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Extrait Nano 2018

 

Hop, le dernier passage de ma tentative de nano. J'ai vu qu'il y a des gens qui s'inspirent en utilisant les prompts d'Inktober, du coup j'ai adopté cette bonne idée! Pour le reste, j'en profite en gros pour mettre en scène le personnage que j'incarne sur un forum rp se déroulant dans l'univers de Dragon Age, et je n'ai aucune idée d'où je vais, on verra bien jusqu'à quand je tiendrai. x)

 

 

7. Épuisé

 

 

« Hey, mon pote ? »

 

La voix était diffuse, lointaine ; c'était comme percevoir les sons à travers de la ouate. Et de ce qu'il en savait, Aurelius Argento n'avait pas de ouate dans les oreilles. Premièrement, ce n'était tout simplement pas très pratique. Deuxièmement, niveau style cela n'apportait pas grand chose. Troisièmement, il n'était même pas sûr qu'il aurait su en trouver s'il le voulait. Ce qui était stupéfiant quand on prenait le temps d'y penser cinq minutes, non ? La ouate, c'était après tout quelque chose de relativement commun. Il se rappelait avoir vu pas mal de gens en utiliser, il avait lui même dû en tenir entre les mains une fois ou l'autre, tout en restant à peu près sûr qu'il n'en avait jamais approché ses oreilles. Il n'aimait pas qu'on approche quoi que ce soit de ses oreilles de manière générale, les bougres étant particulièrement sensibles. Rien que de se faire couper les cheveux par l'esclave de la maisonnée auquel on avait confié les tâches capillaires devenait une curieuse torture, ou le frôlement d'une lame ou d'un doigts rien que le long de ses tempes remontait jusqu'à ses esgourdes dans un redoutable frémissement d'hilarité qui pouvait se révéler dangereuse étant donné la situation. Il y avait vraiment des moments où il valait mieux ne pas rire, chez le barbier justement, ou aux enterrements. A moins que le frère chantriste responsable de la cérémonie ne se prenne les pieds dans sa toge, mais c'était un cas tout à fait particulier (1).

 

Bref, il ne savait même plus pourquoi il en était venu à se fixer sur ses oreilles, ou sur des boules de coton. Il y avait quelque d'autre de plus pressant, mais il n'avait pas vraiment envie de s'y confronter. Pas tout de suite, encore cinq minutes s'il te plaît maman. Parce qu'il était réellement, complètement, totalement épuisé. Fatigué. Crevé. Vidé, même. Comme s'il avait donné tout ce dont il était capable sans s'assurer d'avoir demandé un bon d'échange au cas où, histoire de le récupérer après deux semaines. Il voulait qu'on les laisse tranquilles, lui et ses oreilles. Plus jeune, il avait connu un amant qui avait la manie de mettre son doigt dans l'oreille, autant dire qu'ils ne s'était pas fréquentés longtemps. Un type pas très recommandable d'ailleurs, le cliché du noble tévintide aux manies de dépravés, du genre à considérer les esclaves encore plus dispensables qu'une paire de chaussettes. Et on oubliait trop souvent l'importance d'une bonne paire de chaussettes, surtout quand on voyageait beaucoup. Un véritable aventurier se devait même d'en emporter plusieurs dans son paquetage, afin de faire face à tous les temps. Des épaisses en laine, bien confortables, pour les pays aux hivers rigoureux, des courtes discrètes pour les températures chaudes. Suivant où, c'était même tout un art que d'habiller ses pieds, comme dans l'Empire d'Orlaïs, où la mode était aussi sérieuse que la politique. Où la mode était la politique, sous certaines circonstances. On pouvait en apprendre long sur quelqu'un de la cour rien qu'en analysant ce qui cachait ou non ses orteils. On pouvait défaire un empereur ou une impératrice avec la bonne pointure de pied. Parfaitement ! Ou peut-être qu'il fallait être pointure, il ne savait plus trop bien. Du moment que personne ne mettait son doigt dans l'oreille de personne, tout irait mieux. Comment s'appelait ce type, déjà ? Probablement un truc qui se terminait en « us », on était imaginatif comme ça, en Tévinter. Tenez, lui-même par exemple : Aurelius Antonius Caldwell. Bon d'accord, le Caldwell était plutôt original, une idée de sa mère, en hommage à un oncle féreldien. Les camarades du petit Aurelius avaient souvent trouvé ça ridicule, mais lui il l'aimait bien, son troisième prénom. Ça le sortait un peu de la masse, et tout ce qui vous sortait de la masse dans un pays pareil était bon à prendre. Après, il paraîtrait que son grand oncle Caldwell avait un homme plutôt bizarre, du genre à sortir au marché sans pantalon. Ce que son petit neveu ne retenait pas contre lui, on pouvait faire des tas de choses intéressantes sans pantalon ! Peut-être pas au marché, certes, mais avec un peu d'imagination...

 

« Monsieur Argento ? »

 

Voilà qu'on essayait de nouveau de percer la ouate. En l'appelant monsieur, en plus, ce qu'il n'appréciait pas du tout du tout. Il avait vingt-cinq ans -s'il ne se trompait pas- et à vingt-cinq ans, c'était beaucoup trop jeune pour se faire appeler monsieur, bon sang ! C'était mieux que « maître », ceci dit. Il savait bien que les esclaves n'avaient pas le choix, mais ça l'avait toujours mis mal à l'aise. Il n'était le maître de personne, l'idée de dominer qui que ce soit le rendait malade. C'était pour ça qu'il était parti, aussi. On traitait bien les serviteurs dans la famille Argento, mais il fallait quand même faire attention aux apparences, surtout en public. De la gentillesse dissimulée derrière les murs de la demeure, et pour quoi ? Ce n'était pas ça qui allait changer leur sort. L'améliorer un peu, peut-être bien, mais cela n'allait pas aider leurs semblables dans les familles plus...traditionnelle. C'était ça le plus frustrant, quand on avait des idées différentes dans un empire pareil : il était pratiquement impossible de les propager. Les magisters n'arrêtaient de se poignarder dans le dos que pour s'unir face à toute forme de progrès social qui aurait pu maintenir leur pouvoir. Alors il était parti, quelques jours après son vingtième anniversaire. Au-delà de son rôle politique, la famille Argento était réputée pour son commerce d'artefacts et de livres en tout genre, et parcourir tout Thédas au nom des affaires lui donnait une bonne excuse. Celle qui avait plus ou moins réussi à convaincre son père de le laisser vadrouiller, même si la conversation n'avait pas été facile.

 

« Bêêêh ? »

 

Allons bon, allait-on le laisser tranquille, lui ? Est-ce qu'il venait beugler des bêtises pour réveiller les honnêtes gens, lui ? Après tout, il se considérait comme plutôt honnête. Il ne trichait pas aux cartes parce que le bluff était bien plus intéressant, et il ne mentait pas quand il pouvait embobiner avec la vérité. Il n'avait jamais volé non plus, sauf des pommes dans le verger des voisins quand il était enfant, mais n'était-ce pas là un rite de passage ? La majeure partie du temps, il faisait en sorte de respecter la loi simplement parce que c'était moins compliqué ainsi. Et quand la loi était stupide, et bien il y avait presque toujours un moyen de la contourner quand on n'avait ni froid aux yeux ni la langue dans sa poche, ce qui aurait de toute façon été très inconfortable. Après il n'y pouvait rien si les embrouilles lui tombaient dessus avec une régularité quasi constante. Souvent parce qu'il se montrait trop curieux pour son bien. On disait que c'était un vilain défaut, mais il voyait ça comme la plus sainte des qualités : si on n'était pas curieux de tout, et tout le temps, à quoi bon ? La vie était une succession de découvertes, en espérant que celle qui se révélerait fatalement...et bien, fatale, se produise le plus tard possible.

 

Là, par exemple, il était très curieux de savoir d'où provenait cette écœurante odeur de brûler. On aurait dit que quelqu'un avait décidé de rassembler tous les pots de chambre du pays pour en faire une joyeuse flambée, ça lui rappelait les tanneries qu'il avait pu croiser au cour de ses déplacements. Il était tout aussi curieux de savoir s'il serait à nouveau capable d'ouvrir les yeux un jour : sa fatigue était telle qu'il lui semblait qu'on avait cloué ses paupières directement sur ses globes oculaires. Il percevait vaguement le reste du monde à travers ses autres sens étouffés, et voulut agiter un doigt pour voir : ce fut comme essayer de soulever une montagne. Il poussa un bref gémissement qui s'apparenta plus à un couinement misérable, et regretta de ne pas avoir un oreiller à se coller sur la tête. Il aurait pu dormir une semaine, mais une petite voix persistante lui soufflait qu'il était loin d'avoir tout ce temps à disposition. Elle n'était même pas sûr qu'il pouvait se permettre encore un petit quart d'heure, ou même quelques minutes. Il avait quelque chose à faire, un machin à retrouver... Il ne savait plus trop quoi, mais ça devait être vachement important. Si ça s trouve, c'était la ouate, voilà qui se tenait ! Il saurait enfin où en trouver, une quête à réveiller les morts ! On allait sûrement écrire un livre sur lui un jour. Toute une série de nouvelles, même ! Sinon, il allait le faire lui-même. C'était peut-être plus sûr, on ne pouvait jamais se fier aux biographes, ils étaient souvent bien trop terre à terre, et rechignaient aux embellissements nécessaires. Embellir n'était pas automatiquement mentir, c'était avant tout une technique qui servait à présenter la vérité sous son meilleur jour. Puis la vérité la plus pressante s'imposa enfin à lui : son bâton ! Et une succession d'événements étranges impliquant au moins une apaisées et plusieurs animaux de la ferme, comme un livre d'enfants qui aurait tourné bizarrement.

 

La mort dans l'âme, il fit un effort surhumain pour se réveiller à l'instant même où la chèvre recommença à lui lécher un pied, celui qui avait perdu sa sandale en... mettant le feu à une wyverne, il s'en rappelait maintenant. Voilà qui expliquait l'odeur. Et la fatigue. Il fut fortement rassuré de voir le visage neutre de Lucie se pencher sur lui, et fut à peine surpris par le poulet qui sauta sur sa poitrine avant de déclarer : « Content de te revoir parmi nous mon pote ! Un peu plus, et j'allais commencer à te picorer l'oreille ! »

 

 

 

 

(1) C'était ce genre de détail qui rendait la cérémonie plus vivante.

 

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