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Lucie 22

Hop, une page de plus, et ce de bon matin!^^

 

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Avec précaution, Kenneth Marsters ôta la petite plaque de métal qui recouvrait le panneau de commande de la porte. Il ne risquait pas grand chose, mais il était d'un naturel méticuleux et aimait faire les choses les unes après les autres. Cela lui avait toujours réussi, et il espérait que ce jour-ci n'y ferait pas exception. Il s'était servi du petit tournevis de son canif multifonction, qu'il avait toujours sur lui, pour dévisser la plaque qu'il posa soigneusement sur le sol. Il se tenait à genoux sur le sol, bien droit, pour avoir le système d'ouverture en face des yeux, et il frottait du pouce le manche de son canif, pensif. Quand il était monté dans le train pour Haven, à la Grande Gare, il s'était bien attendu à vivre une grande aventure. Seulement, il n'avait pas imaginé qu'elle se passerait aussi tôt, ni dans de telles circonstances. Kenneth était habitué à des délais sans cesse modifiés, à des calculs compliqués et à des expériences capricieuses en environnement contrôlé, on ne pouvait pas dire qu'il avait jamais vraiment risqué grand chose. Jusqu'à présent, il s'était toujours contenté de faire au mieux dans chacun des aspects de sa vie, qui avait toujours été tranquille et sans histoire. Ce qui lui avait longtemps convenu : il évitait de se poser trop de questions, le reste de l'univers faisait de même à son sujet et le système fonctionnait. Mais rien ne durait éternellement, et Ken Marsters avait fini par se demander ce qu'il attendait réellement de la vie. Il avait passé la majeure partie de cette dernière à assimiler des connaissances plus variées les unes que les autres, en véritable touche-à-tout, et il était persuadé qu'il en avait encore beaucoup à découvrir et apprendre. Et, plus important encore, qu'il pouvait mettre tout cela en pratique, afin de se rendre utile. Kenneth n'aimait pas le savoir perdu.

-Alors ?

-Je ne sais pas encore, Martha. Laissez moi le temps de jeter un coup d’œil.

L'ingénieur se passa la langue sur le coin des lèvres, signe chez lui d'une intense réflexion, et entreprit de comprendre comment fonctionnait l'appareillage qu'il avait mis à nu. Il contemplait les câbles et autres circuits, les suivant des yeux jusqu'à leurs connexions ou jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans la cloison. Le système n'avait pas l'air particulièrement compliqué en soi, mais il fallait réussir à trouver du sens dans ce qui ressemblait finalement à un gros fouillis soigneusement entretenu au fil des décennies. C'était du matériel robuste, avant tout fait pour durer, ce qui était une bonne chose. Ce qui compliquait les choses, c'était l'absence de tout système mécanique apparent, la porte ne pouvant visiblement s'ouvrir qu'avec l'action du courant. Ce dernier devait donc être réactivé ou redirigé dans le verrou, pour que la carte d'Ed Travers puisse faire son office.

-Vous allez pouvoir en tirer quelque chose ?

-Difficile à dire. Ça fait longtemps que je n'ai pas bidouillé d'électronique. Mais je vais faire de mon mieux.

-Merci. Je m'excuse que vous m'ayez ainsi sur le dos, mais...

-...vous êtes inquiète, je comprends. C'est normal. J'essaie juste de ne pas trop me précipiter afin de ne pas causer de dommages irrémédiables. Ce n'est pas vraiment mon domaine.

-Qu'est-ce que c'est, votre domaine, alors? lui demanda-t-elle sur le ton de la conversation, parce qu'elle luttait pour ne pas laisser le stress l'envahir, et qu'elle ne voulait pas affoler Marsters en perdant son calme. Elle avait besoin qu'il reste à son affaire, et si une conversation toute simple pouvait contribuer à le rendre à l'aise, elle allait faire son possible pour y contribuer.

-Comme je l'ai expliqué aux autres passagers tout à l'heure, je suis ingénieur. Mais c'est un titre un peu diffus. Je m'occupe principalement de problèmes de structures, aussi bien artificielles que naturelles. Je travaille généralement en partenariat avec des équipes de construction. J'ai des compétences de géologie également, ce qui a pas mal intéressé les responsables du projet sur lequel je vais travailler à Haven. Je me débrouille pas mal en mécanique, aussi, et j'ai des notions honnêtes en biologie et en chimie. Je n'ai jamais vraiment pu me cantonner à un seul domaine ; il y a tellement de matières fascinantes à étudier, des éléments qui nous permettent de faire de grandes choses ! Je crois qu'à ma manière, j'ai envie de faire partie de tout ça, de ne pas passer à côté, aussi je pense que je me suis dispersé pour être sûr de me rendre utile en toute circonstance.

-Et vous l'êtes.

-Je fais de mon mieux en tout cas. Et vous Martha ?

-Moi quoi ?

-Qu'est-ce que vous faisiez, avant de partir ? C'est quoi, votre domaine à vous ? Kenneth suivait des doigts un câble plus épais que les autres, essayant d'identifier sa fonction.

-Rien d'aussi pointu. Je suis une vraie fille de l'administration. Je faisais partie d'une branche des ressources humaines de l'Hégémonie. Je ne peux pas m'empêcher de mettre de l'ordre dans un système un peu chaotique quand j'en vois un, et on a vite remarqué mes compétences d'organisation. Ce qui m'a permis d'assurer une place stable, pour ma fille. Mais je ne suis pas issue d'un milieu qui m'aurait permis de faire de grandes études, alors je ne pouvais pas prétendre à un échelon plus haut placé. Je travaillais dans bistrot, aussi, plusieurs soirs par semaine. Je cerne bien les gens, ce qui est utile dans mon domaine, et je me suis dit que ça le serait aussi dans celui-ci. Et puis tout ce que je pouvais amasser pour Lucie et notre voyage à Haven était bon à prendre...

Même s'il avait les yeux fixés sur ce qu'il faisait, Kenneth avait senti le désarroi soudain de Martha, se fiant à sa voix.

-Lucie m'a tout l'air d'être une petite fille débrouillarde. Ne vous inquiétez pas, je suis sûr qu'elle aura très bien su réagir à tout ça.

-Je suis une mère, je m'inquiète, je n'ai pas le choix. Vous avez des enfants ?

-Non. Une ribambelle de neveux, par contre. Mais je crois que j'aimerais avoir les miens, un jour.

-Pas de madame Marsters ?

-Pas depuis longtemps. On ne peut pas dire que j'ai jamais été un homme à femmes, et ma dernière expérience m'a rendu plus... méfiant. Et puis j'ai eu tendance à me réfugier dans mon travail. Mais je ne désespère pas ! Qui sait ce qui m'attend, après tout ?

-Oh, je ne m'inquiète pas pour vous. Vous êtes quelqu'un de bien.

-Je fais de mon mieux, en tout cas. Ah !

-Vous avez trouvé quelque chose ?

-Peut-être. Il va falloir que je confirme si c'est bien ce que je pense... Et vous alors, Martha ? Je ne crois pas vous avoir vraiment entendu mentionner le père de Lucie.

Martha ne répondit pas tout de suite, et Kenneth eu la sensation qu'il avait mis sur le tapis quelque chose qu'elle préférait enterré dessous.

-C'est parce qu'il n'y a pas grand chose à en dire. J'aimerais qu'il n'y ait rien du tout, à vrai dire. Mais il existe, et c'est déjà bien assez. Il n'a jamais fait partie du tableau, pas concernant Lucie en tout cas.

-Je ne voulais pas...

-Vous ne pouviez pas savoir. C'est un sujet que j'aime à éviter.

-J'espère... Aïe !

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Martha se précipita au côté de Ken, qui se suçait le doigt, l'air étonné.

-Il y a du courant qui est brièvement revenu dans ce circuit, je me suis pris un coup de jus.

-C'est le courant qui revient ?

-Je ne crois pas, ou alors pas dans toutes les zones qui en ont été privées. Ça m'a vraiment l'air local, je crois...

Il s'interrompit, comme s'il réalisait quelque chose de particulièrement inattendu.

-Vous croyez quoi ?

-Je crois que quelqu'un est en train d'essayer d'ouvrir la porte de l'autre côté.

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