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  • Lucie 14

    C'est dimanche, mais ça continue quand même, y a pas d'raison!^^

     

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    -Je ne sais pas, disait Arthur Kent. J'imagine que c'est parce que je n'avais nulle part ailleurs où aller.

    -Je peux comprendre. Sur cette planète, nous n'avons pas vraiment le choix : le seul ailleurs qui existe, c'est Haven. Tout pour un nouveau départ, hein ?

    -Quelque chose comme ça, mon père.

    -Appelez moi John !

    -D'accord, John. C'est surtout... Vous ne vous êtes jamais dit que vous ne pouviez plus rien accomplir là d'où vous veniez, comme si vous étiez prisonnier du carcan de votre ancienne vie ?

    -Plus d'une fois. Comment est-ce que vous croyez que je suis devenu prêtre ?

    -Ce n'était pas, comment dit-on... par vocation ? intervint Kenneth Marsters, curieux.

    John Horst se permit un bref éclat de rire :

    -Grand dieu non, puisse-t-il me pardonner ! La religion doit se trouver, c'est comme cela qu'elle nous révèle. Les prêtres nés sont rares, mais nous en avons justement un ici, n'est-ce pas Diego ?

    Diego Delgado se contenta d'afficher un sourire passe-partout et se replongea dans la lecture du petit livre qu'il avait sorti à son retour dans le wagon, où personne n'avait commenté sur son absence.

    -Qu'est-ce qui vous a amené à porter le col blanc, alors ? S'enquit Arthur.

    -Bah, ça m'est tombé dessus, un beau jour. J'avais passé des années à vivre tout mon saoul, sautant d'une expérience à l'autre, d'une carrière à l'autre. J'ai vu tout ce que le complexe de notre Hégémonie pouvait m'offrir, et j'ai fini par trouvé cela trop petit. Je ne me plains pas de la manière dont sont gérées les choses, remarquez, nos vies ne sont pas trop difficiles, compte tenu des circonstances, mais j'ai ressenti le besoin d'aspirer à quelque chose de plus. Quelque chose qui va au-delà des piliers et des plafonds de béton et de roche, quelque chose qui va au-delà de la neige et du froid, dehors. Quelque chose qui va plus loin encore que l'espace et les mondes lointains dont nous sommes originaires. Je cherchais à un sens à tout ça.

    -Et vous avez trouvé dieu ? lança Ed Travers, sur un ton sarcastique qu'il ne put contenir.

    -Oh, je n'ai jamais eu besoin de le chercher. Disons plutôt que j'ai trouvé une manière de faire partie de ce quelque chose qui nous entoure, de m'y immerger, et de permettre à autrui d'en profiter. Voilà tout. Je ne me suis jamais considéré comme quelqu'un de bigot. Aujourd'hui, je ne suis qu'un vieil homme qui a toujours voulu voir le ciel. Et vous Arthur ? Comment était-elle ? Jolie, je suppose.

    -Hein ?

    Arthur Kent cligna des yeux plusieurs fois derrière ses lunettes, l'air stupéfait de l'animal pris dans les phares. Il avait la bouche à demi ouverte, qui s'agita sans qu'un son n'en sorte, et il passa une main dans ses épais cheveux en bataille, ce qui ne les arrangea guère. Enfin, après quelques essais, il réussit à faire sortir un son de sa gorge :

    -De quoi... Comment vous... ?

    -Comme je l'ai dit, je n'ai pas toujours été prêtre. Je sais à quoi ressemble un homme qui fuit de beaux yeux noirs quand j'en vois un !

    -Quoi ? Comment... Comment vous pouvez savoir la couleur de ses yeux ?

    -Ça, c'était une simple supposition de ma part. Les yeux noirs, donc, répondit John Horst avec un large sourire.

    -Oh.

    -Je ne cherchais pas à vous gêner -enfin si, un peu, je ne peux pas m'en empêcher, avec les gens, je suppose que c'est pourquoi mon clergé m'envoie Haven- mais cela me semblait si évident... Rien ne vous oblige à nous en parler.

    Gêné, Arthur tapota nerveusement la couverture de son carnet avec son stylo, glissant un regard en coin en direction de Martha Robbins, assise sur le siège à côté de lui. Elle ne suivait pas la conversation et, le menton dans une main, elle donnait l'impression d'observer rêveusement la lumière extérieure qui défilait derrière la vitre épaisse de la fenêtre. Ainsi, elle ressemblait plus que jamais à sa fille : ce même air volontaire et décidé même dans la réflexion la plus distraite, ce même regard clair et intense... Elle semblait détendue, également, et si elle donnait l'air de ne pas en avoir l'habitude, c'était ce qui la rendait d'autant plus belle. Avec un imperceptible soupir, Arthur Kent reporta son attention sur le prêtre et Ken Marsters :

    -J'imagine que non... Il y a... enfin, il y avait bien une femme. Je l'ai rencontrée il y a des années, elle avait obtenu une bourse à l'université du Domaine, et je partageais l'une de ses classes. J'ai toujours été timide, pas très à l'aise avec mes semblables, mais elle a réussi à me faire sortir de ma coquille. On est devenus proches, assez vite. On se disait tout. Ou presque, je ne lui ai jamais dit ce que j'en étais venu à ressentir pour elle. Je n'osais pas, je me disais que j'aurai tout le temps, que je ne voulais pas gâcher notre amitié, enfin bref, les conneries habituelles. Et puis bien sûr, un jour, elle a fini par rencontrer quelqu'un. Un professeur, un type très bien, qui lui apporte beaucoup. Leur relation n'est pas facile, mais ils travaillent dur pour qu'elle tienne le coup, et elle heureuse, du moins je la crois quand elle me le dit. Seulement, ça devenait difficile pour moi. Soit je finissais par m'exprimer, par lui dire ce que je ressentais, et je foutais le bordel dans sa vie, soit je continuais de me taire et de souffrir en silence, à être son ami. Alors j'ai choisi de ne pas choisir, et je suis parti.

    Arthur se tut ensuite, un pauvre sourire sur les lèvres. Parler de tout cela ne s'était pas avéré aussi difficile qu'il l'aurait cru, mais ça ne manqua pas de le confronter à de nombreux souvenirs. Marsters et le père Horst échangèrent un bref regard de connivence, comme s'ils ne pouvaient que comprendre, mais ce fut Martha Robbins qui prit la parole :

    -C'était idiot de votre part. Et plutôt lâche.

    Interdit, Arthur Kent ne sut quoi répondre, se contentant de cligner des yeux à nouveau.

    -D'accord, elle ne semblait pas partager vos sentiments, et elle avait trouvé l'homme avec qui elle voulait tout faire pour partager sa vie, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'avait pas besoin de vous. Vous vous dites son ami malgré tout, et vous finissez par fuir. Par la laisser tomber.

    -Je... Arthur se mit à balbutier. Je...je n'avais pas vu les choses sous cet angle.

    -Vous ne voyez jamais les choses sous cet angle. Ma fois, ce qui est fait est fait.

    Elle s'interrompit et regarda autour d'elle, l'air contrarié, tandis qu'Arthur cherchait désespérément quelque chose à répondre et que Ed Travers laissait échapper un ricanement moqueur, mais elle reprit avant lui, focalisée entièrement sur autre chose :

    -Est-ce que quelqu'un a vu Lucie ?

  • Lucie 13

    Hop, les quelques mots du jour sont là!^^

     

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    S'il avait été surpris, le jeune homme ne le montra pas. Il se tenait droit et immobile, ce qui le faisait paraître plus grand qu'il ne l'était, et son visage était parfaitement neutre. Mais son regard était intense tandis qu'il scrutait la fillette, comme s'il essayait de regarder à travers son crâne. Lucie ne broncha pas, refusant de se laisser impressionner, un air de défi sur son petit visage décidé.

    -Que fais-tu là ? Demanda-t-il, le premier à prendre la parole. Il n'y avait nul reproche dans sa voix calme, seulement un soupçon de réelle curiosité.

    -J'explore. J'en avais marre de rester assise à rien faire.

    -Tu es franche, c'est bien.

    -Et vous, qu'est-ce que vous faites là ?

    -Et directe.

    Diego Delgado se permit un de ses rares sourires, et Lucie se dit qu'il avait un air plus doux qu'on ne pouvait le croire.

    -J'avais besoin de me dégourdir les jambes, je n'aime pas non plus rester assis à ne rien faire.

    Lucie hocha la tête, c'était une explication qui se tenait. Delgado continua :

    -Et puis j'étais curieux d'en voir plus, ce train est drôlement impressionnant. C'est fou de se dire qu'il est aussi vieux, et toujours aussi efficace. Nos ancêtres ont réalisé de grandes choses.

    -Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi gros ! Les trains du complexe sont tout petit !

    -Il te manque, le complexe ? D'où tu venais ?

    -Un peu. Il y avait toujours des trucs chouettes à faire. C'était chez moi.

    Une lueur mélancolique dansa brièvement dans les yeux du prêtre :

    -Je comprends. C'est dur de quitter la maison.

    -Vous n'aviez pas envie de partir ?

    -Personne n'a jamais vraiment envie de partir, mais quand on appartient à quelque chose de plus grand, on n'a pas vraiment le choix. Ma maison va me manquer, mais je sais que quelque part, je la garde toujours avec moi.

    -Oh. C'est normal, je suppose. Je pense que je fais un peu pareil. Tant que maman et moi restons ensemble, surtout.

    -Et ton père ?

    -Je ne l'ai jamais beaucoup vu. Maman n'aime pas que je parle de lui. Je crois que c'est surtout à cause de ça qu'elle est aussi contente d'aller à Haven.

    -On fuit tous quelque chose. J'espère que tout se passera bien, pour vous deux, là-bas.

    -Vous n'aimez pas Haven.

    -Non, pas vraiment. Je suppose que je ne m'en suis pas caché, hein ?

    -Pourquoi ?

    -Parce que je ne pense pas que tout ce qu'on y prépare est une bonne chose, pour l'Hégémonie d'une part, mais surtout pour l'humanité en général. Les rêves de surface qui ont cours sont dangereux ; nous ne sommes pas faits pour marcher sous ce ciel.

    Lucie lui aurait normalement demandé pourquoi mais, à la place, elle lui dit autre chose, quelque chose qu'elle n'avait jamais dit à personne hormis sa mère :

    -Je fais souvent des rêves. Sur la surface.

    -Beaucoup de monde en rêvent, j'imagine. Le prêtre gardait un ton détaché, mais Lucie pouvait néanmoins sentir qu'il était intrigué, et qu'il avait de la peine à le cacher malgré la maîtrise de soi dont il avait fait preuve jusqu'à présent.

    -Peut-être. Mais pas comme moi, pas tous. Lucie avait dit ça sans arrogance ; c'était quelque chose qu'elle savait, voilà tout.

    -Ah bon ?

    -C'est comme si j'étais réveillée pendant que je rêve. Je suis dehors, je marche dans la neige, et si je

    sais qu'il fait très froid, je n'ai même pas besoin de manteau. Et quand je regarde en l'air, je vois un ciel, plus grande que tous les plafonds ! Et c'est le bleu le plus beau que j'ai jamais vu. Le bleu, c'est ma couleur préférée, en plus. Alors je continue de marcher, tout devient de plus en plus bleu, et je sais que je dois arriver quelque part, et quand j'y arrive... Ben, je me réveille. Et j'ai encore du bleu dans la tête, mais je me sens bien. Ça ne me fait pas peur !

    Elle releva un menton volontaire pour appuyer son propos et attendit de voir comment allait réagir le père Delgado. Quand elle mentionnait ses rêves à sa mère, cette dernière l'écoutait avec attention mais se contentait de dire que ce n'étaient là que des rêves ; et si Martha en était parfois un peu troublée, elle n'avait jamais pu expliquer pourquoi à sa fille. Lucie ne savait pas trop pourquoi elle avait soudainement décidé de se confier au prêtre, cet inconnu ; peut-être était-ce parce qu'elle l'avait entendu parler du bleu dans le wagon des passagers, plus tôt, et qu'elle espérait qu'il pourrait lui expliquer de quoi il s'agissait. Il s'était montré attentif, en tout cas, et elle avait vu tressauter une ou deux fois, comme s'il luttait contre un tic nerveux. Il faisait tout pour ne pas le montrer, mais la fillette pouvait sentir que le récit de ses rêves l'avait troublé. Ses yeux regardaient au-delà de Lucie, fixés sur un but invisible. Tout cela dura à peine une seconde, et il souriait à nouveau, calme et doux.

    -Certaines personnes font des rêves qui sont importants, mais aussi dangereux. Fais en sorte que ça reste uniquement ceci : que des rêves. C'est un conseil que je te donne, pour ton propre bien, tu comprends ?

    Encore une fois, elle hocha la tête.

    -Bien. Ne l'oublie pas. Et n'en parle pas à n'importe qui, certains n'aiment pas ce genre d'histoires. Comme animé d'une énergie nouvelle, le prêtre frappa ses mains l'une contre l'autre : Allez, inutile d'être aussi sérieux ! Tu sais quoi ? J'ai cru voir qu'ils transportaient des poulets d'élevage issus du Domaine, sans doute pour les implanter à Haven.

    -C'est vrai ? Le questionna Lucie, les yeux ronds. Si elle en avait déjà mangé, elle n'avait jamais vu de poulet vivant, et se demandait si ce serait comme le vieux perroquet qu'elle avait vu lors de la sortie de classe ; c'était aussi des oiseaux, après tout !

    -Il me semble, oui. Ce train transporte énormément de marchandises entre les deux complexes, on y trouve toutes sortes de choses intéressantes. Si j'étais toi, j'irai y jeter un œil ! Je dirai à ta mère qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

    -Super !

    Lucie sourit, laissant l'excitation la gagner à nouveau, et le prêtre s'avança pour la laisser passer. La fillette passa la porte après un dernier merci radieux adressé à l'intention de l'homme, et elle fila vers l'arrière du train sans un regard en arrière. Diego Delgado la regarda un long moment, l'air pensif, comme s'il hésitait entre deux choses à faire, puis referma la lourde porte derrière elle. Et la verrouilla. Puis, l'air de rien, il reprit le chemin du wagon occupé par les passagers avant que son absence ne soit par trop remarquée.

  • Lucie 12

    Pas grand chose, juste une pageounette, mais je suis bien content d'arriver à m'en tenir à ce minimum! Ca fait longtemps que ça n'avait pas duré aussi longtemps! ^^

     

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    La nouvelle voiture où elle venait d'entrer n'avait rien d'extraordinaire : il s'agissait du même modèle que la précédente, destinée à transporter des passagers sur les rangées de sièges épais disposés des deux côtés du couloir. N'accueillant personne ce voyage-ci, elle était plongée dans la pénombre, et la fenêtre qu'elle possédait elle aussi était recouverte d'un store complètement opaque. Lucie avança d'un pas tranquille, ses petites mains frôlant ici ou là le contour d'un fauteuil tandis qu'elle se demandait qui avaient bien pu être tous les citoyens de l'Hégémonie qui avaient pris ce train avant elle. Qu'est-ce qui avait bien pu les pousser à partir, à quitter leur foyer pour aller en chercher un autre à Haven ? Elle était assez grande pour avoir compris que, la plupart du temps, les adultes devaient s'y rendre parce que leur travail l'exigeait, comme pour les pères Horst et Delgado ou Kenneth Marsters. Mais elle ne connaissait pas beaucoup de monde comme sa mère et elle, prêtes à tout pour quitter leur complexe et changer de vie. Martha Robbins avait travaillé dur, elle avait travaillé longtemps et elle avait tout fait pour leur permettre de partir. Et si Lucie était ravie d'un tel voyage malgré le pincement au cœur qu'elle ressentait à l'idée de quitter son univers, elle ne savait toujours pas pourquoi c'était aussi important pour sa mère. Tout ce qu'elle savait, c'était que cette femme au caractère bien trempé et au bon sens sur lequel on aurait pu tordre des barres d'acier lui avait paru plus d'une fois presque inquiète, et qu'elle ne l'avait jamais vue aussi soulagée que le jour où elles avaient reçu leur sauf-conduit pour Haven. L'humeur de Martha s'était considérablement améliorée depuis, et Lucie se rappelait du soulagement qu'elle avait ressenti chez sa mère ce jour-là. C'était comme si le poids d'un énorme souci invisible s'était envolé de ses épaules pour lui permettre de sourire à nouveau, de ce beau sourire que Lucie connaissait depuis sa naissance. Quand elle avait demandé, curieuse, pourquoi elles devaient partir, Martha s'était contentée de la prendre dans ses bras en lui expliquant que c'était pour leur permettre de vivre pleinement sans rien pour les retenir en arrière. La fillette s'en était contentée, estimant que c'était là une explication typiquement maternelle qui ferait l'affaire. Et puis elle avait laissé l'excitation du voyage et de la découverte la gagner, et elle ne s'était plus posée la question. Mais maintenant qu'elle était en route, elle commençait à nouveau à réfléchir à la suite. Comme ce qui les attendait à Haven. Lucie aurait une école, là-bas, et on lui avait dit que l'enseignement de Haven était le plus diversifié de toute l'Hégémonie, et qu'elle pourrait apprendre tout ce qu'elle voudra. Sa mère aurait un travail, là-bas, elle aussi. Quelque chose dans l'administration, Lucie ne savait pas vraiment quoi ; elle savait juste qu'ils avaient de la chance d'avoir quelqu'un comme Martha Robbins, capable de garder les pieds sur terre en toutes circonstances. Elle se demandait aussi qui ils allaient bien rencontrer, maintenant que tous ceux qu'elles avaient connu faisaient partie de leur passé. En tout cas, elle aimait bien le père Horst, et Arthur Kent était gentil, il la faisait rire sans faire exprès. Elle voyait aussi comment il ne pouvait s'empêcher de regarder sa mère par moment, comme beaucoup d'hommes l'avaient déjà fait. Mais si Martha avait toujours préféré resté seule, sa fille espérait que maintenant qu'elle était enfin si détendue, elle ne le resterait pas toute sa vie. Et elle méritait quelqu'un de gentil. Par contre, il n'y avait pas d'autres enfants dans le train, et si Lucie s'était toujours sentie à l'aise entourée d'adultes, elle espérait se trouver des camarades de jeu une fois à destination, pour partager des histoires comme elle l'avait fait avec ceux de son vieux quartier, dans les ruelles étroites entre les murs gris. Elle fut tirée de ses réflexions quand elle atteignit l'autre bout du wagon et se retrouva face à une nouvelle porte. Elle était légèrement différente des autres, et donnait l'impression d'être plus solide, plus épaisse. Le système d'ouverture n'était pas semblable lui non plus, grosse poignée en métal que Lucie dût prendre à deux mains pour la faire bouger. Elle la tourna dans un sens et dans l'autre, la tira vers elle, mais sans effet. Elle essaya de pousser, sans trop y croire, et abandonna, un peu déçue. Elle resta là à la contempler avec un regard noir qui ressemblait énormément à celui de sa mère, et se demandait s'il elle allait devoir faire demi-tour quand la poignée se mit à jouer toute seule. Lucie sursauta, surprise, et resta figée, petite silhouette dans l'encadrement de la porte qui s'ouvrait avec un grincement sonore, révélant la figure pâle du père Delgado.