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  • Lucie 17

    Bon, aujourd'hui, je n'ai pas vraiment la tête à l'écriture, mais une page minimum, c'est une page minimum!^^

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    -Toujours rien. Daniel Grümman actionna pour la énième fois le même interrupteur, qui cliqueta sans produire d'autre effet. Il s'y attendait, mais il ne pouvait s'empêcher de le tester régulièrement. Fermant le poing, il donna un coup violent sur le tableau de bord suivant la technique ancestrale qu'il appliquait avec diligence depuis plus de vingt ans, mais rien n'y fit.

    -Les commandes des circuits ne répondent plus, on n'a plus aucun contrôle sur les systèmes principaux, le pilotage automatique est mort... Qu'est-ce qui s'est passé nom de dieu ?

    Stan Detroit, lui, croyait au fait de répéter sans arrête la même question, des fois que la réponse finirait par surgir toute seule. Le jeune conducteur dégingandé faisant les cents pas dans l'habitacle, se passant une main nerveuse sur le visage. Il ne comprenait pas comme son superviseur pouvait rester aussi calme. Grümman avait à peine poussé un juron quand le train s'était brusquement arrêté et que le choc avait manqué les faire s'écraser sur leurs commandes, avant de vérifier sans se presser leur intégralité.

    -Aucune idée. C'est comme si tout était grippé, et que ça avait fini par se bloquer d'un coup. Pourtant, tout a été révisé avant de partir. Et les dernières données des senseurs n'ont indiqué aucun obstacle, ni aucun souci au niveau des rails. Et on n'y est pour rien. Ça m'était jamais arrivé un truc pareil !

    -Et ça ne vous inquiète pas plus que ça ?

    -A quoi bon ? On est bloqués, on est bloqués. Même si j'aimerais bien savoir pourquoi... Mais les passagers ont l'air d'aller bien, c'est déjà ça.

    Il tapota de deux doigts l'écran de surveillance, qui tremblotait mais continuait d'émettre.

    -A part la pauvre femme qui est tombée sur sa jambe... On devrait pouvoir faire quelque chose !

    Le jeune homme alla s'arc-bouter contre la porte, bandant ses muscles secs pour essayer de l'ouvrir. Elle ne bougea pas d'un pouce, totalement bloquée elle aussi.

    -Si même les portes s'y mettent, c'est un problème centralisé, je me demande si quelqu'un a tempéré avec les circuits...

    -Comment ça ? Pourquoi est-ce quelqu'un s'amuserait à... ?

    -Voilà une sacrée bonne question. Et qui commence à m'inquiéter. Et Travers est injoignable, ce crétin a dû bousiller sa radio...

    Grümman se renfonça dans son fauteuil, les mains en cloche sous son menton, pondérant ses options. Il aimait prendre le temps de réfléchir, et prenait toujours soin d'éviter toute précipitation. Quelque chose n'allait pas avec le train -son train!- et il ne pouvait pas trouver quoi. Et ce n'était pas normal. Et quoi qu'il soit arrivé, il y avait de fortes chances pour que quelqu'un à bord s'en soit mêlé. Mais qui, et dans quel but ? Il se demanda si cela avait quelque chose à voir avec la présence des soldats de l'Hégémonie à bord. Ce n'était pas la première escouade qu'elle envoyait à Haven, mais les transferts étaient plus réguliers depuis quelques temps. Grümman ne s'en était jamais inquiété jusque là, mais...

    -Ça suffit. Il faut que j'aille voir. Peut-être qu'on peut relancer des systèmes manuellement, déclara Stan Detroit, tirant le conducteur de ses pensées.

    -Et la porte ?

    -Je vais sortir.

    Le jeune homme se dirigea vers un grand placard métallique, et mit quelques instants avant de trouver la bonne clef pour l'ouvrir. C'était la première fois qu'il allait le faire, et il n'était pas sûr que ce soit une bonne idée, mais c'était la seule qu'il avait et, contrairement à son collègue, il ne supportait pas l'inaction. A l'intérieur, deux panoplies de vêtements d'extérieur étaient visibles. Il n'en avait jamais enfilée en-dehors d'un entraînement, mais il se saisit d'un ensemble, essayant d'afficher l'air le plus décidé dont il était capable. Grümman haussa un sourcil, sceptique :

    -Tu es sûr petit ? Même moi, je ne l'ai jamais fait. Je n'en ai jamais eu besoin, et j'en remercie le ciel.

    -Le sas a bien été fait pour ce genre de situation !

    -On n'a jamais eu ce genre de situation avant...

    Stan Detroit ne répondit pas, occupé à enfiler le survêtement synthétique par-dessus les habits qu'il portait déjà. Puis ce fut le tour d'un gilet isolant, d'un pull fin mais étudié pour retenir la chaleur, puis d'un énorme anorak doublé de fourrure, de deux jeux de pantalons épais, d'une paire de bottes hermétiques, d'une capuche, d'un passe-montagne et d'une épaisse visière conçue pour diminuer l'intensité lumineuse qui régnait à la surface. Ses mains enfilées dans des gants qui rendaient ses mouvements maladroits, le jeune homme se saisit d'une lourde trousse à outils entreposée sous le tableau de bord, et d'une radio dont il donna le double à Grümman :

    -J'appellerai dès que je serai à nouveau à l'intérieur. Si le choc n'a pas bloqué les sas, je ne devrais pas avoir plus d'une cinquantaine de mètres à parcourir dehors.

    -Sur Éclat, c'est cinquante mètres de trop, si tu veux mon avis...

    -Il faut bien que je fasse quelque chose. Vous m'avez bien formé.

    Stan donna une tape affectueuse sur l'épaule de son supérieur, qui lui serra le poignet en retour :

    -J'vais pas pouvoir t'en empêcher, j'vois ça. Je reste aux commandes ici, à deux, on va bien trouver quoi faire. Bonne chance petit, fais gaffe à toi !

    -J'ferai de mon mieux. Je rentre et je sors, c'est tout.

    -Tu rentres et tu sors. Ne reste pas bloqué là-dehors.

    Le jeune homme sourit derrière sa cagoule, puis tâtonna contre une cloison jusqu'à ce qu'il se saisisse des commandes du sas d'urgence, que Grümman ne se rappelait même pas avoir utilisé autrement qu'en exercice, à l'abri de la garde d'un complexe. Le conducteur se drapa dans sa grosse veste et se mit une couverture sur les épaules, se préparant au froid glacial qui allait surgir quand Stan aurait ouvert le sas. Le garçon finit par y arriver après quelques tâtonnements maladroits et le froid et le vent s'engouffrèrent aussitôt dans l'habitacle, suivis d'une lumière éclatante qui força Grümman à fermer les yeux. Quand il les rouvrit, Stan Detroit était sorti, et avait refermé le sas derrière lui. Daniel Grümman s'enveloppa plus encore dans sa couverture, frissonnant plus que de raison. L'air absent, soucieux, il fit à nouveau cliqueter le même interrupteur.

     

  • Lucie 16

    Bon, je n'ai pas vraiment la tête à l'écriture aujourd'hui, mais une page minimum, c'est une page minimum, pour le moment je m'y tiens!^^

     

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    -Comment ça, vous ne pouvez pas savoir où elle est ? Mais vous vous foutez de moi !

    Martha Robbins avait saisi le col de Ed Travers avec fureur et, malgré sa frêle stature, elle réussit à le plaquer contre la porte arrière du wagon. Les cheveux défaits, son visage pâle rouge de fureur, ses yeux bleus lançant des éclairs, elle était une vision impressionnante et Travers n'en menait pas large. Il avait perdu sa casquette, ses lunettes étaient de travers sur son nez, et la cravate de son uniforme pendait piteusement dans le vide. Il cligna des yeux, étourdi, cherchant quoi répondre ; debout lors du choc, il était tombé par terre et s'était cogné la tête.

    -Je ne peux pas...finit-il par réussir à dire. Je ne peux pas le savoir, parce qu'il faudrait relancer toutes les caméras. Il n'y avait que celle de ce wagon qui a été mise en marche lors du départ, et pour brancher les autres, il faut avoir accès au tableau de bord. Sauf que la porte avant de notre wagon, celle qui nous mènerait dans la bonne direction, est visiblement bloquée, je ne peux rien faire !

    -Une minute, intervint un autre passager. Vous voulez dire que vous nous espionniez ?

    Travers leva les yeux au ciel, comme exaspéré par l'attitude ridicule de ces passagers :

    -Nous n'espionnons personne, c'est uniquement pour pouvoir facilement vérifier que vous n'expérimentez aucun problème en cours de route ! Et c'est la seule que nous laissons tourner tout du long, parce que nous n'aimons pas rediriger du courant là où il n'est pas absolument nécessaire !

    -Ca on s'en fout ! Dites moi comment retrouver ma fille ! Je l'ai laissée partir explorer cet engin parce que vous m'avez assuré que c'était parfaitement sûr !

    -Mais c'est parfaitement bon sûr, bon sang ! Elle ne risque rien ! On ne transporte que des marchandises sous scellés, et rien de dangereux, ce n'est pas comme si on convoyait des mines ou des piranhas !

    -Parce que ça vous semble sûr tout ça, à vous ! Le tenant toujours fermement, Martha se servit de son autre main pour indiquer à Travers l'étendue des dégâts.

    Ce n'était pas le chaos, pas encore, mais le spectacle parlait de lui-même. Lors du choc, plusieurs sièges parmi les plus vieux avait été comme déracinés et gisaient au milieu du couloir. Presque tous les compartiments situés sous le plafond s'était ouverts et des piles de bagages étaient éparpillés un peu partout ; leurs propriétaire commençaient à les rassembler et, fort heureusement, personne n'avait pris de valise sur la tête. Même une dame âgée revenait de l'avant et des toilettes qui s'y trouvaient au moment de l'arrêt forcé et elle avait été violemment projetée sur le sol. Sa jambe gauche était tordue selon un angle bizarre, et on craignait qu'elle ne soit cassée ; Ken Marsters, John Horst et un vieil homme qui devait être son mari étaient à ses côtés. Mis à part le bruit des conversation d'une dizaine de passagers à peine encore en état de choc, le silence se faisait entendre, et tous en étaient soulagé après l'horrible plainte métallique qui avait parcouru l'entier du train. Ce dernier ne bougeait plus non plus, immobile au milieu de nulle part, à la surface d’Éclat.

    Mais pour Martha Robbins, tout cela n'avait aucune importance parce que Lucie n'était pas là, et qu'elle ne pourrait pas penser à autre chose avant de l'avoir retrouvée. Elle jeta un regard méprisant à l'adresse de Ed Travers qui se trémoussait pathétiquement sous la poigne de la femme, comme une petite fouine prise au piège. Comprenait qu'elle n'allait rien en tirer elle le libéra, et l'homme entreprit de rectifier sa tenue, un air de fausse dignité blessée sur le visage. La porte devant laquelle ils se tenaient s'ouvrit et Arthur Kent rentra dans le wagon. Il n'avait pas été amoché par le choc ; ses cheveux étaient peut-être un peu plus en bataille encore, mais il était étonnamment alerte étant donné la situation et son caractère timide.

    -J'ai pu avancer un peu dans les wagons, mais je me suis vite retrouvé devant une porte fermée. Je ne pense pas qu'elle soit bloquée, plutôt verrouillée. Elle n'est pas du même modèle que les nôtres. Je me disais que monsieur Travers aurait peut-être la possibilité de l'ouvrir, avec une clef ou quelque chose de ce genre.

    -Vous pouvez faire ça ? lui demanda aussitôt Martha en se tournant brusquement vers l'intéressé, qui eut un mouvement de recul :

    -Peut-être. Je veux dire oui, j'ai un passe, je suis le responsable de ce voyage après tout !

    -Et ça nous a beaucoup servi jusque là : vous n'avez même pas pu contacter les opérateurs !

    -Je n'ai pas pu appeler Grümman parce que ma radio s'est cassée quand je suis tombé. Monsieur Marsters essaie de voir s'il peut la bidouiller pour la remettre en marche. Tant que ce n'est pas le cas, où que la porte avant n'est pas débloquée, je ne vois pas comment nous pourrions comprendre ce qu'il s'est passé, ni ce que nous pourrions y faire !

    -Moi je sais, déclara Martha, déterminée. Je vais aller chercher ma fille.

  • Lucie 15

    Hop, deux pages pour commencer la semaine!^^

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    Lucie arpentait un nouveau wagon, et se disait qu'il manquait sérieusement de poulets. Elle avait déjà progressé de deux voitures depuis sa rencontre avec le père Delgado, sans savoir que le chemin du retour lui était désormais interdit. Elle avait rencontré d'autres de ces grosses portes mais aucune ne lui avait posé de difficultés comme l'autre, comme si les responsables avaient jugé bon de ne verrouiller que la première afin de séparer les passagers du rester du convoi. Et c'était visiblement plus pour la formalité que pour une réelle question de sécurité. L’Hégémonie n'avait jamais vraiment après tout jamais beaucoup eu à se soucier de menace interne, et le trajet pour Haven n'était certainement pas reconnu comme un trajet à risque. Outre les passagers, ils transportait surtout du matériel et des ressources à destination de Haven, d'où il repartait chargé de de données et d'autres ressources. Quant aux gens, très peu d'entre eux faisaient la navette entre les deux complexes, hormis le personnel du train bien sûr. Et les poulets ne revenaient pas non plus.

    Bien décidée à trouver ce pourquoi elle était venue jusqu'ici, Lucie regardait attentivement entre les caisses de matériel et les conteneurs qui avaient remplacés les fauteuils des voitures destinées à transporter des passagers. Elle avait repéré de nombreux sacs et caisses, souvent plus grand qu'elle, portant la marque du Domaine et de l'Hégémonie, remplis sans doute de denrées récoltées dans les grands vergers souterrains. Mais nul animaux en vue, et un silence total, si ce n'était le bruit régulier et sourd du train en marche ; la fillette s'y était déjà habituée et ne le remarquait même plus, occultant machinalement son bruit de fond afin de rechercher des sons plus intéressants. Et comme elle était observatrice et qu'elle faisait attention aux détails, comme elle l'avait appris de sa mère, ce fut sans-doute pourquoi elle remarqua aussitôt quand quelque chose changea dans la manière dont se comportait le train. Il ne faisait plus tout à fait le même bruit, et ce dernier s'imposa à nouveaux aux oreilles de Lucie, qui se figea pour mieux écouter, debout au milieu du couloir entre deux rangées de lourdes caisses sanglées contre les cloisons. Les vibrations étaient différentes elles aussi, Lucie pouvait le sentir sous ses pieds, comme si quelque chose essayait de brider le train, l'empêchant de filer à pleine vitesse et qu'il ne s'en rendait pas compte. Elle pouvait même voir les caisses tressauter derrière leur lien, et elle poussa un petit cri quand l'une d'elle s'échappa, bascula en avant et s'écrasa sur le sol dans un vacarme impressionnant. Elle souleva un petit nuage de poussière et se mit à glisser doucement vers l'avant, timidement propulsée par les vibrations qui agitaient le sol. Lucie eut un moment de recul...et échappa par la même occasion à l'autre conteneurs qui venait de tomber là où elle se trouvait l'instant d'avant. D'autres ne tardèrent pas à suivre, leurs sangles trop lâches ne réussissant pas à les retenir tandis que le train tout entier donnait l'impression de se cabrer. Effrayée, Lucie bondit en avant, courant dans la direction contraire à celle dont elle était venue, réagissant à l'instinct tandis que des caisses métalliques à l'air lourd tombaient tout autour d'elle, s'écroulant comme un château de cartes maladroites et pesantes. La fillette bondit de côté, évitant de justesse un autre obstacle, mais se prit les pieds dans une sangle qui traînait par terre et s'écroula face contre terre, ses petites mains dirigées en avant faisant de leur mieux pour amortir le choc.

    Au même moment, le train fut secoué d'un tel tremblement que les cloisons s'inclinèrent dangereusement d'un côté puis de l'autre, comme si l'engin s'était mis vacillé. Le choc avait été redoutable, de la même manière que si le véhicule avait percuté quelque chose de plein fouet après avoir sans succès désespérément essayé de freiner, et les caisses furent projetées d'un côté à l'autre du wagon dans un assourdissant capharnaüm. Terrorisée, à plat ventre sur le sol, Lucie avait mit les main sur sa tête et avait juste pu ramper entre un mur et une caisse encore vaguement calée, ce qui l'empêcha d'être elle aussi projetée comme une poupée de chiffon. A la suite du choc un terrible grincement se fit entendre, comme une douloureuse plainte criée par l'acier lui-même, et Lucie se plaqua les mains sur les oreilles jusqu'à ce qu'elle s'éteigne enfin. Puis ce fut le silence, total, absolu. Le train ne bougeait plus.

    Lucie attendit de longues secondes -ou de longues minutes, elle était incapable de le dire- avant d'oser rouvrir les yeux et de s'aider de ses mains pour se redresser et s'asseoir contre une caisse renversée. Elle toussa, portant une main à sa bouche et vit que ses paumes étaient rouges et douloureuses, abîmées par sa chute. Elle avait aussi mal à la tête, et elle avait l'impression que cette dernière continuer de vibrer de manière ; elle avait les oreilles qui résonnaient très désagréablement. En repoussant une mèche de cheveux collée sur son front par la sueur et la poussière, elle vit qu'elle saignait un peu, et tâta l'entaille au-dessus de son œil droit. Elle réussit à ne pas paniquer pour si peu : dans son vieux quartier où elle jouait depuis toujours, elle était tombée plus d'une fois suite aux acrobaties les plus improbables, et ce n'était pas une égratignure qui allait lui faire peur. Mais elle resta assis un moment encore, car elle pouvait sentir ses jambes trembler sous elle, et elle restait secouée, se souvenant des caisses qui avaient failli l'écraser et de la plainte issue des entrailles métalliques du train, comme le cri d'agonie d'un puissant léviathan. Et quand ses pensées s'éclaircirent et que le choc commença à se dissiper, elle réalisa pleinement qu'elle était seule, loin de sa mère, dans un environnement soudain hostile et elle sentit les larmes monter à ses yeux. Elle ramena ses genoux, douloureux eux aussi, contre sa poitrine et les serra de ses bras frissonnants. Lucie resta là, prostrée, faisant de son mieux pour recouvrer son calme et ne pas pleure. Elle refusait de se laisser aller à pleurer, ce n'était pas la chose forte à faire, et elle était sûre que sa mère n'aurait même pas eu la moindre larme. Mais Lucie Robbins restait une petite fille, et elle trouvait cette condition de plus en plus difficile, surtout dans un moment pareil.

    Elle ne sut pas combien de temps elle resta là, entre deux caisses, assise par terre, mais elle releva la tête aussitôt qu'elle entendit un bruit sourd venu d'une des extrémités du wagon, celle vers laquelle elle avait dirigé sa course avant de tomber. La porte était à demi bloquée par un conteneur, mais elle s'entrouvrit néanmoins, en grinçant. Il y eut une brève pause et Lucie eut l'impression d'entre des voix étouffées en train de se concerter. Puis la porte recommença à s'ouvrir, lentement, poussant la caisse sur le sol jusqu'à ce que l'ouverture soit assez grande pour laisser passer au moins une personne. Un puissant trait de lumière fut le premier à traverser, balayant le wagon, passant sur les yeux de Lucie sans la voir ; la fillette fut éblouie, ses yeux étant toujours habitués au décor sombre du wagon éteint. Elle entendit d'autre voix sans les comprendre, ses oreilles continuant de bourdonner. Elle voulut appeler mais, sans trop savoir pourquoi, aucun son ne réussit à franchir ses lèvres.

    Pour finir, une silhouette se découpa dans la lumière, celle d'un homme mince qui se glissait dans l'ouverture de la porte en partie dégagée. C'était une ombre sombre qui se découpait dans la vive lueur de la lampe, et elle portait un objet long et étrange, et Lucie finit par s'apercevoir qu'il s'agissait d'un fusil. L'homme était armé. Il avança prudemment entre les caisses, se coulant entre les obstacles avec grâce et adresse, et Lucie ne sut pas si elle devait attirer ou non son attention. Mais elle finit par tousser, ne pouvant s'en empêcher, et la petite lampe montée sur le fusil de l'homme se tourna aussitôt vers la source du bruit, vers elle. Et si elle clignait encore des yeux pour s'habituer à la lumière, elle reconnut aussitôt l'homme grâce au timbre de velours de sa voix chantante :

    -Ça alors, mais c'est la petite demoiselle s'exclama le caporal André Ladislas Montauban Velázquez.