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  • Lucie 26

    Aujourd'hui c'est peut-être dimanche, mais ça ne m'aura pas empêché d'écrire deux pages! Et mine de rien, j'en suis à quarante déjà, ça progresse! En tout cas, ça fait des années que je n'avais pas tenu aussi longtemps sur la même histoire! Voici donc!^^

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    -Je vais vous laisser vous reposer, madame Miguel, maintenant. Juste une dernière injection, pour calmer la douleur.

    Jung Sungmin sourit à la vieille dame couchée en long sur deux sièges du wagon des passagers, tandis qu'il préparait la seringue hypodermique qu'il avait sortie de sa trousse de premiers soins. Hilda Miguel lui rendit son sourire, faiblement mais avec du cœur ; elle se sentait rassurée par la présence et les manières du jeune médic. Sungmin faisait cet effet là aux gens, et c'était sans doute ce qui le rendait si efficace dans son domaine. Il savait les mettre à l'aise, et les réconforter quand besoin était. Dès son plus jeune âge, il avait toujours eu le contact facile avec les gens, et il avait rapidement compris qu'il avait envie de les aider. Voilà pourquoi il avait choisi des études de médecine, et comme il ne disposait pas beaucoup de moyens, il l'avait fait sous l'égide de l'armée. L'Hégémonie prenait soin de ses soldats et leur assurait une formation de haut niveau, afin qu'ils puissent rapidement trouver leur place dans la société une fois leurs services rendus. Il n'y avait pas beaucoup de militaires de carrière, ou du moins peu qui y consacraient toute leur vie, les officiers d'état-major mis à part. L'Hégémonie n'en avait pas vraiment besoin, il n'y avait aucune puissance ennemie à craindre. Mais le gouvernement favorisait le passage dans les rangs de l'armée, et nombre de jeunes hommes et femmes saisissaient l'opportunité que leur offrait leur service, qui devenait un véritable tremplin pour leur vie future. Une sorte de tournus était ainsi mis en place, et permettait au gros des troupes d'être représentées par du sang neuf et, la plupart du temps, enthousiaste. Être soldat ne constituait plus tant que ça le fait de ne savoir manier qu'un fusil. Et cela convenait à Sungmin, qui n'avait appris à utilisé le sien aussi bien que parce que les instructeurs insistaient sur l'excellence dans tous les domaines. Comme tous ses collègues, Sungmin n'aurait sans doute jamais à faire feu en dehors d'un entraînement. Du moins était-ce là ce qu'il croyait jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tous bloqués au milieu de nulle part, dans des circonstances plus que douteuses... Mais pour l'heure, il avait une patiente à soigner sur laquelle diriger toute sa concentration. Il vérifia qu'il avait correctement dosé la seringue et l'appliqua sen douceur sur la peau de la vielle dame avant d'injecter l'antidouleur.

    -Voilà qui est fait ! Reposez-vous bien, je viendrai vous réexaminer toute à l'heure. En attendant, s'il y a quoi que ce soit, faites moi signe.

    -Bien docteur. Merci.

    Elle persistait à l'appeler docteur quand il lui avait expliqué plus d'une fois qu'il n'était pas encore détenteur d'un tel titre, mais madame Miguel avait insisté, balayant ses arguments avec la certitude de son grand âge. Si elle décidait que pour elle, il était un docteur, et bien il serait un docteur, voilà tout. Dans une situation pareille, il en fallait bien un et elle était ravie que ce soit un garçon si charmant et si efficace. Alors Sungmin n'avait pas insisté ; de toute façon, depuis que l'escouade avait rejoint ce wagon, il avait très vite compris que personne n'osait vraiment insister auprès de madame Miguel pour quoi que ce soit, y compris son mari. A vrai dire, Sungmin avait été étonné de voir avec quel aplomb les passagers vivaient la situation. Quand les soldats étaient arrivés en compagnie des Robbins, de Kent et de Marsters, c'était pour découvrir les autres tranquillement installés, occupés à prendre leur mal en patience. Tous s'étaient installés le plus confortablement possible, près les un des autres, conversant tranquillement. John Horst, qui jouait aux cartes avec un autre passager, avait visiblement été essentiel dans cette entreprise, transmettant sa bonhomie à tous ceux qui l'entouraient. Il avait rassuré ses prochains et passé beaucoup de temps auprès des Miguel jusqu'à ce que Sungmin vienne prendre le relais. Il n'y avait eu que le responsable du trajet, Ed Travers, pour se montrer désagréable. Il s''était rué sur les soldats dès leur arrivée pour les accabler de reproches et de questions, et ce jusqu'à ce que le major Adams le remette vertement à sa place. Depuis, il boudait comme un enfant, installé seul dans un coin du wagon. Les autres avaient accepté avec soulagement la présence des militaires. C'était signe pour eux que quelqu'un de capable était désormais en charge, et il était difficile de faire plus capable que le major Canton Adams.

    -Alors, mon garçon, comment va-t-elle ?

    C'était le mari de Hilda Miguel, qui fit signe à Sungmin de venir à l'écart, hors de portée de voix de la vieille femme. Augustus Miguel était un homme distingué d'un âge avancé, probablement plus de septante ans. Mince et noueux, il n'en était pas moins bien entretenu pour son âge, et ne donnait certainement pas l'impression d'être fragile. Il avait le crâne chauve, qui luisait sous l'éclairage du wagon, et un collier de barbe argenté impeccablement taillé. Ce qui était aussi le cas de son complet gris, fait sur mesure et ne présentant pas un pli malgré l'arrêt brutal du train. Tout y était : la cravate, le mouchoir blanc dans la poche de poitrine, les boutons de manchette brillants et la montre à gousset au bout de sa petite chaîne, qu'il triturait machinalement quand il était inquiet, comme maintenant. Et comme tout le monde à bord, Sungmin avait entendu parler de lui bien avant de le rencontrer. Ce vieil homme à l'air digne était l'un des plus riches citoyens de l'Hégémonie, étant à la tête d'un conglomérat d'entreprises qui employaient une partie non négligeable de la population. Sa femme et lui avaient décidé de quitter le Domaine pour aller s'installer à Haven, afin de superviser l'épanouissement de leurs filières sur place ; Augustus Miguel croyait fermement que l'avenir se trouvait à Haven. Aussi, le couple avait pris le train, de la même façon que les autres passagers. Entre leurs contacts et leur fortune, ils auraient sans peine pu bénéficier d'une voiture pour eux seuls, mais les Miguel n'avait jamais été de ceux qui se plaçaient au-dessus des autres. Et pour l'heure, ils étaient bien contents d'avoir de la compagnie et de ne pas être bloqués dans un wagon plus loin dans le train.

    -La jambe est cassée, c'est certain. Je lui ai posé une attelle synthétique, une des nôtres, de modèle militaire, et je lui ai administré de quoi la rendre le plus confortable possible...

    -Mais ? Oh, ne soyez pas étonné, mon garçon, j'ai passé assez de temps dans ma vie en discussions pour devenir quand il y a un mais. N'ayez pas peur d'être franc, vous n'êtes en rien responsable de son état.

    -Et bien, elle est plus faible qu'elle ne le devrait. Et ce sans prendre son âge en compte, d'autant qu'elle m'a l'air en bonne santé, de manière générale.

    -Ah ça, ma femme a la peau dure, elle nous enterra tous, je l'ai toujours dit. Et aujourd'hui plus que jamais, j'espère ne pas me tromper.

    -Il y a peut-être une infection, ou alors des dommages internes liés à sa chute que je n'ai pas encore pu déceler. Je n'ai pas vraiment le matériel nécessaire pour ça, malheureusement. Mais je vais surveiller sa condition de près, et faire tout mon possible pour l'aider.

    -Je n'en doute pas mon garçon, je n'en doute pas... Monsieur Miguel caressa du pouce sa montre à gousset, et décocha un sourire absent à Sungmin, ses pensées toutes entières tournées vers sa femme. Il était étrange de voir un homme aussi puissant avoir l'air aussi désorienté... Mais il se recomposa rapidement une attitude confiante, avant de retourner auprès de sa femme.

    -Tu fais de ton mieux, tu le sais ça ?

    Paul Ravert était venu rejoindre son ami, et tous deux regardaient le couple échanger quelques mots complices ; il y avait quelque chose de réconfortant à les voir ainsi tous les deux, unis malgré la dureté de la situation. Et Sungmin se jura effectivement de faire de son mieux et plus encore.

    -Peut-être... répondit-il. Je l'espère. Si les choses tournent mal, on n'est pas assez bien équipés pour...

    -On s'en inquiétera si les choses tournent mal. Pour le moment, ce n'est pas encore le cas. Pour le moment, tu l'as stabilisée, et personne d'autre n'est blessé. Ça va aller, Sung.

    -Depuis quand tu es si optimiste ? Ce n'est pas ton genre...

    -Depuis que toi, tu commences à voir la vie en noir. Ce qui n'est pas ton genre non plus, je te ferais dire. Alors tu vas me faire le plaisir de te reprendre, parce que faire preuve d'autant d'enthousiasme que je suis en train de le faire maintenant, ça commence à m’écœurer.

    -Je vais faire de mon mieux.

    Les deux hommes échangèrent un sourire, et Paul Ravert pressa doucement le bras de Sungmin dans sa main, en un discret signe de réconfort.

    -J'espère bien ! Et...

    Des grésillements l'interrompirent, et Paul porta la main à sa ceinture, d'où il décrocha la radio dont il était responsable. Tous les soldats de l'escouade portaient de petits communicateurs réglés sur la même fréquence mais Ravert, étant l'expert technique, détenait aussi la grosse radio à longue portée. Le major Adams lui avait demandé de la lancer dans un balayage de fréquences régulier, des fois qu'elle capterait quelque chose. Et c'était justement ce qu'elle était en train de faire.

    -Major ! Ravert fit signe à Canton Adams, qui vint à sa rencontre, suivi d'une bonne partie de l'escouade et des passagers, qui firent tous cercles autour de Paul Ravert. Il attendit le hochement de tête approbateur du major pour enclencher la radio, de manière à recevoir le signal de manière claire : quelqu'un était en train d'essayer de communiquer avec eux.

    -Allô ? fit simplement Paul Ravert, tandis qu'autour de lui, tout le monde retenait son souffle.

  • Lucie 25

    Une p'tite page toute neuve! Bon, il ne s'y passe pas grand choses, mais ça progresse doucement!^^

     

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    -Oh, s'exclama l'ingénieur en contemplant le canon du fusil pointé sur sa poitrine. A peine Paul Ravert avait-il ouvert la porte que l'escouade s'était mise en position, sous les ordres du major Adams. Sungmin s'était laissé tomber à genoux, arme à la main, et Ravert se tenait debout derrière lui, comme il était impossible de se tenir dans l'encadrement de la porte pour deux personnes de front. Sur les côtés, prêts à intervenir si besoin était, Stuart Moore et le caporal Velázquez étaient également aux aguets, fusils sortis. Samantha Jones avait récupéré son arme et resta aux côtés de Lucie, posant une main sur son épaule pour l'empêcher de se précipiter en avant. Le major se tenait entre elles et ses hommes, l'air totalement indéchiffrable. Tous avaient rangé leurs sourires et sortis leurs armes, et leur professionnalisme en tant que soldats de l'Hégémonie ne faisait plus aucun doute.

    -Identifiez-vous! ordonna Canton Adams de sa voix de stentor.

    -Marsters, major, répondit Kenneth, qui avait reconnu le grade de son interlocuteur. Kenneth Marsters, ingénieur civil, et voici...

    -Martha. Et vous êtes ?

    Martha Robbins n'avait pas l'air d'avoir été impressionnée par la démonstration des soldats de l'escouade, et elle se redressa de toute sa hauteur pour toiser Adam, à côté de l'épaule de Ravert. Ce dernier et Sungmin se regardèrent brièvement, marqués par l'aplomb de ce petit bout de femme et se demandant comment réagir. Canton ne le montra pas, mais il était lui-même étonné, et il sut aussitôt que cette femme était la mère de la gamine blonde. Elles avaient le même air, un peu délicat mais pourtant si décidé. Une véritable force intérieure.

    -Repos, soldats, fit-il à l'adresse de ses hommes, qui baissèrent leurs armes et relâchèrent leur tension. Puis, à l'adresse de Martha Robbins :

    -Major Canton Adams, commandant d'escouade de l'Hégémonie. Voici les soldats Ravert, Jung et Moore, et les caporaux Jones et Velázquez.

    -Nous nous sommes déjà rencontrés...admit Martha, tandis que Velázquez se fendait d'une gracieuse révérence et que Samantha laissait échappé un petit sourire gêné.

    -Maman !

    Cette fois-ci, le caporal Jones ne retint pas Lucie, qui courut à travers les soldats pour venir se jeter dans les bras de sa mère. Martha s'agenouilla pour mieux la serrer fort contre elle, leurs boucles blondes se mêlant les une aux autres. Mère et filles restèrent de longues secondes ainsi, profitant de leurs retrouvailles. Martha était peut-être habituée à ce que la fillette disparaisse plusieurs heures pour le simple plaisir de l'exploration et de la découverte, mais cela ne comportait aucun accident de train d'habitude, et elle réalisait enfin à quel point elle avait été inquiète. Elle raffermit sa prise et déposa un baiser sonore sur le front de l'enfant, avant de se décoller d'elle à contrecœur, les mains posées sur ses épaules. Se composant l'air le plus grave dont elle était capable étant donné les circonstances, Martha planta son regard dans celui de sa fille :

    -Ne me refais plus jamais une peur pareille ! Je sais que tu ne peux pas t'empêcher de partir l'aventure, mais préviens moi avant, au moins ! Que je sache où tu es !

    -Mais mamaaan, monsieur Travers nous avait dit qu'on pouvait se balader dans le train et qu'on ne risquait rien, et on m'a dit qu'il y avait des poulets, et...

    -Tu n'a pas à écouter ce crétin de monsieur Travers, tu dois m'écouter moi. Et dorénavant, je ne veux plus te voir filer n'importe où, c'est bien compris ? Qui sait ce qui pourrait encore se passer pendant que nous sommes bloqués ici ?

    En disant cela, Martha songeait surtout à la théorie de Marsters, comme quoi quelqu'un à bord du train était responsable pour le choc ; et si c'était vrai, elle n'avait aucune envie que sa fille tombe sur cette personne. Elle était bien décidée à ne plus la quitter des yeux.

    -D'accord, j'ai compris, répondit Lucie, un peu penaude.

    -Alors nous sommes d'accord, toutes les deux. Et je suis content de te revoir.

    Martha retrouva le sourire, et passa une main dans les cheveux de Lucie. Dégageant quelques mèches, elle repéra le pansements que sa fille avait sur le front :

    -Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

    -Elle s'est cognée pendant l'arrêt forcé, des plaies et des bosses. Le soldat Jung a examiné la coupure qu'elle s'est faite au front, rien de grave. C'est notre médic. Nous sommes tombés sur Lucie quelques wagons plus loin, quand nous étions en train de remonter vers vous et les autres passagers. Vous avez une petite fille très courageuse.

    Martha sembla pour la première fois réellement remarquer la présence de Canton, et elle se redressa avec habileté, tenant toujours Lucie contre elle. Elle se rappelait du regard bleu du major, qu'elle avait entraperçu sur le quai il y a plusieurs heures de cela, avant de monter dans le train, quand il était venu rappeler Jones et Velázquez à l'ordre. Et comme sa fille avant elle, elle fut frappée par la force bouillonnante qui émanait de l'homme, derrière une surface mesurée toute en angles droits. Et Martha Robbins, qui n'était pas femme à accorder facilement sa confiance à qui que ce soit, se sentait pourtant un peu plus en sécurité maintenant que le major était dans les parages. Le major et ses hommes, bien sûr. Elle et lui prirent quelques secondes de plus pour se jauger mutuellement, afin de savoir à qui ils avaient réellement affaire, et ils décidèrent qu'ils en étaient satisfaits. Ce fut Ken Marsters qui rompit le silence, se raclant la gorge avant de s'avancer à son tour :

    -Vous avez un médic, c'est une bonne nouvelle ! Une passagère s'est blessée à la jambe, une vieille dame.

    -Il est temps de nous remettre en route, alors. Sungmin pourra s'occuper d'elle. Moore, vous resterez ici, en arrière-garde.

    -Bien major.

    -Ravert, Jung, vous prenez les devants, nous suivrons.

    Les deux homme saluèrent et partirent les premiers, tandis que les soldats et les civils restants se rassemblaient.

    -Merci de l'avoir trouvée, dit Martha à l'adresse d'Adams, tenant toujours Lucie contre elle.

    -C'est le caporale Velázquez qui l'a repérée.

    -Merci, caporal.

    -Mais de rien, très chère ! Velázquez rayonnait, un sourire éclatant sur le visage, et il allait ajouter quelque chose avant qu'un rapide coup de coude dans les côtes de la part de Sam Jones ne l'en empêche.

    -En route, lança le major, tandis qu'un peu plus loin en avant, Sungmin Jung et Paul Ravert arrêtèrent la course, armes en avant, d'un Arthur Kent étonné :

    -Euh... J'imagine qu'il n'y a plus besoin de ça? fit l'écrivain, sans trop savoir où se mettre, brandissant piteusement la carte d'Ed Travers.

  • Lucie 24

    Pas de post hier, mais parfois on n'a tout simplement pas le temps! Mais je reprends aujourd'hui, avec une nouvelle page! Tant que je suis capable de m'y remettre, je pense que ce n'est pas trop grave s'il m'arrive de passer une journée sans écrire. En fait, je me dis que le fait d'arriver à m'y remettre même après une pause, c'est plutôt bon signe.^^

     

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    Quelques gloussements agitèrent les soldats, et même le grognon Stuart Moore ne put s'empêcher de sourire. Velázquez faisait de son mieux pour afficher l'air le plus indigné dont il était capable, tout en réussissant à ne rien perdre de sa superbe. Samantha Jones était celle qui avait ri le plus franchement, et elle échangea un regard complice avec Lucie. La fillette se sentait à l'aise en compagnie de l'escouade, et elle était même plutôt ravie d'être tombée sur eux après le choc. Elle se sentait en sécurité avec eux, et le major Adams avait confirmé la promesse que le caporal Velázquez avait fait à la gamine quand il l'avait trouvée, à savoir qu'ils la ramèneraient à sa mère quoi qu'il arrive. Elle n'avait jamais rencontré de soldats avant eux, mais ils ne lui faisaient pas l'impression de redoutables guerriers à l'air sérieux et au maintien raide. ^4Mais elle sentait le professionnalisme dans chacun de leurs gestes, et ils étaient capables de passer de la décontraction la plus totale à un état d'alerte de rigueur en un instant, comme actionnés par un interrupteur. Si l'Hégémonie n'avait aucune présence étrange à craindre ni aucune guerre à mener, elle n'en prenait pas moins le maintien et l'entraînement de ses troupes au sérieux. Ces dernières étaient l'héritage d'une longue tradition débutée bien avant l'arrivée des colons sur Éclat, et elles étaient la représentation de la force et de la stabilité du gouvernement. Et si les soldats patrouillaient rarement dans les rues des complexes et n'intervenaient en public que lors d'événements particuliers comme l'effondrement de la zone sud, ils n'étaient pas moins la cible d'un respect certain. Lucie, elle, n'en avait que très peu croisés, une fois ou l'autre lorsque sa mère et elle s'étaient éloignées de leur vieux quartier -notamment le jour où elles étaient allées retirer leurs sauf-conduits pour Haven- ou au détour d'une retransmission d'une quelconque cérémonie officielle.

    Tandis qu'elle les observaient accomplir leur tâche, à savoir progresser vers l'avant du train, Lucie se demandait pourquoi tous ces soldats armés étaient en route pour Haven. Elle n'avait jamais vu autant de personnes ainsi équipées, et ils auraient aussi bien pu représenter une petite armée à ses yeux. De ce qu'elle savait, les militaires étaient censés protéger le peuple, et elle était curieuse de savoir de quoi Haven avait besoin d'être protégé. Toutes les implications qui en découlaient échappaient à la fillette, et ses questions n'étaient que l’œuvre de sa curiosité, aussi n'osait-elle pas les poser directement à l'un ou l'autre soldat. Et puis elle était bien contente de les savoir à bord ; maintenant que le choc de l'accident était passé, elle se sentait bien rassurée en leur compagnie. Il lui suffisait de percevoir la force tranquille qui émanait du major Adams pour se dire que rien ne pourrait lui arriver tant que lui et ses hommes seraient dans les parages.

    -Tu as faim ?

    Samantha Jones s'assit à côté de Lucie, faisant glisser la lanière de son fusils par-dessus son épaule pour poser l'arme à plat sur le sol, devant elle. Elle sortit quelque chose d'une des poches de sa combinaison et en déchira l'emballage pour dévoiler une barre énergétique à base de céréales. Elle la tendit à Lucie, qui l'accepta de bon cœur ; elle n'avait rien mangé depuis le matin avant l'embarquement à la Grande Gare, et cela faisait un petit moment que son estomac gargouillait, criant famine.

    -Merci.

    Elle mordit à pleines dents dans l'aliment qui n'avait aucun goût particulier, mais qui lui parut délicieux malgré tout. Elle se mit à le mâcher avec diligence, en appréciant la robuste consistance. Elle avala avec délice sa première morse, et attaque de plus belle, sous l’œil amusé du caporal Jones.

    -Et bien, on dirait que ça te plaît. Ça doit être parce que tu n'en a as pas encore l'habitude... Crois moi, ces rations perdent vite de leur charme. La femme tordit son visage en une grimace volontairement comique ; elle n'était sans doute pas considérée comme réellement belle, mais il se dégageait de ses traits quelque chose d'assez doux et délicat pour 1a rendre attirante, d'une certaine façon. Elle invitant à la confidence, et Lucie avait l'impression d'être en compagnie d'une vieille amie, un peu comme une tante qu'elle n'avait jamais eue.

    -Est-ce que le caporal Velázquez est toujours... aussi comme ça ? s'enquit la jeune fille, qui voyait bien que Samantha ne pouvait s'empêcher de régulièrement observer l'élégant caporal. Pour l'instant, il devisait calmement et à voix basse avec le major Adams.

    -Hein ? Samantha Jones parut surprise, et Lucie crut la voir rougir, avant qu'elle ne se reprenne. Oh, oui. On s'y habitue, crois moi...

    Lucie eut l'impression que la femme voulait ajouter quelque chose mais qu'elle n'osait pas aller jusqu'au bout de sa pensée, comme si elle se demandait si c'était là quelque chose de raisonnable. Elle à Lucie la manière dont beaucoup d'hommes s'étaient comportés avec sa mère, Arthur Kent compris.

    -Vous l'aimez bien ?

    Samantha Jones, pourtant une militaire d'élite entraînée aussi bien que n'importe lequel de ses camarades, fut à nouveau déstabilisée par cette petite fille sortie de nulle part. Sa bouche s'ouvrit une fois, puis deux, sans qu'aucun son n'en sorte. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle pourrait bien répondre à ça, et le réalisait n'arrangeait pas beaucoup la situation. Et avant qu'elle ne puisse reprendre ses esprits, un éclat de voix triomphant retentit dans le wagon, et elle tourna la tête vers sa source, soulagée.

    -C'est parti!

    Paul Ravert contemplait triomphalement la porte, et un léger bourdonnement pouvait se faire entendre là où il avait pu faire repartir le courant. Sungmin lui donna une joyeuse tape sur l'épaule, et Adams hocha la tête :

    -Bon travail, Paul.

    -Ça ne va pas durer, juste le temps de déverrouiller manuellement le système de fermeture. Mais une fois fait, plus besoin de courant pour passer.

    -Alors allez-y, ouvrez la !p

    -Bien major !

    Ravert s'exécuta, un déclic se fit entendre et le courant mourut peu après. Mais la dérivation avait fait son office, et le soldat put faire coulisser la porte sur le côté, ouvrant le passage et révélant les visages étonnés de Martha Robbins et Kenneth Marsters.