Et hop, ça reprend, on ne va pas s'arrêter en si bon chemin!^^
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-Lucie !
La voix de Martha Robbins la précéda tandis qu'elle franchissait le couvert des arbres, avec le major Adams toujours appuyé contre elle. Devant eux, ils pouvaient voir Arthur Kent et l'enfant, serrés l'un contre l'autre dans le brouillard. Martha et le major échangèrent un bref regard, l'homme acquiesça à sa demande muette d'un bref signe de tête, et la femme le laissa appuyé contre un tronc avant de se précipiter vers sa fille. L'enfant leva les yeux en entendant son nom et se mit à courir elle aussi. En retrait, Arthur Kent se redressait, frottant la neige de ses pantalons épais. Pâle malgré le froid qui rougissait ses joues et son nez, il avait l'air sous le choc et secoua plusieurs fois la tête, clignant des yeux derrière ses lunettes embuées. Puis lorsqu'il réalisa que les nouveaux venus étaient bel et bien là, il s'autorisa enfin un bref soupir de soulagement.
-Maman !
Lucie se jeta dans les bras de sa mère, qui faillit trébucher sous le choc. Elle étreignit sa fille avec la force d'une mère qui était bien déterminée à ne plus perdre son enfant, et elle sentit la prison d'acier qui comprimait son cœur depuis la disparition de sa fille fondre quand Lucie blottit son petit visage dans son cou. La petite entourait elle aussi sa mère de toute la force qu'elle avait dans ses petits bras et dans un tel moment, rien ni personne n'aurait pu les séparer. Avançant lentement, se servant de son fusil d'assaut comme d'une cane, Canton Adams finit par rejoindre les Robbins. Il sourit dans sa barbe, heureux d'assister à une telle scène : la douleur dans sa jambe n'avait plus vraiment d'importance. Il croisa le regard de Kent, qui s'était rapproché à son tour, et les deux hommes n'eurent pas besoin de parler pour se comprendre.
-Bon sang Lucie, je refais jamais quelque chose comme ça ! Qu'est-ce qui t'a pris ?
Le soulagement le disputait à la colère dans la voix de Martha, et Lucie soutint le regard de sa mère quelques secondes, avant de baisser la tête avec honte.
-Je suis désolée maman. Je suis vraiment désolée... J'ai cru... Et à cause de moi, monsieur Travers a...
L'enfant fut incapable de finir sa phrase, et la détresse qui l'habitait à cet instant poussa aussitôt Martha à la serrer à nouveau contre elle, lui caressant doucement le dos pour essayer de l'apaiser.
-Ça va aller ma grande, ça va aller, on s'est retrouvés toi et moi...
Tout en rassurant sa fille, elle formula une question muette à l'adresse d'Arthur, qui déglutit péniblement avant de répondre :
-Lucie était coincée, et Ed lui a permis de remonter, que je puisse la hisser en toute sécurité. Mais lui...
-Travers est tombé, en conclut le major Adams, l'air grave.
Kent hocha piteusement la tête, et Canton étouffa un juron. Travers avait beau avoir été un type insupportable -Canton, comme pratiquement tous les autres occupants du train, l'avait pris en grippe dès le début- il n'avait pas à finir comme ça. Adams y voyait un nouvel échec : pendant qu'il gisait dans la neige, stupidement blessé, quelqu'un d'autre était mort.
-Il a fait preuve d'un grand courage, sur la fin...commenta l'écrivain, comme pour s'en convaincre lui-même. Il était manifestement bouleversé par la situation, et c'était compréhensible : rien dans son caractère n'était fait pour traverser une telle épreuve. Mais il était encore là, avec eux, et ils ne pouvaient se permettre de perdre une personne de plus. Il leur fallait rester plus soudés que jamais.
-Vous avez fait tout votre possible, Kent. La gamine est sauve grâce à vous deux. Cela n'aurait servi à rien que vous le suiviez dans l’abîme.
Un bref éclat de compréhension traversa la douleur qui se lisait dans les yeux de Kent, et il trouva la force de hocher la tête. Puis il regarda à nouveau la mère et sa fille, et Adams et lui échangèrent un bref sourire : tout n'était pas perdu. Toujours blottie dans les bras de Martha, Lucie ne pleurait pas. Les larmes n'auraient pas suffi à exprimer toute la peine de l'enfant. Pas en cet instant, en tout cas. Quand les deux Robbins desserrèrent leur étreinte, Lucie tenait contre elle l'appareil à musique que Ed Travers lui avait confié. Et bien en peine celui ou celle qui aurait voulu le lui prendre, ou même lui faire lâcher.
-Salut petite. Content de te revoir, sourit simplement Adams à son égard.
-Vous êtes blessé major ? L'inquiétude de la fillette était sincère, et il prit son air le plus brave avant de lui répondre :
-Rien de grave, surtout pour un vieux soldat comme moi. Travers a été incroyablement courageux. Ce qu'il a fait été juste, il l'a décidé de son propre fait, et tu n'y étais pour rien. D'accord ?
Lucie plongea son regard dans le sien et resta immobile de longues secondes, sa petite tête tournant à plein régime derrière ses sourcils froncés et sa bouche encore tordue par la peine. Mais elle finit par acquiescer, même si Adams savait qu'elle ne le faisait que pour être courageuse, et que la peine était bien loin de la quitter. De même que la culpabilité. Mais ils ne pouvaient rien y faire maintenant.
-D'accord.
-Bien. Adams se racla la gorge, redistribua son poids sur ses jambes de manière à mieux supporter la douleur, avant de reprendre. Nous ne pouvons pas rester ici. Le brouillard peut s'épaissir, et dieu seul sait quels autres horreurs se cachent à la surface. Il faut qu'on se remette en route. Je vais pouvoir retrouver la bonne direction, et on y va. Atteindre cet abri est notre seule chance.
Si il s'agissait effectivement d'un abri qui était décrit dans ses documents. A vrai dire, le major ne savait pas du tout ce qu'ils allaient trouver au bout du chemin. Il savait seulement qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de s'y rendre le plus vite possible.
* * *
Plus loin derrière le petit groupe, des cris et des sifflements pouvaient se faire entendre entre les arbres. Quelque chose remontait leur piste, quelque chose qui n'était pas incommodée par le brouillard ambiant. Quelque chose de blessé, quelque chose d'implacable, quelque chose de très en colère. La créature tendit son cou gracile vers le ciel, et poussa un long hululement farouche. Ici, elle était sur son domaine. Sans plus attendre, elle se remit en route.
* * *