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  • La nostalgie éthérée de soirs d'été (ou la nostalgie fantôme d'un souvenir passé jamais réalisé)

    Il y a de ces nostalgies étranges, particulières, qui se plaisent à monter en vous comme la marrée le long des contreforts de la mémoire (c’est joli, ça, les contreforts de la mémoire. Vous penserez à le réutiliser au détour d’une ou l’autre conversation. Des fois que vous ne sauriez pas quoi dire, cela pourrait toujours faire son petit effet). Ce sont des sensations, des émotions, des souvenirs qui rejaillissent en vous quand vous vous y attendez le moins. Souvent, cela part d’une atmosphère. Une ambiance particulière, quelque chose dans l’air qui vous pousse à vous replonger dans les abîmes du temps passé.

     

    L’une de ces soirées d’été, où vous vous baladiez la nuit sur les trottoirs de la vieille ville, profitant de la douce chaleur nocturne et admirant les lumières chaleureuse de la cité. Les terrasses des bars encore ouvertes malgré l’heure tardive, où vous êtes tantôt arrêté pour boire un verre bien mérité en compagnie de vos amis. Ils sont encore là, vous accompagnant dans vos pérégrinations nocturnes, tels des aventuriers du bitume à la recherche du plaisir simple de refaire le monde une nuit d’été. A la recherche d’un Graal de quartier, où la musique s’échappe avec délices des fenêtres ouvertes d’une gargote qui n’attend plus que vous, celle où vous réunissez au moins une fois par semaine pour vous retrouver, raconter vos dernières journées, faire le point ou simplement profiter d’un silence complice en bonne compagnie. Tout autour de vous, les conversations fusent, les tablées parlent, rient, boivent, s’amusent. Vous regardez défiler les passants du passé, tranquilles ou pressés, toujours altiers. Des rois et des reines de la nuit, sortant de boîte, ou se dirigeant vers la prochaine. Ou alors d’un pas rapide, direction la station pour ne pas rater le dernier bus, le dernier métro.

    Un rire plus fort, une blague cent fois racontées, une histoire mille fois mise en scène, mais qui n’appartient qu’à vous tous réunis, qui vous voyez tout le temps et pour tant pas assez souvent. Du temps à rattraper, des histoires à raconter, des regards complices à échanger autour d’une bière, d’un coca glacé et d’une cigarette dont les effluves de tabac goudronné se joignent à l’odeur si particulière d’une telle atmosphère. L’heure tourne, toujours trop vite, toujours favorite. Une bande de copains s’installe non loin, et vous vous retrouvez dans chacun. Deux bandes d’amis qui se rejoignent. Les soucis, les pépins, les tracas sont échangés, comparés, moqués tandis qu’on oublie l’espace d’un café les responsabilités. Elles reviendront nous étouffer bien assez vite, peut-être le lendemain d’un doux soir de cuite. Mais aucune importance, ce soir c’est la danse des répliques qui balancent. Vous vous êtes tous déjà dit les mêmes histoires, les mêmes blagues, les mêmes vannes, mais cela n’a pas d’importance ; ce sont les vôtres, celles qui comptent, qui valent la peine qu’on les raconte. C’est une fin de semaine, comme celle d’avant et celle qui précède, comme la prochaine fois et celle qui suivra. Vous vous retrouvez entouré, de ceux qui vous aiment, de ceux que vous aimez, toute la bande au complet malgré les délais. Délais d’une vie bien remplie, d’un travail à accomplir, d’études à finir et de vie à mourir. Juste une fois par semaine, du temps volé dont le pesant est d’or, un or qui brille dans les yeux et qui pare chaque rire. Car vous savez bien qu’il est important, pour de tels moments de toujours trouver un peu de temps. Le temps d’un café avalé entre quelques mots échangés, ou le temps plus long d’une bière ou deux qui voient vos lèvres se délier. Puis la soirée s’avance, elle doit bien se terminer, vous le savez. Qu’elle dure depuis longtemps ou qu’elle vienne de débuter, des retrouvailles en coup de vent ou une bienheureuse éternité. L’importance du temps n’est pas les heures écoulées, mais ce qu’on peut en tirer de chaque minute.

     

    Non loin de vous, presque en face, le sourire d’une inconnue attrapé au vol, précieusement conservé dans le mouchoir de poche d’une nuit d’été.

     

    Il y a de ces nostalgies étranges, particulières, qui se plaisent à monter en vous comme la marrée le long des contreforts de la mémoire (ouais, c’est classe quand même, y a pas à dire). Ce sont des sensations, des émotions, des souvenirs qui rejaillissent en vous quand vous vous y attendez le moins. Souvent, cela part d’une atmosphère. Une ambiance particulière, quelque chose dans l’air qui vous pousse à vous replonger dans les abîmes du temps passé. Comme cette nostalgie d’un soir d’été. Et ce qu’il y a de plus dur, à sentir ces fantômes de souvenirs vous assaillir comme si vous y étiez, c’est que vous réalisez que vous ne les avez jamais vécus.

    C’est la nostalgie du temps passé la plus particulière : celle de ce temps qui, en définitive, n’est jamais arrivé.