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Plume de Renard - Page 76

  • Putain vous m'aurez plu

    Y a pas à dire, les paroles de cette chanson, à défaut d'être gaies, vous les trouvez super bien écrites.Et non, il n'y a pas besoin d'être déprimé pour écouter du Saez.

     

    Putain vous m'aurez plus 

     

     

    Ami, prends ma lanterne
    Car j'ai perdu ma flamme
    Mon amour est parti
    Elle a jeté mon âme
    A bouffer au néant
    Me laissant le coeur vide
    Elle a fait des fertiles des averses arides
    Et l'horreur du monde n'est rien en comparaison
    A ce que l'amour fait, à ceux qui dans l'union
    Pensent oublier un peu qu'on est tristes ici bas
    Et qu'ici solitude est le dernier repas

    Elle avait les yeux noirs desquels on voit du bleu
    Qu'on prend pour l'océan, dans lesquels on voit Dieu
    Qui font toucher du bout des doigts les horizons
    Et toujours à la fin on est seuls au milieu...

    Des vagues de sanglots et du sel dans la gorge
    Et du sel sur la plaie de ce coeur tatoué
    A son nom que l'on crie au fond des vers de vin
    A se dire que la vie oui n'était qu'une putain

    Ami, regarde moi j'ai le coeur qui renverse
    La mémoire de ses yeux qui me colle à la peau
    Et dans les bars du port je cherche magie noire
    Pour délivrer mon corps du sort qu'on m'a jeté
    Et le sourire des filles non ne me fait plus rien
    Et je commence à croire que les hommes qui on pris d'autres hommes pour amour
    On regle la question, après tout dis moi qu'est ce qu'elles ont de plus que nous?
    Si ce n'est cette force qui fait qu'elles vous oublient
    Cette horreur au fond d'elles ou à ce monstre qui crie
    Quand elles vous font l'amour tu sais qu'elle n'oublient pas
    Qu'il n y a qu'à la nature qu'elles ne tiennent paroles

    A tout ceux dans leur bras qui sont fait prisonniers
    j'ai l'âme solidaire et puis ma sympathie
    A ces fous qui comme moi finiront pas la nuit
    Je vous le dis putain, putains vous m'aurez plus ..

    Que je meurs à l'instant si l'envie me reprend
    De remettre ma tête dans la gueule du serpent
    De me laisser encore, crucifier le coeur
    Pour un joli sourire, au parfum de leurs fleurs
    Marguerite ou Tulipe, et de rose à Lila
    Tu sais l'ami pour moi elles ont toutes ici bas
    Quand elles vous montrent le ciel, qu'elles vous disent qu'elles vous aiment
    Elles ont toutes pour moi l'odeur des chrysanthèmes

    Adieu les gentilles et adieu les j'en pleure
    Adieu les maudites qui ont pris ma lueur
    Qui ont jeté dans le noir mes yeux et puis les tiens
    Contre le chant du cygne et les beautés qu'elles crèvent

    Toutes j'en peux plus de ces jeux qui nous tuent
    J'en ai marre de ce coeur mon Dieu, qui ne bat plus
    Et qui toujours s'incline au pied de fausses blondes
    Qui nous mènent à la cime, qui nous trainent à la tombe

     

    Damien Saez, Album "Paris", 2008 

  • Photo

    Une photo de vous et du dernier Pratchett, parce qu'il le vaut bien. Et vos lecteurs ont de la chance, vous vous êtes rasé ce matin! =D

     

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     La classe non? XD (remarquez le jouliet vieux Faucon Millenium au-dessus de Gaston Lagaffe :P)

  • Albert Smith

    Et voici un chapitre premier d'une histoire sans fin (pour l'instant) débutée hier suite au petit texte du début et de la fin (soit l'article précédent) qui lui sert en fait de prologue.

     

    Voici donc:

     

     

    CHAPITRE PREMIER

     

    Où l’on apprend qu’un début en vaut bien un autre et que l’on découvre Albert Smith

     

     

     

    Albert Smith était un homme heureux. Oh, pas heureux comme ces hommes qui mènent une vie extraordinaire. Plutôt heureux de la petite joie satisfaite qu’éprouvent ceux qui sont réussi à devenir ordinaires et qui s’en content plus que bien, merci pour eux.

     

    La joie de se coucher le soir dans un lit confortable tout en sachant que le matin serait –sauf impondérable exceptionnel- au rendez-vous. La joie de savoir que l’on aurait des corn-flakes au petit-déjeuner. Voir un petit-déjeuner tout court, ce qui n’était pas du luxe. La joie d’embrasser sa gentille femme le matin et de partir pour le travail –à l’heure- et d’y arriver entier et –surtout- à l’heure.

     

    La joie d’être dans les temps.

     

    Albert Smith aimait être dans les temps. Cela lui conférait un sentiment de sécurité inaltérable ; être dans les temps signifiait qu’aujourd’hui était pareil à hier, et qu’aucune monstruosité tentaculaire pleine de dents n’allait profiter d’un de vos retard pour vous faire une petit blague. Et Albert Smith ne pensait pas à Hortense, la plante carnivore qui trônait au fond du magasin de fleuriste où il travaillait avec une présence et une régularité exemplaire depuis quinze ans, jour pour jour.

     

    Mais il arrivait à Albert Smith de penser à des étranges comme ces monstruosités précitées, et parfois plus bizarre encore. Il n’avait beau presque plus s’en formaliser, mais les vieilles habitudes avaient la vie dure…

     

    Pour sa part, il préférait nettement les nouvelles, celles qui n’essayaient pas de lui dévorer la main lorsqu’il s’en servait (1). Il avait une affection toute particulière pour celle qui consistait à tourner la petit clef dorée dans la vieille serrure du magasin lorsqu’il l’ouvrait, tous les matins à septe heures trente. Sept heures trente tapante, parce que l’on ne savait jamais ce qui pouvait se produire. Une minute d’avance et on finissait renversé par une voiture que l’on aurait jamais croisée en étant à l’heure, et une minute de retard et on se retrouvait à remplir le constat de témoin pour l’accident, ce qui n’aidait pas les affaires de la boutique.

     

     

    Rangeant la clef dans la petite poche de poitrine de son complet-veston, Albert Smith pénétra dans la boutique d’un pas de conquérant, humant les effluves de fleurs et d’engrais divers tel Cortès l’or des Incas. Il se sentait dans son élément, parmi les fleurs. Elles n’essayaient pas de le tuer, ni de lui demander sans cesse un service. Bien sûr, il fallait s’occuper d’elles et Hortense avait son caractère, mais elles ne faisaient rien d’autres que rester là à fleurir et s’épanouir. Pas de cris, pas de hurlements, ni de supplications. Ce qui convenait parfaitement à Albert Smith, qui appréciait énormément ce silence, qui n’était troublé que par le gling gling de la cloche lorsqu’un client entrait.

     

    Et Albert Smith venait juste d’enfiler son tablier blanc, ses gants de travail et son chapeau de paille (2) quand le premier gling gling de la journée retentit. Albert Smith était fier de son gling gling : il était clair, doux et chantait aux oreilles. A l’entendre ainsi, on le voyait presque rutiler, comme la clochette qu’Albert Smith astiquait consciencieusement tous les jours.

     

    « Bonjour madame Iriguelet, lança-t-il joyeusement tandis qu’il se mettait en place derrière le comptoir.

    -Bonjour monsieur Smith. Ma commande est-elle prête ?

    -Comme tous les jours depuis que vous nous la commander, madame Iriguelet. Emballée et prête à être livrée à son destinataire par la plus ravissante des messagères.

    -Oooooh, monsieur Smith, vil flatteur ! Je peux le voir ?

    -Bien sûr madame Iriguelet ! »

     

    Albert Smith se pencha et disparut sous le comptoir pour se relever avec un paquet de papier froissé qu’il posa devant sa cliente, qui semblait ravie de l’ouvrage.

     

    Madame Iriguelet était de ces vieilles dames dont les mots « ancienne institutrice » semblaient graver sur le front. Elle se tenait toujours droite et digne, et ne disait jamais un mot de plus qu’il n’était nécessaire. Et quand elle les prononçait, les mots, on entendait la différence entre un h aspiré et un h muet ; elle arrivait presque à prononcer la marque du pluriel des participes passés, et on sentait jusqu’aux tréfonds de son âme chaque exception orthographique comme si elle se découpait dans l’air. Et encore, on ne parlait pas des doubles consonnes !

     

    Mais madame Iriguelet était une de ces institutrices que les élèves avaient aimées, aussi ne se déplaçait-elle pas comme si elle avait avalé un compas et possédait une bonne figure toute ronde qui contribuait à l’envie de lui donner du madame plutôt que du mademoiselle de manière instinctive.

     

    Madame Iriguelet était aussi une des plus fidèles clientes de la boutique de fleuristes. Elle était veuve et, chaque matin depuis dix ans, venait pour l’ouverture chercher le bouquet qu’Albert Smith lui préparait quelques secondes à peine après avoir ouvert la porte de son magasin. Ensuite, elle allait le déposer, rue du cimetière, devant la tombe de son mari auquel elle racontait les derniers ragots du voisinage, notamment sur la dame Ragondin qui avait encore laissé son chien s’échapper dans le jardin de celui des voisins, mais si Henri, tu te rappelles d’eux, les Hugenots, voyons, ceux qui nous avaient invité pour une dinde au curry si dure que tu y avais laissé ton dentier… et ainsi de suite.

     

    Albert Smith aimait bien madame Iriguelet parce qu’elle était ponctuelle, sans surprises et qu’elle ne lui avait jamais demandé d’aller combattre le monstre de la colline verdoyante. Bon, une fois elle lui avait demandé d’aller récupérer son chat coincé en haut d’un arbre dans la rue d’à côté, mais cela n’était tout de même pas pareil : le félin ne l’avait griffé qu’une fois, et ensuite il avait eu droit à des petits gâteaux. Il n’avait jamais eu droit à des petits gâteaux, pour l’affaire de la colline verdoyante.

     

    « Ce sera tout madame Iriguelet ?

    -Ce sera tout monsieur Smith. Merci infiniment, Henri sera ravi, comme toujours.

    -Je vous ai gardé les plus beaux lys de côté, madame Iriguelet.

    -Merci monsieur Smith, vous êtes un amour ! Comment va Hortense ?

    -Elle va bien madame Iriguelet. Elle est un peu de mauvaise humeur ce matin parce qu’elle n’a pas encore eu ses mouches, mais…

    -Je parlais de votre femme, monsieur Smith, reprit madame Iriguelet ; on sentait le ton de l’institutrice prendre le pas sur celui de la brave retraitée.

    -Oh, oui, pardon. Elle va très bien, madame Iriguelet. A l’époque de l’acquisition d’Hortense –la plante- Albert Smith avait pensé que ce serait marrant de l’appeler comme sa femme, étant donné qu’elles avaient parfois le même caractère. Avec le temps, il eut vite l’impression que ni l’une ni l’autre n’avait goûté à la plaisanterie mais le nom était resté, à la plus grande satisfaction des clients amusés.

    -Elle s’est remise de son lumbago ?

    -Oui madame Iriguelet. Un peu de glace et un matelas dur, comme vous l’aviez dit madame Iriguelet.

    -Tant mieux, la pauvre enfant ! Vous ne devriez pas la laisser faire autant d’effort dans son état monsieur Smith ! dit madame Iriguelet d’un ton de reproches.

    -Je sais bien madame Iriguelet, mais elle n’en fait qu’à sa tête. Les hormones sans doute…

    -Ahlala, les jeunes mamans ne font bien plus assez attention ! De mon temps, on savait se tenir quand on avait le ventre rond ! 

    Albert Smith essaya d’imaginer une madame Iriguelet enceinte et s’empressa de changer de sujet :

    -Et Mioumiou va bien ?

    -Oh, la brave petite bête se porte comme un charme depuis que vous l’avez descendu de cette arbre. Il vous faudra repasser à la maison un de ces jours, je crois qu’il me reste des biscuits.

    -Merci beaucoup madame Iriguelet. Les biscuits de madame Iriguelet, c’était un peu comme mordre dans le Paradis mais sans la barbe de Saint-Pierre pour vous chatouiller le palais.

    -Ca vous fera vingt-cinq, madame Iriguelet.

    -Comme d’habitude, monsieur Smith. Tenez, le compte tout rond, plus deux francs pour votre service.

    -Merci madame Iriguelet. Madame Iriguelet était de ces vieilles femmes qui considéraient que le pourboire était le symbole même de la générosité humaine, que ce soit au bistrot du coin ou à la caisse du supermarché devant des vendeuses étonnées.

    -Au revoir monsieur Smith.

    -Au revoir madame Iriguelet. Mes amitiés à monsieur Henri.

    -Je n’y manquerai pas, au revoir. »

     

    Le gling gling signala la sortie de madame Iriguelet, et Albert Smith retourna aux préparatifs de l’ouverture complète de la boutique.

     

    Il ne vit pas, dans son dos, l’épée apparaître brièvement dans les airs, clignoter comme si elle était destinée à permettre aux voitures de signaler qu’elles allaient tourner, et disparaître aussi vite qu’elle était apparue.

     

    Sur son étagère, Hortense goba une mouche imprudente.

     

     

     

     

    (1)   Sauf Hortense ses jours de mauvaise humeur

     

    (2)   Qui n’était, lui, nullement indispensable, mais Albert Smith aimait à penser que donner l’image du fleuriste qu’en avait le client moyen le rassurait.