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Lucie 10

Allez, la pageounette du jour!^^

 

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Il n'en fallut pas plus à Lucie pour se coller à nouveau contre la vitre, les mains et le bout du nez contre le verre froid et épais. John Horst se pencha au-dessus du couloir, vivement intéressé lui aussi, et le père Delgado se renfonça dans son fauteuil sans un mot. Il devait bien être le seul dans le wagon à ne pas être captivé par la lumière qui devenait de plus en plus fort à mesure que le train franchissait les dernières mètres qui le séparaient de la sortie. Tous les autres passagers retenaient leur souffle, ébahis, comprenant qu'ils vivaient là quelque chose d'unique. De leur côté, dans la voiture de tête, Daniel Grümman et Stan Detroit surveillaient le tableau de bord et les systèmes du véhicule ; comme Ed Travers, qui avait rejoint les passagers, tous deux n'en étaient pas à leur première sortie, et ils savaient à quoi s'attendre.

Le train continuait sa progression sans ralentir, et il semblait parfois frôler les murs du tunnel de si près que réussir à ne pas rentrer dans la roche donnait l'impression d'être un véritable miracle. C'était difficile à dire, en réalité ; malgré la lumière du jour qui se déversait depuis l'extérieur, l'endroit était tellement obscur qu'on n'en voyait pas le moindre détail. Et puis c'était comme si une blancheur éclatante se se substituait peu à peu au noir profond, créant un contraste saisissant mais guère révélateur. Puis, enfin, le train jaillit à la surface d’Éclat. Les dernières ténèbres se volatilisèrent en un instant, et tous les passagers eurent l'étrange impression de se retrouver projeter au cœur du vide. Car c'était là le mot le plus approprié pour décrire le spectacle qui s'offrait à eux : une vive blancheur qui s'étendait partout et dans lequel le train traçait un bref chemin, vive incarnation du mouvement dans un désert immobile. C'était comme plonger au cœur de la désolation, ainsi que le racontait les histoires. Et comme dans ces dernières, alors même que tous étaient à l'abri à l'intérieur du véhicule chauffé, ils sentirent la température chuter d'un coup et plus d'un d'entre eux ne put s'empêcher de frissonner. Le froid d’Éclat s'infiltrait partout. Lucie ne broncha pas quand sa mère lui ajouta un châle épais en laine grossière sur les épaules ; la fillette observait le monde à travers la fenêtre, et elle ne pouvait s'empêcher d'être déçue.

-On ne voit rien, dit-elle d'un ton trahi, tout enthousiasme retombé.

Et en effet, à travers la vitre, il n'y avait rien d'autre que le blanc d'une étendue infinie et désolée ; en regardant bien, on pouvait discerner du mouvement dans l'air, comme si le vent soufflait, mais l'ensemble revenait à contempler une sorte de purée de pois désagréablement blanche, comme si on en avait ôté toutes les couleurs, ou qu'on avait recouvert la réalité de chaux. C'était à peine si un éclat bleuté passait de temps en temps à travers le verre, seule indication des cieux au-dessus de leurs têtes.

-On ne voit même pas le ciel... commenta John Horst, à sa manière aussi dépité que la fillette.

-On dirait que le verre distord le tout, comme si on ne voyait qu'une fraction du dehors à travers plusieurs couches d'épaisseur, remarqua Martha.

Revenant des toilettes à l'avant du wagon, un homme s'arrêta au niveau de la femme, comme intrigué par son propos. Dans les trente-cinq ans, il était de cette allure molle et empâtée de ceux qui n'ont jamais eu à s'agiter pour gagner leur vie, mais ses yeux étaient vifs et et sa voix sûre d'elle :

-C'est parce que c'est le cas, les renseigna-t-il. Les fenêtres de base ont très vite été remplacées par cette alliage de verre, dès qu'il s'agit d'en ouvrir sur l'extérieur. Aujourd'hui, le temps est à la tempête, alors on s'en rend bien moins compte mais en général, sous le soleil, le paysage est tellement aveuglant qu'on est obligés de le filtrer.

-C'est une mauvaise lumière, c'est connu. Il ne faut pas laisser le bleu entrer.

C'était le père Delgado, et l'homme le regarda d'un air perplexe, passant une main dans es cheveux crépus :

-Ca, je n'en sais rien. Enfin, si vous le dites... J'imagine que c'est plus votre rayon, ce genre de choses. Moi, je suis ingénieur, alors je ne fais attention qu'aux principes qui me permettent de savoir comment ça fonctionne.

-Et vous en savez long sur le sujet ? lui demanda Arthur Kent qui, curieux, releva le nez de la sacoche qu'il tenait fermement sur ses genoux.

-J'ai un peu d'expérience dans le domaine, c'est pour ça qu'ils me veulent à Haven, concernant les expéditions de surface et les travaux qui y en découlent.

-Vraiment ? Voilà qui est passionnant ! Et si vous nous racontiez un peu tout cela ! John Horst sentait sa bonne humeur revenir, et il tapota d'une main le siège libre à côté de lui :

-Asseyez-vous, monsieur... ?

-Ken. Ken Marsters.

L'homme semblait un peu gêné d'être soudain le centre de l'attention mais il accepta l'invitation du prêtre et s'installa sur le fauteuil libre. Il se frotta nerveusement les mains sur son pantalon, et se sentit vaguement mal à l'aise quand le père Delgado lui lança un bref regard inquisiteur ; mais le jeune homme se désintéressa bien vite de lui, faisant comme si Marsters n'était pas assis avec eux. Et Ken Marsters se dit que le voyage promettait d'être intéressant... Il sourit à Lucie, un peu intimidé par l'intensité dont elle le regardait, curieuse de l'entendre ; il avait déjà parlé de ses travaux devant un public, mais il s'agissait de confrères, et non d'inconnus qui ne partageaient sans-doute pas son domaine. Mais il pouvait sentir leur intérêt, un intérêt non feint, aussi il se racla la gorge, et commença à leur parler de ce qu'on pouvait bien attendre de lui et de son travail à la surface.

Commentaires

  • Une très bonne page aujourd'hui a quand la suite! :)

    Marie.

  • Maître Renard, c'est officiel, si tu abandonnes cette histoire et cet exercice, je... je te subtilise tous tes Pratchett! :D

  • Et ben! Je...je vais faire de mon mieux! o/

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