Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Lucie 81

Cela fait un moment que je n'ai pas posté, je le sais, mais je n'ai guère de motivation (ni d'inspiration) ces jours-ci. Y a des périodes, comme ça... Enfin, voici quand même une nouvelle page!

 

___________________________________________________________________________________

 

 

Lucie courait dans la neige, sa petite main dans celle de sa mère, qui la serrait fermement. L'enfant n'arrêtait pas de regarder autour d'elle, stupéfaite par le décor qui défilait autour d'eux. Au moment même où elle avait quitté le train, elle avait été frappée par l'immensité de cet extérieur qui s'offrait à elle. Elle avait lu tout ce qu'elle avait pu sur le sujet, écouté toutes les histoires le soir, dans le bistrot du Complexe où travaillait sa mère, mais rien n'avait pu la préparer à ça. Tout était soudainement plus réel, plus exaltant. Cela lui rappelait grandement ses rêves, où elle parcourrait la surface sous un ciel immense, entre blanc et bleu. Il lui suffisait de fermer les yeux un instant et d'inspirer profondément l'air glacial pour retrouver cette sensation qui étreignait ses nuits. Mais elle ne dormait pas cette fois-ci, elle était vraiment dehors. Et malgré la découverte, elle avait la curieuse sensation de retrouver sa place, comme si elle rentrait maintenant à la maison. Elle se sentait dans son élément, et tous les vêtements qu'on lui avait mis sur le dos lui donnaient presque trop chaud. Elle voyait que les adultes avaient froid, très froid -ils s'en plaignaient assez- mais ce n'était pas le cas de Lucie. Et puis elle était trop émerveillée par les cieux étoilés, par le crissement de la neige sous ses pieds, par ces arbres gigantesques qui s'élevaient tout autour d'eux... Elle vivait une histoire qui n'était contenue dans aucun des livres qu'elle avait pu lire, et que personne avant elle n'avait pu raconter.

Malgré son émerveillement, malgré le bonheur de la découverte et la sensation d'être là où elle devait être, Lucie se rendait compte du danger qu'ils fuyaient. Elle était triste pour les hommes qui étaient morts, même si elle faisait de son mieux pour le cacher, pour être forte comme sa mère. Elle n'avait pas envie qu'il arrive du mal aux autres, et elle s'inquiétait pour le beau, l'élégant caporal Velázquez. Et elle n'était pas la seule. Elle pouvait entendre la gentille Jones parler au major depuis leur départ, tandis que les deux soldats ouvraient la marche.

-Velázquez a fait son choix, caporal. Et son devoir.

-Et vous croyez vraiment qu'un seul homme resté en arrière fera toute la différence ?

-Peut-être.

-Mais vous n'êtes pas sûr.

-Je ne suis plus sûr de grand chose. Mais peut-être qu'il réussira à nous donner le temps qu'il nous faut. Je sais ce que vous allez dire, mais votre place est ici, auprès de ces gens.

-Et si Andy échoue ? S'il meurt pour rien ? Nous serons tous condamnés, et je ne pourrai rien y faire.

Adams leva la main pour ordonner une brève halte. Tous reprirent leur souffle, haletant, transis de froid. Lucie était la plus calme, à peine gêné par cet environnement qu'elle trouvait si exaltant. Elle sourit à sa mère pour la rassurer, et Martha lui sourit en retour, dans le même but. C'était ainsi qu'elles donnaient de la force toutes les deux, depuis toujours.

-Caporal, vous...reprit le major, mais Jones ne lui en laissa pas le temps :

-Sauf votre respect major, je ne suis pas plus utile ici que je le serais là-bas, avec lui. Vous connaissez le chemin, et vous saurez les guider en sécurité. Si ces choses nous rattrapent, peut importe combien nous serons pour lutter contre elle, elles finiront par nous submerger tous. Andy et moi pouvons les retenir, notre position serait idéale. Lui et moi, nous vous ferons gagner plus de temps pour vous mettre à l'abri. Et peut-être même que nous arriverons à nous en sortir, à la semer. A deux, cela devrait être plus facile, nous suivrons vos traces.

-C'est tout, caporal ?

-Je ne... Ne le laissez pas mourir seul, major.

Adams contemplait son soldat à l'air résolu, se frottant le menton d'un air pensif. Il avait l'air d'être sur le point de prendre une décision qui ne lui plaisait pas du tout, et il donnait l'impression de porter tout le poids du monde sur les épaules. Enfin, il poussa un bref soupir, et hocha la tête :

-Très bien caporal, vous m'avez convaincu. Je n'aime pas ça du tout, mais je vous connais, et je sais que vous n'en démordrez pas. Je sais aussi pourquoi.

-Major, je...

-Oh, je ne suis pas stupide, caporal Jones ! Et puis au-delà de ça, vos arguments tiennent la route. Allez le rejoindre, gagnez nous du temps, et faites attention à vous.

-Merci major.

-Ne me remerciez pas. Faites en sorte de ne pas gâcher cette chance, et que Velázquez comprenne la chance qu'il a. Et Sam... Le major n'appelait pratiquement jamais ses soldats par leur prénom.

-Oui major ?

-Bonne chance.

-C'est un honneur de servir à vos côtés, major, dit-elle en le saluant.

-De même caporal, de même.

Adams lui rendit son salut. Les civils avaient suivi la scène sans mot dire, et Martha s'approchait maintenant de Samantha :

-Oui, bonne chance Sam. Et merci pour tout. Soyez prudente. Velázquez a beaucoup de chance, j'espère que vous saurez le lui faire comprendre.

-Il est temps, j'imagine. Merci Martha. Vous êtes fortes, tout ira bien.

Puis la soldate s'accroupit devant Lucie, et elle tendit une main que l'enfant serra fermement.

-Prends soin de ta maman, et reste forte. Tout ira bien.

-D'accord. Et... N'ayez pas peur, même du bleu. C'est important à la fin, je le sais.

Une fois de plus, Jones ne sut pas vraiment comment réagir face à si curieuse petite fille. Mais les paroles de Lucie la rassuraient un peu, quelque part, et elle savait qu'elle la laissait entre de bonnes mains. Jones se releva, étreignit brièvement Martha et échangea une poignée de mains avec un Arthur Kent plutôt désemparé. Elle serra même celle de Travers, que la gravité de la situation réussissait à rendre silencieux, et salua une dernière fois Canton Adams, qui le lui rendit sans mot dire. Ils échangèrent un dernier regard, et le caporal Jones tourna les talons, se mettant à courir à travers bois pour rejoindre son camarade resté en arrière.

-Bien, finit par dire le major Adams après quelques secondes de silence. Il est temps de nous remettre en route !

Les commentaires sont fermés.