Parce que vous adorez Vanessa Carlton. Vraiment, c'est pour vous une excellente artiste qui mérite d'être toujours plus connue! Et vous aimez particulièrement cette chanson...
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Parce que vous adorez Vanessa Carlton. Vraiment, c'est pour vous une excellente artiste qui mérite d'être toujours plus connue! Et vous aimez particulièrement cette chanson...
C’est un de ces jours où vous vous sentez mal. Enfin, plutôt une de ces période. Une longue période pleine de jours qui se succèdent, se suivent et, surtout, se ressemblent. Des jours où vous réveillez trop tôt parce que vous ne pouvez plus dormir. Des jours où il y a cette boule dans votre ventre qui essaie de remonter le long de votre cage thoracique pour venir se loger dans votre gorge. Des jours où la nausée devient un art de vivre, s’abattant sur vous par vagues comme les sauterelles voraces sur le champ de blé. Des jours où vous ne pouvez pas avaler grand-chose, et des jours où au contraire, vous compensez votre mal être par la nourriture (oooh, il est 16h30 ? allez, un menu complet au McDo avant le souper. Souper suivi de l’engloutissement d’une boîte de biscuits et d’au moins deux verres de lait. Une heure plus tard, vous avez cette sensation de faim qui revient vous tenailler l’estomac…).
Plus rien ne vous intéresse comme avant. Lire vous est pénible : après un ou deux chapitres, vous devez vous forcer pour déchiffrer les lettres qui s’alignent face à vos yeux fatigués. Ecrire, comme vous le faites maintenant, est une épreuve : vous débordez d’idées, mais vous n’arrivez pas à les coucher sur le papier –enfin, le clavier- et après quelques minutes d’écriture, votre esprit s’ennuie. C’est pareil pour tout : lire, écrire, jeux vidéos… A peine commencez-vous que vous en avez déjà marre. Vous pensez sans arrêt à ce que vous devez faire ensuite. Vous n’êtes pas à côté de vos pompes, mais sans cesse dans celles d’après. Le moment présent devient pour vous une véritable torture assaillie par les fameuses sauterelles de la nausée.
Vous vous sentez seul. Et c’est sans doute le cœur du problème. Vous n’arrivez plus à vivre correctement dans le cocon familial, et vous vous coupez des parents. Vous aimez vos rares amis, mais parfois vous vous demandez si ce qu’il y a entre eux est vous est réellement de l’amitié. Entre leurs problèmes et les vôtres, vous ne savez plus où donner de la tête. Vous avez envie de sortir, de rencontrer du monde, mais vous ne savez pas comment le faire seul. Vous avez tenté de reprendre le contact avec des anciens amis dont vous aviez vraiment envie d’avoir des nouvelles, vous n’avez pas de réponses. Alors oui, vous vous sentez seul.
Fut un temps où vous adoriez sortir vous balader sans compagnie, au bord du lac ou en ville, vous installer dans un chouette coin et lire un bon bouquin. Ou simplement contempler le décor en écoutant de la musique ou tout à vos réflexions. Ce n’est plus le cas. Sortir seul devient une épreuve : vous vous ennuyez à peine arrivé en ville, et vous avez envie de rentrer chez vous. Seulement, une fois chez vous, vous n’avez qu’une envie : repartir. Vous avez parfois l’impression de passer votre vie dans le train. Quand vous êtes chez vous, vous vous sentez seul, vous vous sentez mal. Quand vous vous baladez, la vue de ces groupes d’amis qui font tant de choses ensemble, la vue de ces couples vous rend triste, et vous vous sentez mal.
C’est bien là le fond du problème. Vous n’êtes pas satisfait de votre schéma relationnel actuel, et vous vous sentez profondément seul. Et vous ne savez pas quoi y faire pour y remédier. En cheminant pensivement le long d’un pont, en ville, vous vous êtes brièvement demandé ce que cela faisait, de grimper le long de la rambarde et de sauter. Que personne ne s’alarme, hein, tout le monde s’est sans doute demandé cela une fois dans sa vie. Et puis, vous n’en avez pas l’intention, vous aimez trop la vie pour ça. Même si elle se trouve être plutôt difficile pour vous ces temps-ci. Et pourtant, elle ne devrait pas : vous êtes plutôt en bonne santé, vous avez votre famille, un toit sur la tête, de la nourriture… Et pourtant, vous avez cette sensation persistante qu’il vous manque quelque chose.
Le problème –du moins une part-, c’est toute cette réflexion. Penser vous fatigue de plus en plus. Vous avez l’impression que toutes les idées se mélangent dans votre tête, et vous n’arrivez plus à vous concentrer correctement. C’est comme… c’est comme vivre perpétuellement au cœur d’une tempête où le vent hurle sans arrêt et ne vous laisse pas un seul instant de répit. Parfois, vous passez des heures à ne rien faire, déchiré entre toutes les possibilités, ne faisant que penser et penser sans vous arrêter… Vous aimeriez juste pouvoir vous déconnecter. Dormir, par exemple. Dormir longtemps, jusqu’à ce que cela aille mieux. Dormir des jours, des mois et vous réveillez calme et serein. Mais vous savez parfaitement à quel point c’est illusoire.
Le fond de toute cette histoire, c’est que vous vous sentez seul, immensément seul, perdu au milieu de vos pensées qui tourbillonnent. Et que vous n’avez pas le courage d’y remédier. Ou, plutôt, vous ne savez pas comment vous y prendre pour ne plus ressentir cette solitude qui vous dévore. Vous n’arrivez qu’à attendre en pensant sans cesse dans toutes les directions, seulement l’attente ne résout jamais tout.
Et c’est tout ce dont vous êtes capable.
Et oui, vous êtes encore en vie! Et avec une nouvelle historiette en sus! Une historiette qui peut se ranger aux côtés de "Trois heures trente" et "les Honneurs" bien qu'antérieur d'un point de vue chronologique si ces trois historiettes étaient réunies. Qui sait?
Sur ce, je vous laisse en compagnie de ces quelques mots...
"Et vous voilà une fois de plus perdu dans vos pensées, entre le rayon des produits laitiers et celui des articles de plage que les commerçant ont déjà sorti pour l’été qui approche à grands pas. Sans même y penser, vous vous écartez pour éviter un coup de pelle en plastique rose distrait qu’une dame en tailleur fuchsia trimballe sur son épaule en direction des caisses. Face à vous, des dizaines de yoghourts de toutes les tailles, de toutes les saveurs et de toutes les couleurs que vous contemplez d’un air légèrement ahuri, une boîte de petits pois –votre premier article arraché aux rayons aujourd’hui- entre les mains.
Entre les petits suisses multicolores et les coupes au chocolat dépourvu de matières grasses (à quoi bon manger du chocolat, alors ?), vous êtes attiré comme par un aimant par un pack de petits gobelets d’un jaune orangé où une mascotte ressemblant au résultat de l’expérience d’un généticien fou sur les fruits et légumes clame fièrement en grosse lettres « bananes-carottes ».
D’instinct, vous tournez plusieurs fois la tête pour regarder autour de vous, des fois que l’on vous aurait fait une mauvaise blague. Mais non, visiblement, les yoghourts bananes-carottes sont bien réels, rangés au-dessus des pommes-châtaignes. Vous levez un sourcil suspicieux face à l’étrange mélange. Vous qui étiez venus pour une boîte de petit pois et des yoghourts aux fruits histoire d’agrémenter votre morne quotidien alimentaire de célibataire, voilà que vous venez de passer cinq bonnes minutes à user vos petits yeux fatigués à la rechercher de mixtures homogènes. Vous mourriez d’ailleurs d’envie de manger un bon yoghourt à la banane. Et voilà que des fous ont décidé d’y rajouter des carottes.
L’air effaré, vous regardez autour de vous comme si vous espériez de l’aide. Vous n’osez plus demander à l’un ou l’une des garçons et filles de rayons s’il reste des yoghourts à la banane –seulement à la banane, parce que voyez-vous, mademoiselle, la couleur carotte-banane ne m’inspire pas réellement confiance- depuis que la dernière vous avait gratifié d’un regard snob à faire pâlir d’envie une reine mère en vous apprenant que l’article que vous recherchiez était en rupture de stock et que vous n’aviez qu’à le savoir avant de poser une question aussi bête.
C’est tout vous, ça : vous n’avez jamais eu le contact facile avec les gens, quels qu’ils soient. Vous êtes encore paralysé d’angoisse lorsqu’un inconnu engage la conversation avec vous. Parler de la pluie et du beau temps vous apparaît aussi complexe que de parler de politique. Et vous n’osez même pas penser au football…
Alors vous voilà, petit pois à la main, bananes et carottes plein les yeux, planté au milieu du chemin à vous poser de telles questions existentielles tandis que les autres consommateurs vous évitent ou vous frôlent en grommelant sur ces gens qui n’ont rien de mieux à faire que de rester dans le passage.
Le fait est que non, vous n’avez rien de mieux à faire. Personne ne vous attend dans votre studio en ville, vous n’avez toujours pas de nouvelles de l’éditeur que vous avez contacté et voilà plusieurs jours que l’angoisse de la page blanche paralyse vos doigts dès qu’ils se penchent au-dessus du clavier de votre ordinateur portable. Vous vous sentez vide, flasque comme le contenu des gobelets en plastiques alignés devant vous, et certainement moins frais. Vos rares amis sont occupés à un vrai travail, et vous vous tergiversez des heures devant le rayon des produits laitiers dans le simple but de vous occuper.
Enfin, avec un soupir, vous vous emparé sans conviction des bananes-carottes et vous vous dirigez vers les caisses à la suite de vos semblables pressés, de leurs enfants caractériels et de leurs aînés dont la vitesse de croisière atteint bien les deux pas minute. Sans réfléchir, vous vous placez dans la file de la caisse numéro huit ; vous aimez bien la caisse numéro huit, parce que la jeune vendeuse qui s’y trouve tous les matins vous fait toujours un joli sourire lorsqu’elle tipe vos éternels biscuits à la framboise ou les litres d’eau que vous avalez chaque semaine.
Aujourd’hui, elle est ravissante dans la chemise blanche légèrement échancrée que sa veste aux couleurs du magasin, ouverte, laisse apercevoir. Elle sourit au vieux monsieur qui se trouve devant vous en lui tendant un sac dans lequel il range une à une ses prises de la journée ; par réflexe, vous vous jetez en arrière lorsqu’il tourne brusquement la tête vers vous pour tousser comme une vieille locomotive. Enfin, il demande un paquet de cigarettes que la caissière lui donne en lui faisant gentiment la morale, paie et s’en va en clopinant tandis que ses poumons luttent pour aspirer la moindre bouffée de l’air climatisé du magasin.
C’est à vous, et sur le tapis de caisse défilent votre boîte de petits pois et vos yoghourts au mélange douteux ; toute votre journée qui défile devant vos yeux et les siens…
« Bananes-carottes ? Ils font vraiment des trucs comme ça ? Et ben… »
Vous bredouillez quelques monosyllabes, vous sentant coupables sans trop savoir pourquoi.
« Je crois que vous êtes la première personne que je vois en acheter. Doivent pas faire des masses de bénéfices sur ceux là… »
Elle sourit, et dégage d’une main fine la mèche de cheveux noirs qui lui barrait le front tandis que vous restez là, incapable de trouver quoi répondre, incapable d’avoir une conversation banale avec un autre être humain pratiquement inconnu.
Elle fronce les sourcils, comme inquiète :
« Vous, vous n’allez pas l’air bien aujourd’hui. »
Surpris, vous ouvrez à demi la bouche, mais elle ne vous laisse pas poser la question :
« Ca fait depuis le début de la semaine que je vous observe, et si vous en êtes aux euh… bananes-carottes, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. »
Terrorisé par cette affirmation on ne peut plus vraie, vous essayez désespérément de vous faire tout petit tandis que le monde derrière-vous s’impatiente. La caissière les foudroie du regard :
« Du calme, on peut bien papoter, non ? Vous n’êtes pas tous derrière une caisse toute la journée… »
« J’ai trois enfants ! » clame d’un air hautain la femme d’âge mûr qui se trouve juste derrière vous.
« C’est bien dommage pour eux. »
Et, avant que la femme ne puisse rétorquer, c’est devant son air outré que la caissière pose bruyamment la petite barre sur laquelle il est noté « fermé ». Puis, insensibles aux grommellements et aux cris d’indignation des clients forcés de changer de file, elle tipe vos articles et les enfourne dans un sac qu’elle vous fourre dans les mains après que vous ayez maladroitement sorti l’argent de la poche arrière de votre pantalon.
« Venez, on va parler, vous et moi. Vous en avez besoin.»
Vous restez là, interdit, serrant contre votre cœur petits pois et bananes-carottes comme si votre vie en dépendait.
« C’est l’heure de ma pause. Vous aimez le café ? »
Elle vous sourit à nouveau, s’extirpe gracieusement de sa caisse et jette nonchalamment sa veste du magasin sur son siège. Puis elle vous prend le bras et vous entraîne à suite.
Vous étiez venu chercher des petits pois et des yoghourts à la banane. Et comme il n’y avait plus que des bananes-carottes, c’est ainsi qu’elle entra dans votre vie.
Depuis, vous en achetez toutes les semaines."