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Lucie 71

Une petite page pour commencer le week-end!

 

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-Qu'est-ce qui vous prend, bon sang ?

La voix de Martha Robbins était forte à travers la radio, et Kenneth se sentit comme un enfant sur le point de se faire passer un sacré savon. Il suspendit son geste, un instant interdit, puis secoua la tête avec un sourire pour reprendre ses esprits. Martha avait cet effet là sur les gens, on avait tendance à l'écouter parce qu'elle donnait l'impression convaincante qu'elle avait toujours raison et qu'il était inutile de discuter. Mais pas cette fois. L'humeur de l'ingénieur s'assombrit, mais il décida de ne pas en tenir compte et reprit son travail sur les machines. Les commandes manuelles n'étaient pas toutes correctement disponibles mais, grâce aux indications de Grümman, il avait trouvé la caisse à outils qui servait à la maintenance. Il travaillait maintenant sans relâche sur les systèmes, plongeant ses mains dans le cambouis, ce qu'il n'avait pas fait depuis de nombreuses années. Trop, à son goût. Il se l'était longtemps caché, mais il réalisait maintenant à quel point le travail pratique lui manquait. Il ne dénaturait pas son travail pour autant, ce qu'il faisait derrière son bureau était important et représentait un rel défi, mais il retrouvait le plaisir de se retrouver au cœur du problème, forcé de littéralement mettre la main à la pâte. Et puis, il n'avait pas vraiment le choix.

-Le feu progresse trop vite pour que je me soucie de ménager les systèmes, finit par répondre Marsters, sans cesser de travailler. Une surchauffe classique prendrait trop de temps, et je ne suis plus sûr que ça suffirait. Nous savons que ces créatures concentrent leur présence là où elles sentent le plus de chaleur, mais avec l'incendie je vais devoir mettre le paquet pour en attirer le plus possible de mon côté et permettre votre sortie. En faisant carrément sauter les machines, j'aurai de quoi provoquer un sacré pic de chaleur et, avec de la chance, l'explosion emportera ces saletés avec elle.

-Et vous ? Ken, je vous interdis de vous tuer pour nous, vous m'entendez ?

-Même si j'avais le temps de m'éloigner avant le grand final, j'aurais plusieurs wagons incendiés à traverser pour vous rejoindre, et je ne crois pas vraiment que cela soit possible. Non, c'est la seule chose à faire, Martha.

-Écoutez moi bien, vous...

-Laissez, Martha, l'interrompit le major Adams. Monsieur Marsters sait ce qu'il fait. Il n'y a rien que nous ne puissions faire, si ce n'est le laisser accomplir son devoir.

-Merci major, je fais de mon mieux.

-Je sais, monsieur Marsters. C'est un honneur que de vous avoir à nos côtés. Bonne chance.

-Prenez soin d'eux, major.

-Comptez sur moi.

-Martha, Arthur... Je suis désolé.

-Vous avez intérêt, idiot !

-Ken... Arthur parlait, maintenant. Bonne chance mon vieux. Et merci. Merci pour tout.

-Vous vous en sortirez très bien, Arthur. Dommage que vous n'ayez pas eu le temps de me raconter l'une de vos histoires.

-Oh, je crois que nous en vivons une nettement plus captivante que tout ce que je pourrais raconter.

Marsters laissa échapper un petit rire qui se transforma en puissante quinte de toux. La fumée s'épaississait, et son écharpe ne le protégeait plus vraiment. Il ne portait plus que son maillot de corps, dont il avait retroussé les manches, et il transpirait abondamment. Mais malgré la chaleur ambiante, Kenneth avait froid. Pas à cause de la température de l'extérieure, non : il s'agissait d'un froid qui venait de l'intérieur. Qui partait de la blessure de son bras pour se propager dans ses veines comme un feu glacial pour venir dévorer ses entrailles. Quoi que ce soit, cela se propageait, et il n'avait aucun moyen de lutter contre ça. Des lignes bleues parcouraient presque l'ensemble de sa peau à découvert, maintenant, et il avait de plus en plus de difficulté à accomplir ses gestes avec vivacité : ils devenaient lents, ses doigts étaient gourds... Mais il refusait d'abandonner. Il lui restait du travail, et tout le monde comptait sur lui. Tout le monde dépendait de lui. Et il n'allait certainement pas les décevoir. Il songeait à ces hommes et ces femmes qui, en peu de temps, étaient devenus des amis sincères, lui qui n'avait jamais vraiment pris le temps de s'en faire. Il pensait aux soldats de l'escouade, déterminés à faire leur devoir ; à Martha et à Lucie, à cette enfant si calme et aux yeux si bleus ; et puis il pensait à Arthur, cet ami qui lui manquait déjà.

-Arthur, mon vieux, si vous me racontiez quelque chose, justement ? Vous devez bien avoir une vieille histoire ou un nouveau projet sous le coude. J'avoue que je ne serais pas contre une voix amie pendant que je travaille...

-Oh, bien sûr Ken ! Je... Ah, oui, j'ai l'histoire idéale ! Ça commence comme ça...

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