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Lucie 23

Je n'avais guère d'inspiration et j'étais tout sauf motivé, aujourd'hui, et finalement j'ai pondu non pas une, mais deux pages! Allez comprendre...^^ C'est peut-être parce que j'ai pu retrouver des personnages qui m'amusent et me plaisent beaucoup, ainsi que des nouveaux, et que ça introduit une autre dynamnique, j'sais pas... En tout cas, voici le passage du jour!

 

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Emmitouflée dans la cape militaire trop grande pour elle que le caporal Velázquez lui avait donnée, Lucie observait avec intérêt les soldats en activité. Ils étaient six, les mêmes que sa mère et elle avaient croisé sur le quai, et ils se comportaient avec la rigueur et le sérieux des adultes qui savaient qu'ils avaient des choses importantes à faire. Même le caporal Velázquez, avec son éternel petit sourire en coin, ne semblait pas déplacé parmi ses camarades. Ils avaient fait le voyage dans un des wagons destiné au transport de marchandises, parmi les fournitures militaires destinées au contingent de l'Hégémonie basé à Haven. Ils avaient troqué leurs tenus colorées officielles dans lesquelles Lucie les avait vu avant le départ du train pour des combinaison aux motifs de camouflage blanc et bleu. Elles étaient épaisses et isolées pour les protéger du froid, et dotées de capuches. Tous avaient une paire de lunettes de protection autour du coup, et tous étaient armés : un fusil en bandoulière, un pistolet et un long couteau à la ceinture. Ils avaient remonté plusieurs wagons, arme au poing et torches allumées, jusqu'à tomber sur Lucie. Étonnés par la présence de la petite fille, ils avaient néanmoins réagi sans se laisser déstabiliser et avec efficacité. Outre la cape qu'on lui avait donnée, le médecin du groupe avait examiné les bleus qu'elle s'était fait pendant le choc et palper ses os pour s'assurer qu'elle n'avait rien de casser. Puis il avait délicatement désinfecté la blessure de son front avant d'y apposer un pansement bien épais. Les soldats en avaient profiter pour arrêter un instant leur progression vers l'avant du train, afin de faire le point sur la suite des événements. En les écoutant parler entre eux, Lucie comprit qu'ils ne savaient pas ce qui avait causé l'arrêt du train, et que c'était là quelque chose qui les inquiétait, de même que le sort des autres passagers.

-Peut-être que le système de conduite automatique a fini par lâcher, supposa le caporal Velázquez de sa voix légèrement traînante mais agréable. Après tout, c'est un vieux machin. Ce train a été le premier transport mis en service à la surface. C'est même le seul !

-C'est possible, mais ça m'étonnerait. L'Hégémonie ne néglige pas les révisions de l'engin, rétorqua le soldat qui se nommait Paul Ravert. C'était un homme grand et mince à la peau noire et au crâne chauve, portant un bouc impeccablement taillé. D'après ce que Lucie avait compris, c'était le membre du groupe qui s'occupait du matériel et de tout ce qui était technique. Il était à genoux sur le sol, son matériel étendu à côté de lui, en train d'examiner la porte bloquée, celle que le père Delgado avait tantôt verrouillée derrière la fillette.

-Elle n'est pas infaillible. Il suffit de penser à la catastrophe de la zone sud. Ce genre de chose se devait de finir par arriver, ça nous pend au nez ! L'homme qui venait de parler était petit et sec, avec des yeux malicieux qui ne cessaient de bouger et lui donnaient l'air d'être perpétuellement aux aguets. Tout son corps semblait vibrer d'une énergie difficilement contenue et il ne tenait pas en place, se passant régulièrement une main dans sa tignasse noire ou tordant sa bouche dans une grimace incontrôlée. Il s'appelait Stuart Moore, et il mettait Lucie un peu mal à l'aise.

-Justement, ils font bien plus attention à ce genre de chose depuis. Et puis ils ne peuvent se permettre de perdre le seul lien entre les deux complexes. Sung, passe moi la plus petite tige.

Jung Sungmin, le médic qui avait examiné Lucie, se baissa pour ramasser l'outil en question et le tendit à Ravert, qui le remercia d'un hochement de tête. Sungmin était presque aussi grand que Ravert ; il avait la complexion de peau pâle et les yeux légèrement bridés qui étaient la preuve d'une origine asiatique qui remontait à avant l'Hégémonie, et des cheveux très noirs coupés courts. Une barbe de trois jours lui mangeait le visage et il se dégageait de lui quelque chose de rassurant, qui mettait en confiance. Lucie se disait que c'était là quelque chose de normal pour quelqu'un qui devait s'occuper de soigner les autres. Il plaisantait régulièrement à voix basse avec Ravert, et les deux hommes semblaient formés un véritable duo, un peu à la manière du caporal Velázquez et du caporal Jones, la seule femme de la bande.

-Ça ne veut rien dire ! Moore balaya les arguments de Ravert d'un geste vif de la main, et Velázquez haussa un sourcil :

-Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Mais au final, je pense comme Paul, Stuart. Je n'avais avancé la possibilité d'un incident technique que par pur souci d'exhaustivité. Mon instinct me souffle qu'il y a autre chose...

-Comme quoi, par exemple ?

-Je ne sais pas. C'est le problème de l'instinct, ce n'est pas très précis.

-Vous pensez toujours que quelqu'un pourrait avoir causé tout ça, Paul?

La question avait été posée avec la voix forte et profonde de l'homme aux yeux si bleus qui commandait l'escouade. Il impressionnait toujours autant Lucie, et il ne parlait pas pour ne rien dire, s'étant jusqu'ici contenté de donner ses ordres et de ne faire un commentaire que lorsqu'il le jugeait absolument nécessaire. Le major Canton Adams était un homme de peu de mots, et d'un caractère sombre ; non pas mauvais, mais comme résigné, un peu usé par le temps.

-Franchement major, je pense que c'est l'explication la plus probable. Quelqu'un a dû agir de l'intérieur. Je n'exclus pas toute possibilité de problème technique ou d'erreur humaine, mais je ne parierais pas là-dessus.

-C'est des conneries, tout ça ! Grogna Stuart Moore.

-Épargnez-nous ce genre de commentaires, merci ! Si quelqu'un est vraiment responsable, ça veut dire qu'il va nous falloir au plus vite rejoindre les passagers et le personnel pour tirer ça au clair. Je n'aime pas l'idée de quelqu'un rôdant dans ce train avec de telles motivations en tête.

-Et dire qu'on me ventait ce voyage comme sans histoires... «Aller à Haven, c'est tranquille ! », qu'on me disait. « T'es un planqué, Velázquez ! », et j'en passe. C'est fou ça, où que je mette les pieds, il se passe quelque chose d'intéressant !

A côté de lui, Samantha Jones leva les yeux au ciel, et le major Adams ne releva pas; il était manifestement habitué au comportement de ses hommes. Il jeta un bref coup d’œil à Paul Ravert pour s'assurer de l'avancement de sa tâche, puis se tourna vers Lucie, qui s'était assise sur une petite caisse en métal contenant elle ne savait pas trop quoi. Elle serra plus fort la cape autour d'elle en contemplant le regard bleu du major ; il n'était pas menaçant ni effrayant, mais il en émanait une telle intensité qu'elle ne pouvait s'empêcher d'être dans la ligne de mire d'un redoutable oiseau de proie. L'homme se gratta sa courte barbe puis s'accroupit pour faire face à la fillette. Samantha Jones sourit à Lucie, comme pour la soutenir, et le major se racla la gorge avant de parler :

-Dis moi... Lucie, c'est bien ça ?

Elle hocha la tête.

-Lucie. Je sais que tu nous as dit que tu étais simplement en train d'explorer le train quand il s'est arrêté, et je te crois. Tu m'as tout l'air d'être une fille curieuse, et les filles curieuses sont souvent les plus intelligentes. Alors peut-être que tu vas pouvoir nous aider. Est-ce que tu as vu, entendu... bref, est-ce que tu as remarqué quoi que ce soit de bizarre pendant que tu explorais tous ces wagons ? Quelque chose qui ne te paraissait pas à sa place, ou qui t'a vraiment étonnée ?

La fillette prit le temps de réfléchir quelques instants. Elle était fière de se sentir prise au sérieux par cet homme si impressionnant, et elle ne voulait certainement pas passer pour une petite fille effrayée. Elle se repassa sa balade dans la tête, du moment où elle s'était éclipsée du wagon des autres passagers à celui où le choc avait ébranlé tout le train et où les caisses avaient failli l'écraser. Elle avait vu plein de choses bizarres, mais elle comprenait que c'était parce qu'il s'agissait de plein de choses qu'elle n'avait jamais vu avant, et que ce n'était pas vraiment ce que le major Adams voulait savoir. Il voulait savoir si elle avait une idée de ce qui avait fait s'arrêter le train.

-Non. Non, je ne crois pas, finit-elle par dire, un peu penaude de ne pas pouvoir lui donner la réponse qu'elle voulait. Je n'ai rien vu qui aurait pu arrêter le train. Et quand ça s'est passé, j'ai eu trop peur pour faire attention... Elle se sentit soudain piteuse à cet aveu, mais elle eut la surprise de voir un sourire naître sur les lèvres du major en retour. Il fut bref mais sincère :

-Je te crois. Et ne t'en fais pas, c'est normal d'avoir peur quand c'est pour une bonne raison. Même moi j'ai peur parfois. Même le caporal Velázquez.

-Hey ! s'indigna l'intéressé.

-Il suffit de le voir devant un miroir quand il se découvre un cheveu gris.

-Calomnie ! Le major répand de fausses rumeurs !

Canton Adams adressa un petit clin d’œil à Lucie et se releva, frottant machinalement les jambes de son pantalon. Puis il retourna superviser le travail de Paul Ravert, non sans donner une petite tape sur l'épaule de Velázquez au passage :

-Le temps passe pour tout le monde, caporal. Si j'étais vous je ferais gaffe !

 

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