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Honor Harrington

C’est alors que vous attaquez le premier volume de la nouvelle série de l’auteur de science-fiction David Weber (et non pas Bernard Werber ; vous précisez parce qu’environ quatre personnes sur cinq s’exclament « Ah, Bernard Werber, tu dis ? » après que vous ayez pourtant très distinctement « David Weber ». Non pas que vous ayez quelque chose contre Bernard Werber, hein. Mais c’est fou comme cet écrivain est quelque par entré dans l’inconscient collectif.), que vous avez eu envie d’écrire quelques mots sur sa saga phare, celle d’Honor Harrington.

Qu’est-ce qu’Honor Harrington ? C’est une fantastique, grande et très dense œuvre de science-fiction qui compte actuellement onze tomes divisés en dix-sept bouquins (certains tomes ayant dû être divisés en deux pour faciliter la publication, sans doute). C’est de la science-fiction, et vous la qualifieriez plus précisément de space-opera politique. Vous entendez par là qu’il y a beaucoup de combats spatiaux et beaucoup de politique (présente dès le premier ouvrage, et le devenant de plus en plus par la suite).

Dans un futur lointain, l’humanité à colonisé de nombreux systèmes solaires, et s’est divisées en de nombreux royaumes et entités politiques. Dans le premier tome (Mission Basilic), Honor Harrington est une jeune capitaine de vaisseau du royaume stellaire de Manticore, une sorte de royaume de Grande-Bretagne futuriste. Elle vient d’obtenir son premier commandement de croiseur de combat, qui sera le premier poste d’une longue carrière riche en aventures, de victoires en déboires. Accompagnée du chat sylvestre Nimitz –une espèce de félin à six pattes incroyablement intelligent qui partage un fort lien empathique avec l’humaine- elle va être le personnage central de la grande fresque spatiale politique qu’est la saga qui porte son nom.

Alors oui, les premiers tomes peuvent parfois se révéler agaçants quand on se détache de l’action et qu’on y réfléchit, de part les parallèles parfois maladroits et surtout trop évidents que l’auteur se plait à utiliser. La première partie de la saga met en scène la guerre entre le royaume stellaire de Manticore –une sorte de monarchie libérale dont les dirigeants sont élus par le peuple- et la République du Havre, une grande entité vaguement communiste et sclérosée qui n’a plus assez de ressources pour gérer tous ses systèmes stellaires et dont la quasi-totalité du peuple dépend des allocations vitales que lui verse un gouvernement plus ou moins corrompu. Alors oui, les parallèles historiques sont flagrants et peuvent agacer ceux qui auront de la peine à entrer dans l’action. Vous pensez notamment au choix des noms (celui de la République populaire de Havre, notamment, et le nom de certains révolutionnaires qui vont mettre à bas le régime et devenir de nouveaux dictateurs : on trouve parmi eux un Robert Pierre et un Oscar Saint-Just, entre autres…). Entre ces grossiers parallèles (oui, vous vous répétez mais vous avez la flemme de chercher des synonymes à « parallèle » et la critique assez négative de l’Eglise (dans le tome deux surtout), vous comprenez que certains lecteurs puissent avoir de la peine à prendre l’auteur au sérieux et à rentrer dans l’histoire.

Et c’est bien dommage pour eux, car la série finit doucement par s’émanciper de ces stéréotypes. Dès le quatrième tome, le royaume stellaire de Manticore se voit aussi doté de dirigeants corrompus et détestables, et par la suite la République du Havre se verra dotée d’autres personnages que des dictateurs fanatiques, surtout une fois la face révolutionnaire passée. Quant à l’Eglise, le propose se nuance lui aussi rapidement dès que l’auteur s’attache à se plonger plus en avant dans l’histoire de la planète religieuse Grayson, introduite dans le deuxième tome et prenant beaucoup d’importance dans les suivants. Dès le milieu de la saga, le manichéisme très présent les premiers tomes disparait rapidement pour laisser place à une grande nuance de gris, aucune nation n’étant ni toute noire ni toute blanche. L’auteur semble avoir compris qu’il était plus réaliste de nuancer, et il s’en sort avec les honneurs, parvenant à nous faire oublier les maladresses des premiers tomes (maladresses parfois exagérées ; vous ne voyez toujours pas comment certaines personnes ont pu considérer le royaume stellaire de Manticore comme une nation fasciste. Vous rassurez les lecteurs, il n’en est rien !).

Qu’est-ce qui fait pourtant crocher dès le début, alors, se diront vos lecteurs les plus perspicaces ? Et bien l’écriture tout d’abord, très agréable, ainsi que les personnages impeccablement décrits que David Weber met en scène. La psychologie et les relations entre personnages sont impeccables, fouillées, et de plus en plus nuancées au fur et à mesure que l’histoire progresse. Ensuite, Weber a su construire un univers (surnommé le « Honorverse » par les fans) crédible et cohérent (toujours une fois les premiers parallèles grossiers dépassés). Le travail d’ensemble est remarquable, et chaque détail est fouillé et bien pensé. On y croit, à ce futur possible de l’humanité dans les étoiles, et les crises qui s’y produisent nous semblent assez proches des nôtres pour que nous nous y identifiions très vite.

De plus, David (vous vous permettez de l’appeler David, aller, zou !) maîtrise sans conteste tout ce qui relève de la science et des technologies. Tout est expliqué, crédible et surtout incroyablement détaillé. Il n’est pas rare d’avoir plusieurs pages consacrées au fonctionnement de telle ou telle technologie, et les voyages spatiaux n’auront bientôt plus de secrets pour les lecteurs. Le jargon technologique reste très dense, toutefois, et pourra rebuter les personnes les plus allergiques (cela était votre cas au début, mais vous vous y êtes habitués, finalement). Il en va de même pour les combats spatiaux, le cœur de la série : on s’y croirait. On a véritablement l’impression de voir projeté les combats navals sur nos vieilles mers à échelle spatiale. Les flottes d’une nation ou d’une autre sont toutes impeccablement mises en scène, et l’auteur connait son sujet sur le bout des doigts. La vie à bord, la vie d’officier de marine ou de fusilier, tout y est mis en scène avec brio et moult détails qui renforcent la cohésion de l’univers. Les combats sont passionnants de bout en bout, s’étalant parfois sur une cinquantaine de pages pour une seule bataille, détaillant la moindre bordée de missiles et prenant en compte une véritable tactique. Là également, certains lecteurs rétifs aux longues descriptions de batailles spatiales (ou navales) pourront s’ennuyer, mais évidemment, tout le monde n’aime pas la science-fiction plus dense. Enfin, après les combats spatiaux, la politique devient de plus en plus présente dans la saga. De nombreux chapitres sont consacrés à des délibérations politiques et la dynamique de cette politique à l’échelle non pas d’un monde mais d’une galaxie. C’est là encore très bien maîtrisé, et on ne s’ennuie jamais à suivre les longs dialogues et explications politiques.

Mais tout cela ne tiendrait pas ensemble sans l’histoire, prenante et toujours bien mise en scène, servie par de très nombreux personnages fouillés et fascinants. Car il y a une quantité astronomiques de personnages qui se côtoient et se succèdent au long de la saga, et pratiquement tous deviennent attachants car profondément humains. Il y a bien sûr des héros et des vilains, mais de plus en plus de personnages nuancés font surfaces. Une fois la deuxième guerre entre Manticore et Havre en place, aucun des deux camps ne parait plus sympathique que l’autre comme cela était le cas auparavant. On en vient à aimer les personnages des deux camps, et à ne plus supporter une seule faction mais à trouver du bon en toutes. C’est là tout le génie de David Weber, au sommet de son art lorsqu’il s’agit de nous rendre attachant une myriade de personnages et à nous faire craindre pour le futur de chacun d’entre eux, quel que soit leur camp (car David Weber est aussi un grand sadique qui, comme dans la vraie vie, n’hésite pas à faire disparaître des gens à tour de bras ; les dures réalités de la guerre…).

Bref : un univers fouillé, dense et cohérent, une complexité politique et des combats spatiaux passionnants ainsi que des personnages profondément humains (ainsi que les relations qu’ils nouent entre eux, sans oublier leur évolution), fait vite oublier les maladresse du début et nous transporte dans une sage qui nous met sans cesse en haleine et qui brise petit à petit les bases établies en renversant sans cesse les rôles et en nous donnant envie de savoir ce que deviendront chacun des protagonistes, et ce quel que soit leur camp. Car au fur et à mesure, les certitudes sont ébranlées et il n’y a plus que de véritables héros ou méchants ; car au final, ce sont les différences d’opinion qui justifient les conflits, mettant en scène non pas les gentils contre les vilains, mais simplement des antagonistes malgré eux, et toujours profondément humains. Tout cela au service d’une histoire pleine de rebondissements et d’une action soutenue et excellemment mise en scène par David Weber, qui sait dès le premier tome nous faire aimer Honor Harrington et nous donner sans cesse envie de suivre le destin de ce personnage exceptionnel et de ceux qui l’entourent !

Honor Harrington, David Weber (onze tomes (dix-sept romans) pour la sage principale, toujours en cours, et déjà un tome divisé en deux livres se déroulant dans le même univers mais de détachant de l’histoire principale)

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