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  • Wash, rinse, repeat

    Pas de "Lucie" ni d'historiette aujourd'hui, mais une note purement bloggique qui permet d'évacuer les doutes et d'asseoir sa déttermination. Une sorte de purge et ça fait toujours du bien!

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    Il y a des jours où vous vous dites que la vie, ça devrait être aussi simple qu'une lessive. Cette pensée vous est venue, comme un lapin sortant de son terrier, tandis que vous étiez justement en train de la faire, votre lessive. Et si tout cela n'a finalement guère de rapport avec le lapin -vous étiez d'humeur champêtre côté comparaisons- il reste que vous aimeriez bien balancer tous les aspects qui habillent votre vie dans le tambour de la machine, avec un brin d'adoucissant et, surtout, un produit détachant du tonnerre. Qu'il serait agréable de laver à grandes eaux jusqu'aux moindres recoins de votre âme, et de renfiler votre peau après un tel décrassage. Tout ce qui vous affligeait serait nettoyé, tout ce qui bavait sur la couleur éclatante de vos perspectives d'avenir serait éliminé, et tout ce qui raidissait et alourdissait les plis de vos soucis serait adouci. Que vous vous sentiriez léger alors, à renfiler votre vie sur le dos, propre comme un sou neuf ! Et vous sentiriez bon, baigné d'une douceur et d'une fraîcheur bienvenues, et vous pourriez alors braver le futur d'un pied ferme, tous vos sales ennuis derrière vous. Comme un nouveau départ, mais avec les mêmes vêtements d'une même vie, lavés de tout ce qui menaçait de les voir finir dans la corbeille. Laver, rincer, recommencer.

    Évidemment, ce n'est jamais aussi simple. On ne peut jamais éviter totalement de se salir, de voir ses vêtements subir les usures d'un climat difficile, et on ne peut piocher indéfiniment dans l'armoire des habits neufs en évitant le problème, ce panier de linge sale qui traîne dans un coin. Oui, il est bien dommage de ne pas pouvoir éliminer une étape difficile de sa vie comme les tâches sur un pull, en enfonçant le tout dans une machine, appuyant sur un bouton et attendant que le tout nous revienne frais et étincelant. Ce serait bien. Mais la vie, ce n'est pas comme trier ses chaussettes et séparer les blancs des noirs. A tout instant, on risque d'être éclaboussé par un coup dur au moment où l'on s'y attend le moins, et ce même quand on a toutes les raisons du monde d'être épargné par les crasses qui nous tombent malgré tout dessus. Et c'est sans doute ce qui vous mine le plus, cette fatale impuissance face aux difficultés qui surgissent même dans le meilleur des mondes, un peu comme des mauvaises herbes finissant inévitablement par apparaître dans le jardin pourtant le plus propices aux merveilles. Le jardin est toujours là, sous les ronces et les herbes folles, mais la nature reste hors de contrôle et n'a besoin de personne pour décider de le recouvrir. Et vous avez un peu l'impression de vous retrouvé devant un grand pied de nez balancé par l'univers.

    C'est tout lui ça, l'univers. Tout se passait bien depuis quelques temps maintenant, vous étiez arrivé à un équilibre précieux que vous avez su maintenir avec une adresse et une facilité qui vous étonne, et vous viviez enfin quelque chose de profondément beau, de profondément apaisant et, surtout, de profondément juste et naturel. Et, vous avez même envie de dire, de mérité. Parfaitement. Et quand arrive le jour qui devrait permette à toutes ces nouvelles racines de croître, s'étendre et renforcer des fondations déjà solides, voilà que le tout butte contre de nouveaux obstacles, jusqu'ici dissimulés dans l'ombre. Des obstacles sur lesquels vous n'avez aucune prise directe, et qui semblent prendre un malin plaisir à accabler leur monde. Et tous les efforts que vous faites pour les surmonter semblent parfois ne pas suffire, et c'est à se demander quand vous allez finir par trébucher et vous écraser le nez dans la poussière.

    Et pourtant, malgré la difficulté, malgré tout ce qui peut décider de se dresser sur votre chemin, vous ne pouvez vous empêcher de relever la tête avec un air de défi face à l'adversité. Déjà, vous vous êtes assez écrasé le nez dans la poussière jusqu'à aujourd'hui pour que la peur de tomber vous paralyse. Votre nez, vous êtes prêt à le risquer, et votre cœur aussi. Vous en avez plus que ras le bol d'être accablé par cette foutue adversité, quelle qu'elle soit. Et vous refusez catégoriquement de vous dérober par quelque porte de sortie, même si une de ces dernières s'ouvrait soudainement devant vous. Vous passerez par la porte qui vous permettra de continuer votre chemin, et vous n'avez aucune intention de revenir en arrière, et ce dans tous les aspects de votre vie. Parce que vous avez trouvé ce qui vaut la peine de risquer la chute, et que vous ne pouvez imaginer l'abandonner sans tout tenter. Sans vous battre contre l'adversité (toujours elle, cette garce surgie de nulle part où vous n'attendez que de l'y renvoyer). Vous ne regrettez aucune de vos décisions, parce que vous en avez plus qu'assez de passer à côté de votre vie et de vous retrouver sans cesse avec de nouveaux regrets. La peur de vous planter, de vous faire mal, de la souffrance ne vous arrêtera plus, parce que ces dernières font aussi intrinsèquement partie de la vie que toutes les bonnes choses que cette dernière peut offrir. Et ces bonnes choses, vous y croyez. Vous y avez droit, vous les avez expérimentées et vous savez qu'elles existent. Même quand des problèmes surgissent pour les ensevelir sous les mauvais herbes, elles n'ont pas disparu, et vous allez faire en sorte de les révéler à nouveau. Quels que soient les risques, parce que le jardin vaut bien plus que la vie que vous mèneriez si vous vous contentiez de passer à côté de peur de trop en souffrir. Parce que vous savez enfin ce que se sentir vivre veut dire, que vous ne voulez plus vous épargner pour de mauvaises raisons, et parce que vous le devez à vous-même. Là où fut un temps, le découragement vous aurait charmé par sa facilité, vous n'éprouvez aujourd'hui qu'une détermination farouche et une résolution inébranlable face à l'adversité. Même si c'est difficile, même si vous devez mettre de côté de votre confort, même si vous devez attendre ; les épreuves que vous avez traversées vous auront appris la véritable patience, et vous êtes plus forts que vous ne l'avez jamais été. Meilleur aussi, vous osez enfin vous l'avouer. Alors même si les nouvelles épreuves qui vous attendent ne peuvent pas se régler aussi facilement qu'en mettant son linge dans la machine à laver, ou qu'en fermant les yeux pour espérer s'endormir et ne se réveiller qu'une fois les troubles passés, et bien vous n'allez certainement pas vous défiler. Au risque de vous faire mal, certes, mais c'est un risque que vous prenez désormais en toute connaissance de cause. Parce ce que ce sont des risques pareils qui valent mille fois la peine d'être vécus, et parce que vous avez le droit d'espérer. Votre apologie du désespoir, cette philosophie qui guidait un temps votre vie, a volé en éclat, mais pas seulement parce que vous êtes rentré dans les aléas -et les bonheurs de la vie- de plein fouet. Non, vous vous êtes aussi décidé à prendre le marteau (métaphorique le marteau, bien sûr ; vous êtes une catastrophe avec de vrais outils dans les mains) pour fracasser cette coque abrutissante, acceptant de perdre la protection qu'elle vous offrait. Parce que vous voulez vivre, quitte à risquer tous les coups dans la tronche qui menacent de vous tomber dessus. Qu'ils viennent. Et qu'ils ne comptent plus sur vous pour baisser les bras.

    Peut-être que c'est difficile, peut-être que tout ne va pas aussi bien maintenant que cela le devrait, peut-être que retrouver la beauté du jardin un peu caché prendra plus de temps et d'efforts que vous ne le pensez. Mais ce jardin est toujours là, vous l'avez vu, et ses fondations, ses racines sont solides. Et portent en elle de quoi l'épanouir, plutôt que de le détruire. Du moins avez-vous décidé du croire. Et ce sans la moindre garantie, mais vous croyez désormais qu'on ne peut espérer vivre sa vie en espérant des garanties. Pour quoi que ce soit. Rien n'est jamais acquis, et il faut toujours œuvrer, travailler à faire fructifier ses petits bonheurs comme ses grands. Et oui, peut-être qu'on ne peut pas toujours s'en sortir, mais cela n'empêche nullement d'essayer. Parce que vous y croyez. Et que vous savez que parmi tous ces futurs possibles qui vous attendent, il y en a qui valent foutrement la peine d'être patient, déterminé et prêt à l'effort. Et si vous devez tomber en chemin, tant pis. Vous vous relèverez. Vous l'avez déjà fait. Et vous refusez de croire que la chute est la seule destination, la fuite la seule alternative. Vous avez le potentiel de vivre quelque chose de beau, de vivre pleinement, et vous n'allez certainement pas gâcher cette chance. Quoi qu'en dise l'univers. Vous n'avez peut-être pas le dernier mot sur la résolution finale, mais vous n'avez pas perdu votre voix pour autant, et elle compte plus que jamais.

    La vie, ce n'est pas simple, et on ne peut pas se contenter de la passer dans la machine à laver quand ça va moins bien. Mais les crasses qui vous tombent sur le coin de la pomme n'efface pas les belles choses que vous avez vécues -et que vous vivez encore ! Elle les cache, seulement, et fausse les perspectives, surtout quand on a l'habitude du malheur. Mais il y a des habitudes qui sont faites pour être brisées, et la malheur est de celles-ci. Après tout, qu'est-ce qu'on risque ? Tout, diront certains. Peut-être est-ce le cas. Mais passer sa vie à avoir peur de tout perdre est le meilleur moyen pour se retrouver avec rien.

    Et vous, ce n'est même plus que vous avez envie d'y croire : vous le savez. Et finir par réussir à vivre le bonheur que la vie cache sur son chemin, ça vaut bien tous les risques. Et tant pis si c'est pour sortir de se machine tous ses blancs devenus noirs. Après tout, le blanc sera toujours là ; il ne restera plus qu'à le retrouver.

  • Lucie 52

    Un nouveau passage pour commencer la journée!^^

     

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    D'une poussée, il envoya Ed Travers bouler sur le sol, dans les jambes d'un Arthur Kent stupéfait qui essaya de se rattraper à Kenneth Marsters, et tous trois s'écroulèrent ensemble dans un mélange désordonné de bras et de jambes. Se remettant de sa surprise, le caporal Velázquez sentit ses réflexes aiguisés par un entraînement de longue durée reprendre le dessus et il fut le seul à se dresser sur le chemin de l'homme hurlant, tandis qu'Adams, Jung et Ravert se précipitaient à leur rencontre. Trop sûr de lui, Velázquez ne s'attendait pas à ce que Delgado oppose une grande résistance et fut stupéfait de la force avec laquelle le jeune prêtre le percuta de plein fouet. Comme par réflexe, ce dernier accompagna le mouvement par un vicieux coup de poing qui s'enfonça dans l'estomac du caporal. Velázquez en eut le souffle coupé et se retrouva plié en deux, laissant le champ libre à celui qu'il avait essayé d'arrêter.

     

    -Mais qu'est-ce que vous faites? s'écria Augustus Miguel, indigné. Le vieil homme s'était levé et se dressait, tremblant mais déterminé, devant sa femme.

     

    -Hors de mon chemin !

     

    Dans ce nouveau cri, Delgado saisit Miguel par le col de son manteau et commença à le secouer comme s'il ne pesait pas plus lourd que les vêtements qu'il portait sur le dos. Refusant de se laisser faire, le vieillard avait saisit les poignets du prêtre et lui enfonçait ses ongles dans la peau, la griffant sans ménagement dans l'espoir de voir l'autre lâcher prise.

     

    -Mais lâchez le bon sang !

     

    Martha Robbins s'était précipitée à son tour, enserrant la taille du prêtre de ses bras minces mais néanmoins costaud pour essayer de séparer les deux hommes. Elle tenait bon, ne relâchant pas un seul instant prise malgré les ruades de Delgado, mais l'homme ne perdait pas de terrain pour autant. De son côté, comme s'il reprenait enfin ses esprits, John Horst se redressa de toute sa taille, masse impressionnante pour son âge, et vint à la rescousse. De ses mains comme des battoirs, il se mit à tordre les minces poignets de son collègue pour dégager Miguel de sa prise, tout en admonestant Delgado d'une voix grondante et impérieuse :

     

    -Qu'est-ce qui vous prend, Diego ? Vous allez arrêter ça tout de suite !

     

    -Mais vous ne voyez pas que j'essaie de nous sauver, tous ? Elle porte la marque ! La marque que j'ai vue dans mes rêves ! Vous ne comprenez rien, vieux débile !

     

    Delgado lâcha monsieur Miguel qui tomba à genoux, haletant, et frappa violemment Horst au visage. Au même moment, Ravert et Jung étaient là, prenant chacun un bras du jeune prêtre tandis que Martha essayait toujours de le tirer en arrière. Même à trois, ils eurent toutes les peines du monde à maîtriser le forcené. Delgado criait, crachait, griffait et essayait même de mordre ses tourmenteurs, animé par une énergie formidable qu'on ne se serait pas attendu à voir habiter un homme de constitution si frêle.

     

    -Vous ne comprenez pas, vous ne comprenez pas ! ne cessait-il pas de répéter.

     

    Il perdait tout de même du terrain et, peu à peu, les autres réussirent à le traîner loin de la mourante. Essuyant le sang qui coulait de sa lèvre inférieure, John Horst offrit une main à Augustus Miguel et le releva avec douceur. Et alors que tous pensaient enfin la situation sous contrôle, un nouveau sursaut d'énergie s'empara de Delgado, comme s'il était au désespoir. Les deux soldats avaient commencé à relâcher leur prise, et le prêtre se jeta en avant avec une telle force qu'il réussit à les déséquilibrer. Mais Martha était toujours accroché à lui et elle accompagna le mouvement se jetant sur son dos, enserrant sa taille de ses jambes cette fois-ci et passant ses bras autour de son cou. Elle commença à serrer, et Delgado voulut riposter en s'agitant de tous les côtés dans l'espoir de la voir perdre prise. Mais Martha tint bon et, lorsque l'homme essaya de la saisir maladroitement d'une main dans son dos, elle lui mordit sauvagement l'oreille. Il poussa un nouvel hurlement, et Martha renforça encore sa prise. Elle entendit Sungmin Jung crier quelque chose, et vit Kenneth Marsters accourir vers lui pour lui tendre sa trousse de premiers secours. Cette fois-ci, ce furent Velázquez et Ravert qui revinrent à la charge pour s'emparer du prêtre tandis que Samantha Jones retenait Lucie Robbins. La fillette voulait se précipiter vers sa mère, mais la femme soldat la tenait fermement contre elle. Enfin, Sungmin sortit une seringue hypodermique de son matériel et, sans hésiter, la planta d'un geste sec dans le cou de Diego Delgado. Tout d'abord, cela sembla n'avoir aucun effet, le jeune homme continuant de se débattre et de s'agiter dans tous les sens, mais le produit -quel qu'il soit- que lui avait administré Jung finit par faire son office. Les mouvements de Delgado se firent plus désordonnés, plus mous, et il finit par se se détendre totalement, les autres devant le retenir pour qu'il ne s'écroule pas sur le sol. Velázquez et Ravert ne lâchèrent pas prise pour autant, mais Martha put s'écarter, pantelante, les cheveux défaits, tandis que Jones laissa Lucie venir se précipiter dans ses bras. Sa mère la serra contre elle, murmurant des mots rassurants, tout en voyant le major Adams rengainer tranquillement le pistolet qu'il avait sorti. La crise semblait terminée et, dans sa totalité, n'avait guère duré que quelques secondes.

     

    -Qu'est-ce que vous lui avez donné?s'enquit-elle à l'intention de Sungmin, qui reprenait aussi son souffle.

     

    -Le tranquillisant le plus fort que j'avais à disposition. J'ai presque eu peur de le tuer, la dose que je lui ai injectée aurait pu en assommer trois ou quatre de sa stature, mais ça me paraissait indiqué.

     

    -Vous savez quoi ? Vous avez bien fait.

     

    -Martha, ça va ?

     

    C'était Arthur Kent qui s'inquiétait, les cheveux en bataille, les lunettes de travers sur le nez. Avec un sourire, Martha les redressa, et épousseta les épaules de l'écrivain d'un geste machinal, comme elle l'aurait fait avec sa fille si elle était rentrée de ses jeux dans les vieux quartiers à traîner on ne savait où.

     

    -Ça va, Arthur.

     

    -Qu'est-ce qui lui a pris ?

     

    -J'aimerais bien le savoir, croyez moi...

     

    Soulagés, mais l'air sombre, ils contemplaient les deux soldats qui traînaient le corps flasque de Delgado pour l'installer sur un siège à l'écart des autres. Toute volonté de résistance semblait avoir disparu chez le prêtre mais ce dernier avec encore la force de parler, dodelinant de la tête, ne cessant de répéter les mêmes mots encore et encore :

     

    -Vous ne comprenez pas, non, vous ne comprenez pas... Le bleu arrive... Vous ne comprenez pas...

     

     

     

  • Lucie 51

    Le petit passage du jour!

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    -Son état s'est encore aggravé d'un coup, reprit Sungmin. A la fin de mon tour de garde, je n'avais rien vu de tel en l'examinant et ce matin au réveil, cette... chose s'était propagée.

     

    -Une idée de ce que cela peut être ?

     

    -Pas vraiment. J'imagine que l'infection a permis son développement, mais je n'ai jamais vu rien de tel. En fait, je n'ai même jamais entendu parler de quelque chose qui ressemble à ça.

     

    -Contagieux ?

     

    -Impossible à dire. Je préconise d'éviter le contact, mis à part pour monsieur Miguel et moi, vu que le mal est déjà fait. Et si c'est quelque chose dans l'air, nous sommes tous logés à la même enseigne.

     

    -Combien de temps lui reste-t-il, à votre avis ? Adams avait tiré le médic un peu à l'écart pour lui poser la question. Le jeune soldat secoua la tête :

     

    -Je ne sais pas exactement, major. Pas longtemps, je pense. Horst et moi avons conseillé à Augustus de lui faire ses adieux, et il va rester avec elle jusqu'à la fin. Je serais surpris que ça dure ne serait-ce qu'encore une heure...

     

    A ces paroles, Sungmin pâlit et serra les poings, accablé par ce sentiment d'impuissance qui ne le quittait pas depuis qu'il avait commencé à s'occuper de sa patiente. Canton le vit bien, et décida de ne pas passer outre :

     

    -Vous avez fait tout ce qui était possible, Jung. Vous n'avez rien à vous reprocher, votre devoir a été accompli.

     

    -Je suis médecin, major. Je n'en fais jamais assez tant que mes patients ne sont pas sur pieds.

     

    Canton se contenta d'observer intensément le jeune homme, sachant qu'il ne pourrait rien dire maintenant qui lui permettrait de vivre plus facilement la situation. Sungmin était un bon garçon qui avait toujours pris les choses très à cœur, et il était probablement le membre le plus sensible de l'escouade. Mais le major était tout aussi fier de lui que des autres, et il n'y avait eu que Stuart Moore pour poser problème. Ce qui ne voulait pas dire qu'Adams se réjouissait de sa disparition, même s'il avait d'autres soucis en tête. Il y avait l'état étrange de madame Miguel bien sûr, mais aussi l'absence totale du moindre contact avec l'extérieur. Haven ne pouvait avoir fait autrement que réaliser leur absence à l'heure qu'il était, et si le train était le seul véhicule qui faisait la liaison, Canton savait que les complexes disposaient d'autres véhicules d'urgence. Sommairement adaptés aux conditions de la surface, ils n'étaient pas nombreux ni très spacieux, mais ils devaient en théorie permettre de suivre la voie et d'apporter le matériel et les experts nécessaires. Et c'était sans compter certains prototypes développés en ce moment à Haven, mais Adams n'était au courant que parce que son rang le lui avait permis, et il n'était pas censé en dévoiler l'existence. Pour le moment, ils ne pouvaient tous que continuer à attendre, mais il ne savait quel effet le sort de madame Miguel aurait sur le moral des passagers, et ce n'était pas la seule chose dont ils avaient à se soucier. Il contactait régulièrement Daniel Grümman, dans la voiture de tête, qui observait les autres wagons avec les caméras fonctionnelles dont il disposait, et les créatures qui étaient montées bord et avaient tué Stuart Moore y rôdaient toujours. Elles venaient régulièrement examiner la porte verrouillée qui les séparait du reste du train, et ce avec une attention toute particulière, semblant parfaitement comprendre qu'elle représentait le dernier obstacle avant leurs proies. Plus inquiétant encore, le conducteur en chef constatait de plus plus de fluctuations dans les systèmes du train, qui souffrait de son arrêt aussi brusque que prolongé. Dans son fort intérieur, le major n'avait d'autre choix que d'envisager toutes les possibilités, même celles qui lui plaisaient le moins, comme d'envisager une expédition chargée de remonter les wagons jusqu'aux machines, dans l'espoir que Ravert et Marsters puissent en apprendre plus sur la situation technique, peut-être avec l'aide de Grümman. Mais Canton n'était pas enchanté à l'idée d'envoyer qui que ce soit effectuer une telle équipée. Seulement, il n'aurait peut-être plus d'autre choix si...

     

    Du coin de l’œil, il perçut une agitation soudaine du côté de madame Miguel, et un cri perçant, sauvage, retentit dans le wagon. Fendant l'attroupement, bousculant les autres passagers, le père Diego Delgado se précipitait vers la blessée en hurlant, comme possédé.