Comme je n'ai pas pris le temps d'écrire hier et aujourd'hui, j'en profite pour mettre ici la troisième et dernière partie de la genèse de mon monde d'Iqhbar.^^ Voici donc!
____________________________________________________________________________________
Chaos
« Il sommeillait la plupart du temps entre deux galaxies, plus immense que le plus grand des univers et pourtant pas plus grand qu'un atome de matière. Il se laissait dériver, happant des matières mortes et vivantes sur son passage afin de les rejeter en de nouvelles possibilités. Il était la fin et le début, le néant et le tout; il était le laboureur des multivers quels qu'ils soient. Et l'anormalité de la croissance d'Iqhbar l'avait éveillé, comme jamais il ne l’avait encore été. Il sut qu’elles en étaient les instigatrices, pour en avoir rencontrées et absorbées au cour de ce que, faute d’autre mot, nous pouvons appeler ses déplacements. Elles avaient toujours été son contraire : là où elles créaient, lui apportait la fin. Mais ils étaient aussi complémentaires, car sa fin permettait de nouveaux débuts, de nouvelles découvertes, de nouvelles histoires… Jamais elles ne l’avaient craint pas plus qu’il ne les avait haïes . Elles savaient qui il était. Certaines d'entre elles je jetaient parfois à sa rencontre lorsqu'elles le croisaient, afin de découvrir un autre niveau, d'être rejetées avec leur savoir dans les univers. Il n’était pas pour elles un danger, mais le symbole de toute une myriade de nouvelles possibilités, et chacun de ses éveils occasionnait chez elles le plus vif intérêt. Mais cette fois-ci, ce fut différent. Ce qu’il sentit suite à l’épanouissement d’Iqhbar fut si particulier qu’il ne put savoir si c’était la première fois qu’il le sentait ou si cela faisait tellement longtemps qu’un tel phénomène s’était produit qu’il l’avait oublié.
Alors il se mit en route.
Elles le sentirent. Elles n’avaient pas toutes quitté Iqhbar lors de leur dernier exode, non. Elles étaient peu, parmi les plus curieuses et les plus éveillées. Celles qui avaient fini par s’attacher plus qu’il était coutumier de leur espèce de ce monde qu’elles avaient créé avec tant d’amour. Certaines d’entre elle partirent à le rencontre de celui qui arrivait, décidées à finir leur cycle pour en débuter un nouveau, leur savoir rejeté et distillé dans l’univers, mais d’autres ne quittèrent pas Iqhbar. Elles sentaient en elle se manifester la plus curieuse de toutes les choses : l’émotion. Une vive émotion pour Iqhbar et ses créatures pourvues de leur étincelle, et elles ne purent se résoudre à l’abandonner. La vie n’avait pas fini de s’y développer et de les surprendre et, pour la première fois, elles décidèrent de s’opposer à celui qui arrivait.
La bataille, la guerre, pour autant qu'ils soient des mots appropriés pour décrire ce qu'il s'en suivit, fut terrifiante, énorme et grandiose. Les éléments se déchainèrent sur Iqhbar sous la pression qu'il leur imposait, déversant ses parcelles de néant affronter les races de ce monde. Car devant les cataclysmes que son approche provoquait, ces peuples avaient décidé de tenir bon et de lutter contre ces légions qui se déversaient du ciel. Car la rencontre de celui qui apportait la fin avec ce monde plein de vie touchée par l’étincelle fut singulière. Il sentit ses propres émanations entrer en résonnance avec la fameuse étincelle, et c’est ainsi que ces légions de créatures grotesques mais dangereuses apparurent, dotées d’une vie et d’une conscience, mais toujours dévorés par ce besoin impérieux de détruire toute chose. Tandis que les océans et les montagnes se soulevaient, engloutissant des communautés entière, le combat se déclara partout à la surface du monde, les armées des peuples d’Iqhbar se heurtant aux meutes chaotiques qui se déversaient au cœur de leurs frontières. Sourdes aux appels désespérés, les Puissances se retirèrent alors complètement de ce plan de l’existence, terrifiés à l’idée de perdre le pouvoir et le savoir qui étaient les leurs, s’enfonçant au cœur d’Iqhbar dans le seul but d’échapper au chaos, abandonnant ceux qui en étaient pourtant si souvent venus à les libérer.
Mais parmi les races et les peuples du monde de plus en plus désespérées il en était un plus fort et plus vaillant que les autres, rassemblant les troupes, unissant les défenseurs et n’hésitant jamais à frapper l’ennemi. Il s’agissait des dragons, la race la plus ancienne, la plus sage et la plus puissante des peuples éveillés. De leurs cités volantes ils menaient l’assaut, insufflant courage et force dans le cœur de leurs alliés. Jamais ils n’envisagèrent d’abandonner et, lorsqu’ils fendaient les cieux en déversant sur le chaos la magie qu’ils maitrisaient comme aucun autre, l’espoir renaissait dans le cœur de ceux qui marchaient sur Iqhbar. Mais même les dragons ne pouvaient retenir indéfiniment les vagues de chaos toujours plus dévastatrices et rapprochées qu’il envoyait tandis qu’il se rapprochait de plus en plus, nullement retenu par les efforts qu’elles faisaient…
Car elles luttaient de leur côté mais, n’ayant jamais eu besoin de combattre, elles ne savaient guère comment s’y prendre, pas plus qu’elles ne comprenaient réellement ce que cela signifiait. Elles connurent pour la première fois la détresse, la souffrance et la peur ; non pas pour elles, mais pour tous ces peuples qui mouraient et disparaissaient à la surface de ce monde qu’elles avaient contribué à créer. A chacune de leurs tentatives pour le repousser, lui, elles n’arrivaient qu’à peine à retarder l’échéance. Elles comprirent que, bien que l’ayant modifié, elles ne faisaient pas réellement partie de ce monde qu’était Iqhbar. Et c’est ainsi qu’elles surent comment procéder. Elles devaient se lier à lui pour mettre leur plan à exécution, et pour ce faire elles avaient besoin d’un conduit. Les Puissances les ayant abandonnées, elles portèrent le choix sur les dragons, en qui leur étincelle était la plus grande. Pour la toute première fois, elles se manifestèrent directement, devant les plus sages des dragons, et uniquement eux. Ces derniers acceptèrent et convainquirent leur peuple tout entier de servir de canal à la puissance qu’elles possédaient. Ainsi, dans un dernier vol pour la défense d’Iqhbar, les dragons s’élevèrent dans les cieux face à celui qui était enfin arrivé au plus près d’Iqhbar et s’apprêtait à l’absorber pour de bon. Alors elles fusionnèrent intégralement avec Iqhbar, se coulant en la planète tels des torrents d'énergie pure en crue. Décuplée par les dragons, cette énergie déclencha des cataclysmes plus terrible encore, mais elle représentait malgré tout la dernière chance de ce monde contre lui.
Le choc fut terrible.
Il enveloppa Iqhbar de son manteau de vide et pourtant bourdonnant de chaos, mais les forces conjuguées d'Iqhbar le firent passer à travers telle une épée de légende fendant la roche. Il passa donc à travers, continuant son chemin comme à son habitude, déjà prêt à se rendormir. N’ayant guère de conscience, n’ayant jamais été pris en défaut, il ne pouvait envisager que sa tâche ne fut pas accomplie. La vie et sa conscience avaient été sauvées sur Iqhbar. Mais le prix fut conséquent : elles faisaient désormais partie intégrante de ce monde, privée de toute possibilité d’agir et d’influencer se monde, incapables à jamais de se manifester et condamnées à voir leur conscience se dissiper dans son intégralité. De ce sacrifice découla la profonde modification de la magie qui avait toujours été partie intégrante d’Iqhbar. A jamais changée, perturbée par ce chaos, elle devint une force imprévisible et dangereuse, née des échos de celles qui s'étaient sacrifiées, et il fallut de nombreux âges pour qu’elle se laisse à nouveau domestiquer ; mais de manière radicalement différente… Quant au monde lui-même, s’il n’avait pas été détruit, les dégâts n’étaient pas moins immenses. Les grands continents s’étaient fracturés, dispersant ceux qui y avaient vécu et engloutissant plusieurs civilisations de plus. Les gouvernements n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes, et plus d’un peuple n’eut d’autre choix que de repartir de zéro. Inconscients des véritables forces qui s’étaient opposées, nombre des êtres parcourant Iqhbar tinrent les dragons pour responsables de ce cataclysme, et les rares survivants de cette race noble et ancienne maintenant diminuée n’eurent d’autre choix que de se faire oublier. Qui plus est, sous la pressions des deux forces ayant précédées la fusion, une infime partie de lui s'était également coulée en Iqhbar, apportant de surprenantes modifications en ce monde du renouveau. Les survivants de ses légions prospérèrent, s’enfonçant sous la surface pour en chasser les nains, se répandant dans les marécages et les terres sombres. Les innombrables borghs grouillaient, nouvelle menace issue de l’ombre, et leurs grands cousins urborgs devinrent une partie intégrante mais malaimée de l’amalgame de peuples qui parcouraient Iqhbar. Bien malgré eux, ils marquèrent la fin des elfes, la seule race qui avait décidé de les accueillir à bras ouverts. Les elfes, qui furent décimés par un mal mystérieux, un mal transmis par les urborgs et trouvant ses racines dans le chaos lui-même et auxquels les elfes furent particulièrement sensibles. Bientôt, ils disparurent, et leurs alliés et amis nains en connurent une colère d’autant plus grande qu’ils étaient chassés de leurs royaumes souterrains par les marées de borghs qui y élisaient domicile. Les nains repoussèrent les urborgs dans les terres sombres d’Ostrie, et s’établirent dans les forêts de leurs amis disparus. Dans les cieux, les Avelins avaient été parmi les plus épargnés par la catastrophe et leur agressivité naturelle les poussa à chasser les derniers dragons et Gwaehyrs des cités volantes pour établir un nouvel empire. Les Aqualites, plus distants que jamais, se retirèrent dans leurs domaines des profondeurs aquatiques, chassant et éliminant les derniers représentant des autres races sous-marines. Une à une, les autres races s’isolèrent, des pam’thaa sur leurs montagnes aux farouches minotaures sur leur île. Alors il en est une qui prospéra comme jamais : la race des humains, plus nombreuse et vigoureuse qu’elle ne l’avait jamais été. Ce furent les humains qui fondèrent les premiers royaumes qui devinrent ceux qu’ils sont aujourd’hui, et qui redonnèrent à Iqhbar les bases de la civilisation globale qu’elle connait aujourd’hui. Au fil des âges, les terres se rapprochaient à nouveaux, les continents se reformaient, et les échanges reprenaient. Sans aucun signe des Puissances, tous développèrent de nouvelles croyances basées sur l’essence de la vie qui animait Iqhbar, culminant dans le spiritualisme actuel. Les nains peaufinèrent de nouvelles technologie dont la plus aboutie n’est autre que la technomagie, utilisant d’une nouvelle manière cette magie différente afin de faire fonctionner les machines les plus étranges. Une magie qui se laissait à nouveau canaliser, au fur et à mesure que les peuples apprenaient à la redécouvrir. Une magie qui dépendant des fées, ces étranges créatures apparues peu après le cataclysme…
Pour la première fois, tous ces peuples ne purent compter que sur eux-mêmes pour se reconstruire, et rebâtir ce qui avait été perdu. Iqhbar était née une seconde fois. »
Inus, le Chroniqueur