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Lucie 41

La page du jour!^^

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-Vous avez mal ?

 

Il sursauta, mais se retourna pour découvrir une vision bien moins effrayante que l'un des monstres qui l'avait attaqué, lui et les autres. Lucie Robbins le regardait, les mains croisées dans son dos, se balançant d'avant en arrière sur ses petits pieds bottés. Elle s'était éclipsée de la garde de sa mère, qui avait devancé Kenneth en allant interrompre Arthur Kent dans son œuvre. Il était sans doute mieux que l'écrivain cessât de se prostrer ainsi dans son coin, et Martha l'avait sans doute bien compris. Elle gardait néanmoins un œil vigilant sur sa fille, s'assurant régulièrement de sa présence dans le wagon.

 

-Un peu, répondit Kenneth à la fillette. Ce n'est jamais très agréable...

 

-Un animal m'a mordu, une fois. C'était le perroquet du conservatoire, qu'on était allés visiter avec l'école. Mais je ne crois pas qu'il ait fait exprès, il était vieux et un peu grognon...

 

-Il ne s'agit pas vraiment du même genre de perroquet...

 

-Je sais, j'ai entendu quand les soldats et vous avez décrit les monstres. Je ne savais pas qu'ils étaient comme ça.

 

-Les monstres ont bien des formes.

 

-Je le sais aussi. Maman la déjà dit. A propos d'un homme...mais elle n'aime pas que j'en parle.

 

-Oh. Je vais faire comme si tu n'avais rien dit. Marsters était intrigué ; il se demandait qui donc pouvait mériter un tel qualificatif de la part d'une femme comme Martha, qu'il n'imaginait certainement pas effrayée par quelque monstre que ce soit. Mais il était vrai que mère comme fille n'avaient pas vraiment évoqué leur passif. Il avait pensé que c'était parce qu'elles n'avaient pas grand chose à en dire mais, plus il observait les Robbins, plus il avait l'impression que quelque chose leur était arrivé, quelque chose qui avait fait de leur ticket pour Haven une véritable aubaine. A bord de ce train, Kenneth avait de toute façon l'impression que tous ou presque avaient eu quelque chose à fuir. Y compris lui, comme il était en train de s'en rendre compte.

 

-Je me demandais si en allait en voir pendant le voyage. Les monstres.

 

-Comment ça ?

 

-Les plus vieux en parlaient souvent le soir, quand ils avaient un peu bu, là où travaillait maman. Ils parlaient des histoires de leurs parents à eux, qui les avaient entendues il y a longtemps de gens encore plus vieux, quand il y avait encore des gens qui devaient travailler dehors pour construire le complexe. Des monstres de la surface, qui enlevaient des hommes dans la neige...

 

-Ce ne sont que des histoires, tu le sais, ça ?

 

-Il y a ceux dans mes rêves, aussi. Où je vois leurs yeux bleus, et le froid qui les entoure. Sauf que je n'ai pas froid, pas quand je rêve.

 

Pragmatique de nature, l'ingénieur ne savait trop comment réagir aux révélations de Lucie. Il était captivé par l'intensité de son regard, dans lequel on reconnaissait la force de celui de sa mère, avec quelque chose de plus. Quelque chose d'indéfinissable sur lequel il n'arrivait pas vraiment à mettre le doigt dessus et qui lui rappelait l'éclat de ces redoutables créatures. A cette pensée, il eut froid, et il resserra le col de son épais manteau qu'il venait de renfiler par-dessus sa chemise déchirée. La veste l'était aussi, alors il se jeta une couverture sur les épaules.

 

-Tu as des rêves...intéressants, finit-il par dire, se sentant un peu bête.

 

-Je crois que c'est ce que pense le père Delgado. Il était intéressé par mes rêves en tout cas, quand je lui en ai parlé avant l'accident.

 

Tiens donc, songea Marsters. Il tourna la tête, et vit que le jeune prêtre était justement en train de les regarder, Lucie et lui. Sans trop savoir pourquoi, cela mit Kenneth un peu plus mal à l'aise, et ne s'arrêta pas même quand Delgado détourna le regard pour se replonger dans le petit livre noir qu'il était en train de lire.

 

-En tout cas, je suis content que vous ne soyez pas mort, déclara soudain la fillette, et Marsters lui sourit, touché par la sincérité de ses paroles :

 

-Moi aussi.

 

-Le docteur Jung sait bien soigner, je n'ai presque plus mal à la tête. Il m'a mit une compresse comme à vous !continua-t-elle, désignant d'un doigt le pansement collé sur son front.

 

-Bon, je crois que nous allons nous en sortir, alors ! Dis moi, à propos de...

 

Mais Kenneth ne put finir sa phrase. Avec un raclement de gorge sonore, le major Adams avait attiré l'attention de tous les passagers et se tenait debout au milieu du wagon, manifestement dans le but de se faire entendre de tout le monde. Il attendit que le silence se fît complètement, puis il prit la parole.

 

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