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  • Pub éhontée

    Coucou, braves gens!

     

    S'il y a encore des yeux qui viennent s'égarer sur les billets de ce blog-ci, je rappelle qu'il se passe aussi des choses sur mon autre plateforme:

     

    http://troisheurestrente.over-blog.com/

     

    C'est là où, contrairement au côté très bloggique/pafois très journal intime/et aussi où je parle d'autres trucs divers de ce blog ci, c'est là-bas donc qu'on trouve ce que j'appelle mes historiettes, à savoir de petites histoires de fiction qui suivent le quotidien des personnages qui les peuplent (et où le vous de ces histoires, et bien ce n'est pas moi, contrairement au dernières notes sur Plume de Renard. Et si, sur cet autre blog d'historiettes, je m'inspire bien entendu d'évènements de ma vie à moi, je n'en suis pas le héros. Le héros -je l'espère- c'est un peu tout le monde). Tout ça n'était pas très clair? Tant pis! Mais au moins, vous êtes au courant! :D

  • Les petites choses sans les grandes

     

    Des bleues, des roses, des blanches ; des qui s’avalent, des qui fondent sous la langue. Autant de pilules qui sont votre lot quotidien et qui, normalement, vous permettent de fonctionner à peu près normalement, telle une grande horloge biochimique (alors que vous n’avez jamais eu une très bonne notion du temps : vous êtes presque toujours incapable de situer correctement les évènements importants de votre vie dans le passé, où quelque chose qui s’est passé il y a cinq ans pourrait très bien s’être passé il y a un an à peine en ce qui vous concerne. Autant dire que vous n’êtes pas très doué lorsqu’il s’agit de se rappeler de dates d’anniversaires). Il y a les pilules qui sont bonnes pour le moral, bien sûr ; celles qui vous empêchent de sombrer plus en avant dans les eaux noires et pleines de mélasse de la dépression. Où vous attend aussi la tentaculaire pieuvre de l’angoisse prête à vous broyer l’estomac et à vous farcir le crâne d’anxiété maladive. Heureusement qu’il y a aussi des comprimés pour ça. Et n’oublions pas le capital inducteur de sommeil, censé faciliter votre passage au pays des rêves, vous pour qui le phénomène de l’endormissement aura toujours été une formidable source d’angoisse. Et comme si cela ne suffisait pas, tout cela n’aide pas forcément votre cœur, qui serait un peu plus agité que la moyenne selon les médecins mais rien de grave, d’autant qu’on peut aussi avaler quelque chose pour calmer tout ça ! Enfin, n’oublions pas votre estomac qui a tendance à faire des siennes et votre nez fragile qui entre allergies, rhume des foins et rhumes tout court vous donne l’impression de passer votre temps à se moucher dix mois sur douze et réveille votre léger asthme. Vous reprendrez bien une tablette et un ou deux sprays en plus, avec tout ça ?

     

    Bon, d’accord, c’est beaucoup (en ce moment, vous carburez avec huit médicaments quotidiens différents), mais « ça pourrait toujours être pire », essayez-vous de vous dire. Alors oui, clairement, ça pourrait : ce n’est pas comme si tous ces médicaments étaient ce qui vous maintenait en vie ou vous bombardaient d’effets secondaires  réellement désagréables (à part agiter un peu le cœur ou faire légèrement trembler vos mimines façon retraité après son verre de gros rouge et ses pilules à lui ; mais vous vous en tirez à bon compte). Mais il n’empêche que les «ça pourrait être pire », c’est peut-être vrai, mais c’est aussi agaçant, quelque part. Comme s’il fallait atteindre un certain stade de souffrance et d’inconfort tangible avant d’avoir le droit de mentionner que ça ne va pas très fort. Vous n’avez pas –et de loin, dieu merci- autant de raison d’accuser le coup que nombre de personnes bien plus durement touchées par toutes les saloperies que renferme ce verdoyant monde plein de vie qui semble tout de même plutôt déterminé à essayer de tuer tout ce qui bouge (ou non) d’une façon ou d’une autre, mais il n’empêche que ça ne va pas vous faire vous sentir mieux pour autant. C’est comme avancer sans-cesse en plein brouillard, sans savoir si on a le droit de s’octroyer le fait de se laisser aller à la douleur qui nous habite, des fois qu’elle ne serait pas assez forte, assez fatale. Et si ça pourrait être pire, c’est que ça pourrait aussi aller bien mieux, ce qui n’aide pas franchement à se remonter le moral, pour peu qu’on se soit permis de le laisser baisser (ou, plutôt, qu’on se soit permis de ne pas cacher sa baisse ; qu’on soit gravement malade ou légèrement psychotique, on ne contrôle pas entièrement son moral et on n’y peut pas toujours grand-chose quand on le voit partir sans préavis en claquant la porte derrière lui comme le petit sagouin qu’il est). Et quand vous contemplez les médicaments qui s’agglutinent devant vous et ne semblent qu’augmenter en nombre au cour des années, vous ne pouvez vous empêcher de vous sentir vaguement dépité. Et vous n’êtes absolument pas anti-médicaments comme peuvent l’être pas mal de gens assez catégoriques sur la question, ça non ; vous reconnaissez leur utilité. C’est une canne, c’est un soutien, c’est même un bouclier. Mais plus le temps passe, et plus le bouclier pèse lourd dans vos bras malingres (ça vous apprendra à ne pas faire plus d’activités physiques !). « Je me lève et je prends mes pilules pour dormir » dit la chanson de Saez, et si vous n’en êtes pas là à proprement dit, vous avez peur d’y arriver un jour.

     

    Mais il faut bien avouer que même si vous avez régulièrement envie de balancer le tout dans les toilettes et d’affronter follement ce que le futur vous réserve avec rien d’autre que votre sang dans vos veines, et bien vous ne seriez sûrement pas très brillant sans ces pilules que vous avalez quotidiennement. Honnêtement, ça aide, vous l’avez remarqué ces dernières années, au fur et à mesure que les médecins trouvaient des molécules qui vous convenaient (après pas mal d’expérimentation hasardeuses où trois neuroleptiques sur quatre produisaient mystérieusement chez vous l’effet inverse de ce qu’ils étaient censés produire. Vous avez quand même l’impression d’avoir été monté à l’envers par rapport à la norme, entre ça et votre moral qui décline en été plutôt qu’en hiver, ou encore votre manie de préférer avoir froid que chaud. Ce qui vous paraît pourtant parfaitement logique : après tout, il est quand même plus facile et agréable de se réchauffer que de se refroidir, crénom !). Ca vous permet de tenir à distance les angoisses, de bénéficier d’un moral capable de s’élever (mais façon montagnes russes), et d’affronter le quotidien avec un peu plus d’aplomb (et autres agents chimiques). L’un dans l’autre et en bien comme en mal, il vous apparaît quand même stupéfiant que de si petites choses puissent avoir des effets aussi grands.

     

    Mais les petites choses, c’est ce qui est important quand on n’a pas de grande cause à laquelle se dédier. Quand on est seul et qu’on avance timidement dans l’inconnu de l’avenir, et bien les petites choses rassurent. Et il ne s’agit pas uniquement de celles qu’on peut faire passer avec un verre d’eau. Mais de toutes ces petites habitudes et de tous ces petits plaisirs qu’on peut trouver dans la vie en cherchant bien (en cherchant bien, donc, parce que la plupart du temps on ne réalise même pas qu’on les a sous son nez). Ce sont les petites choses qui peuvent constituer une base solide à laquelle se raccrocher, un peu comme les prises sur un mur d’escalade (mais ça fait quand même moins mal aux doigts), et qui nous permettent de garder la tête hors de l’eau (même si vous n’avez jamais vu de murs d’escalade dans l’eau). Il est déjà plus facile de tirer une satisfaction, même minime, de ces petits jalons de certitudes sur le chemin plus qu’incertain de la vie (du genre à fausser compagnie aux infirmiers célestes et à se perdre en titubant bêtement dans les espaces infinis ; de la grosse incertitude, quoi). Ce sont les petites habitudes qui font du bien, les espérances faciles, les plaisirs simples et la sûreté confortable de bonheurs retrouvés parce que maintes fois éprouvés. Tout le monde a ses petits plaisirs. Vous, vous raccrochez à l’odeur de la pluie, au vent frais sur la peau, à la neige qui crisse sous vos pas et au ballet des oiseaux, mêmes simples pigeons et moineaux sur la grande place. C’est le chocolat chaud de deux heures du matin, la fille du train ou la chanson dont les paroles vous semblent soudain adressées personnellement. C’est la petite vidéo idiote mais hilarante, l’épisode d’une de vos chères séries ou encore le fait de se replonger dans un roman de votre auteur favori que vous connaissez par cœur (le roman, pas votre auteur favori, hélas).  C’est même lire un mauvais roman qui fait rire (ooooh, « Twilight », marmoréen « Twilight ! »). C’est préparer un bon petit plat, ou lire un commentaire qui fait sourire sur l’écran d’ordinateur. C’est passer même un bref moment en compagnie de quelqu’un qu’on apprécie à la terrasse d’un café. C’est tout simplement apprécier le petit plutôt que de courir après le gros, qui a la fâcheuse tendance à revenir nous rouler dessus façon rocher géant dans un temple piégé.

     

    Vous célébrez les petites choses, parce que sans elles vous ne sauriez pas vraiment à quoi ou à qui vous raccrocher. Et même lorsque vous ne vous en rendez pas compte, vous leur devez beaucoup. C’est l’échelle de corde le long du puits, la veilleuse dans les ténèbres, la métaphores pompeuse dans la phrase banale. C’est avancer au rythme d’un livre, d’un films, d’un échange à la fois. C’est souvent la plus grande partie de la vie, quand on y pense. Et ce sont là les habitudes dont on ne devrait jamais se lasser, celles dont on ne devrait jamais perdre le goût. Et pourtant, plus les grandes choses sont lointaines, comme des mirages dans un esprit brumeux, plus il est difficile de réussir à se contenter du rythme rassurant et bénéfique des petites au son de « ça pourrait être pire ». Parce que même lorsque que, comme vous, on prétend avoir grosso modo l’ambition d’une pomme de terre un peu sèche, voir d’un tabouret dans ses bons jours, l’humain ne peut pas s’empêcher d’aspirer aussi et surtout aux grandes choses de la vie. La réalisation d’un rêve d’enfant, et plus encore d’un rêve d’adulte ; un voyage ici et ailleurs ; un but, plein et entier ; s’énamourer à nouveau, et retrouver le goût depuis si longtemps oublié d’un baiser…

     

    Alors soudainement la pluie, les pigeons et les moineaux, le livre relu avec nostalgie et la petite musique dans les oreilles ont de plus en plus de peine à vous atteindre, de plus en plus de peine à vous contenter. « Ca pourrait être pire », mais « ça pourrait aller mieux ». Vous ne savez tout simplement pas comment, ni ce que vous voulez vraiment, et vous n’êtes pas certain de le trouver au fond d’un tube de pilules. Mais vous le trouveriez sans doute encore moins sans… C’est tout vous, ça : jamais vraiment content, toujours à la recherche idyllique du compromis. Et près à vous noyer dans un océan de petites choses, quand vous prenez la peine de les remarquer.

     

    Mais vous ne pouvez vous empêcher de penser que l’ennui, avec les petites choses et ce malgré tout le bien qu’elles peuvent faire,  c’est que le plus souvent, elles restent petites.