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Plume de Renard - Page 21

  • Lucie 86

    Et hop, trois pages aujourd'hui! o/

     

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    -Qu'est-ce que tu fiches ici, Sam ?

    Velázquez s'emportait rarement, mais le ton de sa voix était furieux tandis qu'il mettait en joue une autre créature. Une détonation plus tard, sa cible s'écroulait dans la neige, fauchée en pleine course. Le tireur se mit aussitôt à recharger son fusil, tandis que Sam Jones s'apprêtait à le couvrir. Son arme automatique avait une portée moindre que celle de Velázquez, mais suffisante pour repousser les assauts de toute bestiole qui s'avancerait trop près. Mais pas indéfiniment...

    -Je sauve tes fesses, Monty. Sam n'allait pas se laisser impressionner par son collègue, et ce dernier poussa un profond soupir agacé...avant de se mettre à sourire. Il lui était impossible d'en vouloir longtemps à Sam. D'autant que d'habitude, c'était lui qui la rendait folle.

    -Et bien mes fesses te remercient. Si on s'en sort, elles sont toutes à toi.

    -C'est une proposition, caporal ?

    -Seulement si vous comptez la saisir, caporal.

    Jones sourit à son tour : il n'y avait que Velázquez pour arriver à la dérider quelle que soit la situation. Même lorsqu'ils étaient sur le point de se faire dévorer par une bande de monstres des neiges aux crocs acérés. Son arme brandie devant elle, elle échangea un bref regard qui en disait long avec Monty, avant que celui-ci ne se remette en joue. Et elle se dit que la situation aurait pu être bien pire : après tout, ils étaient ensemble.

     

    * * *

     

    Arthur Kent trébucha dans des racines noueuses et s'écrasa face contre terre dans la neige. La matière froide lui envahit la bouche, et il crut un instant que ses dents allaient geler une à une avant de se briser net, tandis que des éclats cristallins lui déchiraient la gorge. Il se mit péniblement à quatre pattes, toussant sans pouvoir s'arrêter. Quelques gouttes de sang constellèrent le sol, et il s'essuya le coin de la bouche d'un gant, essayant de reprendre son souffle. Il avait entendu crier -on aurait dit la voix de Travers- et il avait commencé à courir dans la direction de la voix. Il en avait été le premier, lui qui se savait dépourvu d'un grand courage. Mais c'était comme si les muscles de son corps avaient agi sans demander son avis, et que son cerveau toujours craintif était passé en arrière-plan. Kent avait eu peur toute sa vie, et toute sa vie la peur l'avait empêché de prendre la bonne direction. Il ne pouvait plus se laisser paralyser ainsi, pas maintenant, pas après tout ce qu'il avait vécu ces derniers jours. Il pensa à un héros nommé Kenneth Marsters, et cela lui donna la force de se relever. Il se remit en route en boitant, mais plus déterminé que jamais. Et puis il y avait plusieurs raisons possibles pour que Ed Travers se mette à crier : certes, il était peut-être en danger, ou déjà mal en point, mais il pouvait aussi avoir trouvé Lucie... ou autre chose. Quoi qu'il en soit, Arthur se devait de faire tout son possible pour le retrouver. Il ne laisserait plus la peur dicter la moindre de ses actions. Ce qui, en vérité, ne l'empêchait pas de crever de trouille.

     

    * * *

     

    L'attaque les prit de court. Pendant qu'elles s'élançaient à l'assaut de la colline par groupe de deux ou de trois, se jetant dans les airs en sifflant et s'écrasant à terre lorsque les balles les fauchaient, les créatures avaient mis en place un nouveau plan. Plusieurs d'entre elles avaient donné l'impression de prendre la fuite, disparaissant du champ de vision des humains...pour mieux contourner la colline. Elles en avaient ensuite gravi les flancs, plus escarpés, pour mieux prendre leurs proies en tenailles. Leurs muscles puissants les propulsant en hauteur, elles avaient profit du couvert des arbres pour bondir de tronc en tronc, leurs griffes se plantant fermement dans le bois. Et l'une d'elle se laissa tomber sur Samantha Jones. La femme se retrouva face contre neige, le souffle coupé par le choc, et ce fut son paquetage qui lui sauva la vie. Le monstre avait atterri sur son sac à dos militaire, et commençait à la déchiqueter comme il l'aurait fait de sa victime. Réagissant au quart de tour, Velázquez roula sur le dos, se redressa sur un coude, fit pivoter avec expertise son lourd fusil dans la direction de la créature et fit feu à bout portant. Le crâne de sa cible explosa dans une gerbe de sang et d'os, et son cadavre encore tressautant glissa le long de la pente, toujours accroché au sac de Jones. Sam avait tout de suite eu le réflexe de s'en défaire, desserrant les lanières pour se glisser à travers, et elle tenait toujours son arme.

    -Attention !

    Velázquez se laissa retomber sur le sol avant même qu'elle ne finisse de donner son avertissement, et une volée de balles passa au-dessus de lui pour faucher en plein vol un autre de leurs tourmenteurs. Sifflant de rage, dans un dernier soubresaut, elle fouetta l'air d'une de ses pattes avant et déchira le tissu épais des vêtements de Velázquez, creusant de larges sillons dans son bras gauche, faisant couler le sang. Toujours sur le dos, le caporal réussi à bouger son fusil de sa seule main libre afin d'en écraser la crosse sur les longs doigts crochus du monstre, qui lâcha aussitôt prise. Puis, grimaçant à cause de sa blessure, il accepta la main que lui tendait Sam Jones pour l'aider à se relever, et ils se retrouvèrent dos à dos au somment de la colline. En contrebas, le chef de meute des créatures continuaient de siffler ses ordres, et ses séides semblaient de plus en plus excités par le carnage qui s'annonçait. Un autre grondement, bien plus proche, fit lever les yeux des deux soldats, qui repérèrent une de celles qui les avait contournés, accrochée à un arbre. Velázquez laissa tomber son grand fusil de précision, désormais inutile et bien trop encombrant, pour dégainer le pistolet qu'il portait à la ceinture de sa main valide, son bras blessé pendant mollement le long de son corps.

    -C'est parti...lâcha-t-il dans un souffle, tandis que la créature se laissait tomber sur eux.

     

    * * *

     

    Canton Adams n'aimait vraiment pas ce brouillard. Soldat dans l'âme depuis toujours, il n'aimait guère tout ce qui pouvait diminuer la visibilité sur le terrain, et celui-ci était si épais qu'il lui était parfois difficile d'apercevoir à temps le prochain arbre noir qui surgissait dans sa course. Et comme tout ce qui régnait à la surface de ce fichu monde gelé, ce brouillard avait quelque chose de profondément contre-nature. Canton avait l'impression que ce dernier les chassait comme les créatures le faisaient, et il pouvait presque sentir l'intention malveillante du phénomène. Ou alors le stress de la situation commençait enfin à l'atteindre, et il n'avait aucune envie d'y penser. Lui aussi se précipitait vers Ed Travers, bien décidé à tout faire pour ne pas perdre un homme de plus. Jung, Ravert, Moore... Et les courageux civils qui étaient restés derrière. Il s'empêchait de penser à ses deux caporaux, qui avaient volontairement sacrifié leurs chances de survie pour permettre au reste du petit groupe de s'enfuir. Canton aurait dû être celui qui restait en arrière, celui qui faisait passer la vie de ses hommes au-dessus de la sienne. Mais les survivants avaient besoin d'un protecteur, d'un guide, et il était le seul capable de les amener à bon port étant donné que lui seul connaissait le chemin. Et encore, seulement si ses informations étaient encore valides. Dieu seul sait ce qu'ils pouvaient bien faire des installations à la surface : il y avait décidément bien trop de chose que les occupants de ce monde ignoraient concernant ce qui pouvait se passer au-delà des limites confortables de leur Complexe. Canton Adams était l'un d'entre-eux, et il n'aimait vraiment pas ça. Mais il était un soldat, et jamais il n'avait eu à discuter les ordres qui venaient d'en haut : il se contentait de les suivre, et cela lui avait toujours suffi. Il espérait que cela lui suffirait une fois encore...

    Et tandis qu'il courait, il n'espérait plus qu'une chose : arriver à temps, même pour sauver la peau d'un imbécile comme Travers. Et il ne pouvait s'empêcher de penser à Martha Robbins. Il craignait tellement qu'il lui arrivât quelque chose que cette pensée lui faisait presque peur. Il n'avait pas à s'inquiéter plus pour elle que pour une des autres âmes dont il avait désormais la charge...mais c'était pourtant le cas. Un nouveau cri perça la nuit, dissipant ses pensées, et il se focalisa à nouveau entièrement sur la course : cette fois, il avait distinctement entendu un appel à l'aide. Quoi qu'il lui soit arrivé, Travers était encore en vie. Le major Adams fonça dans la brume.

     

    * * *

     

    Velázquez acheva d'une balle dans le museau la créature qu'ils avaient délogée de l'arbre. Il savait qu'il aurait dû économiser la moindre de ses munitions, mais il y avait quelque chose dans le spectacle de cet être qui agonisait bruyamment dans la neige qui lui était insupportable. Peut-être bien parce qu'en tant que soldat, s'il s'était retrouvé dans la même situation il n'aurait pas voulu finir comme ça. Ce qui risquait fort d'être le cas. Les monstres avaient cessé leurs assauts, mais il pouvait les entendre siffler et gronder tout autour, préparant sans nul doute ce qu'ils pensaient être leur dernier assaut

    -Et dire que mourir en service, pour moi ça consistait à trébucher dans les couloirs de la caserne après le jour du cirage...

    -C'est vrai qu'ils ont toujours été plutôt zélé lorsqu'il s'agissait de faire briller le sol... Jones ne put s'empêcher de sourire. Velázquez, qui avait jeté un coup d’œil par-dessus son épaule, le vit et sourit en retour.

    -Un temps, je faisait partie des pauvres types qui en avaient la charge... La belle époque.

    -Pas étonnant, quand on sait que tu étais incapable de fermer ta grande gueule. Comment va ton bras ?

    -Atrocement mal. Mais ça n'a pas vraiment d'importance.

    -Ah bon ? Qu'il puisse encore tenir une arme, j'aurais trouvé ça plutôt important, par exemple...

    -Ce n'est pas important, parce qu'il est encore capable de faire ça...

    La main ensanglanté de Velázquez tâtonna dans le vide jusqu'à trouver la main libre de Jones. Elle sursauta d'abord à ce contact, puis referma les doigts autour de ceux de son collègue. Une chaleur se propagea en elle malgré le froid, et elle pouvait sentir que le bras de Velázquez avait, lui, cessé de trembler.

    -Merci, Sam. D'être revenue pour moi. Même si c'était particulièrement stupide de ta part.

    -Faire quoi que ce soit pour toi ne peut être que stupide. Mais aussi la seule chose à faire, dans ce cas là.

    -Vraiment ?

    -Vraiment.

    -Et il aura fallu qu'on ne se l'avoue que maintenant. Tu parles de perdre du temps, hein ?

    -Alors autant tirer un maximum de celui qu'il nous reste.

    Un bref silence, vit troublé par les sifflements des créatures. Elles se rapprochaient. Les deux caporaux brandirent leurs armes d'une main, refusant de lâcher les doigts l'un de l'autre.

    -Le maximum, hein...

    Velázquez sourit sous sa moustache, lâcha la main de Jones, et se tourna de manière à lui faire face. Et avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, il l'embrassa. Ce fut un unique baiser, court et rendu maladroit par le froid qui engourdissait leurs lèvres, mais pour eux il aurait aussi bien pu durer éternellement.

    -Le maximum...souffla Jones quand elle put reprendre son souffle.

    -Toujours. Je...

    -Je sais.

    -Tant mieux alors. Ce genre de déclarations, ce n'est pas mon style de toute façon.

    -Tu parles d'un beau parleur...

    Ils échangèrent un sourire qui en disait long, chargée de toute la tristesse et de la détresse dans lesquelles la situation les plongeait...mais aussi de toutes ces joies longtemps partagées. Mieux valait tard que jamais. Un dernier regard, puis ils se placèrent à nouveau dos à dos, aux aguets. Ils pouvaient les voir toutes autour d'eux, maintenant, qui refermaient le cercle. Samantha Jones et André Ladislas Montauban Velázquez fermèrent les yeux, leurs mains libres serrées l'une dans l'autre, se mirent à tirer, et moururent. Ensemble.

  • Lucie 85

    Et oui, ça continue!^^

     

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    -Lucie ! Lucie !

    Les cris perçaient le silence de la nuit étouffé par la neige, déchirant le brouillard qui enveloppait la forêt de son étreinte. Les arbres étaient autant de grosses silhouettes fantomatiques entre lesquelles Martha Robbins croyait souvent voir celle de sa fille se glisser, légère et insouciante. Mais nulle trace de la fillette depuis plusieurs minutes maintenant, des minutes qui paraissaient être des heures pour la mère inquiète. Elle ne cessait de se fustiger pour avoir ainsi laissé son enfant lui fausser compagnie sans même qu'elle ne le remarque sur le champ. Aucun des adultes n'en était fier à vrai dire, mais c'était pour elle que le pire était destiné : après tout, elle était sa mère. Celle qui l'avait élevée seule toutes ces années, pour la soustraire à un père néfaste ; celle qui l'avait protégée, sans jamais faillir. Avant cette nuit. Et tandis qu'elle circulait entre les troncs en appelant sa fille, Martha se demanda si cette dernière avait jamais eu besoin de toute la protection qu'elle lui avait offert. Lucie avait toujours été une enfant particulièrement éveillée et consciente de son environnement : il était très difficile de lui cacher quoi que ce soit, et elle comprenait bien des choses qu'une gamine de son âge ne devrait même pas concevoir. Et pourtant, malgré la vie difficile dans les vieux quartiers et l'absence d'un père, l'enfant avait réussi à grandir sans sacrifier son innocence et ce malgré la gravité dont elle était parfois étonnamment capable.

    -Lucie ! appela-t-elle une fois encore, les mains en porte-voix. Elle pouvait entendre les cris des autres, tous à la recherche de la fillette. Le timide et terrifié Arthur Kent, qui faisait de son mieux pour avoir l'air solide malgré tout ; le fiable et rassurant Canton Adams, en qui Martha plaçait toute sa confiance, elle qui ne l'avait jamais vraiment offerte à qui que ce soit depuis bien des années ; et Ed Travers, qui ne s'était cette fois-ci permis aucun commentaire cassant. Même le désagréable rouquin avait saisi la gravité de la situation, et il semblait avoir pris Lucie en affection, lui qui donnait l'impression de n'apprécier nul autre que sa petite personne. Cela n'étonnait pas Martha : Lucie avait cet effet là sur beaucoup de gens...

    Le major avait accepté que les quatre passagers se séparent pour couvrir plus de terrain, tant qu'ils restaient à portée de voix. Il était difficile de voir plus loin que le bout de son nez dans ce brouillard épais et cristallin ; et hormis Lucie avant qu'elle ne s'y précipite, aucun des adultes n'était sensible à la beauté qui s'en dégageait, comme une émanation du monde qui surgissait de la terre gelée. Une seule chose comptait pour eux : retrouver Lucie avant qu'il ne soit trop tard. Martha pouvait parfois repérer un scintillement blafard dans la brume qui ne pouvait être que la lampe de poche d'un de ses compagnons, et elle pouvait les entendre crier le nom de sa fille. Elle-même tenait dans sa main une lampe, si fermement qu'elle commençait à en avoir des crampes, mais c'était à peine si elle en avait conscience. Et dans l'autre main, elle serrait tout aussi fort la crosse de l'arme que Canton lui avait confié. Elle avait insisté jusqu'à ce que l'homme se décide à lui donner son arme de secours, son second revolver. Elle voulait être capable de défendre sa fille de n'importe quel danger qui aurait pu lui tomber dessus en ce monde hostile, et elle était déterminée à tout faire pour y arriver.

    Ignorant le froid qui traversait les couches de ses vêtements pour venir lui mordre la chair, ignorant le brouillard qui l'enveloppait, elle avançait avec une seule idée en tête : elle ne reprendrait pas la route sans sa fille. Et personne ne s'y était opposé en prétextant qu'ils devaient se diriger au plus vite vers l'abri que connaissait le major. Personne n'avait osé, en tout cas. Il y avait des choses bien plus importante que sa propre survie, et une enfant comme Lucie était assurément l'une d'entre elles. Même pour quelqu'un comme Ed Travers. Et Martha se demandait pourquoi elle pensait soudain à lui, quand elle réalisa qu'elle entendait en fait crier à travers les arbres, et qu'il s'agissait de la voix du responsable du train. Sans réfléchir plus avant, Martha Robbins se précipita dans la direction du cri.

  • Lucie 84

    Et une p'tite page, une!

     

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    Une nouvelle créature s'écrasa dans la neige, son corps massif glissant en arrière de quelques mètres le long de la pente, laissant une traînée de sang. Velázquez l'avait touchée à la base du cou, juste au-dessus de la poitrine ; il avait rapidement déterminé qu'il s'agissait d'un point faible, moins protégé par la peau épaisse de ces monstres. Elle s'agitait encore, donnant des coups de pattes furieux dans le vide en sifflant de douleur, et agonisa durant de longue secondes, sa queue frétillant tel un serpent jusque dans ses derniers instants. Autour d'elle, ses comparses stoppèrent leur course, leurs yeux brillants essayant de déterminer l'origine de la mort qui les fauchait dans leur élan. Plus d'une fois, Velázquez eu la très désagréable impression d'avoir été repéré, et il avait la certitude que ces monstres avait compris la menace qu'il représentait d'une manière que d'autres animaux n'auraient jamais pu imaginer...et qu'elles étaient en train de réfléchir à la meilleure manière d'y mettre fin. Il pouvait déjà constater qu'elles s'arrêtaient de moins en moins longtemps lorsqu'il en tuait une, lui laissant moins de temps pour recharger son fusil de précision, et viser correctement. Mais une créature tombait sous chacun de ses coups, ce qui les avait rendues plutôt prudentes...jusqu'à maintenant.

    Velázquez ne savait plus depuis combien de temps il était étendu là, au sommet de cette colline à l'orée de la forêt. Quelques minutes, ou quelques heures, il n'en avait aucune idée. Son monde était uniquement constitué de l'arme stabilisée par le trépied devant lui, et des créatures qui s'élançaient à sa rencontre. Il n'avait plus qu'une seule mission : les empêcher de se précipiter aux trousses des autres survivants, gagner le plus de temps possible pour eux. Rien d'autre ne comptait. Pour la première fois de son existence, André Ladislas Montauban Velázquez était entièrement focalisé sur un seul but, le plus important de toute sa vie. Ce pourquoi il était né, ne pouvait-il s'empêcher de penser, lui qui ne s'était jamais pris pour un fataliste. Alors il ignorait les crampes douloureuses qui élançaient chacun de ses muscles, la raideur de son dos, et le froid qui imprégnait chacune de ses cellules. Il avait presque peur que son doigt frigorifié finisse par geler pour rester accrocher à la gâchette, more et inutile. Mais il ne pouvait pas laisser cela arriver, pas avec tous ceux qui comptaient sur lui.

    Les créatures reprirent leur avancée, toujours plus audacieuses, toujours plus féroces, comme si la mort de leurs compagnes attisaient leur rage. Une fois de plus, Velázquez se força à respirer profondément avant de bloquer ses poumons le temps de viser soigneusement et de tirer à nouveau. Sa cible tomba, fauchée par la balle, mais cette fois-ci toutes ne s'arrêtèrent pas. Deux d'entre elles continuèrent de courir, gravissant la pente en bondissant, propulsées par leurs pattes musclées. Elles bifurquèrent chacune de leur côté, avec la manifeste intention d'attaquer leur proie par les flancs. Velázquez poussa un juron en finissant de recharger son arme, guère optimiste sur les chances qu'il avait de les abattre toutes les deux avant que l'une d'elles de l'atteignent. Il se choisit néanmoins une cible, visa, tira, et ne prit même pas le temps de la voir tomber avant de se tourner pour prendre l'autre en joue. Elle se rapprochait vite, quelques dizaines de mètres les séparaient maintenant l'un de l'autre, et il était encore en train de recharger. Cette fois, il n'y arriverait pas, le monstre était trop rapide, il...

    Il n'en crut pas ses oreilles quand une rafale tonitruante fit écho dans la nuit, et il n'en crut pas ses yeux quand il vit la créature se faire déchiqueter le cou par une pluie de balles. Plus loin, les autres monstres s'arrêtèrent à nouveau dans un conciliabule de sifflements, et Velázquez prit le risque de jeter un coup d’œil derrière lui...

    -Et bien, fit le caporal Samantha Jones alors qu'elle sortait du couvert des arbres, son arme encore fumante. On dirait bien que je suis arrivée à temps.