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Lucie 37

La page dominicale!^^

 

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Un air de dégoût profondément imprimé sur son visage, l'ingénieur s'écarta et releva le pied, découvrant effectivement ce qui ressemblait à une oreille ensanglantée reposant sur le sol du wagon. Et même doté d'un caractère généralement placide et difficile à impressionner, Kenneth ne peut s'empêcher de se sentir réellement troublé par sa découverte. Il n'était pas de ces chercheurs qui se confinaient dans un laboratoire et il avait vu nombre de choses particulières au cour de sa vie bien remplie, mais rien ne l'avait jamais préparé à piétiner par mégarde ce qui s'avérait être les restes d'un autre être humain. Il resta là, interdit et sans voix, les yeux fixés sur ce bout de chair abandonné, et il sut que cette image serait à jamais imprimée dans son esprit. Comme pour éloigner son esprit d'un tel traumatisme, il se demanda soudainement s'il arriverait à nettoyer la semelle de sa chaussure d'une telle souillure. Parce que c'était quand même une bonne chaussure, et qu'il n'avait pas vraiment envie de penser à autre chose, comme où pouvait bien se trouver l'autre oreille, par exemple.

-Stuart? demanda Paul Ravert d'un air sombre, que lui renvoya Velázquez.

-Je ne vois pas de qui d'autre il pourrait s'agir.

-Oh mon dieu... Oh mon dieu... C'est une oreille. Une putain d'oreille !

Ed Travers répéta le tout plusieurs fois encore, faisant les cents pas dans la largeur du wagon, les mains posées sur la casquette qui trônait au sommet de son crâne. Plus d'une fois il l'enleva pour la remettre aussitôt après, comme agité de convulsions nerveuses. Il semblait au bord de la panique, tandis que Ken Marsters restait étrangement calme. L'ingénieur n'avait plus pipé un mot depuis sa découverte macabre. Quant aux deux soldats, ils étaient secoués eux aussi, même s'ils prenaient sur eux pour ne pas le montrer. Ils avaient beau eu être soumis à un entraînement militaire de premier choix, ils ne s'étaient jamais retrouvés en situation de réel danger, confrontés à la perte de leurs camarades et à l'imagerie traumatisante du combat. Leurs réflexes bien rodés prirent néanmoins le dessus, et ils se positionnèrent chacun d'un côté et de l'autre des deux civils, une arme et sa lampe torche braquée dans chaque direction.

-Major, ici Velázquez. On a trouvé Stuart. Ou plutôt, ce qu'il en reste. Il a été... attaqué. Et je doute fortement que ce soit par un autre être humain. Ou alors, s'il s'agit de notre saboteur, il s'agit d'un type particulièrement taré.

Le caporal écouta la réponse de son supérieur, pendant que ses yeux essayaient de percer la pénombre de la voiture qui s'étendait devant lui. Il avait presque l'impression de voir des ombres bouger à l'intérieur des ombres, et il se dit que son imagination commençait à lui jouer des tours.

-Bien major. Retour pour regroupement, on...

-Quelque chose à bougé ! Nom de dieu, quelque chose à bougé !

Travers, de plus en plus agité, désignait le fond du wagon d'un doigt tremblant. Puis, comme si ses nerfs avaient finalement lâché, il se mit à courir dans la direction dont ils étaient venus, bousculant Marsters et Ravert au passage.

-Bon dieu ! S'écria Velázquez. Revenez, espèce d'idiot !

-André !

-Quoi, Marsters ?

-Il...il y a bien quelque chose! L'ingénieur avala sa salive bruyamment. Regardez !

Le caporal se retourna, lentement, persuadé qu'il n'aimerait pas ce qu'il apercevrait. D'abord, il ne vit toujours que l'obscurité, dans laquelle se découpaient les formes de cargaisons renversées par le choc... et, oui, autre chose. Une forme étrange, qui n'avait rien d'une caisse de marchandises, et que Velázquez se demanda comment il n'avait pas pu la remarquer avant. Elle venait sans doute de revenir dans ce wagon-ci, attirée par le bruit. Car il ne s'agissait pas d'un objet quelconque, mais bien d'une créature vivante, cela ne faisait aucun doute. Lentement, sans gestes brusque, Velázquez et Ravert firent remonter les rayons de leurs lampes torches, zébrant leur cible d'éclats lumineux où se dessinait une peau écailleuse et blanche comme neige, rayée de noir. Aussi grande qu'un homme, la silhouette culminait en une tête étroite dotée d'un museau allongé, située au sommet d'un long cou reptilien. Le crâne était agrémenté d'une crête de plumes noires et rouges qui continuait le long du dos de l'animal presque jusqu'au bout de la longue queue qu'il avait droite derrière lui pour maintenir son équilibre sur ses deux puissantes pattes arrières, pourvues de griffes acérées. Acérées aussi étaient celles des pattes avants, deux bras recourbés eux aussi agrémentés d'un léger plumage. Et dans la semi-pénombre, les yeux de la créature brillaient d'une lueur froide et bleutée, témoignant sans nul doute de leur origine extérieure.

Sans un mot, les trois hommes restèrent figés dans leur contemplation, n'osant pas bouger le moindre muscle. Jamais l'un d'entre eux n'avait entendu parlé d'un tel animal, mais tous pouvaient voir avec quelle assurance il les fixait, pas le moins du monde apeuré par leur présence ou par leurs lampes. Il avait l'air d'un chasseur découvrant de nouvelles proies, et il était aisé d'imaginer la férocité dont pouvait faire preuve une bête de cette taille. Pour l'instant elle se contentait de rester là, debout, sa tête pivotant par à-coups comme celle d'un oiseau, passant d'un homme à l'autre. A l'extrémité de son museau pointu, dans le faisceau d'une lampe, du sang frais goûtait encore, et une doucereuse odeur de charogne se faisait sentir de plus en plus. Mais elle ne bougeait toujours pas, et il y avait presque de la curiosité dans la manière dont elle regardait ces trois hommes.

-Doucement...chuchota Velázquez d'une voix presque inaudible, la gorge sèche. Pas de bruit, ni de mouvements brusques... Reculez, lentement...

Alors, braquant tous leur armes droit sur la créature, ils se mirent à revenir en arrière, marchant très lentement, à reculons. En direction de l'entrée de la voiture, près de là où le sas de secours était encore ouvert et où se trouvait l'autre porte, celle qui séparait les wagons et qu'ils pourraient refermer derrière eux.

-On y est presque... souffla le caporal Velázquez, qui pouvait sentir la sueur qui gouttait le long de sa tempe.

La créature releva brusquement la tête, poussa un cri étrange qui ressemblait à un sifflement, et bondit en avant.

Commentaires

  • :D !!

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