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Carnaval, ou le cimetière des barbes à papa - 2ème partie

Voici la suite de cette palpitante non-aventure!

 

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C’est tout à fait elle, ça. Votre compagne est grosso modo dotée de l’attention d’une fillette de cinq ans. Sauf lorsqu’elle est occupée à vous accabler de reproches pour une raison ou pour une autre, où la détourner de son but reviendrait à vouloir faire dérailler un train de marchandises lancé à toute vitesse uniquement aidé d’une allumette. Bon, pour être honnête, ce n’est pas uniquement des reproches. En fait, dès qu’elle a une idée en tête, vous pouvez être certain que les lois de la physique elle-même finiraient par abandonner avant elle. En fait, c’est entre deux idées fixes que l’attention de votre chère et tendre a tendance à papillonner, attirée par chaque nouvelle possibilité comme un papillon par la flamme. Et vous ne cherchez pas à insulter son intelligence, nullement mise en cause. En fait, sa capacité à s’émerveiller de la moindre petite chose est un de ses traits de caractères qui vous plait le plus chez elle. Tout cela pour dire qu’en plein carnaval, cela ne vous étonne guère de la voir disparaître de votre vue, attirée par l’une ou l’autre situation cocasse.

L’un comme l’autre, vous adorez ce genre de manifestation. Avant qu’elle ne vienne mettre le bazar dans votre vie, vous aviez depuis longtemps déserté de tels évènements, enfermé dans votre petite routine calme et sans surprise. Et vous voilà, ayant redécouvert le plaisir simple d’un bain de foule fêtant l’arrivée des beaux jours. Si l’amour de votre vie aime à se jeter corps et âme dans la liesse et participer à la fête vous, vous aimez vous imprégner de l’ambiance. Vous balader tranquillement coude à coude avec des inconnus, un sandwich trop chaud, trop gras et trop cher dans une main et en savourer chaque miette. Là, au milieu de cette mer d’âmes bigarrées, assourdi par les tonitruantes musiques d’ambiance se mêlant en une joyeuse cacophonie, aveuglé par les lumières clignotantes des manèges et des stands de forains et amusés par les enfants courants entre les jambes des adultes, des ballons et des bâton lumineux dans la main. Un tel spectacle, c’est pour vous  se replonger dans des souvenirs, du temps où l’insouciance prenait le pas sur les angoisses existentielles de votre vie d’adulte.  Malgré tout ce que l’on peut dire de l’espèce humaine, particulièrement rassemblée en foules compactes, vous ne ressentez qu’une ambiance joyeuse, dépourvue d’oppression malsaine. Il fait beau, il fait chaud, la soirée est claire et le lendemain s’annonce radieux. Entre une baraque à frites et un punching ball mécanique pour tester sa force, plongé au cœur de cette foule effervescente, vous vous sentez mystérieusement moins seul, comme faisant partie d’un seul organisme qui aurait un penchant pour les merguez.

« On s’entend pas parler, ici. » grommelle ce cher Steve, qui ne sent visiblement pas autant en phase que vous avec cet environnement. De toute façon, être en phase n’est pas son point fort. Votre ami est perpétuellement décalé. « Bon où est-ce qu’elle est, qu’on puisse se prendre à boire. Ca donne soif ces machins là. »

Tenant un churros entre le pouce et l’index, un sourcil haussé derrière ses grosses lunettes flashy comme s’il s’agissait d’une anguille venue de l’espace passée par mégarde à la friteuse, il semble attendre que vous décidiez de la suite des opérations. Vous voilà bien embêté. Vous êtes de ceux qui suivent la meute d’un pas flâneur plutôt que de galoper en tête. Vous ne faites pas la course, vous vous promenez. Et après des années passées à n’aller nulle part, vous vous en contentez avec un plaisir sans cesse renouvelé. Sans répondre, vous continuez de traverser la foule, ou de vous laisser par elle, vous ne savez pas trop. Lorsque vous sentez soudain une tape sur votre épaule, et un sourire naître sur vos lèvres. Cela ne peut être que…

Un ours. Bleu. Et grand. Mais surtout bleu.

Ce n’est pas tant la taille que la couleur qui vous frappe. Derrière un bras pelucheux de la taille d’un édredon, vous devinez les boucles folles de votre compagne et imaginez son sourire radieux. De ce fait, quand son visage émerge enfin de derrière l’immense peluche qu’elle tient dans ses bras, elle semble particulièrement satisfaite d’elle-même. Vous, vous êtes vaguement sous le choc, un churros à moitié mâchonné dans la bouche, mâchoire béante, ce qui ne doit pas vous donner l’air des plus élégants. A côté de vous, vous êtes persuadé d’entendre Steve sourire tellement il le fait fort et se retient de rire.

« Il est pas cool ? Il suffisait de tirer sur une ficelle. D’habitude, on tombe sur un p’tit chien ou un autre truc du genre, mais j’ai été chanceuse ! La plus grosse du stand, et je suis tombé sur elle ! Classe non ? »

« Ca aura marché au moins pour quelque chose. » lance Steve avant de se prendre un coup de coude de votre part.

« C’est fou, j’ai toujours voulu en avoir un comme ça ! Quand j’étais gamine, je dépensais tout mon argent de poche à la pêche au canard et à tirer sur des ficelles pour tenter le gros lot. Un nouveau but de mon existence grandement accompli ! »

Grandement, en effet, ne pouvez-vous vous empêcher de remarquer tout en demandant où est-ce que ce nouveau succès existentiel va prendre de l’espace dans votre appartement encombré de mille trucs et machins (celle que vous aimez collectionne des objets incongrus à foison, vous êtes incapable de jeter quoi que ce soit. Une fois, vous n’avez pas revu votre chat pendant trois jour, le soupçonnant de s’être perdu dans vos affaires. Ce qui vous avait tout de même tous deux poussés à faire un peu d’ordre concernant les cartons de déménagement et leur contenu.). A votre remarque, elle prend un air faussement songeur –vous le savez parce qu’elle mordille sciemment sa lèvre inférieur pour se donner l’impression de celle qui va accoucher d’une nouvelle théorie philosophie en treize volumes- et finit par hausser les épaules, le nounours géant accompagnant le mouvement.

« C’est une très bonne question. » dit elle. Au même moment, dans la grande tente dressée sur la place, l’orchestre entame un nouvel air festif. Oh non. Vous le savez à la manière dont elle tourne la tête. Quelque chose d’autre a attiré son attention. Quelque chose de terrifiant. Vous cherchez le regard de Steve, espérant y trouver du réconfort, mais il est absorbé dans la contemplation d’une jeune femme non loin, occupé à dévorer un énorme sandwich merguez (l’odeur de ces satanées saucisses ne vous quittera pas avant au moins une bonne semaine, vous en êtes persuadés). A la tête de votre ami, vous devinez qu’il a sans doute trouvé la nouvelle élue de son cœur, le temps des cinq minutes qu’il passera à la dévisager plein d’espoir avant qu’elle ne continue son chemin sans lui accorder la moindre attention. Vous reportez votre attention sur l’élue de votre cœur à vous, et cet ours encombrant devient votre nouveau sauveur. Impossible de déclencher l’apocalypse avec un truc pareil dans les bras. Jamais un classique « Mais si on danse ? » ne vous a paru aussi approprié.

« Je sais ce que tu penses : mais si on danse ? »

Damnation !

« Steve, je te présente ta nouvelle copine ! Essaie de la caresser dans le sens du poil. »

«De quoi ? »

Et voilà que votre ami se retrouve avec une dulcinée des plus improbables dans les bras tandis que les vôtres sont tirés à l’intérieur de la tente par la poigne de fer de votre moitié. Vous n’allez pas y réchapper, à la danse, et vous trouvez un bref instant de réconfort dans la mine interdite de Steve. Mais déjà, on force vos pieds à bouger selon un rythme bien précis que vous allez massacrer comme Attila ravageant la campagne. Sauf que contrairement à Attila, vous n’aurez pas fait exprès.  Mais vous n’avez d’autre choix que de céder et de vous laisser entraîner, de participer un peu et mettre votre tenue de spectateur tranquille au vestiaire. Le temps d’une danse. Ou deux. Ou trois.

Et le lendemain, alors que vous dormirez étendu en travers du lit, épuisé, sous vos fenêtres, on balayera les confettis, pliera les tentes et videra les poubelles. Plus que jamais, les rues auront des allures de cimetière des barbes à papa. Jusqu’à l’année prochaine, où elles reviendront mourir dans un maelström de bruit, de couleur et de lumières.

Et ce pour votre plus grand plaisir.

 

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Mon royame pour une merguez dans un p'tit pain! ;_;

Commentaires

  • Haaaaa oui, comme je te comprends... ^^ Merguez à la boucherie d'Echallens et le petit pain chaud de la boulangerie... Mmm :p

  • L'ours m'a achevé. Que c'était bon, cette historiette!
    Aco aco aco! =D

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