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  • Quand la vulgaire télé livre une véritable oeuvre de réflexion autant que de divertissement

    Comme la plupart de vos connaissances le savent, vous adorez Battlestar Galactica, cette excellente série de science-fiction aussi intelligente que prenante. C’est pourquoi vous n’allez pas parler de Battlestar Galactica dans ce post. Parce que c’est une série réellement compliquée à présenter, et que vous ne vous en sentez pas l’envie impérieuse. Non, vous ressentez en fait l’envie impérieuse de parler brièvement de votre autre grande passion dans le monde des séries, votre obsession télévisuelle par excellence : Lost.

     

    Vous entendez déjà les « Bouh ! » et autres « Mais en fait c’est du grand n’importe quoi cette série ! » pleuvoir, mais cette averse d’ignorance glissera sur vous comme la caresse du vent sur un chêne centenaire (qui a quand même bien plus de prestige qu’un canard). Vous répondrez à ces philistins ignares qu’ils devraient regarder plus de trois épisodes pris au hasard et cesser de prêter attention aux ragots et autres qu’en dira-t-on qui persistent à faire passer cette fabuleuse série pour une vulgaire et simpliste « accroche pour téléspectateurs » dépourvue de véritable scénario travaillé.

     

    Et bien il n’en est rien. Parfaitement. La rumeur qui court depuis trop longtemps, assurant que le scénario était inventé au fur et à mesure, épisode par épisode, et que les auteurs ne savaient pas du tout où ils allaient est infondée. Car –alors que la sixième et dernière saison est actuellement en cours de diffusion aux Etats-Unis- on ne peut que se rendre compte que les scénaristes savaient où ils allaient, et ce depuis le début. Ils l’ont dit plus d’une fois, et vous certifiez que cela se sent en ayant récemment revu la saison une avec votre mère (puisqu’aucune de vos autres proches connaissances ne semble s’y intéresser). Non messieurs-dames, Lost n’est pas qu’un gros foutoir d’idées jetées au petit bonheur la chance chaque semaine autour d’une table d’auteurs défoncés aux champignons magiques. Les ours polaires ont un sens, de même que le reste. Mais pour avoir la satisfaction de l’apprendre –et de voir à quel point tout cela a été rondement mené- il aura fallu faire preuve de fidélité et de patience.

     

    Et franchement, ce n’est pas difficile tant cette série est géniale, bien différente de tout ce qui a été fait jusqu’ici. Car ce n’est pas l’histoire –très bonne au demeurant- qui est le véritable moteur de cette fresque du petit écran, mais les personnages. Jamais vous n’avez vu une psychologie des personnages et de leurs relations aussi fouillées dans une série, ou même au cinéma. L’écriture est aussi pertinente et profonde que celle d’un excellent roman plein de pages. La dynamique de la série, qui suit certains des rescapés (mais pas que), en dévoilant des moments de leur vie au compte-gouttes (que ce soit à l’aide de flash-back ou de flash-forwards, deux procédés dont la série Lost possède la maîtrise absolue à vos yeux) est toujours prenante, et loin de tout stéréotype, abandonnant très tôt (dès la première saison) toute notion de manichéisme. Contrairement à ce que les détracteurs faciles racontent, Lost n’est pas remplie de personnages toujours frais et pimpants même après des mois sur une île déserte, mais vous n’allez pas épiloguer là-dessus. Car ce qui compte, comme le dit la sagesse populaire, c’est l’intérieur, ce qui se cache au plus profond des gens et non leur apparence. Et de la profondeur, tous les personnages –très nombreux- en sont fournis (il y a bien sûr quelques exceptions, rien n’est parfait en ce monde). Ils sont tous extrêmement humains, et possèdent une histoire riche et fouillées loin des pontifes du genre, tout en permettant à nombre d’entre nous de s’y identifier. Et le tour de force, c’est que la magie dure, persiste et signe : on s’attache très vite à ces protagonistes, pas plus héros que vous ou un autre, et à leurs petites histoires.

     

    La psychologie fournie et très riche de tous ces gens d’origines variées est d’autant mieux rendue par une autre force de la série : le casting. Tous (pratiquement, hein ; il y a là aussi quelques exceptions bien entendu) les acteurs sont absolument fabuleux, transmettant des émotions comme jamais dans une série télévisée. La manière dont est filmée la série –digne selon vous des plus grands films du cinéma- ne peut que renforcer leur talent incroyable. L’émotion est très fort, submerge le spectateur, le surprenant sans cesse, le bouleversant lui et ses idées reçues sans jamais ménager. Au fur et à mesure que la série avance, que des réponses sont données et que des nouvelles questions se soulèvent, on réalise que les créateurs de ce show ne se sont pas payés la têtes de ceux qui y ont cru, et vous, en tout cas, ne regrettez rien. Outre la psychologie incroyablement riche des personnages et des relations qu’ils entretiennent entre eux, outre la mise en scène et la réalisation digne du génie, outre l’histoire dont chaque élément finit par s’emboîter avec logique, il y a les multiples références, cryptiques ou non, qui parsèment la série et construisent sa mythologie (il y a plein de chose fascinantes qui peuvent amener à la réflexion ; si trois personnages portent les noms de familles de trois philosophes –Locke, Hume et Rousseau- ce n’est certes pas par hasard. Et ce n’est là que l’une des multiples facettes de la série poussant à la réflexion).

     

    Alors oui, maintenant que la série est sur le point de s’achever, vous n’avez pas peur de dire que c’est à la série télé ce que sont les chefs-d’œuvre au cinéma. Puissamment intelligente, poussant sans-cesse à la réflexion, dotée d’un casting de personnages (et d’acteurs) travaillés à l’extrême et souvent loin des clichés, dotée d’une réalisation et d’une photographie sublime et relevée d’une bande originale sublime (composée par Michael Giacchino, dont vous avez mis un morceau à la fin de cette note), Lost est décidément fascinante sous toutes les coutures, et vous ne pouvez plus attendre de voir la conclusion de cette saga épique qui confirme à vos yeux le génie que peut présenter le mode de narration qu’est celu de la série télé.

     

    Lost est pour vous l’une des œuvres majeures du divertissement humain – différente encore du faite qu’elle pousse à la réflexion et de par tout ce qu’elle met en scène, quels que soient les thèmes abordés au cour de la série. Vous n’avez envie que d’une seule chose : tout revoir à la suite, en bonne compagnie, afin de la faire découvrir à ceux qui sont passé à côté de ce petit bijou. Si quelqu’un a un jour envie de se plonger dans cette saga captivante et profondément intelligente, qu’il n’hésite pas à vous en faire part : vous serez ravi de l’y accompagner !

     


    podcast

    (The Constant - Lost: Season 4, Michael Giacchino)

     

  • Honor Harrington

    C’est alors que vous attaquez le premier volume de la nouvelle série de l’auteur de science-fiction David Weber (et non pas Bernard Werber ; vous précisez parce qu’environ quatre personnes sur cinq s’exclament « Ah, Bernard Werber, tu dis ? » après que vous ayez pourtant très distinctement « David Weber ». Non pas que vous ayez quelque chose contre Bernard Werber, hein. Mais c’est fou comme cet écrivain est quelque par entré dans l’inconscient collectif.), que vous avez eu envie d’écrire quelques mots sur sa saga phare, celle d’Honor Harrington.

    Qu’est-ce qu’Honor Harrington ? C’est une fantastique, grande et très dense œuvre de science-fiction qui compte actuellement onze tomes divisés en dix-sept bouquins (certains tomes ayant dû être divisés en deux pour faciliter la publication, sans doute). C’est de la science-fiction, et vous la qualifieriez plus précisément de space-opera politique. Vous entendez par là qu’il y a beaucoup de combats spatiaux et beaucoup de politique (présente dès le premier ouvrage, et le devenant de plus en plus par la suite).

    Dans un futur lointain, l’humanité à colonisé de nombreux systèmes solaires, et s’est divisées en de nombreux royaumes et entités politiques. Dans le premier tome (Mission Basilic), Honor Harrington est une jeune capitaine de vaisseau du royaume stellaire de Manticore, une sorte de royaume de Grande-Bretagne futuriste. Elle vient d’obtenir son premier commandement de croiseur de combat, qui sera le premier poste d’une longue carrière riche en aventures, de victoires en déboires. Accompagnée du chat sylvestre Nimitz –une espèce de félin à six pattes incroyablement intelligent qui partage un fort lien empathique avec l’humaine- elle va être le personnage central de la grande fresque spatiale politique qu’est la saga qui porte son nom.

    Alors oui, les premiers tomes peuvent parfois se révéler agaçants quand on se détache de l’action et qu’on y réfléchit, de part les parallèles parfois maladroits et surtout trop évidents que l’auteur se plait à utiliser. La première partie de la saga met en scène la guerre entre le royaume stellaire de Manticore –une sorte de monarchie libérale dont les dirigeants sont élus par le peuple- et la République du Havre, une grande entité vaguement communiste et sclérosée qui n’a plus assez de ressources pour gérer tous ses systèmes stellaires et dont la quasi-totalité du peuple dépend des allocations vitales que lui verse un gouvernement plus ou moins corrompu. Alors oui, les parallèles historiques sont flagrants et peuvent agacer ceux qui auront de la peine à entrer dans l’action. Vous pensez notamment au choix des noms (celui de la République populaire de Havre, notamment, et le nom de certains révolutionnaires qui vont mettre à bas le régime et devenir de nouveaux dictateurs : on trouve parmi eux un Robert Pierre et un Oscar Saint-Just, entre autres…). Entre ces grossiers parallèles (oui, vous vous répétez mais vous avez la flemme de chercher des synonymes à « parallèle » et la critique assez négative de l’Eglise (dans le tome deux surtout), vous comprenez que certains lecteurs puissent avoir de la peine à prendre l’auteur au sérieux et à rentrer dans l’histoire.

    Et c’est bien dommage pour eux, car la série finit doucement par s’émanciper de ces stéréotypes. Dès le quatrième tome, le royaume stellaire de Manticore se voit aussi doté de dirigeants corrompus et détestables, et par la suite la République du Havre se verra dotée d’autres personnages que des dictateurs fanatiques, surtout une fois la face révolutionnaire passée. Quant à l’Eglise, le propose se nuance lui aussi rapidement dès que l’auteur s’attache à se plonger plus en avant dans l’histoire de la planète religieuse Grayson, introduite dans le deuxième tome et prenant beaucoup d’importance dans les suivants. Dès le milieu de la saga, le manichéisme très présent les premiers tomes disparait rapidement pour laisser place à une grande nuance de gris, aucune nation n’étant ni toute noire ni toute blanche. L’auteur semble avoir compris qu’il était plus réaliste de nuancer, et il s’en sort avec les honneurs, parvenant à nous faire oublier les maladresses des premiers tomes (maladresses parfois exagérées ; vous ne voyez toujours pas comment certaines personnes ont pu considérer le royaume stellaire de Manticore comme une nation fasciste. Vous rassurez les lecteurs, il n’en est rien !).

    Qu’est-ce qui fait pourtant crocher dès le début, alors, se diront vos lecteurs les plus perspicaces ? Et bien l’écriture tout d’abord, très agréable, ainsi que les personnages impeccablement décrits que David Weber met en scène. La psychologie et les relations entre personnages sont impeccables, fouillées, et de plus en plus nuancées au fur et à mesure que l’histoire progresse. Ensuite, Weber a su construire un univers (surnommé le « Honorverse » par les fans) crédible et cohérent (toujours une fois les premiers parallèles grossiers dépassés). Le travail d’ensemble est remarquable, et chaque détail est fouillé et bien pensé. On y croit, à ce futur possible de l’humanité dans les étoiles, et les crises qui s’y produisent nous semblent assez proches des nôtres pour que nous nous y identifiions très vite.

    De plus, David (vous vous permettez de l’appeler David, aller, zou !) maîtrise sans conteste tout ce qui relève de la science et des technologies. Tout est expliqué, crédible et surtout incroyablement détaillé. Il n’est pas rare d’avoir plusieurs pages consacrées au fonctionnement de telle ou telle technologie, et les voyages spatiaux n’auront bientôt plus de secrets pour les lecteurs. Le jargon technologique reste très dense, toutefois, et pourra rebuter les personnes les plus allergiques (cela était votre cas au début, mais vous vous y êtes habitués, finalement). Il en va de même pour les combats spatiaux, le cœur de la série : on s’y croirait. On a véritablement l’impression de voir projeté les combats navals sur nos vieilles mers à échelle spatiale. Les flottes d’une nation ou d’une autre sont toutes impeccablement mises en scène, et l’auteur connait son sujet sur le bout des doigts. La vie à bord, la vie d’officier de marine ou de fusilier, tout y est mis en scène avec brio et moult détails qui renforcent la cohésion de l’univers. Les combats sont passionnants de bout en bout, s’étalant parfois sur une cinquantaine de pages pour une seule bataille, détaillant la moindre bordée de missiles et prenant en compte une véritable tactique. Là également, certains lecteurs rétifs aux longues descriptions de batailles spatiales (ou navales) pourront s’ennuyer, mais évidemment, tout le monde n’aime pas la science-fiction plus dense. Enfin, après les combats spatiaux, la politique devient de plus en plus présente dans la saga. De nombreux chapitres sont consacrés à des délibérations politiques et la dynamique de cette politique à l’échelle non pas d’un monde mais d’une galaxie. C’est là encore très bien maîtrisé, et on ne s’ennuie jamais à suivre les longs dialogues et explications politiques.

    Mais tout cela ne tiendrait pas ensemble sans l’histoire, prenante et toujours bien mise en scène, servie par de très nombreux personnages fouillés et fascinants. Car il y a une quantité astronomiques de personnages qui se côtoient et se succèdent au long de la saga, et pratiquement tous deviennent attachants car profondément humains. Il y a bien sûr des héros et des vilains, mais de plus en plus de personnages nuancés font surfaces. Une fois la deuxième guerre entre Manticore et Havre en place, aucun des deux camps ne parait plus sympathique que l’autre comme cela était le cas auparavant. On en vient à aimer les personnages des deux camps, et à ne plus supporter une seule faction mais à trouver du bon en toutes. C’est là tout le génie de David Weber, au sommet de son art lorsqu’il s’agit de nous rendre attachant une myriade de personnages et à nous faire craindre pour le futur de chacun d’entre eux, quel que soit leur camp (car David Weber est aussi un grand sadique qui, comme dans la vraie vie, n’hésite pas à faire disparaître des gens à tour de bras ; les dures réalités de la guerre…).

    Bref : un univers fouillé, dense et cohérent, une complexité politique et des combats spatiaux passionnants ainsi que des personnages profondément humains (ainsi que les relations qu’ils nouent entre eux, sans oublier leur évolution), fait vite oublier les maladresse du début et nous transporte dans une sage qui nous met sans cesse en haleine et qui brise petit à petit les bases établies en renversant sans cesse les rôles et en nous donnant envie de savoir ce que deviendront chacun des protagonistes, et ce quel que soit leur camp. Car au fur et à mesure, les certitudes sont ébranlées et il n’y a plus que de véritables héros ou méchants ; car au final, ce sont les différences d’opinion qui justifient les conflits, mettant en scène non pas les gentils contre les vilains, mais simplement des antagonistes malgré eux, et toujours profondément humains. Tout cela au service d’une histoire pleine de rebondissements et d’une action soutenue et excellemment mise en scène par David Weber, qui sait dès le premier tome nous faire aimer Honor Harrington et nous donner sans cesse envie de suivre le destin de ce personnage exceptionnel et de ceux qui l’entourent !

    Honor Harrington, David Weber (onze tomes (dix-sept romans) pour la sage principale, toujours en cours, et déjà un tome divisé en deux livres se déroulant dans le même univers mais de détachant de l’histoire principale)

  • L'inconnu et la poignée de porte

    Il arrive parfois, quand vous vous retrouvez fac e à votre clavier, que vous rappeliez avoir un blog. Oui, celui-là même que vous enrichissez en ce moment d’une nouvelle note qui sera lue par les quelques improbables pèlerins qui passeraient encore dans le coin de temps en temps, des fois qu’il y aurait du neuf.

    Et vous êtes bien embêté, car si vous leur mettez effectivement une nouvelle note sous les yeux, de neuf vous n’avez rien à raconter. Oh, ce n’est pas qu’il ne se passe rien de votre côté, mais aucun évènement particulier ne vous a donné l’envie soudaine de vous saisir de votre plume pour le mettre en prose pleine de mots. Et oui, il y a une redondance qui se retrouve jusque dans vos expressions, et point uniquement dans la routine de votre vie.

    Ah si. Il y a quand même quelque chose : ça y est, vous vous êtes lancés dans la grande aventure de la recherche de votre premier logement. Ca a l’air de rien, dit comme ça, mais mine de rien cela représente un grand pas en avant. Du genre de ceux qui vous propulsent dans l’inconnu à bras le corps. Bon, l’ennui, c’est que l’inconnu ça parait alléchant comme ça, mais qu’on ne sait pas ce qu’on va y trouver. C’est un peu le principe, me direz-vous. Si on savait ce que représentait l’inconnu, on ne s’amuserait pas à le chercher, et beaucoup de scientifiques seraient très malheureux s’ils n’avaient plus de raison d’essayer d’expliquer les trois quarts inexplicables de l’univers avec le quart qu’ils croient avoir compris et dont nous rirons tous très certainement lorsque nous aurons six doigts à chaque main et un clone accroché au portemanteau.

    Mais vous vous égarez un brin. L’inconnu, donc. Celui, terrifiant de l’émancipation, qui passe fatalement par la recherche de son premier chez soi, celui où il n’y aura personne pour vous dire d’aller chercher le pain à la migros. Pas plus qu’il y en aura pour faire votre lessive, mais c’est une autre partie du problème que représente cette grande équation pleine d’inconnues. Dont certaines sont d’ailleurs représentées par des lettres qui, au lieu de se réunir par petits groupes en parenthèses, préfèrent arriver chaque mois couvertes d’autres lettres et de chiffres qui font mal aux yeux parce que rarement là où on aimerait qu’ils soient. C’est très humain ça, de s’user les yeux parce qu’on refuse de croire ce qu’on a devant soi lorsque cela ne nous convient pas. Comme quoi, une vision saine peut parfois dépendre d’un simple décalage dans une colonne ; on est finalement bien peu de choses…

     

    Surtout vous, d’ailleurs ; vous êtes bien peu de choses face à l’immensité de l’univers. Et pas le meilleur du mutivers ; celui où vous devez faire face à des histoires soudaines d’assurances et de références n’est vraiment pas votre préféré. Vous auriez pu tomber sur celui où les arbres sont faits de chocolat, mais la vie n’est pas un rêve et votre estomac ne s’en remettrait pas. De toutes façons, paperasse ou chocolat, ça se digère mal en grandes quantités (sans doute à cause de la qualité de l’encre).

     

    La recherche de votre foyer, donc, celui que vous et vos petites choses aller peupler de votre amour et de vos angoisses (vous espérez en trouver un avec assez de placards). La recherche d’un appartement, mais un petit comme vous aimeriez bien avoir (ne dit-on pas que quand c’est petit, c’est mignon ? Ou confondez-vous les adages ?), et bien mes amis, ce n’est pas chose aisée. Vos lecteurs (si vous en avez encore) le savent sûrement au moins autant que vous, vous n’allez pas leur apprendre grand-chose (en même temps, si les blogs étaient faits pour apprendre, ça se saurait). Outre la paperasserie nécessaire qui vous donne l’impression de combattre une hydre tentaculaire (pour un papier de trouvé, deux autres sont nécessaires), la recherche en elle-même vous pose de menus problèmes. Déjà, quand il s’agit d’appeler le numéro d’une annonce à l’air prometteuse (de celle qui vous fait les yeux doux et dont vous pensez qu’elle ne se tirera pas le lendemain sans même laisser un petit mot sur l’oreiller), vous regardez le téléphone comme s’il s’agissait d’une bête prête à mordre, tête de méduse sortie des enfers aux multiples serpents vicieux qui vous paralysent à vue. Vous êtes tout bonnement incapable de décrocher la satanée machine pour vous renseigner et finissez par vous rabattre, la mort dans l’âme, sur une bonne âme encore bien vivante de votre entourage qui passera le coup de fil salutaire pour vous, le coup de fil qui augure de pleines merveilles et promesses qui ne font généralement pas long feu sur l’ardoise brûlante de vos désillusions.

    Bon, ensuite, il y a la visite de ces prisons dorées, promesses de liberté astreignante qu’est la sacro-sainte indépendance. Là non plus, ce n’est pas votre truc. Déjà, vous êtes incapable de vous repérer correctement avec des cartes dans une ville comme Lausanne, alors vous paniquez dès que l’objet de vos attentes les plus folles (qui ne prennent pas beaucoup d’espace et ne demandent au fond que quelques mètres carrés) s’écarte ne serait-ce que d’une rue des zones que vous connaissez (vaguement). Du coup, il faut pratiquement que quelqu’un vienne vous tenir la main jusque devant la porte, vous guide et vous fasse votre goûter si elle est gentille. Car oui, vous avez une peur profonde et sourde, ancienne comme celle des chasseurs-cueilleurs qui devaient visiter la caverne du coin pour voir s’il n’y avait pas de mammouths tueurs avant d’y emménager, de vous présenter seul à une visite. On le sait, vous n’êtes sociable au tout venant que comme le serait, disons, une poignée de porte légèrement dépressive, et l’idée de vous confronter à un locataire inconnu vous faisant visiter son entre vous transperce d’effroi et vous assaillit d’angoisses à n’en plus dormir la nuit (qui dort la nuit de nos jours ? C’est has-been, non ?). Vous savez que si vous n’avez pas un cerbère, fidèle garde du corps ménager à vos côtés pour vous appuyer, vous vous contenterez de bredouiller des syllabes incohérentes en regardant chaque pièce, chaque meuble, avec le regard fou du lapin traqué pris dans le feu d’un boeing sur la piste d’atterrissage. L’inconnu, encore une fois. Le pire de tous : celui éà visage humain. Les inconnues inertes, comme les pièces vides ou ce qu’il y a de l’autre côté du panneau « Attention danger ! » ne nécessitent pas que vous fassiez la causette. Les locataires qui vous font miroiter les merveilles de l’endroit merveilleux dont ils sont si pressés de partir, ça risque d’être autre chose. Vous devenez une poignée de porte vraiment très mal à l’aise, et vous partez du principe qu’au moment où on se prend –métaphoriquement parlant, hein- pour une poignée de porte, les choses ne peuvent que mal se dérouler. Et puis, ce locataire inconnu, vous n’en savez rien. Si ça se trouve, il passe des annonce pour attirer les chercheurs de logement innocents (les chercheurs, pas les logements) afin de les tuer à coup de pelle, de les découper en morceaux dont ils cacheront une partie dans le congélateur tandis qu’ils empaillerons les autres pour faire des sculptures rigolotes qu’ils exposeront dans une galerie d’arts modernes (et soyons francs, personne ne se doutera de quoi que ce soit ; on peut cacher au grand jour n’importe quoi dans une galerie d’arts modernes, ça ne détonnera jamais avec le reste, et ce même si le sang est encore frais).

     

    Bref, c’est l’angoisse. Et si vous n’étiez pas prêts, maintenant que vous en avez l’opportunité ? N’était-ce pas plus confortable lorsque cela n’était qu’un rêve inaccessible, comme la fin de la dernière saison de Lost ? Et si vous n’étiez pas capable de gérer tout cela ? Et si vous finissiez mort et desséchés dans votre premier appartement parce que le stress vous aura fait oublier comment utiliser la poignée de porte pour recouvrer votre liberté ? Et si vous finissiez dans un congélateur avant d’être déguster par un cannibale distingué qui lira du Proust en assaisonnant votre cuisse gauche ?

    Et si la vraie vie, c’était quand même super flippant ?

    En fait nul besoin d’hypothèse : la vraie vie, c’EST super flippant. Tout le monde le sait, mais tout le monde se brûle les yeux en essayant de loucher sur la colonne d’à côté, celle qu’on préfère nettement voir, même si elle pleine de ratures et que, ben, elle n’existe pas vraiment.

    Vous voulez faire encore tellement de chose ! Il y a trouver un appartement (et y survivre). Ecrire cette histoire qui n’arrête pas de vous trotter dans la tête. Connaître à nouveau l’amour (quand on dit que vous avez un cœur de midinette…). Mangez plein de nouvelles sortes de ramens. Lire des dizaines et des dizaines de romans qui attendent sur vos étagères ou dans les rayons des magasins. Trouver quelqu’un avec assez de courage et d’abnégation pour enfin vous refaire l’intégrale de Battlestar Galactica et Lost (surtout Lost, parce que ça vous obsède en ce moment ; maintenant que la fin approche, vous DEVEZ tout revoir depuis le début pour réaliser que c’est quand même foutrement bien construit. Un ou plusieurs volontaires courageux ? Pitié ?). Aller en Ecosse.

    Que des petites choses, en comparaison au grand tout. Mais ne vaut-il pas mieux chercher à accomplir ces petites choses plutôt que de passer toute une vie à atteindre ce grand tout ?

    Après tout, qui sait… avoir des rêves de poignée de porte, c’est peut-être mieux qu’un rêve de grandeur : ce sera toujours assez petit pour ouvrir la porte et voir ce qu’il y a derrière !