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Lucie 36

C'est reparti!^^

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Du soldat, il n'y avait aucune trace, si ce n'était sa blague à tabac renversée sur le sol, et son paquetage posé contre la cloison. Velázquez poussa la petite boîte de son pied botté et poussa un bref reniflement méprisant :

-Il n'a pas attendu pour s'en griller une, en tout cas. C'est pas joli, mais on s'y attendait. Par contre, ce type n'est peut-être pas très soigneux, mais ça m'étonne qu'il ait laissé son précieux tabac comme ça par terre. D'autant que c'est pas de la camelote, ça se sent tout de suite.

-Vous êtes un connaisseur? s'étonna Marsters.

-Je ne fume que le cigare. La clope, c'est vulgaire. Mais je sais repérer du bon tabac dans une tabatière. Je peux même vous le chanter si vous voulez.

-Hein ?

-Laissez tomber. Je me demande juste comment Stuart a pu se payer de la qualité pareille. Le marché noir peut-être... Ce ne serait pas au-dessus de lui. Mais ça coûte une blinde ces machins là...

-C'est pas de ça que je parlais, le spectacle commence plus loin...

La voix de Ravert provenait du wagon suivant. Velázquez prit soin de regarder consciencieusement autour de lui avant de continuer, faisant signe aux autres d'avancer. A la traîne, Ed Travers s'arrêta brièvement pour ramasser la blague à tabac et la ranger discrètement dans son gilet. Les deux autres n'y prêtèrent aucune attention, concentrés qu'ils étaient sur le décor sans surprise qui se révélait devant eux. Il n'y avait rien de déplacé ou de curieux dans ce wagon vide, et ils n'entendaient rien d'autre que le bruit de leurs pas qui résonnaient sur le sol et le grésillement occasionnel d'un néon. Rien d'inhabituel donc, mais tous ne pouvaient s'empêcher de se sentir curieusement nerveux, comme si le calme qui régnait ne pouvait être que le présage d'une nouvelle catastrophe. Travers n'arrêtait pas de sursauter, regardant sans cesse autour de lui et s'épongeant régulièrement le front d'un petit mouchoir en tissu sorti d'une poche, et le tranquille Marsters lui-même avait une impression désagréable qui lui picotait la nuque. Professionnels jusqu'au bout des ongles, les deux soldats qu'ils accompagnaient réussissaient mieux à cacher leur trouble, mais leur instinct aiguisé n'arrêtait pas de leur souffler que oui, quelque chose clochait. Et André Velázquez put le constater avec certitude quand il pénétra dans la voiture suivante où l'attendait Paul Ravert, et qu'il y contempla me tableau macabre qui y régnait :

-Par la sainte pucelle... murmura-t-il, réussissant à rendre curieusement élégante jusqu'à la plus étrange des exclamations. Alors là d'accord : ça, c'est pas joli...

De son côté, Ravert hocha la tête d'un air sombre ; il était agenouillée près d'un sas de secours à demi-ouvert qui laissait entrer la vive lumière du dehors, seule source d'éclairage dans ce wagon aux néons morts. Ce que Paul contemplait fit pâlir Kenneth Marsters, qui s'était pourtant toujours targué d'avoir des nerfs et un estomac solide, et Ed Travers fit aussitôt demi-tour en découvrant la scène et, plié en deux, se mit à vomir. Se contenant pour ne pas perdre de sa superbe, Velázquez resta stoïque, et caressa sa fine moustache de deux doigts, ses yeux clairs fixés sur la flaque de sang qui manquait éclabousser ses bottes. Il s'était arrêté juste à temps. D'autres traces étaient visibles sur les murs, et on reconnaissait entre autres celle d'une main ensanglantée qui se fondait dans les ténèbres.

-Et ça continue plus loin...informa Ravert d'un ton sinistre, braquant le rai de sa lampe de poche dans la direction qu'il indiquait, révélant d'autres tâches de sang.

-Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu...ne pouvait s'arrêter de répéter Travers, revenu auprès des autres, la main devant la bouche.

-Le sang est encore frais...commenta Marsters, qui se sentait lui-même les jambes un peu flageolantes. Paul Ravert confirma d'un signe de tête et se releva, échangea un regard avec Velázquez. Tous deux agirent de concert, fixant leurs lampes aux canons de leurs fusils.

-Bien, fit le caporal. Paul et moi allons passer devant. Ed nous suivra et Kenny fermera la marche. Je crois qu'il est temps de dégainer l'arme que le major vous a confié.

L'ingénieur pâlit un peu mais hocha la tête, déterminé à ne pas se laisser envahir par la crainte. Il prit le pistolet en main sans trembler.

-C'est quoi ces conneries ? On ne va quand même pas avancer dans le noir comme ça ? Vous êtes tarés ?

-Et vous qui avez absolument tenu à nous accompagner, Travers. Votre train, votre responsabilité, non ? Quelque chose comme ça ?

-Ecoutez Velázquez, vous...

-Non, vous, écoutez, espèce de petit rongeur ! Velázquez s'était retourné pour toiser le rouquin, le toisant de toute sa taille, impérieux dans sa colère soudaine. Vous n'avez pas arrêté de vous plaindre depuis que nous nous sommes retrouvés coincés dans le wagon des passagers avec vous, et ce sans jamais prononcer ne serait-ce qu'un mot pourvu de la moindre utilité. Ensuite vous avez insisté pour nous suivre jusqu'ici, alors vous allez faire ce que je vous dis sans discuter et fermer votre clapet, ou vous pouvez de ce pas retourner auprès des autres, seul et sans escorte. Après tout on n'a rien vu jusqu'ici, qu'est-ce que vous avez à perdre, un grand garçon responsable comme vous ?

-Vous... vous n'oseriez pas !

-Devinez !

Travers regarda derrière lui avec nervosité, hésitant manifestement à prendre une décision. Le rouge lui était monté aux joues et son regard se fit mauvais mais, en rencontrant celui de Velázquez, il redevint lâche. Et voyant qu'il ne recevrait de l'aide ni de Ravert ni de Marsters, il finit par acquiescer en silence et prit sa place au sein du petit groupe.

-Parfait. Content qu'on se comprenne. Maintenant, silence !

Et tous se remirent en route, d'un pas lent, tandis que les soldats balayaient l'obscurité du faisceau de leurs lampes, s'attendant à chaque instant de voir quelque chose se précipiter sur eux de derrière une caisse de marchandises.

-Euh...s'exclama soudainement Ken Marsters, qui se plaqua aussitôt la main sur la bouche.

-Qu'est-ce qu'il y a ? Velázquez avait chuchoté et se tourna vers l'ingénieur, tandis que Paul Ravert continuait de surveiller devant eux.

-J'ai marché sur quelque chose... Marsters se baissa pour voir de plus près, tant la sensation avait été étrange sous sa chaussure...et se redressa aussitôt, comme secoué d'une décharge électrique.

-Alors, mon vieux ?

-Je crois que j'ai marché sur une oreille...

Commentaires

  • Ouhou ^^

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