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Humeur - Page 9

  • Le légionnaire

    Parce qu'on ventile comme on peut. Et qu'il reste les mots, même s'ils ne changent rien, de même que les sentiments. Si ça suffisait, ça se saurait.

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    Vous n'en pouvez plus. C'est une constatation qui vous saute au visage, un peu comme une équation à deux inconnues dans un test de mathématiques. Vous essayez pourtant. D'avancer. De vous occuper. De penser à autre chose. De ne plus vous plaindre. Mais vient un moment où il faut bien vous rendre à l'évidence : vous ne savez plus quoi faire. Vous êtes totalement perdu, comme jamais vous ne l'avez été auparavant. Et pourtant, les coups durs ça vous connaît. Ce n'est pas votre première déprime. Seulement, qu'elle ne soit pas la première ne change pas le fait que c'en soit une. On dit que ça peut toujours être pire, mais vous n'y croyiez pas vraiment, avant ; vous étiez même arrivé à retrouver un positivisme de tous les instants, où la plus petite chose pouvait s'avérer fantastique, et où vous transformiez une contrariété en une nouvelle aventure. Mais oui, ça peut être pire. Et tout peut vous être retiré comme ça, en un claquement de doigts, sans la moindre considération pour ce que vous pouvez en penser, et pour des raisons si absurdes que vous ne pouvez que rester devant elles comme deux ronds de flanc, légèrement incohérent et déstabilisé comme le premier venu devant une question insoupçonnée lors d'un examen oral d'allemand un peu retors.

     

    C'est la sensation de se briser, de sentir chaque morceau de son âme se fissurer avant de tomber sur le sol dans un sinistre bruit cristallin. Voilà, c'est ça, vous avez l'impression qu'on vous a cassé comme le jouet d'un enfant qui s'en serait lassé avant de le fracasser contre un mur. Et vous n'avez rien vu venir, crétin, idiot, patate que vous êtes. Et vous n'avez rien pu faire. Non pas parce qu'il n'y avait rien à faire, mais parce que vous n'avez même pas été capable de faire quoi que ce soit. Voilà tout. Ça vous fait une belle jambe. Tout vous échappe et glisse entre vos doigts sans que vous n'y puissiez rien. C'est un peu le coup de grâce, l'impuissance.

     

    Pourtant, sur le moment, vous teniez pourtant bien le coup. Le choc, sans doute. L'incrédulité. Généralement, ça vous réussit plutôt bien. Mais pour la première fois, ça n'a pas duré ; c'était pratiquement instantané. Au début c'était dur, ensuite vous vous êtes dit que ça allait mieux parce que bon, ça ne peut qu'aller mieux, avant de vous apercevoir que ça ne suffisait pas. Ce n'est pas manque d'envie de vous en sortir, pourtant. Mais rien n'y fait. Vous avez la sensation d'avoir volé trop près du soleil pour mieux vous écraser, filant vers le sol en flammes et perdant des plumes un peu partout. Alors bon, on se relève, hein, mais ça ne suffit pas. Les jours passent, et on fini par retrouver une certaine routine, par réussir à s'investir à nouveau dans ses activités favorites, on retrouve presque la vie comment avant. Presque. Car il manque toujours quelque chose. Quelque chose de si puissant, de si incroyable qu'on en reste marqué à jamais. Quant au temps qui passe, il n'efface pas grand chose. C'est un mensonge qu'on se dit en fait, le grand mensonge qui nous permet d'avancer, et auquel on finit par croire. Croire qu'on oublie, qu'on passe à autre chose. Mais tout ne fait que s'accumuler. Et si on peut les mettre de côté histoire de placer un pas devant l'autre à nouveau -l'esprit humain est redoutablement efficace pour cela- il y a des événements, des choses, de situations, des personnes qui marquent définitivement, et qui ne s'effacent jamais. Alors on se dit qu'on peut bâtir dessus, apprendre de ses erreurs, que du coup, les prochaines étapes ne pourront être que meilleures...et c'est le deuxième mensonge. Mais faut croire que ça marche, sinon personne n'arriverait plus à rien.

     

    Mais là, ça ne marche pas comme ça. Pas pour vous, du moins pas pour l'instant. Vous voulez y arriver, mais ça ne fonctionne pas. La douleur est trop présente. Car plus que la tristesse ou la colère, c'est la douleur qui emporte la mise. Cette impression effroyable de se faire arracher une partie de vous, cette partie que vous aviez découverte après avoir baissé votre garde, et qui vous est arrachée comme des lambeaux de chair. Cette douleur que vous ne pouvez pas comprendre et qui vous fait pleurer, hurler dans votre oreiller presque tous les soirs. Qui fait de vous une créature pathétique incapable de décider de modifier votre vision des choses, d'évoluer, de vous y faire. Vous avez pu vous faire à beaucoup de chose au cours de votre vie, mais pas à ça. Parce que vous n'aviez jamais rien connu d'aussi fort. Et d'aussi juste. D'aussi apaisant au point que vous vous étiez en fin trouvé. Et maintenant, on vous l'a pris d'une manière si incompréhensible, si dépourvue de sens que vous êtes bien incapable de trouver la paix. Comment faire la paix avec ce que vous ne comprenez pas ? Tout ce que vous savez, c'est que vous êtes seul alors que vous ne devriez pas l'être, et que l'univers s'est copieusement foutu de votre gueule une fois de plus. D'une manière tellement magistrale que vous n'avez rien vu venir, et qui vous a fait croire comme jamais vous n'avez cru. Qui vous fait croire encore, malgré la douleur, la tristesse et la colère.

     

    Une colère que vous ne savez pas comment exprimer, et qui vous effraie. Parce que vous n'êtes pas de ceux qui veulent garder la colère, ni vous reposer dessus. Mais elle bouillonne en vous, née de cette injustice, de cette manière absurde qu'ont les choses de se terminer. Une colère justifiée que vous craignez de faire savoir. Parce que vous ne voulez pas que ce soit ce qu'il vous reste. Et vous faites tous les efforts possibles pour rester vous-même, pour ne pas vous plaindre, pour tenir le coup... Mais plus le temps passe, et plus c'est difficile. Là, le temps n'arrange rien, il ne fait que vous conforter dans votre opinion. Votre pathétique opinion de crédule, qui vous pousse toujours à croire que la meilleure chose qui vous soit arrivée ne peut pas se terminer ainsi. Votre foi dans cet optimisme maladif qui tient la colère à distance. Mais cette colère, il va bien falloir que vous l'exprimiez. Que vous la fassiez sortir. D'autant, vous le réalisez, qu'il s'agit d'une colère plus que justifiée. Mais alors pourquoi sont-ce la tristesse et la douleur qui mènent toujours la danse ? Avec les regrets, et tous ces souvenirs fantastiques qui vous déchirent la peau et vous retournent les tripes. Et que vous n'échangeriez pour rien au monde.

     

    Au final, c'est la seule force qui vous reste. Le seul fragment de vous que vous préservez, que vous réussissez à conserver. Votre seule force qui est en même temps la source de tous vos maux. Si le fameux mensonge vous suffisait, si vous pouviez oublier, si vous pouviez avancer, vous n'en seriez pas là. Mais vous refusez de vous renier, pas alors que vous avez enfin trouvé ce qui vous apportait plus que tout ce que vous aviez pu obtenir de la vie. Vous n'abandonnez pas, pas comme ça. Vous ne laissez pas gagner la colère, ni l'oublie, parce que ce n'est pas qui vous êtes, et que vous n'y arriveriez pas même si vous le vouliez. Vous devez croire que ça valait la peine. Que ça vaut toujours la peine, plus que tout. Parce que sinon, qui seriez-vous ? Certainement pas celui que vous êtes devenu.

     

    Mais cette force suffit de moins en moins à vous faire garder le nord, même si vous vous y accrochez de toutes vos forces. Pour éviter de hurler plus fort encore dans votre coussin quand la douleur et l'incompréhension vous ravagent. Pour ne pas la perdre, même si il semblerait que ce soit aussi facile et irrémédiable que ça, pour des raisons dépourvues de sens. Parce que vous êtes celui qui n'abandonne pas, qui reste là, qui tend la main, et qui croit.

     

    Au final, c'est tout autant votre faute que le reste si vous vous détruisez ainsi. Mais en même temps, vous ne pouvez pas faire autrement. Il y a trop de souvenirs, trop de beauté, trop de bonheur, trop de possibilités pour les renier d'un haussement d'épaules avec un « Tant pis » en bouche. Vous attendez, parce que vous croyez, et parce que vous croyez, vous attendez. Vous êtes le légionnaire romain qui garde la boîte de pandore, même si ça ne sert à rien, même si c'est en pure perte. Parce que le seul fait que pour une fois ça vaille vraiment le coup, et bien a suffit. Et que si ça se trouve, c'est vous qui êtes la véritable perte plutôt que celui qui perd réellement quelque chose. Rien que pour cette possibilité, vous restez là, ouvert, fidèle à vous-même. Même si ça ne suffit pas, alors qu'il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas. Mais vous ne décidez pas à la place d'autrui, vous n'avez aucune maîtrise du destin... Seulement, s'il vous fout à ce point sur la gueule, s'il vous fait aussi mal, vous persistez à y croire. Parce que ça vaut tout l'or du monde.

     

    C'est ballot, hein ?

     

  • Les trois mensonges

    Un texte spontané du genre qui vous tombe dessus en pleine nuit comme ça, hop, sans prévenir et sans s'essuyer les pieds sur le paillasson. Où c'est mon humeur du moment qui commande. Autant dire que c'est un peu le bordel... Quelque part, c'est un peu la suite de cette note: http://plumederenard.hautetfort.com/archive/2012/04/07/and-what-about-the-children.html

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    L'homme est assis. Non pas sur un banc cette fois-ci, mais sur son canapé, qui ne ressemble pas tant à un canapé qu'à l'équivalent de la table basse où on dépose « tout ce qui n'a pas encore de place ailleurs ou qui traîne, des fois que ça pourrait toujours servir de l'avoir à portée de main ». Il n'y a pas de rivière, mais un liquide épais qui remplit un large verre. En fond, la télé diffuse une émission qui n'a guère d'importance, elle est là juste pour animer la pièce. Il n'y pas de décors fantastique pour servir de cadre à la rencontre qui va suivre. Rien que la réalité d'un quotidien qui fait ce que les quotidiens savent faire de mieux : se répéter. Il y a quand même des bouquins qui traînent un peu partout, un ordinateur et quelques lignes d'un texte interrompu. Ça, ça ne change pas.

    -Houlà, tu m'en sers un verre ?

    L'homme n'est pas surpris par l'interruption. Il tapote sur le bord de son verre à lui, et en avale une gorgée avant de répondre :

    -Tu sais où c'est, tu peux te servir.

    -Ah, tu n'as pas l'air surpris de me voir.

    Le nouveau venu est arrivé d'on ne sait où, sans barque. Il est plus âgé que l'occupant des lieux, peut-être la cinquantaine, ou plus, difficile à dire.

    -Pas vraiment. Disons que je m'y attendais, d'une manière ou d'une autre. C'est dans ces moments là qu'il me vient ce genre de fantaisie en général. C'est juste que la dernière fois, j'étais plus jeune.

    -Ne retourne pas le couteau dans la plaie. En fait, je crois que je préférerais un verre d'eau. Ce machin là c'est bon mais je te conseille de ne pas en abuser. Ça nous retourne l'estomac, crois moi.

    -C'est marrant, moi qui n'avais jamais abusé de ce genre de machin. C'est un truc de fillette en plus. Et j'ai rajouté du lait. C'est bon le lait.

    -Amen. Bon, alors qu'est-ce qui te mine ?

    -Quelle question...

    -Mhm, laisse moi m'imprégner du décor... De goûter l'ambiance.

    L'homme se lèche un doigt et le dresse dans le vide, tout en regardant soigneusement autour de lui.

    -C'est bon, je vois. Classique. Oh, sympa ce jeu, mais tu t'ennuieras vite, je l'ai jamais fini.

    -Est-ce que j'ai une cabine téléphonique ?

    -Hein ?

    -Pour venir ici.

    -Ah, oui, les histoires de cabines. Ça tient toujours le coup cette série d'ailleurs, vingt nouvelles saisons. Et trois films.

    -Sérieusement ?

    -Ça te plairait ?

    -Carrément.

    -On va dire que oui. Quant à moi, enfin à nous deux, tu sais très bien qu'on a pas besoin de machine.

    -Alors pourquoi t'es là ?

    -C'est comme la dernière fois, on peut dire que ça découle de l'impératif narratif. Un genre de croisée des chemins, un besoin soudain de guide spirituel, une connerie du genre.

    -Super.

    -Si ça se trouve, rien que ton imagination suffit, si c'est pas fou ça !

    -Pas plus que le reste.

    -Bon, d'après ta répartie laconique d'où je sens perler une pointe de cynisme, ton œil qui manque singulièrement d'une petite lueur pétillante et le grand verre de boisson-fillette-mais-avec-du-lait-dedans, je n'ai pas besoin de réfléchir très loin. Et si je suis là et pas un autre, c'est qu'il ne s'agit pas de la nostalgie de l'enfance ou de temps qui passe. Je me...te...enfin je nous situe. Demande moi ce que tu veux savoir.

    -C'est tout ? Je...

    -Tu remarqueras que je ne t'ai pas appelé « jeune padawan » ou un truc comme ça.

    -Heu... Merci ? Oh, tiens, ça n'a rien à voir, mais...

    -Tu ne veux pas savoir ce qu'a donné l'épisode VII, ni les suivants.

    -Pourquoi ? Tu me fais peur là...

    -Y a des trucs qu'il vaut mieux attendre d'expérimenter soi-même, crois moi. C'est comme ça qu'on leur laisse leur chance.

    -J'ai écrit, au moins ?

    -Peut-être que tu as déjà commencé. Dis moi, tu n'aurais pas fini par le déterrer ton dinosaure, par hasard ?

    -En trébuchant sur un bout de tibia entre deux pavés de retour des courses ?

    -Mouais, avec une attitude pareille je saisis mieux pourquoi il n'y a encore aucune bestiole à mon nom dans les musées.

    -Tu n'es pas mieux placé que moi pour le savoir, ça ?

    -Crois moi, je n'ai jamais su grand chose, et ce n'est pas maintenant que ça va commencer. Ça ne marche pas comme ça. Et puis ne change pas de sujet. Qu'est-ce que tu veux savoir ? Vraiment savoir. C'est pour ça que je suis là.

    L'occupant des lieux regarde l'homme plus âgé, comme un miroir un peu étrange. Et occupé à feuilleter un grand livre souple.

    -Ahahah, je me demandais bien où je l'avais rangée, cette campagne. Elle était bien fichue. Je me demande si j'ai eu l'occasion de la faire un jour, tout ça est un peu confus.

    -Quand est-ce... Le jeune s'interrompt, hésitant, avant de reprendre sur un ton plus décidé tandis que l'autre glisse un marque-page dans le manuel et le met de côté.

    -Demande le, vas-y.

    -Quand est-ce que ça s'arrête ? Les pleurs, je veux dire. Et toute cette douleur.

    -Oh, ça va passer, bientôt. Ça finit toujours par passer, répond l'autre. Il sait qu'il ment, mais ce n'est pas grave. Parce que c'est le grand mensonge, et le grand mensonge est la seule chose qui permet aux gens d'avancer.

    -Tu ne pourrais pas être plus précis ? Parce que je ne sais pas si je vais le tolérer encore longtemps.

    -Ne dis pas ça. Regarde, tu as finis par rouvrir tes stores, tu as écrit une page ou deux...

    -Ça ne change rien, n'est-ce pas ?

    -Qu'est-ce que tu veux dire ?

    -Les souvenirs. Quand est-ce qu'ils arrêtent de faire mal, eux ?

    -Surtout les bons hein ?

    -Surtout les bons, ce sont les pires. Quand est-ce qu'ils s'effacent. Quand est-ce qu'on oublie...tout ça ?

    -Avec le temps, ça finit par venir. On pense à autre chose, on met les souvenirs de côté. Faut faire de la place pour les suivants.

    Là, il passe au second mensonge qu'on se dit dans ces cas-là. En vérité on oublie jamais, on accumule. Rien ne disparaît, tout s'empile, et on finit par voir ailleurs. Prétendre qu'on oublie même, c'est le second mensonge qui compte. Et il en sait quelque chose.

    -Et tu vas me dire que l'herbe finit toujours par repousser, que des surprises nous attendent, qu'on revit, tout ça ?

    -Si tu essaies de me demander si on finit par trouver...autre chose, je pense que tu n'as pas envie de l'entendre pour le moment, mais oui. Quelqu'un m'a dit -te diras un jour, enfin je crois, je me perds- qu'on ne peut que trouver mieux à chaque fois. Que chaque étape, chaque nouvelle personne ne peut être que meilleure, parce qu'elle se bâtit sur ce que l'histoire précédente nous a apporté.

    -Si c'est pour me dire qu'on finit par trouver chaussure à son pied...

    -Ne prend pas cet air grognon. Et tu devrais te raser, je me rappelle que ça gratte ces machins-là. Ce que je veux te dire, c'est qu'on finit toujours par trouver...ce qui nous correspond, toujours plus, à chaque fois. Ou alors c'est ce qui nous correspond qui nous trouve le premier. Crois moi, tu n'as pas fini... euh, ben d'y croire.

    Là, le plus âge ne peut s'empêcher de croiser distraitement deux doigts dans son dos. C'est le troisième mensonge. Peut-être le plus douloureux, parce que s'il fait aussi bien avancer que les autres, il a parfois le malheur de se révéler vrai. C'est sans-doute le plus paradoxal de tous.

    -Rien n'est perdu alors ?demande le plus jeune.

    -Rien n'est perdu.

    C'est un autre genre de mensonge. On a beau avancer, une fois qu'on a perdu quelque chose... Même maintenant, il aimerait bien le retrouver, mais ce n'est pas vraiment son affaire. Il est là pour avancer.

    -Très bien. Je comprends tout ça, enfin je crois. C'est logique. Alors pourquoi ça ne m'aide pas ?

    -T'inquiète, ça va venir.

    Oui et non. Le plus âge toussote, et rajuste ses lunettes sur son nez.

    -On dit qu'il vaut mieux tomber d'un pont que tomber amoureux.

    -C'est ça le dernier conseil que tu vas me donner ?

    -Oh, c'est juste un truc qu'on dit. Mais comme je te connais, tu te retrouverais debout sur la rambarde et sur les mains avant même de le réaliser.

    -C'est un très bon pont.

    -C'est ce que tu crois.

    L'ennui, c'est que je suis du genre à y croire pour de bon, se dit le plus âge des deux. Enfin, il n'allait pas s'apprendre ce qu'il savait déjà.

    -Je crois que je t'ai dit tout ce que je pouvais te dire.

    -Pour oublier ?

    -Pour avancer.

    -Ça n'a pas l'air de te faire plaisir.

    Le plus âge hésite longuement à répondre. Puis il se contente d'un sourire triste, qu'il efface au plus vite par un haussement d'épaule.

    -Bah, c'est ce que tu te dis en tout cas. Tu m'en reparleras quand tu seras moi, peut-être que ça aura marché. Des choses plus folles arrivent tous les jours.

    -L'ennui, de se dire ça, c'est que ça va dans les deux sens.

    -Ouais. Ce qui ne m'a pas toujours réussi.

    -C'est parce que cette fois, c'est spécial, hein ?

    -Si tu entends par là que c'est plus unique que tout...

    -Tu t'en souviens encore ?

    -Rappelle toi, les souvenirs s'effacent, et tout ce qui s'ensuit.

    Putain de mensonge numéro deux.

    -Bon. Peut-être que tu trébucheras sur un os de dino en rentrant.

    Cette fois, le plus âgé se fend d'un grand sourire :

    -Ah oui, ça se serait bien ! Tout peut arriver ! L'espoir est notre fléau.

    -Santé !

    Le jeune lève son verre.

    -N'oublie pas de faire gaffe à ton estomac. J'y tiens. Dis, je peux t'emprunter ce manuel ? Ça me rappelle des souvenirs...

    Le plus jeune hoche affirmativement la tête, tout en se disant distraitement quelque chose du genre «Ah tiens, c'est comme ça que je l'ai paumé alors ».

    -Merci. Bon, ben n'oublie pas hein !

    -Y a pas de risques.

    Le plus âge se fige. Ouais, c'est bien mon problème, hein ? Bah, on verra bien.

    Quand le jeune repose son verre, il n'y a personne. Ou alors il y a autant de monde qu'avant, allez savoir. C'est pareil. Il n'y a personne d'autre en tout cas.

    Ça, ça ne change pas. Et pour le reste... On verra bien, se dit-il.

    Après tout, c'est un chouette pont.

    Quelques années plus loin, il y en a un qui se souvient. Qui se souvient qu'on oublie jamais, qu'on accumule, et que l'homme n'avance jamais aussi facilement que lorsqu'il se trompe. Bah, peut-être que tout ça aura changé quelque chose, pour une fois. Bah, allez savoir. Comme il l'a toujours dit, des choses plus folles se passent tous les jours. Et quand il ouvre sa propre porte, sa future porte, il n'a qu'à regarder de l'autre côté. Et voir si tout a changé.

    Ou pas.

  • Les pieds froids

    Oui, il n'y a pas eu d'écrits depuis un certains temps dans le coin. Entre l'appendicite, les gastros, le manque d'inspiration et pire encore, la suite des aventures de Lucie, c'est pas gagné. Et je ne parle pas de pondre une historiette! Mais bon, comme toujours, je retrouve le chemin du clavier, ne serait-ce que par souci thérapeutique, quand les émotions débordent. Alors voici.

     

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    Malade.

     

    Ça ne vous arrive pas souvent, mais ça vous fait une belle jambe. D'autant que parmi le peu de choses qui vous foutent la paix ces temps-ci, on y trouve au moins vos jambes. Qui font tout leur possible pour vous permettre de traîner votre corps déficient à son allure d'escargot, un pas après l'autre. Lit, canapé, cuisine, et on recommence, pas forcément dans cet ordre. En y ajoutant les innombrables visites express à la salle de bain. Non pas que vous répandiez tripes et boyaux sans discontinuer, même si vous auriez préféré, des fois que le mal de cœur y passe avec. Seulement, il paraît qu'il faut vous hydrater -ce qui tombe bien, vous passez votre temps à crever de soif- mais votre vessie n'y comprend plus grand chose. En même temps, vous n'avez jamais eu une vessie très futée et de toute façon, elle a toujours une patience équivalente à celle d'un gamin de quatre ans. De toute façon, vessie ou pas, vous êtes plus un tas de couvertures et peignoirs qui bougent mollement qu'un véritable être humain.

     

    C'est à croire que depuis votre appendicite, tout a subitement décidé de foutre le camp. Comme si machin qui s'est soudainement enflammé avait fait office de sonnette d'alarme pour vous dire :« Attention mon grand, fini la belle vie, tu vas souffrir maintenant, t'en prendre plein la gueule, et quand en seras réduit à un petit tas de vêtements de maison sur un coin de ton canapé et que tu finiras par péniblement en émerger, ce ne sera que pour mettre le pied sur un nouveau piège à souris du destin. En même temps t'avais qu'à ranger ton bordel hein, c'est pas ma faut si t'es pas ordré et que tu laisses traîner des trucs qui finissent par te tomber sur le coin de la pomme. Oh, et là je te fais vachement mal, alors il faudrait peut-être songer à te débarrasser de moi, mais c'est que le début hein, promis ! On s'appelle et on s'fait une bouffe ? ». Oui, votre appendice était du genre bavard, et si certaines personnes s'embarrassent dans leurs récits d'une escalope milanaise mutante, vous ne voyez pas pourquoi votre appendice ne serait pas sortie tout droit d'un cartoon, avec un monocle et un fez (« Because fezes are cool ! »).

     

    Et si l'appendicite, c'est un peu l'équivalent opératoire d'enlever un sparadrap et qu'à peine vous réalisez que tiens, vous êtes à l'hôpital, et bien vous vous retrouvez déjà chez vous, et bien ce n'était que le début des emmerdes. Pour parler crûment (ce qui n'est pas tant que ça dans vos habitudes, mais y a un moment où faut plus pousser et ou c'est juste marre ; et puis ça reste dans le thème, les intestins, tout ça). Non parce que bon, les trucs n'ont pas arrêter de vous tomber sur le coin de la pomme, sans jamais vous demander votre avis, vous laisser le temps pour souffler ou proposer de prendre part à une explication raisonnable autour d'une tasse de thé. Ils n'ont pas été aussi polis : ils se sont contenter de tomber. Un peu comme la foudre, mais sans priver de le faire au même endroit, et s'en s'essuyer les pieds avant d'entrer. Alors au bout d'un moment, faut pas s'étonner que sa lâche, comme les boyaux. Vous n'avez pas envie de sombrer dans l'auto apitoiement, mais trop c'est trop. D'autant que moralement, ça fait aussi son petit effet. Déjà parce qu'à force de vous traîner chez vous, entre vos quatre murs, et bien vous commencez à devenir sérieusement timbré. Et puis il est plus difficile qu'on ne le croit de tourner en rond dans un petit appartement, parce qu'on finit toujours par se cogner l'orteil contre quelque chose. Et comme l'extrémité du sachet de thé qui prend un malin plaisir pervers à s'échapper de vos doigts pour plonger dans la boisson, vous n'avez pas besoin de ça. Ça suffit maintenant, y en a ras le bol : des appendices, des gastros, des pieds froids et du reste. Parce que vous avez froid aux pieds. Vous qui n'avez presque jamais froid, qui dormez les fenêtres grandes ouvertes avec un simple drap fin pour vous couvrir tout l'hiver, et bien vous avez froid. Un froid issu de l'intérieur, qui s'injecte dans vos veines comme le produit anesthésiant avant une opération, un flot de glace liquide qui balaie les derniers îlots de chaleur préservés tant bien que mal par la tempête qui fait rage dans votre corps. Et quand vous n'avez pas trop froid, vous avez trop chaud, c'est à rendre fou. Mais les pieds, eux, restent obstinément froid, ce qui pose de sacrés problèmes logistiques au niveau du rendement des couvertures. Bref, vos pieds froids et vous n'en pouvez plus de traverser cette succession d'épreuves coincés chez vous, seul et misérable, si ce n'est pour votre propre compagnie. Qui n'est ces temps-ci ni très lucide, ni très jouasse.

     

    Peut-être que l'univers s'amuse maintenant à vous accabler de tout un bordel, mais vous ne lui avez rien demandé, à l'univers. Qui de toute façon, n'écoute jamais ce qu'on lui dit. C'est un peu son propre, à l'univers. Des milliards de planètes, de plans, des possibilités infinies, mais pas fichue de se faire un sonotone correct. Vous pourriez miser sur le karma, et attendre le lot de bonnes choses qui en résultera, mais vous croyez autant en ces conneries d'équilibre cosmique qu'en, disons, la possibilité de trouver un sens philosophiquement profond dans l'analyse d'un épisode de la saga « Twilight ». Non, l'univers, si vous le croisiez, vous lui récuriez la tronche à coup de brosse à chiottes avant de lui balancer un coup de binette dans la pomme. Non parce que bon, hein, vous croyez pouvoir dire sans trop vous jeter des fleurs que vous êtes un garçon plutôt gentil, affable. Un peu grognon quand vous avez envie de rester dans vos pantoufles, un peu râleur -question de principe- mais au final, pas méchant pour un sou. Du genre à hocher la tête et dire « ça va » plutôt que de vous précipitez dans un conflit inutile. Déjà parce que oui, en général, ça va. Vous avez fait un sacré chemin pour en arriver à vous dire ça mais force fut pour vous d'admettre à un moment que bon, d'accord, votre vie n'était pas parfaite, que vous n'aviez pas le contrôle sur tout, et que vous continueriez toujours d'égarer une chaussette après chaque lessive mais que globalement, ben, ça allait. Que y avait de quoi bien aller en tout cas et qu'une fois qu'on le réalisait, ben ça rendait les choses tout de suite non pas plus faciles -elles ne le sont jamais ; jamais!- mais plus gérables, plus abordables. Vous n'aviez plus à rester dans votre coin de peur de vous prendre une nouvelle tuile sur la tronche (même si à ce train là, vous aurez bientôt au final prit l'équivalent de deux ou trois toits sur la caboche). Qu'après tout, votre apologie du désespoir n'avait plus lieu d'être. Un rêve pieux de toute façon ; l'espoir restera toujours pour vous une drogue, un brin abrutissante, qui vous poussera toujours à relever la tête avant de la replonger dans la flaque, ne serait-ce que pour éviter de vous noyer. Le désespoir, le vrai, le pur, le dur, vous l'avez connu par le passé, et vous n'avez aucune envie de le retrouver si vous pouvez faire autrement. Le noir, le marécage, cette zone d'ombre glacée et solitaire dont on n'a l'impression que rien ne pourra jamais sortir et qui étouffe dans l’œuf le moindre germe d'un printemps nouveau (en même temps, qu'est-ce qu'un œuf fout avec des germes printemps nouveau, aussi). Mais quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, le désespoir on peut s'en sortir, mais il projette toujours son ombre.

     

    Oui, donc, vous considérez être un gars plutôt sympa, gentil, pas cynique pour un sou et bêtement capable d'imaginer le meilleur dans chaque chose et à vouloir que tout se passe pour le mieux pour tout le monde, au point de passer dix minutes dans un supermarché à hésiter entre deux boîtes de petits pois de peur d'en laisser une seule et malheureuse de ne pas avoir été choisie (houla, dit comme ça, c'est quand même un problème qui doit remonter à sacrément loin mais tant pis, vous assumez). Vous l'étiez depuis toujours, et vous l'aviez retrouvé après une longue période creuse façon traversée du désert, repli sur soi-même, désespoir donc, et tous ces machins là qui poussent les gens à ne plus se raser, à vivre les stores tirés et à passer mille nuits sans sommeil en se raccrochant à n'importe quoi pour s'occuper l'esprit, qu'il s'agisse de se perdre dans les livres ou dans le déni. Vous vous étiez blindé, des fois qu'il pourrait vous arriver de ressentir à nouveau des trucs pour qui ou quoi que ce soit, et que ça pourrait à nouveau faire mal, à vous ou au qui ou quoi que ce soit en question, boîtes de petits pois comprises. Et puis le cocon s'est fendillé, vous avez mué, et ce n'était pas par un miraculeux caprice du destin, ou grâce à un événement révélateur sur le sens de la vie du genre de ceux qu'on croit imaginer pouvoir trouver dans un éprouvant périple en solitaire. Non, vous avez simplement finir par vous rappeler que vous aviez un cerveau -et pfou, vous y aurez mis, le temps !- et qu'en le connectant au cœur plutôt qu'en essayant de le substituer, et bien ça allait tout de suite mieux. Enfin, mieux, non, mais disons que c'était meilleur, ce qui n'était pas tout à fait la même chose. Vous vous êtes rappelé qu'il y avait un monde autour de vous, que vous en faisiez partie, et que vous ne sortiriez jamais de votre carapace si vous ne vous en débarrassiez pas pour plonger dans l'inconnu. Paradoxalement, de vous lier à nouveau au monde et aux gens qui le composent, avec tous les risques que cela encoure, cela vous a aussi permis de vous retrouver face à face avec vous-même dans le lot, et à un peu mieux comprendre qui vous êtes. Vous n'étiez plus en train de vous oublier. Car ce qu'on oublie facilement, c'est que ce n'est pas par l'isolement qu'on se retrouve, mais à travers autrui. Ou, du moins, à travers des expériences. On peut bien rester six mois (et vous avez fait ça plus longtemps) coupé de tout, ça peut faire du bien, mais ça ne règle rien. Vous, vous n'avez jamais vécu autant pour vous-même depuis que vous avez décidé de ne plus vous épargner le reste du monde. C'est étrange dit comme ça, mais ça marche. Ou du moins, ça marchait. Là, vous n'êtes plus très sûr. En même temps, depuis quelques temps, vous n'êtes plus très sûr de rien. Pourtant, vous étiez arrivé à atteindre ce stade béni qui vous permettait de voir le meilleur même dans la plus pourrie des situations, cet état qui permet de voir le bien dans toute chose, de profiter du revers de chaque médaille en le transformant en une nouvelle expérience plutôt qu'en une catastrophe sans équivalent. Mais quelque part, vous avez beau être un brave type tendance optimiste borderline naïf bien décidé à ne pas vous plaindre de ce que la vie met sur votre chemin même quand c'est une tarte dans la face, mais y a un moment où c'est marre. Tout simplement. Ras le bol. Ecoeuré, le bonhomme. Trop de tartes. A force de se relever sans cesse après un coup dur, il finit bien par arriver un moment où on se dit qu'il serait mieux et moins douloureux de rester couché, histoire de s'épargner le peu d'énergie qu'il nous reste. Et que l'envie de se retirer en boule dans un coin, sans plus rien demander ni attendre du monde, un gros casque sur les oreilles et des lunettes noires devant les yeux, ben ça devient carrément séduisant. Et puis après tout, merde, vous êtes humain, comme tout le monde (enfin, tous les humains, pas les arbres, les fleurs, les cailloux et tous ces machins, même s'ils ont quand même une vie bien moins compliquée, ces sagouins) ; au bout d'un moment, vous avez beau y mettre toute la bonne volonté du monde et voir le bien, vous allez finir par plier. Trop c'est trop, d'autant plus quand vous n'y êtes pour rien dans tout le bordel qui vous tombe dessus. C'est bien gentil d'y croire et d'essayer sans cesse mais au bout d'un moment, la machine se grippe et ça doit finir par casser. L'usine du bonheur met la clef sous la porte. Et quand on passe le calendrier des événements en revue, il y a un schéma qui en ressort, et c'est pas brillant : chaque essai qui compte, aussi bien qu'il ait commencé, a fini par se casser la gueule. Que ce soit vos entreprises scolaires professionnelles, sentimentales ou spirituelles, rien ne tient, vous finissez toujours par rouler misérablement en bas de la colline. Alors à la longue, quand on est pas con, on finit bien par additionner deux et deux et par rester couché. Histoire de cultiver son cynisme, afin de ressourcer par là ses réserves et de s'occuper de soi, et merde aux autres, au reste du monde et à l'univers. Non parce qu'il y a un moment où vous ne savez plus trop quoi faire pour continuer de mettre un pied devant l'autre, alors à quoi bon, franchement ? Deux et deux, ce n'est pas une addition compliquée.

     

    Seulement, vous n'avez jamais été très fort en calcule (et encore vous êtes gentil). On pourrait vous en présentez la preuve par neuf que vous n'y pigeriez rien, à toutes ces histoires. Ou alors vous finiriez par en oublier le résultat et à retomber les pieds devant dans vos travers à base d'espoir. Ressortir la tête de la flaque. Vous ne pouvez pas vous en empêcher, c'est maladif. Mais en même temps, vous avez grandi, vous avez mûri, vous avez appris à mieux connaître qui vous étiez réellement et il semblerait que cet espoir fasse partie intégrante de votre système. Sans lui, vous vous écroulez, vous vous retirez dans votre petit monde personnel loin des émotions et de tous ces trucs là souvent bien lourds. Et c'est chiant. Vous n'avez plus envie de passer à côté des trucs lourds. Même si vous avez une envie terrible de fuir dix jours loin de tout, vous savez que vous finirez par en revenir pas plus désespéré. Et vous l'acceptez faute de mieux, peut-être parce que vous avez mûri donc, et que vous êtes devenu plus fort, ou tout simplement parce que vous avez enfin trouvé en quoi croire, en quoi placer cet espoir qui n'a jamais cessé de déborder en vous par tous les trous, vous faisant patauger dans la flotte, la boue et les larmes. Seulement, ce sont vos larmes, et rien ni personne ne vous dira quand les verser, ou quand ne pas les verser .Vous vous accordez le droit à la vie, avec tout ce que cela ensuit. Et vous avez besoin de vous le rappeler, de vous le répéter et de vous l'écrire pour ne pas voir cette fragile charpente s'écrouler dans des moments difficiles, comme ces moments où vous êtes malade, ou le mal au coeur vous donne envie de l'arracher et de le balancer dans le Mont du Destin le plus proche, ou que vous avez les pieds froid. Vous essayez de rester celui que vous êtes devenu, et de vous rappeler que quoi que la vie et l'univers -qui a bon dos, vous l'avouez- vous balancent à la face, et bien cela vaut la peine de le recevoir, en bien ou en mal. Et de vous dire qu'un mal peut toujours redevenir un bien. Et toutes ces conneries. Même quand vous avez froid à l'âme comme maintenant, que votre corps vous trahit et que la solitude vous accable dans cette traversée de l'épreuve. Mais malgré toute votre foi, ce n'est pas facile. Ca ne l'est jamais mais là, vraiment, c'est compliqué. Il y a le schéma malheureux des répétions tragiques, l'énergie qui peine à être renouvelable, des enclumes qui tombent du ciel sur la croix où vous ne pouvez vous empêcher de mettre les pieds. Au final, ce qui est dur, c'est de se retrouver seul non pas avec soi-même, même seul tout court, coupé de son propre droit à influer sur les événements, privé de sa voix et visiblement condamné à voir des pans entier de la vie s'écrouler autour de vous sans même qu'on vous donne le droit de tout faire pour les retenir et les consolider. Et qu'au final, tout ce que vous pouvez faire, grand malade que vous êtes, c'est de garder prise sur votre affliction, de garder espoir dans la tempête.

     

    Mais ce n'est pas facile. Parce que rien ne les réchauffe, et que vous avez les pieds froids