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  • Lucie 85

    Et oui, ça continue!^^

     

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    -Lucie ! Lucie !

    Les cris perçaient le silence de la nuit étouffé par la neige, déchirant le brouillard qui enveloppait la forêt de son étreinte. Les arbres étaient autant de grosses silhouettes fantomatiques entre lesquelles Martha Robbins croyait souvent voir celle de sa fille se glisser, légère et insouciante. Mais nulle trace de la fillette depuis plusieurs minutes maintenant, des minutes qui paraissaient être des heures pour la mère inquiète. Elle ne cessait de se fustiger pour avoir ainsi laissé son enfant lui fausser compagnie sans même qu'elle ne le remarque sur le champ. Aucun des adultes n'en était fier à vrai dire, mais c'était pour elle que le pire était destiné : après tout, elle était sa mère. Celle qui l'avait élevée seule toutes ces années, pour la soustraire à un père néfaste ; celle qui l'avait protégée, sans jamais faillir. Avant cette nuit. Et tandis qu'elle circulait entre les troncs en appelant sa fille, Martha se demanda si cette dernière avait jamais eu besoin de toute la protection qu'elle lui avait offert. Lucie avait toujours été une enfant particulièrement éveillée et consciente de son environnement : il était très difficile de lui cacher quoi que ce soit, et elle comprenait bien des choses qu'une gamine de son âge ne devrait même pas concevoir. Et pourtant, malgré la vie difficile dans les vieux quartiers et l'absence d'un père, l'enfant avait réussi à grandir sans sacrifier son innocence et ce malgré la gravité dont elle était parfois étonnamment capable.

    -Lucie ! appela-t-elle une fois encore, les mains en porte-voix. Elle pouvait entendre les cris des autres, tous à la recherche de la fillette. Le timide et terrifié Arthur Kent, qui faisait de son mieux pour avoir l'air solide malgré tout ; le fiable et rassurant Canton Adams, en qui Martha plaçait toute sa confiance, elle qui ne l'avait jamais vraiment offerte à qui que ce soit depuis bien des années ; et Ed Travers, qui ne s'était cette fois-ci permis aucun commentaire cassant. Même le désagréable rouquin avait saisi la gravité de la situation, et il semblait avoir pris Lucie en affection, lui qui donnait l'impression de n'apprécier nul autre que sa petite personne. Cela n'étonnait pas Martha : Lucie avait cet effet là sur beaucoup de gens...

    Le major avait accepté que les quatre passagers se séparent pour couvrir plus de terrain, tant qu'ils restaient à portée de voix. Il était difficile de voir plus loin que le bout de son nez dans ce brouillard épais et cristallin ; et hormis Lucie avant qu'elle ne s'y précipite, aucun des adultes n'était sensible à la beauté qui s'en dégageait, comme une émanation du monde qui surgissait de la terre gelée. Une seule chose comptait pour eux : retrouver Lucie avant qu'il ne soit trop tard. Martha pouvait parfois repérer un scintillement blafard dans la brume qui ne pouvait être que la lampe de poche d'un de ses compagnons, et elle pouvait les entendre crier le nom de sa fille. Elle-même tenait dans sa main une lampe, si fermement qu'elle commençait à en avoir des crampes, mais c'était à peine si elle en avait conscience. Et dans l'autre main, elle serrait tout aussi fort la crosse de l'arme que Canton lui avait confié. Elle avait insisté jusqu'à ce que l'homme se décide à lui donner son arme de secours, son second revolver. Elle voulait être capable de défendre sa fille de n'importe quel danger qui aurait pu lui tomber dessus en ce monde hostile, et elle était déterminée à tout faire pour y arriver.

    Ignorant le froid qui traversait les couches de ses vêtements pour venir lui mordre la chair, ignorant le brouillard qui l'enveloppait, elle avançait avec une seule idée en tête : elle ne reprendrait pas la route sans sa fille. Et personne ne s'y était opposé en prétextant qu'ils devaient se diriger au plus vite vers l'abri que connaissait le major. Personne n'avait osé, en tout cas. Il y avait des choses bien plus importante que sa propre survie, et une enfant comme Lucie était assurément l'une d'entre elles. Même pour quelqu'un comme Ed Travers. Et Martha se demandait pourquoi elle pensait soudain à lui, quand elle réalisa qu'elle entendait en fait crier à travers les arbres, et qu'il s'agissait de la voix du responsable du train. Sans réfléchir plus avant, Martha Robbins se précipita dans la direction du cri.