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Plume de Renard - Page 17

  • Sleepy Hollow

    Et hop, une nouvelle review, comme ça, en passant!^^

     

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    Sleepy Hollow

     

    Soyons francs. Sur le papier, cela n'aurait jamais dû marcher. Même en images, comment ne pas imaginer que cela puisse ne donner, qu'au mieux, une série nanarde sans réelle substance ? Quand la première bande-annonce a été diffusée sur la toile, j'ai rigolé, comme beaucoup : pas suite à un amusement sincère, mais de ce rire un peu jaune qu'on réserve à un produit qui n'est drôle que par erreur. Que savions-nous alors, qu'avions-nous vus ? Ichabod Crane -le héros de la célèbre histoire de cavalier sans tête écrite par Washington Irving (dont l'adaptation récente la plus connue reste sans nul doute le bon film « Sleepy Hollow » de Tim Burton)- se retrouvant projeté à notre époque, en compagnie du fameux cavalier sans tête. Un cavalier qui s'arme aussitôt de fusils à pompe et de cartouchières dans le but de faire venir l'apocalypse, la vraie, la biblique ; car on nous dit qu'il s'agit carrément d'un des quatre cavaliers de l'apocalypse (la mort, pour être précis). Et notre héros hors du temps qui se retrouve forcé à faire équipe avec une jeune policière américaine pour contrer les forces du mal et l'avènement du terrible démon Moloch.

     

    Ouaip, si à ces quelques lignes vous n'êtes pas convaincu, je ne vous en voudrai pas. Moi-même, je n'y croyais pas. Mais ce qui ressemble au pitch d'un vieux film de série z ou au synopsis d'une fanfiction issue des délires les plus fous ne tarde pas à surprendre dès ses premiers épisodes...pour devenir une des meilleures surprises de l'année 2013 en terme de nouvelles séries. Et je suis le premier surpris à l'avouer ! Je n'avais d'ailleurs aucune intention de m'y mettre, jusqu'à ce que plusieurs reviews positives ici et là et l'encouragement d'amis enthousiastes me poussent à y jeter un coup d’œil guère motivé, par simple acquis de conscience (un peu comme ce qui m'avait poussé à lire au moins le premier « Twilight » : je ne vais quand même pas dire du mal d'une œuvre que je n'ai jamais lue!). Et bon sang, qu'est-ce que j'ai bien fait de céder ! Une fois mes dubitatives barrières vaincues, je me suis laissé emporter par le charme certain de cette série qui représente à merveille ce qu'on peut attendre d'une série télévisée tout simplement fun, et étonnamment bien écrite, surtout en ce qui concerne ses personnages et les relations qu'ils tissent entre eux.

     

    Et puisque l'on parle des personnages, présentons-les un peu plus en détail, de même que le contexte de la série. « Sleepy Hollow » nous narre donc les aventures d'Ichabod Crane , qui se réveille en 2013 non loin de la ville éponyme, après un peu plus de dieux siècles sous le coup d'un sortilège. Anglais ayant rejoint les futurs américains lors de la révolution, il combattit un terrible adversaire servant les britannique : un soldat réputé imbattable dont il coupa la tête avant de manquer mourir lui-même. Plongé dans un sommeil magique par sa femme Katrina, une sorcière bénéfique, il ouvre les yeux sur notre époque, sans savoir pourquoi ni comment. Au même moment, son adversaire devenu le cavalier sans tête resurgit elle aussi, prête à semer la mort et la désolation sur son passage. Sa première victime ne sera autre que le partenaire de l'autre protagoniste principal de l'histoire, la policière Abby Mills. Tous deux formeront rapidement un duo soudé et efficace, apprenant par la même occasion qu'ils ne sont autres que les deux « témoins » censés se dresser face à l'apocalypse, dont le cavalier sans tête représente le premier héraut. Crane doit s'adapter à cette époque nouvelle tout en acceptant la vie laissée derrière lui, tandis qu'Abby lutte tout d'abord avec son scepticisme face à toutes les choses étranges qui se produisent, ainsi qu'avec son passé et la mystérieuse figure démoniaque que sa sœur et elle auraient croisée dans les bois, alors qu'elles étaient adolescentes... Nos deux héros n'ont alors de cesser de lutter contre le cavalier et toutes les autres créatures surnaturelles qui s'attaquent à la petite ville de Sleepy Hollow, à l'apparence si tranquille. Sorcières, démons, golems, ce ne sont là que quelques exemples des terribles adversaires qui œuvrent dans l'ombre pour faire régner la terreur et la mort sur Terre.

     

    Avec un scénario si fourre-tout et, il faut le dire, trop gros pour être vrai, qu'est-ce qui fait que la série marche si bien ? Et bien il faut sans conteste s'attarder sur les personnages, leurs relations et le jeu des acteurs qui les incarnent. Tom Mison (Ichabod) et Nicole Beharie (Abby) partagent une véritable alchimie à l'écran dès leur première rencontre, une alchimie rendue d'autant plus efficace et plaisante du fait qu'à aucun moment une romance ne se met en place. C'est quelque chose de rafraîchissant, qui nous épargne l'éternelle dynamique du « vont-ils oui ou non se mettre ensemble ? », et qui permet d'explorer les bases d'une amitié homme-femme sincère, ce qui n'est pas si courant que ça et ce même à l'époque actuelle. Dans le rôle d'un homme projeté dans une époque nouvelle et inconnue, Mison excelle sans jamais en faire des tonnes : son adaptation progressive à notre technologie et à nos coutumes actuelles ne prend jamais le devant de la scène et ne sombre jamais dans le gag facile. Les interactions d'Ichabod avec ce monde nouveau sont la source principale de l'humour de la série, et sont toujours empreintes de finesses et ne se reposent certainement pas sur la base de « l'homme du passé ouvrant grand la bouche et les yeux devant la moindre chose nouvelle, avant de demander pourquoi de petits hommes sont dans un écran de télé ». Ichabod reste un homme éduqué et plein d'esprit qui ne tarde pas à s'adapter, tout en se laissant désarçonner par les slim jeans ou l'obsolescence programme des téléphones portables. Tom Mison campe le portrait d'un homme distingué, honorable et déterminé, tout en lui donnant la subtilité nécessaire à un homme ayant perdu tout ce qui faisait sa vie avant le grand sommeil. De son côté, Beharie n'est pas en reste, avec une policière prête à tout pour comprendre quel est le mal qui menace sa ville...et le monde. Abby est l'archétype de la femme moderne forte et capable, mais un archétype réussi. Son attitude cartésienne est peu a peu remise en question, et il ne lui faudra pas longtemps pour accepter les choses étranges et dangereuses qui se produisent tout autour d'elle. Un mystérieux passé n'y sera d'ailleurs pas étranger... Le principal attrait de la série, son moteur, son cœur, c'est la relation qu'elle entretient avec Crane : la formule des buddy movies typiques est ici grandement écourtée, et il ne faudra que peu de temps à nos deux héros pour s'entendre comme larrons en foire...ce qui semble au final plus naturel que nombre d'histoires traînant en longueur. On croit sans la moindre difficulté à l'amitié qui ne tarde pas à naître entre ses deux personnages, et chacune de leurs interactions, chacun de leurs dialogues, sont aussi naturels qu'incroyablement agréables à suivre. Encore une fois, le fait qu'aucune romance forcée ne soit jetée dans le lot ne peut que bénéficier à leur dynamique, qui n'oublie pourtant pas d'évoluer sans cesse sans jamais frustrer le spectateur.

     

    Car « Sleepy « Hollow » n'est pas une série qui s'amuse avec nos frustrations, pas plus qu'elle ne s'attarde en longueurs et épisodes de pur remplissage. Chacun des treize épisodes (de quarante minutes) de cette première saison font avancer l'intrigue d'une manière ou d'une autre, et il se passe toujours quelque chose d'intéressant nous poussant à vouloir en savoir plus. Non pas seulement pour le mystère, mais pour le plaisir de voir évoluer ces personnages. Le rythme est bien ficelé, l'écriture efficace. Et même si la série ne se dépare pas d'un certain ridicule dans les enjeux, tenants et autres aboutissants de l'histoire ; mais dès que l'on s'habitue à cette histoire d'apocalypse et à un cavalier sans tête armés de cartouchières pour fusils mitrailleurs, on finit par accepter ce qui pourrait être ridicule et le transformer en quelque chose de purement fun. Car le fun est le maître mot de cette série, qui ne laisse du répit aux spectateurs que pour leur laisser le temps de s'amuser d'un trait d'humour bien placé ou de s'investir dans un personnage. Ce qui est d'autant plus aisé que les personnages se comportent avec une cohérence et une intelligence rarement vues dans une œuvre visuelle de fiction. Les héros se sont confiance les uns aux autres, aucun secret n'est gardé que dans le but du drame et de la durée, le scepticisme ne règne pas longtemps, et les relations des protagonistes sont réelles, censées et toujours bien amenées. Et croyez moi quand je vous dis que c'est bigrement rafraîchissant de voir des personnages se comporter ainsi ! Aucune frustration pour le seul but de faire s'étirer des intrigues n'est de mise dans cette première saison, qui se regarde très facilement d'une traite, tant nous sommes retenus en haleine par une écriture simple mais intelligent qui a pour mérite de ne jamais prendre le public pour des idiots. Et tout ça, cela fait un bien fou !

     

    Outre les deux héros, le reste des personnages et du casting n'est pas en reste. Orlando Jones incarne le capitaine Irving, le chef de la police de Sleepy Hollow, dont le caractère tout d'abord sceptique ne tardera pas à laisser place à un homme prêt à tout pour aider ceux qui comptent pour lui. Lyndie Greenwood (vue notamment dans « Nikita », où elle joue Sonya) fait la sœur d'Abby, un personnage intriguant et dur au passé difficile, et représente un ajout bienvenu et dynamique à notre équipe de héros, et se révèle une très bonne surprise ; assurément une actrice à suivre. John Cho (connu notamment pour son rôle du jeune Sulu dans les deux derniers films « Star Trek) est présent dans le rôle du policier ayant littéralement vendu son âme au diable, présentant un personnage aussi tragique que pathétique. Le talentueux John Noble (Walter Bishop dans « Fringe », entre autre) est une fois de plus impeccable dans un rôle dont je ne vous gâcherai pas la surprise ; c'est un plaisir que de le voir récurrent dans cette première saison, et d'apprendre qu'il a été nommé au casting principal de la future saison deux, aux côtés de Lyndie Greenwood. Katia Winter est sans-doute celle qui marquera le moins, mais la faute est plus à attribuer au rôle relégué un peu au second plan de la femme d'Ichabod, la sorcière Katrina ; d'abord confinée au rôle de flashbacks ou de demoiselle en détresse, elle semble tout de même sur le point de gagner en importance.

     

    Bref, vous l'aurez compris, « Sleepy Hollow » est pour moi le gros coup de cœur des nouveautés 2013 : du rythme, des personnages extras, une écriture au service de la logique des relations plutôt qu'à leur frustration, de l'humour bien placé et jamais gros et, plus que tout, du fun, du fun et encore du fun ! Si vous avez envie d'une série matinée de fantastique et de grosses ficelles, mais malgré tout fort bien écrite et mise en avant, vous aimerez sûrement suivre les aventures de la petite bourgade de Sleepy Hollow ! Et si vous êtes comme moi, après les révélations inattendues (et fort bien amenées ; car la série a su surprendre avec des twists inattendus, et bien insérés, qui ne tombent jamais comme un cheveu sur la soupe) de cette fin de première saison vous n'aurez plus qu'une envie : que la seconde arrive, et vite !

  • Review: The Musketeers

    Et hop, je dépoussière un peu ce blog, avec une petite review de la nouvelle série de la BBC! ^^ J'ai essayé de faire le plus "pro" possible (si l'on peut dire), et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez (aussi bien de la review en elle-même que de la série!^^)!

     

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    The Musketeers

     

     

     

    Cela faisait depuis la catastrophique -mais amusante, d'un point de vue purement nanar- et dernière adaptation des trois mousquetaires au cinéma (plus précisément « The Three Musketeers » en 2011, de Paul W. S. Anderson, où une Miladay incarnée par Milla Jovovich joue les ninjas sur les toits de Paris, où Christoph Waltz cabotine en cardinal et où le film se termine par les images de l'armée anglaise du Duc de Buckingham -Orlando Bloom- se préparant à attaquer la France...à l'aide d'une flotte volante d'aéronefs steampunks. Tout est dit.), que je n'avais pas découvert de nouvelle adaptation visuelle des fameux « Trois Mousquetaires » d'Alexandre Dumas. C'est maintenant chose faite, avec la nouvelle mouture de ce grand classique, présentée sous la forme d'une série télévisée présentée par la BBC.

     

     

     

    La fameuse chaîne anglaise n'est pas en manque de ces succès ces derniers temps (en témoignent la popularité de « Sherlock » ou du revival de « Doctor Who » depuis 2005), et elle a toujours présenter des séries de qualité, y compris dans le genre historique. Je pense notamment à l'agréable « Ripper Street », une série récente en deux saisons de huit épisodes prenant place dans les rues d'une Londres plus vraie que nature peu après les exactions de Jack l’Éventreur. D'ailleurs, dans son format et dans les moyens employés, « The Musketeers » n'est pas sans rappeler cette dernière.

     

     

     

    Mais si j'ai décidé d'y jeter un coup d’œil, c'est avant tout parce que je porte depuis mes plus jeunes années un amour certain pour l'univers des Trois Mousquetaires de Dumas. Ce qui fut mon premier gros roman reste une aventure efficace qui a su traverser les époques pour faire entrer dans la culture populaires les noms de D'Artagnan, Athos, Porthos, Aramis et Milady ou encore la fameuse devise « Un pour tous, tous pour un ! ». Et qui y a-t-il d'étonnant à cela ? Personnages hauts en couleur, combats flamboyants à l'épée, actes de bravoures et intrigues politiques sont autant d'ingrédients dans la formule d'un succès sûr. Ce n'est pas pour rien que le roman a connu une quantité non négligeable d'adaptations au cinéma et ailleurs (à ce titre, je conseille « Les Trois Mousquetaires » de 1948, réalisé par George Sidney et dans laquelle Gene Kelly incarne D'Artagnan avec tout le charme qui lui est coutumier ; outre une fidélité certaine au roman, le film fait preuve d'une chorégraphie impressionnante aujourd'hui encore dont les nombreux combats plein de bravoure et d'un certain humour qui le parsèment. L'un des films qui aura bercé mon enfance, et qui m'aura fait user jusqu'à la bande la VHS qui le contenait!). En terme de séries, j'avoue n'être personnellement pas tombé sur beaucoup d'adaptations, mais je me souviens avec nostalgie du fameux dessin animé « Albert le 5ème Mousquetaire » et sa chanson de générique plus qu'entraînante (et destinée à se graver à vie sur votre cortex cérébral, que vous le vouliez ou non), même s'il n'a pas grand chose avoir avec l’œuvre originale si ce ne sont les noms des principaux personnages.

     

     

     

    A bien des égards, la série de la BBC qui nous intéresse ici n'est pas non plus des plus fidèles au roman de Dumas dans le déroulement de son intrigue. On y retrouve certes les quatre mousquetaires et amis combattant, au nom du roi (et surtout de la reine), les ennemis de la France et les machinations du cardinal de Richelieu et la belle et dangereuse Milady. Les origines de certains personnages sont tronquées, à l'image de celle de D'Artagnan. De jeune fermier idéaliste se rendant à Paris avec le rêve depuis toujours de devenir mousquetaire, il devient un jeune fermier décidé à venger la mort de son père, tuer par des imposteurs déguisés comme des mousquetaires pour jeter l'opprobre sur l'ordre. Quiproquo qui sera vite réglé et permettra au héros -un peu par hasard et n'en ayant ici jamais rêvé- de se parer à son tour de la casaque des soldats du roi. Exit aussi, les fameuses scènes de rencontres entre lui et ses trois futurs camarades qui, suite à une série de malentendus amusants, finissent par le pousser à les défier successivement en duel avant de gagner leur respect. Dans cette nouvelle mouture, la rencontre entre nos héros est plus brève, et sous des auspices qui différent en grande largeur du roman de base. Mais si je prends soin ici de mettre en lumière certaines différences fondamentales, ce n'est pas dans l'intention de les critiquer. Certes, mon affection pour le roman m'aura pousser à grogner un peu au début, mais elle a vite laissé place à ma curiosité de voir comment les choses allaient évoluer dans cet univers si semblable, mais aussi si différent de l'origine. Et c'est bien là, je pense, la raison d'être d'adaptations : il ne s'agit pas toujours d'être fidèle le plus possible, mais de diverger ici et là pour construire son propre univers parallèle, tout en gardant à l'esprit les principales propriétés de l’œuvre dont elles s'inspirent (comme le fait à merveille la série américaine « Elementary », qui place Sherlock Holmes dans un cadre moderne, à New York, et avec une Joan Watson à ses côtés. Au-delà de simples artifices destinés à faire parler d'eux, ces changements ont une réelle importance, et participent à la qualité surprenante de cette série tout en restant fidèle à l' « esprit Sherlock Holmes » ; à vrai dire, j'en suis venu à plus l'apprécier que la fameuse « Sherlock » de la BBC).

     

     

     

    Pari réussi donc pour « The Musketeers » : l'ambiance, l'aventure, la bravade, les personnages que l'on connaît sont bien là, mais suffisamment détournés dans l'intrigue pour surprendre le spectateur plutôt qu'en le mettant d'avance face à une histoire dont il connaît déjà le déroulement. A la manière de « Ripper Street » citée plus haut, la série prend également des allures épisodiques. Si des événements se déroulent en continu pour instaurer une certaine trame de fond, il s'agit surtout de présenter chaque semaine une nouvelle aventure qui se suffit à elle-même, et qui n'est pas sans rappeler le schéma de certaines séries procédurales. Cela surprend au début, surtout pour une série dotée d'un cadre si historique et adaptée d'un récit si soutenu, mais on finit rapidement par accepter ce fait, comme on finit par accepter qu'il s'agit tout bonnement de raconter une nouvelle version du mythe des trois mousquetaires, et non ressasser le roman de Dumas. Les puristes qui n'aiment pas ce genre de procédés n'y verront sans doute que peu d'intérêt, mais ceux qui ont simplement envie de voir chaque leur dose d'aventures « mousqueteriennes » avec les héros de leur enfance présentées sous un jour différent trouveront là un agréable moment de passer le temps.

     

     

     

    Après tout, les bases de ces célèbres personnages sont bien là : Athos (incarné par Tom Burke) est noble, réservé et ombrageux, Porthos (Howard Charles) est batailleur et flamboyant, Aramis (Santiago Cabrera) est coureur de jupons et religieux et D'Artagnan (Luke Pasqualino) est aventureux, brave et doté de tous les avantages et travers du jeune inconscient. Le cardinal (joué par Peter Capaldi, le prochain Docteur dans « Doctor Who ») complote, et Milady Maimie McCoy) se trouve être aussi belle que mortelle. Les repaires des habitués sont donc modifiés pour les biens d'une nouvelle intrigue propre à la série tout en n'étant jamais bouleversés. Quant au casting, il se révèle pour le moment adéquat ; réussi pour certains, plus en demi-teinte pour d'autres. Burke confère à Athos toute la retenue et la sévérité propre au personnage torturé qu'il incarne, Pasqualino réussit à rendre le rôle de jeune premier de D'Artagnan plus attachant qu'insupportable, et Howard Charles est sans doute la surprise du lot, son Porthos présentant pour le moment le plus de nuances tout en conservant le rôle plus brutal dans lequel on attend le mousquetaire après tout le plus réputé pour le côté brut décoffrage. Cabrera est plus en reste avec son Aramis, qui n'a pas encore eu le temps de se départir du cliché d'homme à femmes tel qu'on l'imagine. Quant à Capaldi, dans le rôle du cardinal, il reste lui aussi très réservé dans son jeu, du moins pour le moment. Ce sont -malheureusement- les personnages féminins les plus desservis pour le moment : McCoy ne convainc pas encore dans le rôle de la redoutable Milady, et Tamla Kari (qui joue Consrtance Bonacieux, le « love interest » de D'Artagnan dans le roman) gagnerait à plus de subtilités et flirte avec les clichés de « la femme forte dans une époque où ce n'est pas commun ». Mais après trois épisodes, il est encore trop tôt pour juger du talents de tous ces acteurs, qui se montrent tous capables et crédibles. On peut également noter des prestations notables dans le domaines des guest stars, même en seulement trois épisodes : Jason Flemyng offre sa présence au personnage de Vadim dans le second épisode, et James Callis (plus connu pour le rôle du docteur Gaius Baltar dans « Battlestar Galactica » nous offre une prestation des plus flamboyantes dès l'épisode trois dans le rôle d'un aventurier beau parleur qui lui va comme un gant ! Enfin, il est agréable de constater la diversité du casting principal, jusque dans deux de ses héros de couleur : cela s'insère plutôt bien dans ces mousquetaires, et peut même se présenter comme clin d’œil aux origines aux origines d'Alexandre Dumas en personne.

     

     

     

    C'est sans-doute le plus gros problème de la série pour le moment : il est trop tôt pour en juger vraiment. L'intrigue de fond n'a pas encore assez décoller pour que le spectateur s'en fasse une idée, et il est dur de dire si le côté très épisodiques de la série lui servira, ou se montrera être au contraire son plus grand obstacle. Et malgré toutes ces inquiétudes, il n'empêche que cette série fait pour le moment preuve d'assez de qualité et, surtout, de panache (élément selon moi le plus essentiel à toute adaptation des mousquetaires) pour maintenir l'intérêt du spectateur. L'ambiance historique est bien retranscrite (les décors et les costumes montrent qu'une valeur conséquente de la production y est attachée), le casting principal suffisamment attachant, et l'on suit finalement avec plaisir les aventures de nos quatre héros. Les trois premiers épisodes ont chacun réussi à présenter une heure (la durée d'un épisode) d'aventures et de fun, avec tous les combats à la rapière, coups de mousquets fumants et soupçons d'intrigues politiques que l'on attend des « Trois Mousquetaires ». Et le fun, je pense, étant le maître mot dans tout cela. Si vous vous attendez à une version fidèle et académique du roman, passez votre chemin ; si vous voulez simplement passer un moment d'évasion dans la Paris de 1630 en compagnie des braves de vos héros, donnez lui une chance !

     

     

     

    Au final, il est donc encore trop tôt pour juger de la qualité globale de « The Musketeers ». L'intrigue principale n'est pas encore amenée, certains acteurs convainquent moins que d'autres, et on peut y déceler une certaine maladresse dans le rythme et le scénario, mais ce sont pour le moments des critiques qui tombent dans le cadre du « ce n'est que le début, et cela peut encore s'améliorer ». Après tout, et c'est surtout vrai dans le cadre des séries télévisées, il faut parfois du temps pour qu'une émission trouve ses marques et décolle réellement. En attendant de voir si cela sera bien le cas, « The Musketeers » reste une série à la « production value » certaine et, le plus important, certes pas dénuée de fun. Et peut-être est-ce l'enfant avide d'aventures hautes en couleurs en moi qui parle mais, au fond, n'est-ce pas là le plus important ?

     

     

     

  • Lucie 96: final

    Et voilà. Ça y est. J'avais décidé de mettre ici le dernier bloc d'un coup...et voilà qui est fait. L'aventure de Lucie se termine enfin, me laissant avec la curieuse sensation d'avoir accompli ce récit et d'avoir été jusqu'au bout de la chose. Merci à tous ceux qui auront suivi jusqu'au bout: n'hésitez pas à me dire ce que vous en aurez pensé, en bien ou en mal. Avec Lucie, je n'avais pas l'intention d'en faire un roman, une œuvre particulière ou un travail pleinement abouti. J'avais uniquement le désir d'enfin mettre en mot une histoire qui me trottait depuis longtemps dans la tête, et de la mener jusqu'au bout. C'était là ma seule préoccupation. Et, qui sait, peut-être est-ce là une nouvelle pierre pour un nouveau départ, pour quelque chose de plus abouti. Un jour, qui sait? Quoi qu'il en soit, même si ce fut long, même si ce fut parfois laborieux et sporadique, même si ce n'est pas le récit de ma vie -ce n'était pas le but, encore une fois- ce fut une expérience intense et plutôt agréable, ne serait-ce que pour m'être ainsi laissé porté par quelques idées qui ont évoluée d'elle-même sous mes doigts, comme dotées d'une vie propre (pour tout dire, au début je pensais sérieusement que moins de cinquante pages suffiraient largement pour couvrir ce que j'avais envie de dire; c'est avec étonnement -et plaisir- que j'ai vu tout ceci se développer sous mes doigts d'une manière qui m'a semble organique).

     

    Alors voilà, Lucie s'est terminé, et c'est pour moi aussi plaisant qu'étrange. Étrange d'avoir menée à son terme l'histoire de tous ces personnages, personnages que je laisse dernières mois après les avoir vu prendre vie sans même y avoir réfléchi de base. Une fois encore, merci à tous ceux qui auront lu jusqu'au bout. Et, sur ce, je vous laisse avec le final de cette petite épopée, que je n'aurais pas cru voir vivre ainsi il y a un an encore! :)

     

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    Le jour avança, projetant les rayons d'un soleil pâle sur le monde gelé. La brume s'était totalement dissipée, et le ciel était d'un bleu dépourvu du moindre nuage. De grisâtre et flou, le monde était devenu uniforme, le bleu et le blanc se confondant en un tout froid et dépourvue de vie. Le silence régnait, jamais troublé par le chant d'un oiseau ou le son d'un animal se déplaçant entre les arbres. Ces derniers étaient les seuls représentants visibles de cet écosystème mystérieux, et on aurait pu croire les péripéties des derniers jours inventées, peuplées de créatures chimériques nées des récits des piliers de comptoir du bistrot où avait travaillé Martha Robbins. Mais il n'en était rien : il suffisait de voir la carcasse du train, semblable à une baleine échouée sur ses propres rails de fer. Le cadavre -car c'était là bien les restes de quelque chose qui, d'une certaine façon, avait été vivant pour ceux qui l'avaient emprunté- reposait maintenant dans la neige qui ne tarderait pas à balayer les traces meurtrières. Les parois de métal étaient couvertes d'un givre qui continuait de s'étendre, et qui ne s'arrêterait pas avant d'avoir recouvert l'engin d'une fine gangue de glace. C'était comme si Éclat avait décidé de phagocyter les restes de ce monstre de fer qui avait impunément parcouru sa surface pendant plus d'un siècle. De même que ses habitants : déjà, on ne discernait plus les corps de John Horst et de Diego Delgado. Les yeux du vieux prêtre avait à jamais été recouverts après avoir enfin pu voir les étoiles du ciel qu'il avait toujours rêvé.

     

    Plus loin il ne restait qu'un peu de sang sur la neige, dernière trace écarlate des combattants qui avaient sacrifié leur vie pour permettre à leurs camarades de s'enfuir. Le blanc avait recouvert le reste, en un petit monticule mortuaire improvisé au sommet de la colline, sous le couvert des premiers arbres. De leurs assaillants qui n'avaient pas survécu pour continuer leur traque, on devinait les écailles qui brillaient faiblement entre les plumes. La surface avalait ses propres enfants.

     

    Quant à la montagne qui avait semblé jaillir de nulle part dans le brouillard, elle se dressait majestueusement au-dessus du ravin, surplombant le chemin étroit qui avait été la dernière issue de secours d'un petit groupe de survivants déjà fortement diminué. Un tas de gravats plutôt impressionnant bloquait maintenant le passage, recouvrant de roches et de neige les corps de ceux qui s'étaient opposés dans un dernier affrontement. Une queue reptilienne pouvait être vue dépassant de l'éboulis et, en regardant bien, on pouvait voir autre chose dépasser de la neige : des doigts entremêlés, deux mains unies dans la mort. Et, de l'autre côté du barrage destructeur, des traces de pas qui finissaient de s'estomper. Deux paires de pieds, l'une plus grande que l'autre, qui cheminaient côte à côte, loin de la montagne, loin de la mort. Où du moins leurs propriétaires l'espéraient-ils, guidé par leur instinct de survie et leur volonté d'arriver à bon port. De retrouver la chaleur et la sécurité de la civilisation et, d'enfin, laisser les terribles événements de ces derniers jours les rattraper et de se permettre de pleurer. Pour le moment, c'était un luxe qu'ils ne pouvaient pas se permettre ; les larmes auraient aussitôt gelé, de toute façon. Et puis ils devaient de raconter ce qu'ils avaient vécu : le sabotage, les mots de Delgado, les créatures qui rôdaient à la surface, l'infection qui avait rongé plusieurs de leurs camarades, et de tout ce que la surface recelait et dont personne ne parlait jamais au sein de l'Hégémonie. Et pourtant, cette dernière ne pouvait pas être à ce point dans l'ignorance : pour Arthur Kent, il y avait bien trop de points dans cette histoire qui ne se relaient pas entre eux. Oui, il se devait de raconter tout cela, de faire éclater la vérité, d'une manière ou d'une autre.

     

    Quant à Lucie Robbins, elle avançait parce qu'elle ne pouvait pas regarder en arrière. Car lorsqu'elle s'y essayait, c'était pour apercevoir les fantômes des adultes qui étaient morts, de ceux qui s'étaient sacrifiés pour qu'elle vive, et sa mère marchait en tête, sortant du bleu qui recouvrait tout. Alors l'enfant ignorait la souffrance de ses muscles endoloris, sa tête qui lui faisait mal, la fatigue, la faim et le froid ; elle ne ressentait toujours pas ce dernier, mais elle pouvait deviner sa présence, presque vivante. Et il avait décidé de les rattraper.

     

     

     

    * * *

     

     

     

    La respiration d'Arthur Kent était de plus en plus sifflante, chaque pas lui donnant l'impression de cracher un peu plus ses poumons. Vu le gel qui les habitait, il aurait aussi bien pu se les arracher par la gorge et les brandir devant lui, dans le vent et le froid. Le terrain ne lui facilitait pas les choses : la neige était ici tellement épaisse qu'il devait faire tous les efforts du monde pour en extirper chaque pied pour continuer d'avancer. A côté de lui, Lucie peinait tout autant, si ce n'était plus : la neige lui arrivait presque aux genoux. Mais elle ne se plaignait pas, et Arthur en était impressionné ; il s'efforçait de suivre son exemple, conscient qu'il était le seul adulte qui restait pour guider cette enfant, même s'il avait au fond de lui l'impression que c'était l'inverse. Ils n'avaient presque pas échangé un mot, se contentant d'avancer au fur et à mesure que la journée faisait de même, essayant de couvrir le plus de distance avant la nuit. Devant eux, l'horizon s'étendait à perte de vue : seul un arbre isolé dressé ici et là leur donnait l'impression de bouger et de ne pas marcher éternellement en rond dans leur enfer gelé. Derrière eux, la montagne était leur seul point de repère, imposante et immuable, et pour Arthur et Lucie, le témoin de la mort de leurs derniers protecteurs.

     

    Arthur ne savait pas combien de temps ils avaient marché ainsi, ne s'arrêtant que brièvement pour manger une toute petite part des dernières provisions qu'il leur restait, ou pour boire un peu de leur eau, celle qui n'avait pas encore gelé dans leurs bouteilles thermiques. L'écrivain concentrait son esprit engourdi sur une seule chose : la direction à suivre. Il n'aurai su dire si les minutes étaient des heures, ou si les heures étaient des minutes. Il avait perdu toute perception du temps, et seule son idée fixe le guidait encore. Ça, et l'enfant silencieuse qui marchait à ses côtés.

     

    Et puis le soleil commença déjà à se coucher, la nuit qui tomber projetant des ombres sur la neige tout autour d'eux. Pendant un bref instant hors du temps, une lueur orangée baigna les alentours, plongeant le monde dans une lumière surréelle et incroyablement belle : ne serait-ce que parce que pour un moment, il y avait autre chose que le bleu et le blanc. Homme et enfant restèrent immobiles, à observer ce paysage qui leur coupait le souffle, la main dans celle de l'autre.

     

    -Ça, je ne regrette pas de l'avoir vu...  souffla Kent, surpris lui-même d'entendre sa propre voix après une journée de silence.

     

    -Vous l'écrirez ? demanda Lucie, qui semblait aussi surprise que lui, même si le ton de sa voix restait calme.

     

    -Oui.

     

    -Moi aussi.

     

    Et, sans un mot de plus, ils se remirent en route. Ils marchaient de plus en plus lentement, leurs jambes lasses, leurs esprits engourdis. La nuit prenait ses quartiers, plongeant le décor dans une obscurité d'un bleu profond qui se reflétait sur la neige. Les sifflements d'Arthur s'intensifiait à chaque nouveau mètre parcouru, et il avait de plus en plus de peine à garder un rythme soutenu. Ses pas étaient traînants, ses gestes gourds, et il sentait le froid persistant relever enfin son lourd tribut. Lui rappelant que personne n'était sensé se retrouver aussi longtemps à la surface, comme l'avaient compris leurs ancêtres avant de se réfugier dans les profondeurs du monde. Et pourtant, Lucie ne semblait toujours pas plus affectée par ces conditions extrêmes, mais Arthur avait renoncé à en comprendre les raisons. C'était un mystère qui devait attendre, et il se félicitait de la résistance de la fillette. C'était elle qui lui donnait le courage d'avancer...jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Apercevant un arbre au tronc épais et aux larges branches, il puisa dans ses dernières ressources pour l'atteindre ; il avait l'impression que ses membres étaient de glace, et qu'il pouvait les entendre craquer à chaque fois qu'il les faisait bouger, comme s'il était à deux doigts de se briser en mille morceaux. Raide et gauche, l'homme parcourut la distance qui le séparait du tronc avec peine. L'atteignant enfin, il se laissa glisser dos contre lui, s'asseyant lourdement sur les racines dures comme la pierre qui dépassaient de la neige.

     

    -J'ai...besoin d'une pause.

     

    L'air grave, Lucie hocha la tête sans un mot. Elle était fatiguée elle aussi ; il n'y avait pas que le froid pour diminuer leurs réserves. Elle s'assit à son tour, se blottissant contre l'homme à la respiration laborieuse. Pâle et maladif, il avait l'air particulièrement atteint par le climat, et les efforts de la journée étaient venus à bout de ses maigres forces. Il passa une main fatiguée sur le bonnet de l'enfant, dans un geste qu'il voulait réconfortant, pour elle comme pour lui.

     

    -On...ne pourra pas marcher toute la nuit de toute façon. Il va bien...falloir...qu'on se repose.

     

    Là aussi, Lucie acquiesça en silence. Un mince sourire naquit sur les lèvres bleuies de l'écrivain :

     

    -Je vais fermer...les yeux quelques instants. Il faut que je dorme. Et que...que je réfléchisse à ce que je vais bien pouvoir écrire. Ne t'inquiète pas.

     

    -D'accord, finit-elle par répondre. Je vais essayer de dormir aussi.

     

    -On repartira après. On...ne doit pas plus être très loin. Et on sera...vite au chaud toi et moi, tu verras. Je l'ai...promis à ta mère.

     

    Arthur regretta aussitôt d'avoir mentionné Martha ; Lucie n'avait pas parlé de sa mère depuis qu'ils s'étaient enfuis en la laissant derrière. Mais elle ne réagit pas, se contentant de se serrer plus fort contre l'homme.

     

    -Oui, promis...murmura-t-il pour lui-même, concentrée sur cette unique pensée. Mais il était si fatigué, et il avait si froid : il ne sentait presque plus ses extrémités, et il ne savait pas combien de temps il tiendrait encore dans ces conditions. A côté de lui, il vit Lucie sortir de ses affaires l'appareil à musique que Ed Travers lui avait confié, et il sourit à nouveau. La gamine s'en sortirait, elle était forte. Il aurait donné n'importe quoi pour un peu de musique lui aussi, ou la force et la dextérité nécessaire pour manier sa plume. Tout ce qui aurait pu lui occuper l'esprit, l'apaiser. Lui faire oublier ce froid glacial qui semblait envelopper jusqu'à chacune de ces cellules, s'étendant de l'intérieur pour rejoindre celui de la surface. Il n'avait pas besoin de se voir pour savoir que toute couleur avait déserté son visage. La sensation de son nez ou de ses oreilles n'était plus qu'un souvenir fugace, et ouvrir les yeux lui demandait un effort incroyable. Alors il décida de les laisser fermés, espérant goûter au repos qui lui permettrait de recouvrer des forces. Il n'eut même pas l'énergie de manger ou de boire : seul la promesse d'un sommeil lourd le guidait. C'était à peine s'il sentait Lucie contre lui lorsqu'il décida enfin de s'abandonner à la fatigue, au froid et à la nuit. Et à un dernier rêve de lumière et de chaleur, qui faisait naître en lui des mots qu'il n'aurait jamais plus la chance de raconter.

     

     

     

    * * *

     

     

     

    Lorsque Lucie se réveilla, le soleil était à nouveau haut dans le ciel, et baignait d'une lumière morne le paysage désolé. Elle bailla à s'en décrocher la mâchoire, s'étirant pour délasser petit à petit ses muscles douloureux. La nuit n'avait pas été très confortable, mais elle avait trop fatiguée pour s'en soucier. Le temps était clair, et elle plissa ses yeux ensommeillés pour les protéger des reflets blafards qui dansaient sur la neige. Le silence régnait, pareil à la veille, si ce n'était la même chanson qui continuait de tourner en boucle dans ses écouteurs, et la respiration pénible d'Arthur Kent. Et c'est seulement lorsqu'elle se fit cette réflexion qu'elle réalisa qu'elle ne l'entendait plus. Le froid saisit son cœur, un froid qui n'avait rien à voir avec la température, et elle saisit le col de la grosse veste de l'écrivain pour le secouer frénétiquement de ses petites mains. En vain : l'homme ne bougeait plus, sa poitrine était immobile et ses yeux fermés recouverts de givre sous ses lunettes. Il avait l'air incroyablement paisible malgré la pâleur de sa peau. Ses cheveux, éternellement en bataille, se cassèrent sous les doigts de Lucie lorsqu'elle voulut y glisser ses doigts gantés. Arthur Kent avait trouvé le repos, et la fillette sut qu'il ne s'en relèverait jamais. Éclat avait réclamé sa dernière victime.

     

    Lucie ne pleur pas : elle n'avait plus de larmes en elle. C'était comme si le froid, au lieu de l'atteindre physiquement, avait fini par l'assécher de l'intérieur. Elle se sentit révolté par la sécheresse de ses yeux, et donna plusieurs coups de pieds violents dans la neige, faisant voler les flocons alentours. Puis elle se laissa tomber à genoux aux côtés de l'écrivain, avant de se blottir contre lui comme elle l'avait fait la veille, avant de s'endormir. Elle resta ainsi longtemps, accablée de fatigue, de colère et d'une tristesse qu'elle était tout bonnement incapable d'exprimer ; elle s'en voulait énormément pour cela. C'était normal qu'elle ne ressente pas le froid : elle-même était froide, à sa place dans ce monde gelé. Reprendre la route lui paraissait aussi impossible que ridicule : elle ne savait pas où aller, et elle était seule désormais. Elle n'avait personne pour l'accompagner et l'encourager dans son périple, et même sa mère s'était inutilement sacrifiée pour elle. Lucie enfonça son visage dans la veste de l'écrivain, les écouteurs glissant autour de son cou. Elle ne bougea plus, décidée à ne plus faire le moindre effort, saisie d'un profond sentiment d'inutilité...et de désespoir. Elle voulait rester ici, aux côtés du corps de son ami, et ne plus jamais repartir ; elle aussi voulait s'endormir ici pour de bon, s'offrir le délicieux luxe de l'abandon.

     

    Elle ne sut combien de temps elle resta ainsi, prostrée sur elle-même, quand un bruit lui fit relever la tête. Un sifflement étrange qu'elle connaissait, et qui réveilla la peur qui s'étaient éteinte en elle. Devant eux, campé sur ses deux pattes, la créature qui avait mené les autres les regardait, elle et le corps d'Arthur Kent. Elle pouvait voir la poitrine de l'animal se soulever, et sa tête se balancer au bout de son long cou d'oiseau. La gueule entrouverte sur deux rangées de dents pointues, elle n'avait pas l'air au sommet de sa forme : de nombreuse blessures parcouraient son corps meurtris, et l'une de ses pattes avant pendant sans vie dans le vide. Du sang séché recouvrait son crâne et son museau, déformés par la roche qui avait dû lui dégringolé dessus. Tout doucement, en silence, Lucie se colla dos au tronc, serrant contre elle le bras amorphe d'Arthur. Elle ne laisserait pas le monstre le réclamer, jamais. Avec un air de défi, elle dévisagea la créature, cherchant ses yeux cruels animés d'une intelligence bien à eux. Et au lieu d'avancer, elle se contenta de rester là, rendant son regard à l'enfant. Elles restèrent toutes deux à s'observer ainsi un long moment, avant que le monstre ne se décide à faire les deux pas qui la séparaient de Lucie. Cette dernière banda ses muscles, prête à affronter sa fin, mais l'autre se contenta de baisser son museau pour venir renifler la tête de la fillette. Le souffle chaud de sa respiration fit danser les mèches de cheveux qui dépassaient du bonnet, et ce fut tout. La créature releva la tête vers le ciel, poussa un dernier de ses hululements si caractéristiques, et continua son chemin, disparaissant dans le blanc de la neige.

     

    Interdit, Lucie resta encore longtemps sans bouger, son petit cœur battant furieusement dans sa poitrine. Et lorsqu'elle comprit à quel point elle était soulagée, elle sut qu'elle était encore vivante. Et qu'elle avait plus que jamais envie de le rester. Les souvenirs de sa mère et des autres adultes qui étaient morts s'imposèrent aussitôt à son esprit, mais cette fois elle comprit à quel point ils s'étaient sacrifiés pour permettre à ne serait-ce que l'un d'entre eux d'arriver à bon bord. En l’occurrence, cette tâche revenait à Lucie, et elle ne pouvait pas les décevoir. Et plus que de simplement réussir à se mettre à l'abri, il lui revenait de comprendre ce qui avait bien pu leur arriver. Elle ressentait toujours en elle cet appel de la surface qui l'avait habitée toute sa vie, et en elle la sensation d'enfin se sentir à sa place, ici, dans le monde extérieur. Dans le froid qui ne l'atteignait pas, et comme guidée par une voix profonde qu'elle seule était capable d'entendre. La connexion instinctive qu'elle partageait avec ce monde étrange et hostile ne lui faisait pas peur ; dès le début, elle l'avait su. Maintenant, il lui fallait comprendre. Pour tous ces soldats qui étaient morts pour protéger des gens qu'ils ne connaissaient pas, pour la gentillesse de gens comme monsieur Horst, monsieur Marsters et même monsieur Travers, pour la force de Canton Adams qui les avait mené le plus loin possible, pour Arthur Kent qui ne l'avait pas abandonnée jusqu'au bout, et pour sa mère. Sa mère qui l'avait abandonnée, mais pour mieux la sauver. Qui avait tout fait, donner tout ce qu'elle pouvait pour protéger sa fille jusqu'au bout, comme elle l'avait toujours fait. Et pour cela, Lucie ne pouvait pas se laisser mourir ici, dans les bras de son ami mort. Elle était toujours ravagée par la tristesse, et elle ne comprenait pas pleinement tout ce qui lui arrivait, mais elle savait qu'elle voulait vivre. Pour les autres, si ce n'était pour elle. Car tant qu'elle respirerait encore, elle pourrait tous les faire vivre avec elle.

     

    Alors Lucie Robbins -plus que jamais habitée par le sang de sa mère- se releva, épousseta la neige cristalline de sa tenue, et déposa un baiser sur le front glacé et inerte d'Arthur Kent. Dans son sac, elle mit toutes les provisions qu'elle put trouver, et se débarrassa de tout ce qui ne lui serait pas nécessaire. Et puis elle regarda autour d'elle, ne sachant pas où aller dans cette immensité...et se dit que cela n'avait pas d'importance. Quelque part, elle avait le sentiment que son périple ne faisait que commencer, et puis elle était ici chez elle. Plus que n'importe où ailleurs, elle le sentait ; plus que dans le train, plus qu'elle ne l'aurait été à Haven, et même plus que dans le petit appartement du complexe qu'elle avait occupé avec sa mère ou plus que le bistrot où elle écoutait les yeux ronds les histoires des clients. Elle avait l'impression de revenir à la maison. Derrière elle, dans la neige, reposait le baladeur d'Ed Travers, et des écouteurs s'échappait la même chanson qui continuait de tourner en boucle. Là où elle irait, Lucie n'aurait plus besoin de musique. Elle la laissait à Arthur Kent, pour l'accompagner dans son dernier sommeil jusqu'à ce que la batterie s'épuise, comme une dernière promesse qu'elle faisait à son tour à l'écrivain. Il n'y avait plus que ses petites traces de pas dans la neige, derniers témoins de sa présence en ces lieux. Les yeux tournés vers l'avant, s'abandonnant complètement à son instinct, Lucie Robbins se remit en route, avec l'impression grandissante d'enfin rentrer à la maison qui l'appelait. Où qu'elle soit.

     

    Sans un regard en arrière, l'enfant s'en alla dans le bleu.

     

    FIN


    Bande son finale (générique!^^), ou la musique du baladeur (Only The Horses - The Scissors Sisters):
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