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  • Lucie 28

    Hop, deux p'tites pages aujourd'hui, même si j'ai eu de la peine à m'y mettre. J'ai l'impression d'avoir véritablement le moment charnière où l'histoire bascule dans une seconde partie, et j'ai un peu de peine à faire le lien... Bah, on verra bien ce que ça va donner!

     

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    Stuart Moore était très occupé de son côté : assis sur une caisse là où le major Adams l'avait laissé, il était en train de se rouler une cigarette. Avec une application qu'il ne réservait qu'à peu de choses dans sa vie, il prenait soin de ne pas faire tomber le moindre brin de tabac. Au sein de l'Hégémonie, fumer était un luxe qui n'était pas toujours regardé d'un bon œil. L'espace cultivable était limité sous terre, et les plantations de tabac n'étaient de loin pas une priorité. Du tabac de synthèse était produit, bien sûr, mais le produit véritable ne courrait pas les rues et trouvait principalement preneurs au sein du Domaine. Et les Moore n'y avaient jamais eu leur quartiers Pour un vice transmis de père en fils, fumer s'avérait être bien plus compliqué que de s'adonner à l'alcool, et Moore avait longtemps dû se contenter de tabac de seconde zone grappillé ici et là dans les ruelles obscures du vieux quartier industriel d'où il venait. Un quartier bien plus ancien et étroit que celui dont venaient Martha et Lucie Robbins. Si le gouvernement prenait soin de ses citoyens pour peu qu'ils y mettent du sien, il ne pouvait pas veiller sur tous ceux qui n'avaient jamais cru bon de faire de leur mieux pour le système. Les laissés pour compte existaient, et Stuart Moore estimait avec indignité en faire partie, comme son père et son grand-père avant lui. C'était pour éviter de devoir prendre un travail éreintant à l'usine que Stuart s'était engagé dans l'armée, mais son service tirait à sa fin et ni lui, ni ses supérieurs ne l'imaginaient faire carrière une arme dans les mains et un sac trop lourd sur le dos. Et les perspectives d'avenir qui s'offraient à lui ne l'enchantaient pas vraiment. Il valait mieux que cela, et ce n'était pas de sa faute si personne à part lui ne s'en rendait pas compte. Et il ne pouvait pas compter sur le major Adams pour placer un mot en sa faveur. L'officier était clairement sur le dos de Stuart depuis que celui-ci avait été affecté à son escouade, et il ne s'était jamais privé pour le faire savoir. Il suffisait de voir comme la seconde promotion au grade de caporal avait été attribuée à cette fillette de Jones plutôt qu'à lui, qui avait pourtant plus d'ancienneté. Stuart aurait été prêt à parier qu'elle avait fricoté avec Adams pour ce faire, si la donzelle n'avait pas été en permanence en train de dévorer Velázquez des yeux. Et en parlant de Velázquez, ce dernier n'était pas mieux qu'une bonne femme, et ce dandy prétentieux ne méritait pas ses galons. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, de toute façon : Jung et Ravert passaient tellement de temps ensemble que cela en devenait fichtrement suspect, et il n'y avait pas pire que la prétendue intégrité dont faisait preuve ce coincé d'Adams. Les types droits étaient les pires, parce qu'ils se cachaient leur vraie nature. Stuart, lui, n'avait jamais eu le moindre doute sur qui il était. Il n'avait pas de temps à perdre avec ça.

     

    -Une foutue bande crétins, grogna-t-il, la langue au coin des lèvres tandis qu'il entreprenait de rouler la feuille de sa cigarette.

     

    Il avait réussi à ne pas gâcher de tabac, et il était plutôt satisfait. D'autant qu'il ne s'agissait pas de cet ersatz synthétique, mais du véritable produit. En tenir une poignée dans la main revenait presque à être en possession d'une petite fortune. Et Stuart Moore aimait cette sensation au moins autant qu'il aimait la voir partir en fumée au bout de ses lèvres. Parce qu'il savait qu'il y en aurait beaucoup d'autres désormais, maintenant que quelqu'un voyait sa juste valeur. Une valeur élevée, comme de bien entendu. Et il n'avait même pas eu à lever le petit doigt : tout ce qu'il avait eu à faire, c'était s'arranger pour que son contact ait libre passage. Rien de plus. Maintenant, il n'avait plus qu'à attendre, au même titre que les autres passagers. Ce n'était pas un gros sacrifice, quand il songeait à la récompense. Et puis cela lui plaisait, de voir ces crétins perturbés à ce point, ça allait leur apprendre, tiens, à s'affoler pour si peu. Bien sûr, Adams et les autres avaient des soupçons, mais c'était dans leur nature, et ils n'étaient pas portés sur Stuart qui, de toute façon, n'avait techniquement rien fait. Ses mains étaient propres, et elles sentaient bon le vrai tabac. Que ses collègues cherchent leur fantôme, cela les occuperait. Moore allait se contenter de rester assis bien tranquillement dans soin coin.

     

    Satisfait de son œuvre, il leva sa cigarette pour l'examiner sous toutes les coutures avant de sortir son briquet. Il dût s'y prendre à plusieurs fois pour l'enclencher, et se dit qu'il lui faudrait investir dans un nouvel appareil une fois rentré. Après tout, il en aurait enfin les moyens, et il n'avait pas l'intention de lésiner. Enfin, une flamme embrasa la cigarette et le soldat la mit à sa bouche, tirant avec un plaisir non feint sur sa première bouffée depuis plusieurs heures avant même le départ. Adams n'aimait pas que Stuart s'adonne à son petit plaisir lorsqu'ils étaient en service ; il ne l'avait pas interdit, mais sa désapprobation n'avait pas besoin de mots. Et puis Adams n'aimait rien qui ressemble de près ou de loin à quelque chose d'amusant, de toute façon. De plus, Sungmin ne manquait jamais une occasion de rappeler à Stuart à quel point son pêché mignon était préjudiciable pour sa santé et celle des autres, et Stuart en avait plus que ras le bol de tous ces prêchi-prêcha. Vivement qu'il soit débarrassé de tous ces idiots intolérants. Après tout, il n'avait qu'à prendre son mal en patience... Un bruit sourd le fit soudainement sursauter, et Stuart lâcha sa cigarette sous l'effet de la surprise. Elle tomba sur le sol où elle s'éteignit et s'ouvrit sous le choc, répandant son précieux tabac sur le sol.

     

    -Merde, c'est quoi ces conneries ?

     

    Stuart jura encore à voix basse, tandis qu'il se baissait pour rassembler les restes de la cigarette. Il rangea le tout dans une poche de poitrine, qu'il tapotait machinalement en regardant autour de lui d'un air soupçonneux. Il ramassa le fusil qu'il avait posé contre la cloison, et tendit l'oreille. Il y eut un autre bruit, plus léger, comme un raclement, mais il ne venait pas de ce wagon. Bougonnant, le soldat se dirigea vers la porte que Paul Ravert avait ouverte tout à l'heure :

     

    -Les gars ? Il y a quelqu'un ? Velázquez, c'est encore une de vos conneries ? C'est pas drôle. Ça l'est jamais, bon dieu ! J'ai foutu en l'air une sèche à cause de ça !

     

    Pas de réponse. Stuart poussa la porte et ne vit rien dans le couloir qui continuait plus loin, éclairé par la lumière plus faible de néons en piteux état. Tous n'avaient pas bien supporté le choc. D'ailleurs, c'était encore un boulot mal foutu, cette histoire. L'avantage, c'était qu'on ne pourrait lier Stuart à tout ce foutoir.

     

    -Les gars ?

     

    Toujours aucune réponse. Le bruit avait été si diffus, et Stuart si surpris, qu'il n'était pas sûr d'où il venait. Peut-être même qu'il l'avait imaginé. A rester assis dans un wagon vide, rien d'étonnant à ce que l'on finisse par imaginer des trucs. Mais il avait été soldat assez longtemps pour en retirer quelques réflexes vaguement professionnels. D'un pas traînant, il fit demi-tour et traversa la voiture de marchandises, dont les caisses et les paquetages avaient tous été repoussés sur les côtés. Il poussa sans plus réfléchir que cela une porte pour pénétrer dans la voiture d'après. Il fit quelques pas et s'apprêtait à faire demi-tour, avant qu'un nouveau bruit ne le fasse s'arrêter net. Avec un soupir résigné, il continua d'avancer jusqu'à la porte suivante. C'était probablement quelques caisses mal rangées qui s'étaient écroulées, ou quelque chose dans ce genre là. Mais il ne voulait pas avoir Adams sur le dos pour négligence, et plus vite il vérifiait, plus vite il pourrait retourner fumer... Il se mit soudain à frisonner, comme si la température avait chuté dans ce nouveau wagon, et il comprit rapidement pourquoi : une ouverture se découpait dans la cloison, laissant entrer l'éclatante lumière de l'extérieur et le froid qui l'accompagnait. Une sorte de sas, probablement une ouverture de secours. Stuart en avait repéré plusieurs depuis qu'il était monté dans le train, et son contact lui en avait parlé. Fort heureusement, elles n'avaient pas été nécessaires pour accomplir leur plan, ou du moins Stuart l'avait cru. Il doutait que le sas se soit ouvert tout seul, en tout cas... Il enfila sa cape isolante autour de lui et remonta le col de sa combinaison militaire avant de s'approcher. Peut-être que c'était la porte du sas qui avait causé ces bruits, claquant sous la force du vent. Mais cela ne semblait pas être le cas, elle était crochée contre l'extérieur pour éviter ce genre de désagrément.

     

    Un autre bruit, une sorte de raclement, se fit entendre. Comme si quelqu'un -ou quelque chose- traînait sur le sol. Et pour ne rien arranger, les lumières étaient mortes dans ce wagon, et il n'y avait que la lumière provenant du sas pour permettre à Stuart de voir quoi que ce soit à l'intérieur. Comme le fait qu'une porte de plus était grande ouverte, celle qui menait à la prochaine voiture. Dehors, le vent souffla de plus belle, et Stuart dut tendre l'oreille pour tenter de percevoir un autre son. Plus lentement, il continua d'avancer, laissant le sas derrière lui, jusqu'à la jonction... et crut voir quelque chose de gros s'y découper brièvement avant de disparaître aussitôt.

     

    -Qui va là ? C'est vous ? Ou est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre dans le coup ? On ne me dit jamais rien, à moi...

     

    Mais malgré l'assurance qu'il essayait de projeter dans sa voix, Stuart se sentait de moins en moins rassuré. Semblable à celui des rongeurs les plus persistants, son instinct avait toujours sur lui souffler quand quelque chose ne tournait pas rond et qu'il était tant de quitter le navire. Ou le train. Nerveusement, il effleura le communicateur à sa ceinture, hésitant à appeler le reste de l'escouade. Mais il ne voulait pas le faire avant d'en avoir le cœur net, à moins que cela ne soit absolument nécessaire. Il glissa la tête dans le passage entre les voitures... et se retrouva nez à nez avec quelque chose qui jaillit de la pénombre. Un juron au bord des lèvres, Stuart se précipita en arrière et tira la porte à lui ; elle ne referma pas correctement mais permit au moins au soldat de gagner du temps, ébranlée par le choc sourd de la chose qui venait de s'écraser contre elle. Moore n'avait jamais rien vu de pareil, et il sut que cette image resterait gravée en lui jusqu'à la fin de ses jours. Il se mit à reculer, sou le choc, tenant son fusil d'une main tandis que de l'autre, il essayait de décrocher son communicateur. Jusqu'à ce qu'il entende quelque chose d'autre, comme un grondement qui sifflait dans son dos. Lentement, de la sueur lui coulant sur les yeux, il se retourna. Il y avait une autre de ces choses derrière lui, elle avait dû entré par le sas. Comme l'autre, plus loin.

     

    Stuart Moore se mit à hurler.

     

  • Lucie 27

    Une nouvelle -et bien bonne- journée bien remplie hier, pleine d'imprévus très chouettes, ne m'aura pas permis de pondre une page. Je me rattrappe aujourd'hui, avec le passage du jour!^^

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    La radio continua de grésiller quelques secondes, guère impressionnées par tous les regards

     

    tournés vers elle. L'air plus concentré que jamais, Ravert entreprit de modifier quelques réglages, espérant clarifier la réception. Une voix finit enfin par se faire entendre, brouillée par des parasites. Le soldat tritura d'autres commandes, et tous purent enfin entendre ce que leur mystérieux correspondant avait à dire :

     

    -...suis toujours coincé dans la cabine. Ici Grümman, le chef opérateur. Est-ce que quelqu'un me reçoit ? Stan, gamin, tu es là ? Qui que ce soit ? Je répète, je suis coincé dans la voiture de tête. Stan , réponds bon sang !

     

    -Ici le soldat Paul Ravert, des forces armées de l'Hégémonie. Je fais partie de l'escouade qui est montée à bord. Je vous reçois.

     

    -Enfin je trouve quelqu'un ! Qu'est-ce que vous avez foutu ? Tout se passe bien de votre côté ?

     

    Adams fit signe à Paul de lui donner la radio, et le soldat la lui tendit :

     

    -Je vous passe notre officier commandant.

     

    -Major Canton Adams. Qu'est-ce qui se passe de votre côté, monsieur Grümman ?

     

    -Content de vous entendre, major. Il ne se passe pas grand chose, à vrai dire. Je n'arrive pas à ouvrir ma porte, mais au moins je suis confortablement installé, et j'ai du café chaud. Je garde un œil sur le tableau de bord, notamment sur les caméras. Je vous ai vu rejoindre les autres passagers.

     

    -Est-ce qu'il y a d'autres caméras qui fonctionnent, monsieur Grümman ?

     

    -Je peux basculer sur d'autres, oui. C'est un des rares systèmes qui fonctionne encore correctement, et surtout indépendamment du reste. Vous avez envie de voir quelque chose de spécial ?

     

    -Peut-être. Restez vigilants, quelque chose me dit que c'est une bonne chose à faire étant donné les circonstances.

     

    -Ouais, on se disait la même chose avec Stan. Vous ne l'auriez pas vu, des fois ? J'essaie de le joindre depuis un moment maintenant, il est sorti avec une radio pour rejoindre le reste du train.

     

    -Sorti ?

     

    -Par le sas de secours. Le gosse ne tient pas en place, et il a du courage... Mais ça commence à m'inquiéter, d'autant que je ne le vois pas avec vous.

     

    -Nous n'avons croisé personne, monsieur Grümman.

     

    -Passez moi ça ! demanda Martha Robbins au major, si impérieuse que ce dernier se surprit à ne même pas hésiter. Merci. Monsieur Grümman ? Martha Robbins. Oui, la blonde, c'est ça. J'ai vu Stan Detroit, plus loin dans le train. Il a pu rentrer, mais il est ressorti pour essayer de trouver un autre sas plus loin encore. Le major et ses soldats l'ont retrouvée depuis, mais à ce moment là nous cherchions ma fille, et votre jeune ami s'est proposé pour nous y aider.

     

    -Ça ne m'étonne pas de lui. C'est bien son genre.

     

    -Il a en effet beaucoup de courage. J'espère qu'il va bien.

     

    -Bah, j'en suis sûr ! Je vais sûrement finir par le repérer sur l'une ou l'autre caméra... Je parie qu'il s'est mit en route pour les machines, tout en cherchant pour votre gamine au passage. Merci pour l'info, madame Robbins.

     

    -C'est normal. Je vous repasse le major.

     

    -Autre chose que je peux faire pour vous, major ? Vous savez, j'étais aussi dans l'armée, il a vingt ans, avant de conduire ce train. J'étais le capitaine Grümman, à l'époque. Je suis toujours de réserve.

     

    -Et bien, capitaine, que diriez-vous de rempiler le temps qu'on règle la situation ?

     

    -A vos ordres, major !

     

    -Pour le moment, vous ferez office d'officier de surveillance. Vous avez de quoi tenir le coup ?

     

    -Il y a à boire et à manger dans la cabine, je n'ai pas à me plaindre.

     

    -D'accord. J'enverrai quelqu'un essayer de vous ouvrir une fois que nous aurons sécurisé la voiture des passagers. Ravert se débrouille très bien avec ça.

     

    -Ne vous stressez pas pour ça, je ne suis pas pressé. Et puis vous avez besoin de quelqu'un à mon poste.

     

    -Appelez-nous si vous repérez quelque chose, ou si vous retrouvez votre ami.

     

    -Bien major ! Capitaine Grümman, terminé.

     

    La radio se tut, et Adams la redonna à Ravert, qui l'accrocha à sa ceinture. Le major se frotta les mains, pensif, et parut prendre une décision. Il s'éclaircit la gorge et leva aussi une man, paume ouverte, pour attirer l'attention :

     

    -Bien, je vais vous demander de tous écouter, merci. La situation est la suivante : nous sommes coincés ici au milieu de nulle part, jusqu'à nouvel ordre. Nous ne savons pas si nous pourrons contacter le complexe d'où nous sommes partis, ni si ils auront les moyens de nous joindre avant qu'ils ne réalisent que nous ne sommes pas arrivés à Haven. Pareil pour cette dernière. Il y a des vivres stockées dans ce train, et de quoi nous tenir chaud. Si la situation n'évolue pas d'ici quelques heures, nous tâcherons de voir si nous pouvons redémarrer le train par nous-même. En attendant, mes hommes et moi assureront votre sécurité, si besoin est. Je vous demanderai de ne pas quitter ce wagon, et de rester vigilants. Nous ne savons toujours pas pourquoi nous nous sommes arrêtés aussi brutalement. Des questions ?

     

    Il prit soin de regarder chacune des personnes présentes. Les Miguel, ensembles, se tenant la main ; Ed Travers, qui ne semblait pas ravi de voir le major prendre les rennes de la situation ; le père Delgado, l'air à peine plus renfrogné que d'habitude, et le père Horst, qui hochait vigoureusement la tête aux dires d'Adams, affichant son soutien ; Arthur Kent et Kenneth Marsters, qui faisaient de leur mieux pour cacher leur air inquiet et les quelques autres passagers, attentifs mais un peu perplexes ; le reste de son escouade, efficaces et prêts à tout ; et, surtout, Martha Robbins, qui ne quittait pas le major des yeux, sa fille à ses côtés.

     

    -Bien, fit-il. Il ne nous reste plus qu'à attendre. Installez-vous confortablement.