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Lucie 40

Bon, vu le peu d'inspiration et de motivation que j'avais aujourd'hui, je ne pensais pas écrire quoi que ce soit mais je m'y suis mis, et j'aurai quand même pondu une page! Comme quoi, parfois, suffit juste de trouver le premier mot!^^

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-Aïe !

 

Kenneth Marsters sursauta, et dut lutter pour ne pas se soustraire à l'aiguille de Jung Sungmin. Le médic était en train de refermer la plaie béante qui zébrait la poitrine de l'ingénieur. Il avait abondamment nettoyé la blessure avec les produits qu'il gardait dans sa trousse de secours, et il l'avait ensuite soigneusement examinée. Elle n'était pas pas particulièrement profonde mais bien ouverte, et Sungmin avait dû se résoudre à la recoudre pour diminuer le saignement.

 

-Ça aurait pu être bien pire... Essayez de ne pas bouger, je ne voudrais pas vous amocher plus que vous ne l'êtes déjà.

 

-Comment va-t-elle? demanda le patient, tournant la tête pour regarder madame Miguel.

 

-Je ne sais pas ce qu'elle a. J'ai fait ce que j'ai pu pour sa jambe, pour atténuer la douleur, mais sa fièvre empire, et elle rarement consciente plus de quelques minutes d'affilée. Si elle souffre de dommages internes, soit je suis passé à côté, soit ils sont trop dissimulés pour que j'arrive à les percevoir sans l'équipement nécessaire.

 

Sungmin se saisit du bout de fil qu'il avait entre les dents et entreprit de continuer sa besogne, tandis que Marsters observait la frêle silhouette de la vieille femme allongée sur les sièges, sous plusieurs couvertures. Assis à ses côtés, son mari ne lâchait pas sa main et conversait à voix basse avec le père Horst, qui faisait de son mieux pour réconforter le couple. En les voyant ainsi l'un avec l'autre, Kenneth ne put s'empêcher d'envier les Miguel : dans leur malheur, ils étaient assurés d'avoir quelqu'un à leur côté. Sans conditions. A vrai dire, tout le monde ou presque dans ce wagon semblait avoir quelqu'un sur qui s'appuyer en toutes circonstances. Horst et Delgado partageaient leur métier et leur confession, et leur foi semblaient si grande que même seuls, ils ne le seraient sans doute pas vraiment. Martha Robins avait sa fille sur qui veiller, et les soldats eux-mêmes fonctionnaient en binôme. Sungmin et Ravert ne se quittaient plus depuis que le trio était revenu ; les deux amis semblaient partager cette connexion profonde qui n'avait nul besoin de mots qui n'étaient pas nécessaires. L'humeur du médic, inquiet pour madame Miguel, s'était aussitôt améliorée dès que Ravert avait réapparu, indemne. Ils puisaient littéralement leurs forces l'un de l'autre. Quant à Velázquez, qui s'entretenait avec le major, il était la cible de toute l'attention du caporal Jones, même si elle faisait de son mieux pour le cacher. A leur façon, les deux sous-officiers étaient aussi inséparables que le couple formé par les Miguel. Il n'y avait sans doute que Velázquez lui-même pour ne pas réellement s'en rendre compte. Et même le major Adams avait semblé baissé sa garde avant le retour de l'expédition, en pleine conversation avec Martha. Il n'y avait guère que Ed Travers qui ne s'était lié avec personne et restait dans son coin, mais c'était en grande partie parce que personne ne tenait vraiment à passer plus de temps qu'il n'était nécessaire en sa compagnie. Selon les dires de Sungmin, Adams avait passé un sacré savon au responsable du train quand il avait réapparu, hors d'haleine. Depuis, il ne disait plus un mot, une moue boudeuse sur le visage, triturant nerveusement sa casquette entre ses doigts. Arthur Kent, pour sa part, n'était pas beaucoup plus loquace. Son humeur donnait l'impression de s'assombrir de plus en plus, et il se concentrait surtout sur les mots qu'il griffonnait les uns après les autres sur son carnet. Kenneth se promit d'aller le trouver un peu plus tard, quand Jung en aurait fini avec lui ; il n'était pas bon pour l'écrivain de se renfermer ainsi, et l'ingénieur aurait bien besoin de compagnie. Il se sentait étrangement seul, coincé ici au milieu de nulle part avec tous ces inconnus, et il réalisait qu'il le ressentait déjà avant d'embarquer dans le train. Une bonne partie de sa vie avait été solitaire, quand il y réfléchissait. Touche à tout incapable de tenir en place, il avait effectué tellement d'occupation, sautant d'un projet à l'autre, qu'il n'avait jamais pris le temps de se focaliser sur sa vie personnelle. Cette dernière lui avait toujours semblé.. peu digne d'intérêt. Il n'avait plus vraiment de famille, et il avait toujours eu des collègues plutôt que des amis. Ce n'était pas à cause d'un défaut de sa personnalité, à vrai dire il s'entendait plutôt bien avec la plupart des gens, mais il avait toujours évité les attaches et ce sans même s'en rendre compte. Jusqu'à aujourd'hui. Et il se demandait si tout cela n'était pas ce qui l'avait véritablement poussé à prendre le train pour Haven. Il n'y avait pas que le défi d'une nouvelle expérience intense, là derrière. Et pour la première fois depuis bien longtemps, il se mit à penser que c'était un peu triste qu'il n'y ait personne pour s'inquiéter de ne pas le voir revenir à la maison.

 

-Voilà, c'est tout bon !

 

Sungmin Jung coupa l'extrémité du fil qu'il avait utilisé pour refermer la blessure, et adressa un grand sourire à Kenneth, tellement absorbé par ses pensées qu'il n'avait même pas senti la fin de la procédure.

 

-Merci Sungmin.

 

-Pas de quoi, c'est mon boulot. Ça risque de tirer un petit peu ; si ça devient trop inconfortable ou si ça vous démange, dites le moi. En attendant, prenez ce cachet, c'est pour lutter contre les infections éventuelles. Dieu sait ce qui peut traîner sur les griffes de ces choses...

 

Kenneth grimaça et accepta la pilule, qu'il avala sans perdre de temps :

 

-Rassurant. Je vous préviens si je commence à me transformer en lézard des neiges.

 

-J'aime quand mes patients sont aussi minutieux ! Je n'ai plus qu'à vous appliquer une compresse...

 

Une fois ceci fait Sungmin rangea son matériel, échangea quelques mots avec Paul Ravert, et retourna s'enquérir de l'état de madame Miguel. Marsters se releva et résista à la tentation de gratter sa plaie maintenant refermée, à l'abri derrière sa gaze. Elle l'élançait encore méchamment, mais il se sentait déjà un peu mieux. Il n'allait en tout cas pas se transformer en lézard des neiges de sitôt. Enfin, sûrement.

 

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