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Lucie 63

Hop, on avance! ^^

 

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-Wow, vous vouliez dire que vous saviez ça depuis le début, et vous ne nous avez rien dit ?

Ed Travers avait bondit comme une furie hors de son siège après que le major eut fini de parler. Le responsable du train était resté à l'écart des autres toute la nuit -personne ne voulait réellement faire affaire avec lui, de toute façon- et il était resté étonnamment silencieux après avoir finalement cessé de se plaindre. Mais la nouvelle que venait d'annoncer Adams avait suffi à lui faire perdre son sang froid et il se dressait maintenant face à l'officier, le visage indigné, rouge de colère. Canton se contenta de lui rendre son regard avec calme, sans mot dire, même s'il ne put s'empêcher de serrer les poings. Travers lui portait sur le système depuis le début, il savait que cela n'allait pas changer, et s'il se retenait de le traiter aussi durement qu'il le méritait, il n'en pensait pas moins. Ce type avait de la chance d'être un simple civil, plutôt qu'une recrue. Là, Canton aurait pu s'en donner à cœur joie. Mais il devait faire bonne figure pour le reste du groupe, et se contenir pour montrer l'exemple. Personne n'avait besoin d'agiter le groupe plus encore. Le poids des responsabilités commençait à peser sur le major : il avait l'habitude d'être en charge, mais il n'avait jamais connu de situation aussi dangereuse. Et cette fois-ci, ses décisions n'allaient pas seulement agir sur les soldats qui s'étaient engagés pour servir, mais sur une bande de civils affolés, même si la plupart d'entre eux faisaient de leur mieux pour le cacher. La nuit avait été longue, et Adams ne s'était accordé que deux heures d'un sommeil difficile après sa séance d'entraînement avec Martha. Après qu'ils eurent tout deux convenu d'attendre le matin pour parler aux autres. Il chercha le regard de Martha, qui le lui rendit avec un sourire d'encouragement. Elle avait initialement réagi assez durement lorsqu'il lui avait tout raconté, mais elle avait fini par se calmer après l'avoir copieusement admonesté. Mais elle le comprenait. Et il avait besoin d'elle, elle réussissait à se faire écouter des autres passagers, ce qui facilitait grandement la tâche au militaire.

-Je ne vous ai rien dit, Travers, parce que je ne l'avais pas jugé nécessaire. Jusqu'à maintenant. Il s'agit d'une information classifiée, et je pouvais pas la dévoiler comme ça.

-Pas la dévoiler comme ça ? Travers agita ses bras dans les airs. Ça nous fait une belle jambe ! Vous auriez dû m'en parler tout de suite, je suis en charge de ce train, bordel !

-Et vous faites un travail incroyable, rétorqua Adams, sarcastique. Vous n'êtes plus en charge de rien du tout. Et j'ai attendu parce que je pensais que nous aurions été secourus, à l'heure qu'il est. Mais sans aucune nouvelle du monde extérieur, j'estime que je n'avais plus le choix.

-Ce qui m'inquiète, moi, c'est justement que nous n'ayons eu aucune nouvelle du complexe, ou d’Éclat, intervint Kenneth Marsters. L'ingénieur était adossé contre son siège, une couverture sur les jambes. Sa température avait grimpé depuis hier, et il tenait serré contre lui son bras blessé. Sungmin surveillait presque en permanence l'évolution de son état, s'occupant du bandage et de lui administrer de légères doses d'antidouleurs. Mais malgré sa souffrance, l'ingénieur gardait l'esprit clair.

-C'est inquiétant, en effet, reprit Adams en fusillant Travers du regard, qui retourna prendre place dans un coin du wagon, boudeur. D'un côté comme de l'autre, cette ligne terrestre semble compromise, je ne vois pas d'autres mots. Nous n'avons aucun moyen d'entrer en contact avec eux.

-Les complexes auraient aussi bien pu s'écrouler dans un nuage de poussière et de roche que nous n'en saurions rien...maugréa Arthur Kent. L'écrivain semblait perdre en optimisme au fur et à mesure que la situation s'éternisait, et il avait sur le visage un air sombre qui ne lui allait pas du tout.

-Puisque nous ne pouvons rien savoir, il ne sert à rien de s'inquiéter plus que de raison. Votre imagination s'emballe, Kent ; gardez là pour vous.

L'écrivain voulut répliquer quelque chose mais Martha, assise en face de lui, lui posa une main conciliante sur l'épaule, et lui adressa un sourire d'encouragement. Kent réussit à le lui rendre et hocha la tête à contrecœur, laissant Adams continuer. La tête reposant sur les genoux de sa mère, Lucie s'agita dans son sommeil. Martha n'avait pas eu le cœur à la réveiller alors qu'elle semblait si bien dormir ; elle lui raconterait le tout plus tard. Pour le moment, le sommeil de l'enfant semblait assez profond pour que même les éclats de voix de Travers ne la réveillent pas. La seule autre personne à être aussi calme qu'elle n'était autre que Diego Delgado, toujours restreint. Le prêtre n'avait pipé mot depuis la veille et il dormait lui aussi, installé à l'écart des autres, sous la vigilance constante des soldats de l'escouade. Martha eut l'impression que Delgado et Lucie sursautèrent au même moment, comme s'ils partageaient un même rêve, et cette idée lui fit froid dans le dos. Mais le calme les avait regagnés presque aussitôt et elle se força à reporter son attention sur la discussions en cours, reléguant l'incident au royaume des coïncidences. Et puis il fallait dire qu'elle non plus n'avait pas beaucoup dormi...

-Le fait est que nous ne pouvons rester coincés ici éternellement, disait le major Adams. Les vivres vont finir par s'épuiser, de même que les réserves d'énergie du train. Si j'en crois le capitaine Grümman, il y a de fortes chances qu'elles s'épuisent avant notre nourriture. Et quand bien même les murs semblent solides, ce n'est pas comme si nous pouvions vivre ici, au milieu de nulle part. Voilà pourquoi je vous parle maintenant de notre avant-poste. Cela fait quelques années que l'Hégémonie essaie d'augmenter notre présence à la surface, et il était logique de partir de la voie ferrée pour se faire. La base dont je vous parle est une des dernières à avoir été construite. D'après les derniers rapports, elle est tout juste opérationnelle, mais je pense que c'est là notre seule chance de revoir la civilisation. Nous y serons à l'abri, et elle a été prévue pour fonctionner de longues périodes d'autonomie.

-La question que je me pose, c'est pourquoi ces bases sont un secret, et pourquoi elles dépendent des militaires. Sans vous offenser.

-Vous ne m'offensez pas, Kent, et Martha m'a déjà posé la question. Le fait est que je n'en sais rien. Je me contente des rapports auxquels j'ai eu accès. Mais en tant que soldats, nous sommes entraînés pour affronter toutes sortes de situations, et je suis persuadé que si l'Hégémonie n'a pas encore jugé bon de rendre la nouvelle publique, c'est qu'elle a une sacrée bonne raison de le faire. Pour ma part, j'en suis arrivé à la conclusion que je ne pouvais plus vous cacher cette information plus longtemps. Mes hommes et moi connaissons la direction de cet avant-poste, et nous allons tout faire pour vous y conduire sains et saufs. C'est la seule solution.

-Je ne veux pas avoir l'air d'un rabat-joie major, mais...comment va-t-on faire pour braver les intempéries et les lézards géants et sanguinaires qui rôdent dans les parages ? Et qui sait ce que la surface nous réserve de plus ?

-Je comprends vous craintes, monsieur Marsters. Mais selon moi, je pense qu'il est temps pour nous de nous fixer un objectif et de reprendre le contrôle de la situation. Rester ici n'est pas une bonne idée. D'une manière ou d'une autre, ces créatures finiront par trouver le moyen d'entrer. D'autant plus facilement quand les réserves d'énergies seront épuisées et qu'il n'y aura plus que nos muscles pour bloquer les portes. Sans compter le problème des vivres qui finira par nous tomber dessus. Ravert, Grümman et vous n'avez toujours pas réussi à contacter l'extérieur en travaillant sur les radios, et le train ne redémarrera pas. Il nous faut nous emmitoufler dans tout ce que nous avons sous la main, il nous faut trouver un moyen de sortir sans attirer l'attention de ces monstres, et ils nous faut partir. Mes gars et moi feront tout ce qui est entre notre pouvoir pour vous protéger ce faisant. Vous pouvez compter sur nous.

Kenneth hocha gravement la tête, et le silence gagna le wagon tandis qu'ils réfléchissaient tous aux implications de ce que Canton Adams venait de leur révéler. Les autres membres de l'escouade soutenaient leur officier, ils n'avaient pas besoin de le dire : ils l'auraient suivi n'importe où. Mais Adams n'avait aucune envie d'imposer brutalement son plan aux civils qu'il s'était juré de protéger. Aussi il les laissa prendre le temps de digérer l'information, d'en parler entre eux plus avant si nécessaires. Travers levait les yeux au ciel, bougonnant à propos de l'incroyable stupidité d'aller crapahuter à la surface tandis que Martha, Arthur, Kenneth et John Horst étaient en plein conciliabule. Monsieur Miguel, lui, ne participait pas. Il ne disait pas grand chose depuis la mort de sa femme, et il refusait de s'éloigner de son corps. Quoiqu'il arrive, disait-il, il suivrait le mouvement. Il n'avait pas le choix, de toute façon.

-Bon, et bien je pense que nous sommes d'accord, n'est-ce pas ? La voix de John Horst était aussi calme et assurée qu'à l'accoutumée et les autres signifièrent leur accord, hormis Travers qui secoua la tête d'incrédulité. Sur les genoux de Martha, la tête de Lucie se redressa lentement, et la fillette ouvrit les yeux.

-Qu'est-ce qui se passe, maman ?

-Nous allons essayer de sortir d'ici, ma chérie. Canton... Le major Adams a un plan.

-Oh. D'accord.

Lucie accueillit la nouvelle sans la moindre inquiétude. Elle était toujours aussi calme, comme si toutes deux étaient encore dans leur petit appartement du vieux quartier du complexe. Martha se mit à lui caresser doucement les cheveux, tandis que Lucie baillait à s'en décrocher la mâchoire.

-Et comment allons-nous nous y prendre, exactement ? demanda Arthur, l'air guère convaincu, mais décidé à ne pas abandonner les autres.

-Ravert et le capitaine Grümman ont suggéré un plan, et nous pensons que monsieur Marsters pourra les y aider. Ces bestioles semblent attirées par la chaleur. S'il y avait moyen d'en condenser une forte dose plus loin dans le train, peut-être que nous pourrions attirer ainsi leur attention. Nous en profiterions alors pour nous faufiler à l'extérieur et pour avancer aussi vite que possible, loin d'ici. D'après mes indications concernant l'avant-poste, il nous faudrait de nombreuses heures -peut-être une bonne demi-journée- pour y arriver à pied, ainsi confronté aux éléments. Mais si nous ne nous arrêtons pas et que nous restons vigilants, nous devrions y arriver.

-Au point où on en est, ça pourrait marcher, dit Marsters, pensif. Paul et moi devrions arriver à quelque chose de correct avec les machines, il faudrait...

Au même moment, la radio du major se mit à crépiter et il la porta à son oreille :

-Capitaine Grümman ?

-Major, crachota la voix du conducteur à travers l'appareil. Je ne sais pas où vous en êtes dans les délibérations, mais nous avons un problème : toutes les portes extérieures sont bloquées, le système n'arrive plus à les déverrouiller. Il est impossible de les forcer manuellement : nous sommes coincés tant que ce sera le cas. Les portes intérieures fonctionnent encore normalement, cela dit. Mais je ne sais pas pour combien de temps, tout part à vau-l'eau...

-Fantastique, gémit Arthur Kent. Et vous savez quoi ? Je ne suis même pas étonné. Ce genre de choses finit toujours par arriver.

-Je vous avais bien dit que c'était une idée stupide ! On est aussi bien ici ! renchérit Travers.

-Gardons tous notre calme. Cela nous rajoute simplement une étape supplémentaire, rien d'affolant. Un simple délai. Marsters, Ravert, vous vous sentez d'attaque pour régler le problème ? J'imagine que c'est dans votre domaine de compétences.

-Ça tombe bien, Paul et moi devions justement passer par la salle des machines, sourit faiblement l'ingénieur, serrant les dents à cause de la douleur. Mais il semblait décidé, et il se leva doucement.

-Bien. Ravert, je vous confie monsieur Marsters. Quant aux autres, nous allons rassembler tout ce dont nous aurons besoin pour notre petit voyage, et nous tenir prêts : nous avons du pain sur la planche !

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