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Lucie 4

Lentement, mais sûrement, je continue d'avancer! Ca n'a peut-être pas l'air de grand chose, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas tenu un rythme aussi régulier dans l'écriture d'une histoire (en général, ces dernières années j'avais tendance à m'emballer et à écrire quelques pages en deux jours et ensuite ça me lassait et j'abandonnais le truc)! Bon sang, si ça se trouve, je vais même réussir à la finir! En tout cas, je m'amuse bien à voir comment elle se développe, quand je réalise que je ne suis même pas encore entré dans le vif du sujet de mon idée de base... Bref, le morceau du jour, donc!

 

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Haven, la terre promise. Le seul autre complexe de l'Hégémonie sur Éclat, situé à plusieurs centaines de kilomètres de celui où Lucie et sa mère avaient toujours vécu, qu'on ne pouvait atteindre qu'avec l'unique transport qui parcourait la surface : le train qui partait de la Grande Gare. La voie ferrée avait été construite en priorité lors de l'arrivée des colons afin de relier les deux points d'atterrissage des vaisseaux coloniaux. Avant que les hommes n'aient plus d'autre choix que de se réfugier sous terre, avant que le froid et le bleu ne deviennent aussi redoutables qu'ils l'étaient aujourd'hui. Un nombre conséquents d'ingénieurs, de soldats et d'ouvriers étaient morts de la construction, et le registre de leurs pertes était encore régulièrement consulté, comme un ultime hommage rendu à ces hommes et ces femmes qui avaient bravé les éléments pour la sauvegarde de l'Hégémonie. Et Haven représentait depuis lors l'espoir d'une vie meilleure. Construit au bord d'un immense océan presque entièrement recouvert de glace, Haven avait été choisi comme l'un des deux points de ralliement des colons, et il avait été conçu comme la ville qui s'élèverait au-dessus de la surface, quand l'humanité pensait encore pouvoir y vivre. Le rêve avait tourné court, mais des dômes de verre spécial défiaient aujourd'hui encore les conditions difficiles, et on disait qu'à Haven, on pouvait parfois marcher tout en regardant le ciel. C'était à Haven que l'on trouvait également les stations de recherche les plus expérimentales, qui présentaient le complexe comme l'avenir de l'Hégémonie. Un avenir dont elle avait réellement besoin : si les conditions de vie n'étaient pas horribles dans les souterrains bétonnés, la population ne cessait d'augmenter, l'espace diminuait et, très progressivement, les moyens de la sustenter aussi. Il fallait s'adapter, se développer, évoluer, telle était la nouvelle politique de l'Hégémonie, conservatrice par coutume mais obligée de se montrer progressiste pour survivre. Alors les vieux projets de Haven avaient été relancés, et le plus petit des deux complexes était devenu un véritable phare dans la nuit. Pour ceux qui y mettaient l'effort et les moyens, il y avait du travail à Haven, du travail différent, et on ventait ses conditions de vie. Alors Martha Robbins, qui avait travaillé très dur toute sa vie, travailla encore plus dur pour obtenir le sauf-conduit qui leur permettrait, à elle et à sa fille, de changer de vie. Il y avait, quelque part sous les épais plafonds du complexe où elles vivaient jusqu'à aujourd'hui, quelque chose que Martha ne pouvait plus éviter de fuir... Quand elle avait annoncé sa décision à Lucie, la fillette avait ravie: pour elle, le voyage pour Haven était la promesse d'une fantastique aventure, et elle n'avait plus parlé que de ça, impatiente de quitter ce petit quartier qu'elle avait toujours trouvé trop étroit.

-Tous les passagers à destination de Haven peuvent maintenant se rendre au secteur un.

L'annonce fut répétée deux fois, provoquant de délicieux frissons chez Lucie. Ca y est, elle allait enfin partir, prendre le train qui allait l'amener à Haven ! Elle manqua de broyer les doigts de sa mère tellement elle les serrait fort, et elle voulut la tirer avec elle, impatiente d'atteindre le secteur un, celui réservé à l'unique grand train d’Éclat. Le sourire aux lèvres, gagnée par l'enthousiasme de sa fille, Martha se laissa entraîner, tirant tant bien que mal d'une main le chariot branlant où se trouvaient leurs deux valises. Après quelques minutes d'une marche pénible à travers la foule, cette dernière commença à se clairsemer à l'approche du secteur un. Peu de personnes avaient de raison de s'y rendre, il n'y avait que peu de transit de citoyens pour Haven. L'Hégémonie voulait éviter un exode de masse dépourvu de contrôle, et n'autorisait les transferts qu'au compte-gouttes. Martha et Lucie avaient eu de la chance d'être acceptées, et elles s'en rendaient compte. Martha Robbins n'avait aucunement l'intention de la gâcher. Elle attendait ce nouveau départ depuis bien trop longtemps. De plus, le train était principalement destiné au transport de marchandises entre les deux complexes, et ne possédait qu'un nombre minimal de wagons pour y installer des passagers. La plupart de ceux qui faisaient régulièrement le voyage étaient des chercheurs, des ingénieurs, des ouvriers qui assuraient la main d’œuvre. Pour les autres, ceux qui réussissaient à embarquer pour aller vivre à Haven, le voyage était un aller-simple. Martha n'avait aucune intention de revenir, de toute façon. C'était mieux comme ça. Et elle était soulagée d'avoir vu sa candidature acceptée assez vite pour prendre le train aujourd'hui. Il n'allait à Haven qu'une unique fois par mois. Le reste du temps, il était soigneusement entretenu et révisé pour le prochain voyage à la surface. Il était d'une construction solide et durable, comme tout au sein de l'Hégémonie, mais il était aussi vétuste, et nul ne tenait à ce qu'il se mette soudain à mal fonctionner au milieu du trajet.

-Maman, par ici !

Lucie avait du mal à contenir l'excitation dans sa voix tandis qu'elle montrait du doigt le guichet qui se trouvait à côté de la grande porte dans le mur marqué « Secteur un ». La dernière étape qui les séparait de l'embarquement. Pressant le pas pour se caler sur le rythme de sa fille, Martha cala la poignée du chariot sous son bras, libérant sa main pour chercher à l'intérieur de sa veste les papiers nécessaires. Devant elles, deux hommes étaient en train de régler leur propre paperasserie au guichet. Ils étaient tous deux vêtus de noir, et portaient le col blanc caractéristique des membres du clergé. L'un était âgé -la soixantaine, ou plus- mais bien bâti, une crinière de cheveux blancs comme neige aux tempes d'un gris distingués lui donnant un air royal. Son compagnon, plus jeune de quarante au moins, était mince, presque décharné, et avait ses cheveux sombres coupés très court, presque rasés. Haven avait visiblement aussi besoin de ses hommes de foi. Lucie et sa mère se glissèrent derrière eux tandis qu'ils terminaient leur échange avec le guichetier, et le plus âgé salua les Robbins d'un large sourire, ses yeux bleus pétillant derrière ses lunettes en demi-lune. L'autre homme se contenta de hocher la tête à leur attention, poli mais comme gêné.

-Je suis le père John Horst, et voici le père Diego Delgado. Il semblerait que nous allons faire le voyage ensemble !

Sa voix était forte et chaleureuse et, si elle n'avait jamais vraiment porté l'église et ses représentants dans son cœur, Martha ne peut s'empêcher de le trouver instantanément sympathique. Elle serra la grosse et puissante main qu'il lui tendit :

-Martha Robbins.

-C'est un plaisir de faire votre connaissance, Martha Robbins. Ainsi que la tienne ! fit-il à l'intention de la fillette qui, à la fois impressionnée par la stature du prêtre et amusée par sa bonhomie, glissa à son tour sa minuscule main dans la robuste -mais pourtant étonnamment douce- poigne du vieil homme.

-Lucie.

-Lucie. Je suis sûr que nous allons bien entendre !

La fillette lui rendit son sourire, et jeta un regard curieux au jeune prêtre, qui n'avait pas dit un mot. Il n'avait pas l'air désagréable, plutôt timide. Prise d'une impulsion subite, Lucie alla se planter devant lui et lui tendit la main. Après un instant d'hésitation, comme surpris, il la serra, avec moins de vigueur que son collègue, mais non sans douceur lui aussi.

-Et bien nous nous reverrons à bord ! dit joyeusement John Horst. Je vous laisse entre les mains de notre bien aimée administration !

Suivit de Diego Delgado, le prêtre saisit son sac de voyage et se dirigea vers la grande porte, qui se referma sans bruit derrière eux. Le guichetier invita alors Martha à venir présenter ses papiers. Il les parcourut avec attention puis apposa dessus le sceau de l'Hégémonie. Tout étant en ordre, il les invita à leur tour à passer la grande porte alors que les hauts-parleurs annonçaient pour la dernière fois le prochain départ pour Haven. Derrière les Robbins, un homme se précipitait vers le guichet en courant, traînant maladroitement derrière lui une petite valise à roulettes.

-Attendez ! Attendez-moi !

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