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Lucie 45

On contine, avec une nouvelle page "journal".^^

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« Journal d'Arthur Kent, premier jour, suite

 

 

 

...rien de nouveau. La situation ne semble en effet subir aucun changement, et je crois commencer à percevoir les premiers effets réels dus à la nervosité de mes camarades. Les discussions à demi-mots sont maintenant plus fréquentes que les éclats de voix joyeux, et tous semblent avoir perdu un peu de leur éclat. Ce qui n'a rien d'étonnant, après la journée que nous venons tous de passer. Moi-même, si mon esprit se trouve en de meilleures dispositions, je me sens épuisé, mentalement surtout. Il faut dire que je n'ai pas fait grand chose d'autre que m'apitoyer sur moi-même et me livre à une introspection bienvenue, et que je ne suis au moins pas de ceux qui ont les muscles endoloris. J'ai eu la chance de ne pas avoir été poursuivi par de sanguinaires créatures de cauchemar. A ce sujet, je suis finalement bien content de la présence à nos côtés de l'escouade d'Adams. Outre leurs personnalités finalement agréables chacun dans leur genre, leur confiance en eux et leur professionnalisme contribuaient grandement à calmer nos humeurs à nous, les passagers. Ça, et leurs fusils presque aussi grands qu'eux, bien sûr. Je me suis toujours vu comme un pacifiste -ce qui n'a rien d'extraordinaire dans une société comme la notre où le conflit armé est pratiquement inexistant- mais c'est fou comme ce genre de considération perd de son importance lorsque de telles armes à feu risquent bien d'être le dernier rempart entre nous et une mort horrible. Non pas que nous soyons sur le point d'en arriver là, nous sommes aussi en sécurité que possible étant donné les circonstances, mais je préfère avoir ces armes -et les personnes qui savent s'en servir- avec nous dans ce wagon plutôt que, disons, n'importe où ailleurs. Je crois que nous pensons tous la même chose. J'ai parlé avec Kenneth, et il m'a assuré qu'il n'y avait personne d'autre qu'il aurait aimé avoir pour nous protéger que ces hommes et cette femme en uniforme. Il m'a raconté en détail l'attaque qu'ils ont subi plus loin dans le train, et comment les réactions de Ravert et Velázquez ont été exemplaires ; certes, ils avaient subi un entraînement militaire, mais n'avaient jamais été au combat. Mais je sais aussi que Ken n'a pas été en reste, Velázquez ne s'est pas caché de lui devoir la vie, même si notre ingénieur n'aime pas à s'étaler sur le sujet. Je crois bien qu'il s'agit de la personne la plus humble, et au caractère le plus facile que j'ai jamais rencontré. Il est venu me voir peu après Lucie, et sa compagnie me fait beaucoup de bien. J'ai pu lui parler un peu de ce qui me tarabustait, et il m'a écouté sans me juger. C'est un de ces types qui inspirent une vraie confiance, et je crois que je me serai fait un ami au cours de ce voyage. C'est étonnant de se dire que si nous n'avions pas traversé une telle adversité, nous n'aurions sans-doute pas songé à nous rapprocher autant. Étonnant, et peut-être un peu triste, je ne sais pas. Qu'il faille en arriver à de telles extrémités pour se reposer sur autrui, alors que la vie regorge d'autres opportunités pour ce faire, et surtout pour mieux en profiter. Je suis sans doute en train d'apprendre une nouvelle leçon. Dommage qu'il ait fallu que je me retrouve coincé au milieu d'un désert de glace pour ça. Heureusement, la compagnie est bonne, même si elle commence à fatiguer. Il n'y guère que Martha et sa fille qui donnent l'impression d'avoir conservé toute leur énergie. C'est normal de la part d'une petite fille aussi curieuse j'imagine, pour qui tout est une aventure, mais Martha continue de m'épater : sa force de caractère est telle qu'elle pourrait... et bien, arrêter un train, tiens. Je crois qu'elle a toujours eu a prendre sur elle et à se montrer forte pour les autres, sa fille en premier. Aujourd'hui, elle l'aura fait pour nous tous. Bon, et il y a aussi le major Adams, mais je commence à me dire qu'il en faudrait vraiment beaucoup pour ne serait-ce que le perturber un brin. C'est à peine si je l'ai vu cligner des yeux ! Martha et lui sont naturellement devenus les deux individus vers lesquels le reste d'entre nous se tournent lorsqu'il s'agit de prendre une décision. A vrai dire, le major est le choix logique pour une autorité supérieure, mais je crois que même lui préfère agir avec l'accord silencieux de Martha. Il se dégage de cette femme une force qui ne donne aucune envie de la contrarier sans que cela soit absolument nécessaire. Et je ne serai certainement pas celui qui la contredirai. Au fond, ça ne m'étonne pas que ces deux-là s'accordent à ce point. Je ne dirai toujours pas que ça me fait plaisir, par contre... Ça reste un peu indigeste, comme le sandwich à la dinde industriel que j'ai avalé tout à l'heure. Peut-être que c'est ce que nous devrions jeter à ces monstres, histoire de leur plomber l'estomac. Et peut-être est-il temps pour moi de me reposer, mes yeux n'arrêtent pas de se fermer tout seul et mon écriture de se traîner de plus en plus. Je vois que la plupart des autres sont déjà en train de s'installer pour la nuit, se créant de petits nids aussi douillets que possible sur les banquettes du wagon. Grümman pourra couper les lumières depuis son tableau de bord, et nous pourrons fermer les yeux, rassurer des tours de garde qu'effectueront les soldats et des volontaires comme Ken, par pure précaution. Ce qui est sûr, c'est que nous avons tous besoin de repos après autant d'émotions. Et on dit bien que demain est un autre jour : avec un peu de chance, nous y verrons plus clair au matin, et la situation aura évolué dans le bon sens pour nous mener, enfin, à Haven. »

 

 

 

 

 

 

 

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