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Lucie 80

Et hop, le huitantième passage, mine de rien!

 

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-Vous voyez quelque chose, caporal ?

Canton Adams se pencha au-dessus de l'épaule de Velázquez, qui avait mis un genou à terre. Le soldat avait sorti des jumelles de son paquetage, réglée sur vision nocturne ; il observait le train au loin, et il avait l'impression que les autres passagers retenaient leur souffle dans son dos. Ils s'étaient tous réunis, du moins ceux qui avaient survécu. A cette pensée, le soldat en eut le cœur lourd. Paul et Sungmin lui manquaient particulièrement, après tout le temps qu'ils avaient passé ensemble au sein de l'escouade, et il n'arrivait pas à croire qu'ils ne se retrouveraient plus. Puis il y avait le courage des civils qui les avaient accompagnés dans cette aventure... Ils n'étaient plus que trois pour protéger ceux qui restaient, maintenant. Pour se protéger les uns les autres.

-Rien major, finit-il par répondre, la gorge sèche. Tout est en train de brûler, aucun signe du prisonnier...ou de John.

-Vous êtes sûr ?

Martha s'était rapprochée à son tour. Elle avait peur, elle était inquiète, mais elle restait forte. Pour sa fille.

-Je suis désolé. Rien ne bouge.

-Et on finira gelés si nous ne bougeons pas... grogna Ed Travers, qui n'arrêtait pas de se frotter les bras. Il s'attira les regards noirs de la plupart des autres, mais ils durent convenir qu'il n'avait pas tort. Le froid était difficilement supportable, s'infiltrant à travers les couches les plus épaisses. Quand ils restaient immobiles, du givre se formait sur leurs vêtements, et le froid donnait l'impression de vouloir les envahir de l'intérieur. Chaque parole, chaque souffle devenait un petit nuage de buée et de cristaux, et respirer était comme se perforer les poumons.

-Nous ne pouvons pas attendre ici éternellement, c'est un fait.

Le major Adams n'aimait pas ce qu'il disait, mais il n'avait pas le choix. Ils devaient se mettre en route pour l'avant-poste, et vite. C'était leur seule chance. Ils s'étaient rassemblés sous les arbres, mais leur sécurité n'était que relative. Ici, à l'extérieur, les humains n'étaient pas à leur place. La surface n'était pas leur monde, mais celui de cette créature qu'ils entendaient continuer de pousser ses cris à intervalles réguliers, et de dieu seul savait quoi d'autre. Mais abandonner John Horst... Adams se frottait pensivement le menton, et faisait régulièrement quelques pas difficiles dans la neige, pour maintenir un semblant de chaleur qui n'était plus qu'un souvenir. Il s'en voulait aussi terriblement d'avoir laissé filer Delgado, même si le jeune prêtre n'était plus une priorité. S'il voulait tenter sa chance seul dans ce monde hostile, le major lui souhaite bien du plaisir. Il espérait juste que cela n'avait aucun rapport avec la disparition de Horst...

-Major ?

Il tourna la tête pour croiser le regard du caporal Jones : elle attendait manifestement ses ordres. Ils attendaient tous sur lui. Il était plus responsable que jamais, maintenant qu'ils le suivaient tous dans leur folle équipée pour l'avant-poste. Canton espérait qu'il ne s'était pas trompé. Les informations qu'ils avaient sur ce dernier étaient issues de dossiers dont il n'aurait jamais dû révéler l'existence. Mais là aussi, il n'avait pas le choix. Leur survie dépendait d'un secret, de cette base inconnue ; il ne savait même pas à quoi elle ressemblait. Et pour la première fois, il se posait réellement des questions qu'il avait toujours pris soin d'éviter : quel était le véritable but de ces installations ? Et pourquoi un tel secret ? Il n'aimait pas y songer. Se questionner ainsi n'était pas son genre : il faisait ce qui devait être fait, voilà tout. Et il allait continuer. Pour ses deux caporaux, pour Arthur, et même Travers. Pour Martha et Lucie. L'enfant restait incroyablement calme, et elle observait tout ce qui se passait en silence, avec la plus grande attention. Elle donnait presque l'impression de ne pas avoir froid, et Adams en tirait une certaine force. Si cette gamine pouvait s'en sortir ainsi, tout irait bien.

-On va devoir y aller, je vais nous guider. Il leva une main pour interrompre Martha, qui ouvrait la bouche ; il savait ce qu'elle allait dire. Je n'ai aucune envie d'abandonner monsieur Horst. Si on fait vite, nous pouvons au moins faire un bref aller et retour pour...

Les cris du monstre continuaient, il devait toujours rôder du côté du train. Deux hommes armés devraient pouvoir y retourner et le tenir en respect si besoin et...

-Major, vous devriez voir ça...

Velázquez tendit ses jumelles à Adams, l'air sombre. Le major ne l'avait jamais vu aussi sérieux, et cela lui donna la chair de poule. Il s'empara de l'objet et le pointa dans la direction indiquée par son sous-officier. Et poussa un juron qui rebondit dans la neige. Plusieurs silhouettes étaient visibles maintenant, qui se faufilaient entre les wagons en train de brûler. Elles criaient elle aussi, comme pour répondre à leur semblable. Et elles se dirigeaient toutes vers les arbres, vers les survivants.

-Bon dieu, cette chose les a appelées...

Le major blêmit, ce qui ne lui arrivait guère, et il rendit les jumelles à Velázquez avant de s'adresser au groupe :

-D'autres créatures arrivent. Et je crois qu'elles peuvent nous sentir. Elles communiquent, et elles viennent par ici. Nous ne pouvons plus attendre. Il faut y aller, et vite.

Il s'efforçait de ne pas penser à John Horst, et il sut qu'il en allait de même pour les autres. Ils échangèrent des regards lourds et résignés, mais déterminés malgré tout. Il étai temps de partir.

-Caporal ?

-Elles sont nombreuses major, et elles arrivent.

-On y va. Et on se dépêche. Il fit signe aux autres, balayant le couvert des arbres avec la lampe de son arme. On va traverser ce bosquet, ce sera mieux que de rester à découvert. On peut espérer les perdre dans les arbres. On se dépêche, aller ! Il n'y a pas de temps à perdre !

Il frappa dans ses mains, et tous se rapprochèrent, près à filer. Tous sauf le caporal Velázquez. L'homme était à nouveau à genoux, son sac à dos ouvert devant lui. Il en avait retiré plusieurs objets, qu'il était en train d'assembler en un grand fusil à lunettes. Tireur d'élite de l'escouade, il possédait le matériel le plus performant dans ce domaine. Il planta le trépied dans la neige, l'air de celui qui accomplissait une tâche parfaitement banale.

-Caporal, non ! lui intima Adams.

-Vous aurez plus de chances si quelqu'un vous couvre, pour attirer leur attention. Et je suis le meilleur choix : je suis même le meilleur.

Un sourire plein de suffisance fendit son visage, et Adams sut que c'était pour se donner du courage. Il sut aussi que Velázquez avait raison, et il se détesta pour cela. Il hocha la tête d'un air sombre.

-Andy, non ! Intervint Jones, qui avait compris elle aussi.

-Ne t'inquiète pas Sam, c'est moi.

-Crétin ! Tu...

-Bonne chance, caporal, la coupa Adams.

-Major, vous ne pouvez pas le laisser...

-Il peut Sam. Et il ne le fait pas, c'est ma décision. Pour une fois, il est temps pour moi de faire mon devoir. Protégez les autres, c'est tout ce que je vous demande, à tous les deux. Et peut-être que je saurai vous rattraper. Je pourrai grimper dans un arbre, ou quelque chose dans ce genre...

Jones le fusilla du regard, et Adams la prit gentiment mais fermement par le bras.

-Il faut y aller, caporal. Ecoutez-le, il saura s'en sortir. A nous de faire le reste. Il est temps, allez !

Il fit signe aux autres, et le petit groupe s'enfonça plus profondément sous les arbres. Il était temps d'attaquer la dernière ligne droite.

Commentaires

  • ... J'espère bien que Velazquez va survivre, lui ^^

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