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  • Lucie 70

    Une petite page aujourd'hui.

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    Daniel Grümman tapotait nerveusement le bord de sa tasse de café, les yeux plissés pour mieux voir ce qui se passait sur les écrans. Il ne restait plus que quelques caméras encore en état de fonctionner, et elle ne servaient finalement plus à grand chose. L'une d'elle lui permettait de suivre la progression des flammes dans un wagon de marchandises, en direction de la tête du véhicule. Dans cet espace confiné, le feu avançait rapidement. Droit sur les survivants. Le conducteur gardait un œil sur eux, et il s'étonnait de les voir ainsi garder leur calme. Ils semblaient tirer une certaine force les uns des autres, et Daniel regrettait un peu de ne pas se retrouver parmi eux en ce moment. Mais il répugnait également à quitter ses précieuses commandes ; et puis il était plus utile là où il était. C'était sa place, voilà tout, et il ne la quitterait qu'au dernier moment. Sur l'écran, il pouvait voir les passagers terminer leurs préparatifs. Sungmin parlait avec monsieur Miguel, sans doute pour le convaincre de les suivre ; le jeune médecin semblait bien décidé à ne pas perdre quelqu'un d'autre. En son fort intérieur, Grümman ne pouvait s'empêcher de comprendre le vieil homme : à sa place, dans les mêmes circonstances, il réagirait sans-doute de la même manière.

    Grümman pensait beaucoup à Stan, qui avait été le premier à mourir. La bonne humeur et l'efficacité de l'apprenti lui manquaient énormément, et il trouvait sa perte toujours aussi injuste. Le gamin aurait fait un sacré conducteur, quelqu'un à qui Daniel aurait été fier de remettre le relais, et il n'avait même pas eu l'occasion de le lui dire. Maintenant, le conducteur était seul aux commandes, et il ne pouvait pas plus parler à Stan qu'à la famille qu'il avait au Complexe. Il se sentait vieux et fatigué, alors que quelques jours plus tôt l'idée même de la retraite lui paraissait hautement improbable. Aujourd'hui... Aujourd'hui, il ne lui restait qu'à faire de son mieux, comme il l'avait toujours fait. Le major Adams lui avait accordé sa confiance, et il n'avait aucune intention de le décevoir, lui ou n'importe qui d'autre à bord. C'était son train, après tout. Il était responsable. Un bruit sourd contre le métal lui fit tourner la tête, et il poussa un soupir aussi agacé que résigné : les créatures rôdaient également autour de la voiture de tête, l'éprouvant comme elles le faisaient avec le wagon des passagers.

    -Vous vous en sortez, Marsters ? Grümman avait allumé le canal qui le liait à la salle des machines. Quelques secondes passèrent, puis il entendit l'ingénieur tousser et se racler la gorge, avant de répondre :

    -Je fais de mon mieux. J'ai beau comprendre comment ça marche, je n'ai pas vraiment de pratique derrière moi pour me permettre d'aller plus vite que la musique. Il va me falloir plus de temps...

    -L'incendie se propage vite. Je ne veux pas vous stresser, mais...

    -Et bien c'est raté. Combien de temps vous me donner ?

    -Difficile à dire. Je...

    Le son d'une déflagration coupa le conducteur dans sa réponse, et il sentit la cabine trembler tout autour de lui. Sa tasse dérapa sur le tableau de bord et s'écrasa par terre, bientôt suivie du thermos.

    -Qu'est-ce qui s'est passé, capitaine Grümman ?

    La voix du major se joignit à la conversation.

    -Une voiture a sauté. A trois wagons du votre. Merde, c'est pire que ce que je pensais !

    -Est-ce que j'ai bien entendu ? Une voiture a sauté? demanda Marsters.

    -Gardez votre calme. Faites de votre mieux, monsieur Marsters !

    -Ça ne sera pas suffisant, major. Ces systèmes ne sont pas faits pour ça... Je vais devoir me montrer plus...définitif.

    -Est-ce que vous pensez ce que je pense ? Vous êtes sûrs ?

    -Pas vraiment, Grümman. Mais nous n'avons plus le choix.

    -Vous m'expliquez ?

    Daniel Grümman avala sa salive avec difficulté, la gorge sèche :

    -Marsters propose de faire sauter la salle des machines, major.