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Ecriture - Page 18

  • Lucie 83

    Et non, je n'ai nullement abandonné "Lucie"! J'ai juste eu besoin de faire autre chose, et de laisser cette histoire de côté pour mieux y revenir. Je ne sais pas encore à quel fréquence je vais continuer, mais j'ai toujours l'intention de terminer cette histoire. Je sais comme tout se finit, reste à y arriver... En attendant, voici donc un nouveau passage!^^

     

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    Les arbres étaient hauts, si hauts que Lucie manquait de se dévisser la tête lorsqu'elle la levait pour contempler leur faîte. Leurs branches couvertes d'épines sombres formaient un toit épais, comme un second ciel qui laissait à peine passer la lueur des étoiles. Les troncs étaient moins impressionnants : fins et élancés, ils avaient un aspect fragile qui rappelait le verre à l'enfant. De temps en temps, de sa main libre -l'autre étant fermement tenue par sa mère- elle effleurait l'écorce froide, presque entièrement lisse, et s'émerveillait d'un tel contact. Malgré le froid, malgré les créatures qui les poursuivaient, malgré tous ces dangers Lucie n'avait pas peur. Elle était triste pour leurs amis qui étaient morts -elle comprenait parfaitement le concept- mais elle ne se sentait toujours pas menacée. A vrai dire, elle se sentait plus en sécurité à la surface qu'elle ne l'avait jamais été dans le train ou même dans les méandres du Complexe. En s'enfonçant ainsi au cœur de cette forêt issue tout droit des légendes, elle ne ressentait aucune inquiétude. Contrairement aux adultes qui l'accompagnaient, elle s'en rendait bien compte.

    Le major Adams ouvrait la marche, son arme brandie devant lui, balayant l'obscurité de sa torche. Ils faisaient avancer le groupe de quelques mètres puis donnait invariablement le signal de s'arrêter ; il prenait alors quelques secondes pour s'assurer que la voie était libre et ils reprenaient leur route. L'officier était le seul d'entre eux à savoir où aller, et il n'hésitait que rarement sur la direction à prendre. Parfois, lors d'un arrêt, il consultait brièvement la boussole de son équipement, et modifiait alors légèrement la direction de leur équipée. Il était à la fois leur guide et leur protecteur, et Lucie pouvait voir que sa mère lui offrait toute sa confiance. Ce qui avait étonné Lucie, parce que Martha Robbins n'avait jamais été aussi prompte à offrir sa confiance à qui que ce soit. Mais elle pouvait comprendre pourquoi : elle aussi, elle se sentait plus rassurée en compagnie du major. Quant à Arthur Kent et Ed Travers, ils faisaient de leur mieux pour suivre le rythme. Comme Lucie et Martha, ils découvraient la surface pour la première fois, et aucun des deux n'étaient rompus à l'exercice physique, surtout dans ces conditions. Kent, notamment, soufflait très fort, et il devait constamment essuyer le givre qui s'étendait sur ses lunettes. Mais l'écrivain ne s'était pas plaint une seule fois, contrairement à Travers dont les grommellement ponctuaient leurs brèves haltes.

    Ils s'arrêtèrent à nouveau, le major ayant levé le point. Ils en profitèrent tous pour souffler, de la buée s'échappant de leurs bouches pour se cristalliser dans l'air ambiant. Rouge d'effort, Lucie n'avait pas froid, pas vraiment. Contrairement aux adultes, qui ne pouvaient pas s'empêcher de trembler et, dans le cas d'Arthur Kent, de claquer des dents. Même le major, dans sa tenue militaire d'extérieur, restait constamment en mouvement, dansant d'un pied sur l'autre pour ne pas se laisser gagner par le froid mordant qui régnait sur Éclat.

    -La direction est toujours bonne, commenta Adams, qui regardait sa boussole. C'est difficile de s'en rendre compte avec tous ces arbres, mais l'abri est par là.

    -C'est encore loin ?

    -Quelques kilomètres. La forêt nous rallonge le chemin, ça nous force à faire des détours. Mais je préfère profiter de son couvert...

    -On vous suit, Canton. Quoi qu'il arrive.

    Martha avait saisi l'avant-bras du major, un sourire encourageant aux lèvres, et ce dernier le lui rendit, reconnaissant.

    -Plus on bouge, moins on devrait avoir froid, en tout cas...énonça Arthur Kent, qui avait croisé les bras sur la poitrine et se les frictionnait vigoureusement.

    -Hey, qu'est-ce que c'est que ça ?

    -Pas maintenant, Travers.

    -Sérieusement major : qu'est-ce que c'est que ça ?

    Adams foudroya Ed Travers du regard, mais consentit à lui accorder son attention. Ce dernier tendait le doigt, désignant là d'où ils venaient. Tout d'abord, le major ne vit rien de particulier, puis il finit par découvrir le phénomène dont parlait le responsable du train : quelque chose s'étendait entre les arbres, une sorte de brume épaisse et blanchâtre qui se déplaçait comme de la fumée. Cela rappelait une sorte de buée glacée s'élevant du sol, serpentant à travers la forêt. Fascinée, Lucie restait bouche bée devant un tel spectacle : les adultes paraissaient inquiets, mais elle trouvait ce brouillard particulièrement beau. En regardant bien, elle pouvait y voir comme d'innombrables cristaux de glace, comme si la neige s'étaient condensée une une brume cotonneuse. Elle tendit une main en avant, nullement apeurée, tandis que les autres se rassemblaient nerveusement en une sorte de cercle. Elle effleura la brume, mais ne ressentir rien de particulier ; elle ôta alors l'un de ses gants, et frôla la manifestation glacée du bout de ses doigts nus. Elle frissonna à son contact, mais bien plus de délice que de froid. Agitant un doigt dans les airs comme un chef d'orchestre sa baguette, elle fit danser le brouillard glacé autour de sa main, et sourit de ravissement. Elle regarda autour d'elle, vit que les adultes étaient toujours en plein conciliabule, et s'enfonça soudain dans le brouillard.

     

  • Lucie 82

    Une pageounette!

     

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    Le caporal Velázquez bloqua sa respiration, l’œil rivé dans la lunette de son fusil. Il suivait du regard l'une des créatures au loin, qui s'élançait au devant des autres. Sans doute un éclaireur, et cette pensée le fit frissonner. L'intelligence de ces monstres n'était plus à démontrer, et la surchauffe provoquée par Marsters semblait les avoir rendus plus prudents. Celui au flanc brûlé qui avait appelé les autres rôdait à l'arrière de la meute, se déplaçant de long en large comme un général faisant sa revue. De temps en temps, il leva la tête vers le ciel et poussait l'un de ses hurlements si caractéristiques, auxquels répondaient les autres, par groupes. Celui qui s'était avancé accéléra soudain la cadence, mais Velázquez était prêt : il visa, anticipant le mouvement, et la détonation secoua la nuit comme un coup de tonnerre. Le pied droit de la bête explosa dans une gerbe de sang, et elle s'écroula dans la neige en hurlant. Satisfait, le soldat s'autorisa un bref soupir, contemplant sa cible qui se trémoussait sur le sol : elle n'irait pas plus loin. Plus loin derrière, les autres répondirent à ses appels avec des sifflements aigus, sans la rejoindre pour autant. La démonstration de force avait fait son petit effet, et Velázquez sourit, content de lui. Qu'elles le craignent donc, il n'allait pas leur faire de cadeau !

    Allongé dans la neige, il était si concentré qu'il avait à peine conscience du froid, ou de ses membres engourdis. Il ne faisait qu'un avec son fusil, et jamais il ne s'était senti autant à sa place. En fait, maintenant qu'il était aussi proche de la mort, il n'avait jamais été aussi vivant. Son objectif était clair : gagner du temps pour les autres. Il était bien décidé à ne pas les laisser tomber, ou il ne s'appelait pas André Ladislas Montauban Velázquez. Doucement, sans se presser, il actionna la culasse du fusil pour le recharger, et ajusta sa position sur le trépied. Les cris des créatures continuaient, les plus forts provenant de celle qui avait été blessée. Le caporal les fit défiler dans son viseur, sans pour autant faire feu : il préférait économiser ses munitions tant qu'il ne serait pas absolument nécessaire de tirer. Pour le moment, les monstres restaient en arrière, prudents. Deux d'entre eux s'approchèrent non loin de celui qui était tombés, mais ne firent pas mine de le dépasser. Ils se contentèrent de le regarder, leurs museaux reptiliens humant l'air. L'un deux finit par lever les yeux, et Velázquez eut la désagréable impression qu'il cherchait à croiser son regard. Il y avait une détermination cruelle dans ces pupilles fendues, quelque chose qui allait au-delà du simple animal. Il était fou de se dire qu'après tout ce temps passé sur Éclat, personne n'avait jamais aperçu ses créatures. Du moins, personne qui n'avait survécu pour venir le raconter. Certes, l'humanité passait le moins de temps possible à la surface, mais cela n'expliquait pas tout : en les voyant agir maintenant, le soldat n'aurait pas étonné d'apprendre que ces bestioles auraient volontairement décidé de cacher leur présence. Et peut-être qu'elles expliquaient les disparition de personnels lors des constructions en extérieur, racontées par de vieux ouvriers dans les bars du Complexe. Quoi qu'il en soit, ce monde était leur demeure, et elles n'avaient pas résisté à l'aubaine née de l'arrêt forcé du train. Elles pourraient les survivants un à un dans la nuit, sans personne pour savoir ce qu'ils seraient devenus. Velázquez allait tout faire pour empêcher cela.

    -Approchez seulement mes jolies, approchez...murmura-t-il pour lui même.

    Elles ne se firent par prier. Après un nouveau cri de la brûlée, qui semblait avoir pris le commandement des opérations, plusieurs d'entre elles reprirent leurs avancée. Les deux qui s'étaient arrêtées aux côtés de celle à la patte en charpie se saisirent soudainement de son cou, plantant leurs crocs dans la gorge exposée. Leur victime hurla de plus belle, essayant faiblement de se débattre, mais elle ne put rien faire : il suffit d'une torsion effectuée de concert par ses bourreaux pour la faire taire définitivement. Velázquez observa la scène avec un détachement né de l'horreur, se demandant s'il s'agissait là d'un acte de pitié pour un congénère désormais infirme...ou une exécution pure et simple du plus faible. Puis elles reprirent leur course, droit sur la pente, droit sur les arbres, silhouettes obscures filant sur la neige.

    Velázquez visa, et un nouveau coup de feu retentit. Ce ne serait pas le dernier.

     

  • Lucie 81

    Cela fait un moment que je n'ai pas posté, je le sais, mais je n'ai guère de motivation (ni d'inspiration) ces jours-ci. Y a des périodes, comme ça... Enfin, voici quand même une nouvelle page!

     

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    Lucie courait dans la neige, sa petite main dans celle de sa mère, qui la serrait fermement. L'enfant n'arrêtait pas de regarder autour d'elle, stupéfaite par le décor qui défilait autour d'eux. Au moment même où elle avait quitté le train, elle avait été frappée par l'immensité de cet extérieur qui s'offrait à elle. Elle avait lu tout ce qu'elle avait pu sur le sujet, écouté toutes les histoires le soir, dans le bistrot du Complexe où travaillait sa mère, mais rien n'avait pu la préparer à ça. Tout était soudainement plus réel, plus exaltant. Cela lui rappelait grandement ses rêves, où elle parcourrait la surface sous un ciel immense, entre blanc et bleu. Il lui suffisait de fermer les yeux un instant et d'inspirer profondément l'air glacial pour retrouver cette sensation qui étreignait ses nuits. Mais elle ne dormait pas cette fois-ci, elle était vraiment dehors. Et malgré la découverte, elle avait la curieuse sensation de retrouver sa place, comme si elle rentrait maintenant à la maison. Elle se sentait dans son élément, et tous les vêtements qu'on lui avait mis sur le dos lui donnaient presque trop chaud. Elle voyait que les adultes avaient froid, très froid -ils s'en plaignaient assez- mais ce n'était pas le cas de Lucie. Et puis elle était trop émerveillée par les cieux étoilés, par le crissement de la neige sous ses pieds, par ces arbres gigantesques qui s'élevaient tout autour d'eux... Elle vivait une histoire qui n'était contenue dans aucun des livres qu'elle avait pu lire, et que personne avant elle n'avait pu raconter.

    Malgré son émerveillement, malgré le bonheur de la découverte et la sensation d'être là où elle devait être, Lucie se rendait compte du danger qu'ils fuyaient. Elle était triste pour les hommes qui étaient morts, même si elle faisait de son mieux pour le cacher, pour être forte comme sa mère. Elle n'avait pas envie qu'il arrive du mal aux autres, et elle s'inquiétait pour le beau, l'élégant caporal Velázquez. Et elle n'était pas la seule. Elle pouvait entendre la gentille Jones parler au major depuis leur départ, tandis que les deux soldats ouvraient la marche.

    -Velázquez a fait son choix, caporal. Et son devoir.

    -Et vous croyez vraiment qu'un seul homme resté en arrière fera toute la différence ?

    -Peut-être.

    -Mais vous n'êtes pas sûr.

    -Je ne suis plus sûr de grand chose. Mais peut-être qu'il réussira à nous donner le temps qu'il nous faut. Je sais ce que vous allez dire, mais votre place est ici, auprès de ces gens.

    -Et si Andy échoue ? S'il meurt pour rien ? Nous serons tous condamnés, et je ne pourrai rien y faire.

    Adams leva la main pour ordonner une brève halte. Tous reprirent leur souffle, haletant, transis de froid. Lucie était la plus calme, à peine gêné par cet environnement qu'elle trouvait si exaltant. Elle sourit à sa mère pour la rassurer, et Martha lui sourit en retour, dans le même but. C'était ainsi qu'elles donnaient de la force toutes les deux, depuis toujours.

    -Caporal, vous...reprit le major, mais Jones ne lui en laissa pas le temps :

    -Sauf votre respect major, je ne suis pas plus utile ici que je le serais là-bas, avec lui. Vous connaissez le chemin, et vous saurez les guider en sécurité. Si ces choses nous rattrapent, peut importe combien nous serons pour lutter contre elle, elles finiront par nous submerger tous. Andy et moi pouvons les retenir, notre position serait idéale. Lui et moi, nous vous ferons gagner plus de temps pour vous mettre à l'abri. Et peut-être même que nous arriverons à nous en sortir, à la semer. A deux, cela devrait être plus facile, nous suivrons vos traces.

    -C'est tout, caporal ?

    -Je ne... Ne le laissez pas mourir seul, major.

    Adams contemplait son soldat à l'air résolu, se frottant le menton d'un air pensif. Il avait l'air d'être sur le point de prendre une décision qui ne lui plaisait pas du tout, et il donnait l'impression de porter tout le poids du monde sur les épaules. Enfin, il poussa un bref soupir, et hocha la tête :

    -Très bien caporal, vous m'avez convaincu. Je n'aime pas ça du tout, mais je vous connais, et je sais que vous n'en démordrez pas. Je sais aussi pourquoi.

    -Major, je...

    -Oh, je ne suis pas stupide, caporal Jones ! Et puis au-delà de ça, vos arguments tiennent la route. Allez le rejoindre, gagnez nous du temps, et faites attention à vous.

    -Merci major.

    -Ne me remerciez pas. Faites en sorte de ne pas gâcher cette chance, et que Velázquez comprenne la chance qu'il a. Et Sam... Le major n'appelait pratiquement jamais ses soldats par leur prénom.

    -Oui major ?

    -Bonne chance.

    -C'est un honneur de servir à vos côtés, major, dit-elle en le saluant.

    -De même caporal, de même.

    Adams lui rendit son salut. Les civils avaient suivi la scène sans mot dire, et Martha s'approchait maintenant de Samantha :

    -Oui, bonne chance Sam. Et merci pour tout. Soyez prudente. Velázquez a beaucoup de chance, j'espère que vous saurez le lui faire comprendre.

    -Il est temps, j'imagine. Merci Martha. Vous êtes fortes, tout ira bien.

    Puis la soldate s'accroupit devant Lucie, et elle tendit une main que l'enfant serra fermement.

    -Prends soin de ta maman, et reste forte. Tout ira bien.

    -D'accord. Et... N'ayez pas peur, même du bleu. C'est important à la fin, je le sais.

    Une fois de plus, Jones ne sut pas vraiment comment réagir face à si curieuse petite fille. Mais les paroles de Lucie la rassuraient un peu, quelque part, et elle savait qu'elle la laissait entre de bonnes mains. Jones se releva, étreignit brièvement Martha et échangea une poignée de mains avec un Arthur Kent plutôt désemparé. Elle serra même celle de Travers, que la gravité de la situation réussissait à rendre silencieux, et salua une dernière fois Canton Adams, qui le lui rendit sans mot dire. Ils échangèrent un dernier regard, et le caporal Jones tourna les talons, se mettant à courir à travers bois pour rejoindre son camarade resté en arrière.

    -Bien, finit par dire le major Adams après quelques secondes de silence. Il est temps de nous remettre en route !