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Lucie 50

En ce (morne) dimanche, "Lucie" continue! Et c'est la partie 50, mine de rien! Je continue de garder le rythme, ce qui m'étonne, et j'espère que ça va continuer!

 

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-Je croyais qu'elle s'était cassé la jambe. Comment est-ce que cela a pu s'aggraver à ce point ?

 

-Je n'en sais rien, major. Je n'en sais foutrement rien.

 

Sungmin Jung, d'un tempérament généralement calme et égal, se montrait rarement grossier mais il avait besoin d'évacuer la tension qui s'était accumulée en lui. Il s'était régulièrement relevé au cours de la nuit pour aller surveiller l'état de madame Miguel, et il avait les yeux rougis par le manque de sommeil et l'inquiétude. L'état de sa patient n'avait cessé de s'aggraver depuis le début, et il ne comprenait pas pourquoi. Il soupçonnait une sorte d'infection qui se serait férocement attaquée à la vieille dame depuis l'intérieur, mais il n'avait jamais rien vu de pareil auparavant. Impuissant, il n'avait pu que constater l'étendue des dommages et faire de son mieux pour soulager cette femme de la souffrance qu'elle ressentait. Et quand il était retourné à son chevet au réveil, c'était pour constater que la fin était proche. La santé périclitante de madame Miguel avait décliné plus rapidement encore qu'il ne l'aurait cru, et il était profondément bouleversé de ne pas pouvoir faire plus.

 

-Tu as fait tout ce que tu pouvais, Sung. Ravert avait aussitôt saisi le trouble qui agitait son ami, et il avait posé une main réconfortante sur l'épaule du jeune médic. Sungmin trouva la force d'afficher un pâle sourire pour montrer à Paul qu'il appréciait le geste, puis s'adressa à nouveau au major Adams :

 

-Quoi qu'il lui arrive, c'est encore en train de s'étendre. Ce n'était pas là avant l'extinction des feux hier soir, mais le développement est très rapide. Major, je crois que vous devriez voir ça.

 

Canton Adams se frotta le menton d'un doigt, son regard clair sondant celui de Sungmin et comprenant la détresse qui y régnait ; la détresse, mais aussi une certaine forme d'urgence.

 

-Bien. Allons-y.

 

Les soldats rejoignirent le fond du wagon, où madame Miguel était alitée. Les autres passagers y faisaient plus ou moins cercle, rassemblés dans les environs mais pas trop près pour laisser de l'espace à la mourante. Son mari était à ses côtés, agenouillé à même le sol, la main de sa femme dans les siennes. John Horst était avec eux, sa présence rassurante dédiée tout entier au réconfort du couple. Martha, qui conversait à voix basse avec Arthur Kent et Kenneth Marsters, se dirigea droit vers Canton dès qu'elle le vit arriver. Elle avait laissé sa fille aux soins du caporal Jones, plus loin, et il était difficile de savoir à quel point la fillette était affectée par tout ceci.

 

-Canton, l'interpella Martha, qui avait pris l'habitude de l'appeler par son prénom plutôt que son grade. Ce que le major ne pouvait s'empêcher de trouver agréable, dans un recoin de son esprit. C'est très grave.

 

-Sungmin m'a raconté, je sais. Tout ira bien, Martha. Sans même vraiment le réaliser, il lui avait doucement pris le bras, avant de le serrer dans une volonté de réconfort. Et si Martha Robbins n'était habituellement pas femme à chercher le réconfort, elle ne peut s'empêcher d'apprécier le geste.

 

-Vous le croyez vraiment ? demanda-t-elle doucement, un pâle sourire aux lèvres.

 

Canton ne répondit pas ; il n'en avait pas besoin pour qu'elle sache ce qu'il pensait réellement. Elle s'écarta pour le laisser passer, ainsi que Sungmin, et les deux hommes s'approchèrent de madame Miguel. Le père Horst les accueillit avec sa chaleur coutumière, mais sans un mot, et Canton posa doucement sa main sur l'épaule de monsieur Miguel.

 

-Comment va-t-elle, Augustus ?

 

Le vieil homme tourna la tête pour découvrir une face ridée et baignée de larmes muettes, et il cligna plusieurs fois des yeux avant de reconnaître le major. Il avait l'air hagard et les vêtements froissés.

 

-Elle se bat jusqu'au bout, réussit-il à dire d'une petite voix, couvant sa femme d'un regard tendre et désespéré. Votre garçon aura fait tout ce qu'il a pu !

 

Il s'adressait cette fois à Sungmin, et le médic prit la parole :

 

-J'aimerais le montrer au major, Augustus. Je crois qu'il faut qu'il sache.

 

-Oh, oui, vous devez avoir raison... Il faut tous que nous sachions ce qui touche mon Hilda...

 

Avec beaucoup de douceur, Sungmin découvrit alors Hilda Miguel, à peine consciente, et ouvrit son manteau avant de mettre à nu une épaule. Adams se pencha pour mieux voir, et ce qu'il avait tout d'abord pris pour de simples veines plus prononcées que d'autres étaient en fait de véritables filaments bleus et luisants qui remontaient presque jusque dans le cou de la vieille femme.

 

-Ça part de la jambe, pour remonter jusqu'ici, commenta Sungmin. Et je n'ai aucune idée de ce que ça peut bien être.

 

-Bon dieu, lâcha le major. Derrière lui, il sentit quelqu'un contenir une exclamation de surprise, et il se retourna pour voir Martha Robbins, qui s'était approchée et qui tenait son poing serré devant sa bouche. Leurs regards croisèrent, et ils n'eurent pas besoin de mots pour comprendre que la situation ne pouvait qu'empirer, et que tout n'irait pas bien, contrairement à ce qu'avait pu prétendre Canton Adams. Et comme pour appuyer ce fait, le vent se mit à souffler plus fort encore à la surface et se mit à fouetter de plus belle le train immobilisé, dont le métal ancien et fatigué craqua, grinça et s'agita tandis que madame Miguel poussait ses derniers râles.

 

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