pourtant, malgré son passif et son caractère, le soldat Velázquez avait curieusement réussi à s'épanouir dans ce milieu sans un seul instant perdre de sa superbe. Ne serait-ce que parce qu'il avait trouvé au sein d'un tel système un véritable sentiment d'appartenance, et un encadrement qui lui faisait le plus grand bien même s'il n'aurait jamais accepté de l'avouer directement. Il avait navigué d'un corps d'armée à un autre, toujours curieux et avide d'apprendre, les oreilles et les yeux grands ouverts, monnayant confort et avancement au rythme de son art du dialogue et de la persuasion. Et il compensait son indolence et son goût de l'indépendance par un talent certain dont tout ce qu'il entreprenait, ce qui avait agacé plus d'un de des supérieurs désireux de lui faire ravaler cette arrogance naturelle -mais jamais mal intentionnée- née d'une confiance en soi innée et en aucun cas usurpée, et qui avait fini par le faire intégrer dans l'escouade du major Adams, où l'on avait estimé en haut lieu que son approche peu conventionnelle serait des plus précieuses. Autrement dit, on avait décidé en haut lieu de se débarrasser de se foutu gosse de riche en le mettant dans les pattes d'un major reconnu pour être aussi strict que difficile d'accès lui-même, en espérant que ces deux là passent plus de temps à se marcher sur les pieds l'un de l'autre que de leur hiérarchie. Et si Adams rappelait souvent Velázquez à l'ordre et se montrait agacé par ses manières plus souvent qu'à son tour, il avait fini par apprécier l'homme qui se cachait derrière et le soldat efficace qu'il était devenu. Quant à Velázquez lui-même, il aimait faire tourner son supérieur en bourrique quand il en avait l'occasion, mais respectait cet officier et les valeurs qu'il incarnait plus qu'il n'avait jamais respecté quelque figure d'autorité que ce soit. A eux deux, ils formaient un duo efficace, bien que mal assorti. Et puis Velázquez avait d'autres raisons de vouloir conserver cette affectation, dont une qu'il n'était même pas encore sûr de pouvoir s'avouer directement, ne serait-ce que parce que ce n'était pas son genre. Bien entendu, sa famille -ses parents en premier- avaient poussé des hauts cris quand ils avaient appris que l'escouade de leur héritier était envoyée à Haven, où les postes étaient généralement permanents. Ils avaient bien tenté de faire usage de leurs connexions pour empêcher un tel transfert, mais André avait refusé de jouer le jeu. C'était là sa décision et il ne laisserait personne l'en dissuader. Et puis il avait bien assez de frères et sueurs doués -et surtout plus sages- pour prendre sa suite au sein du Domaine. Non, pour la première fois depuis toujours, il se sentait plus que jamais à sa place, et il n'avait aucune envie que cela change. Quoi qu'on puisse bien lui dire. Et ce même cela impliquait parfois de lui faire prendre la tête d'un petit groupe d'hommes pour explorer un train ancien bloqué au milieu de nulle part dans un environnement hostile, dangereux et très désagréablement glacial.

 

-Ma foi, ça pourrait être pire, se surprit-il à murmurer tandis que lui et les autres avançaient prudemment. Et, sans trop savoir pourquoi, quelque chose lui disait qu'il allait finir par regretter ces quelques mots...

 

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