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Plume de Renard - Page 74

  • Vous aviez prévu d'écrire une nouvelle note...

    ...avec plein de trucs bien dedans comme des pigeons, des strings qui dépassent et des Oliviers, mais vous avez préféré jouer à Suikoden 5 sur votre plèychtaytion 2.

  • White Houses

    Y a pas à dire, vous êtes réellement fan de cette chanteuse. Allez, encore un clip pour la route, z'êtes chez vous ici, non mais!

     

     

  • Riz au fromage

    Et une historiette de plus! En espérant qu'elle vous plaira!

     

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    "Lorsque vous ouvrez les yeux, c’est pour contempler le regard dur d’un garçon armé d’une épée de bonne taille qui semble courir sur un fond aux couleurs psychédéliques où vous croyez vaguement apercevoir ce qui doit être un château. Etouffant un grognement, vous fermez les yeux, vous cachez sous le duvet et attendez quelques secondes qui vous paraissent être autant de longues minutes, au cas où.

     

    Peine perdue : quand vous rouvrez vos yeux fatigués, l’espèce de samouraï est toujours là, en deux dimensions sur votre mur. Dans un coin de votre tête en mode réveil, vous vous demandez pourquoi votre mère n’a pas décroché tous les posters de jeux vidéos et de films de votre adolescence une fois votre départ du nid familial étant donné qu’elle les avait en horreur. Vous reléguez cette question dans un recoin encore plus profond de votre esprit : vous avez depuis longtemps compris qu’une mère était un paradoxe ambulant qui vous étouffait contre son sein pour vous couvrir de baiser avant de lancer une remarque acide sur le retard de publication de votre dernier ouvrage ou sur votre tenue qui ne peut-être que débraillée.

     

    Les cheveux hirsutes, des valises blindées –sans doute en fonte, au minimum- sous les yeux, vous repousser le duvet puis la couverture que votre chère maman a cru bon de venir jeter sur vos épaules alors que vous deviez déjà dormir comme une masse. Vous comprenez pourquoi vous avez rêvé être étouffé par une centaine de pulls en laine… Vous jetez un œil sur votre vieux radio-réveil couvert d’autocollants ; il est midi et lorsque vous sentez l’odeur qui filtre sous votre porte, vous vous demandez une fois de plus si venir passer le week-end dans la maison familiale était une bonne idée.

     

    Assis sur le rebord de votre lit d’un bleu ciel couvert de nuages blancs du plus bel effet, vous grattez férocement votre peau irritée par la laine de la couverture (la fameuse, une toute verte avec de grosses coccinelles rouges et noires qui sourient), encore à moitié endormi. Votre tête vous fait tellement mal que vous avez l’impression d’avoir été piétiné une douzaine de fois par la fanfare municipales, trompettes comprises. Vous vous rappelez vaguement avoir bu quelques verres de scotch avec votre père hier au soir sur le patio, mais sinon, le trou noir.

     

    Et voilà l’odeur qui revient, insidieuse, et qui achève de vous réveiller totalement ou presque. Une odeur dont vous n’arrivez pas à deviner correctement la saveur. Ce qui n’a aucune importance car il s’agit d’une de ces odeurs qui entrent par effraction dans la confortable chaumière de vos sinus, retourne tous les tiroirs, se sert de la salle de bains et va même jusqu’à mettre le bordel dans le grenier qui vous sert de cervelle.

     

    Hoquetant, vous mettez une main devant votre bouche et vous précipitez hors de votre vieille chambre pour courir jusqu’à la salle de bain de l’étage où vous passez bien deux ou trois minutes penché au-dessus de la cuvette, vous demandant si le pire serait de rendre les verre de scotch ou de vous noyez accidentellement dans l’eau des toilettes. Au moins, vous ne sentiriez plus l’odeur…

     

    Hagard, vous sortez un peu palot des cabinets pour descendre dans la cuisine en suivant l’escalier familier ; vous constatez avec un certain plaisir que la sixième marche en partant du haut grince toujours autant. Si vous aviez compté le nombre de fois où elle avait déclenché les jurons de votre sœur trahie par le vieux bois lorsque adolescente, elle se faufilait dans la maison bien après le couvre-feu. Bien évidemment, votre mère au sommeil aussi fragile qu’un service en cristal lui tombait dessus et, si les éclats de voix ne manquaient pas de vous réveiller, vous assistiez avec ravissement à un nouveau conflit familial.

     

    Pour l’heure, le grincement trahit seulement votre aptitude à vous levez tard un dimanche matin. Pieds nus sur le carrelage –tellement froid qu’il vous donne envie de faire des claquettes- vous avancez prudemment dans l’encadrement de la cuisine familiale, méfiant.

     

    « Bonjour mon chéri ! Ce n’est pas trop tôt,, tu émerges enfin ? »

     

    Vous froncez les sourcils, la voix en grande forme de votre mère bien trop agressive pour vos neurones en pagaille. Vous baragouinez un vague « ‘jour m’man » ou quelque chose dans le genre et vous laissez lourdement tomber sur une chaise. Sur la table, les couverts sont dressés pour trois. Visiblement, le dimanche même ne suffit pas à votre mère pour abandonner l’idée d’un dîner correct. Dîner en fin de préparation dont l’odeur est encore plus forte ici, à la source.

     

    « Tu as bien dormi mon coeur ? J’espère bien, avec tout le temps que tu as passé à flemmer ce matin ? »

     

    Vous ne répondez pas, habitué aux mots doux suivis de remontrances. Vous vous attendez presque à ce qu’elle vienne vous tirer la joue comme lorsque vous étiez enfant, mais elle est trop occupée par ses casseroles. Courageusement, vous vous redressez pour voir ce qui dégage un tel fumet, et manquez défaillir.

     

    « Ton père ne va pas tarder, il est au jardin. J’espère que tu as faim ! J’ai arrangé quelques restes qui traînaient dans le frigo. Ce n’est pas avec ce que toi et ta belle mangez dans votre studio que tu vas nous pondre de nouveaux chefs-d’œuvre… »

     

    Vous laissez passer la critique sous-jacente de votre mode de vie pour rouler des yeux comme des soucoupes devant la mixture qui mijote dans la poêle. De son saint instinct de mère, la femme qui se tient près de vous a réussi à combiner deux des aliments qui vous répugnent le plus en un seul plat de riz gluant recouvert de fromage fondu. Vous osez une timide protestation, et n’êtes guère étonné de la réponse maternelle :

     

    « C’est le problème avec toi ! Plus tu grandis, plus tu deviens pénible ! Je m’échine à cuisiner et toi tu n’aimes rien ! »

     

    Vous ne prenez même pas la peine de lui expliquer une fois de plus qu’elle sait parfaitement que vous haïssez le riz gluant et que le fromage fondu vous donne envie de vomir. Vous adorez votre mère –une femme intelligente, ouverte et dynamique qui vous a beaucoup apporté dans votre vie- mais vous vous demandez parfois quel plaisir pervers les parents peuvent trouver à faire avaler à leurs enfants les mixtures les plus inavouables tout en sachant parfaitement qu’ils n’aiment rien de ce qui s’y trouve. Vous, vous pensez que c’est juste pour le plaisir de se lamenter et faire culpabiliser l’enfant chéri parti trop top et qui ne pense plus assez à ses parents qui vieillissent tout seul.

     

    Vous vous contenez d’hausser mentalement les épaules et d’essayer de cesser de respirer le plus longtemps possible. Vous êtes plus qu’habitué à son étrange mélange de fierté de vous voir réussir hors du cocon familial, sa tristesse de vous avoir vu partir et sa jalousie jugulée pour la femme qui partage votre vie – elle l’adore, les deux s’entendent bien mais cela n’empêche jamais votre mère de vous lancez une remarque incisive censée vous amener à la conclusion qu’aucune femme ne sera jamais mieux que votre mère qui a souffert le martyr pour vous mettre au monde et qui s’est amoureusement sacrifiée jour après jour pendant des années pour votre bien être.

     

    Ces crises maternelles ne vous ont jamais réellement inquiétées : c’était pareil avec votre grande sœur adorée. Sauf que maintenant, ladite grande sœur adorée à droit aux récriminations sur son éternel célibat et aux grands cris qui se lamentent de ne pas encore avoir de petits enfants.

     

    « Ne mets pas tes coudes sur la table chéri ! Et va te débarbouiller ! »

     

    Bizarrement, ces paroles vous arrachent un sourire. Ravi de pouvoir vous enfuir loin de la détestable odeur, vous vous levez pour embrasser votre mère et retournez dans le couloir où vous croisez votre père revenant du jardin. Vous le saluez et vous pincez le nez pour le prévenir. Lorsque vous êtes dans la salle de bain en train de chercher votre dentifrice, vous entendez leurs voix s’élever hors de la cuisine :

     

    « Encore du riz au fromage ? Tu en as déjà fait vendredi ! »

     

    « Le problème avec toi mon chéri, c’est que plus tu vieillis, plus tu deviens pénible ! Tu n’aimes rien ! »

     

    Face au lavabo, vous ne pouvez vous empêchez de sourire."