Voici la seconde et dernière partie de cette petite histoire improvisée, j'espère que ça vous aura plu! ^_^;
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"Fausse alerte. Le souffle de votre compagne redevient rapidement régulier. Sans trop savoir pourquoi, vous n’avez pas particulièrement envie qu’elle se réveille maintenant. Ca signifierait discuter, et vous n’en avez pas franchement envie. D’autant plus qu’elle critiquerait votre sale manie avant de vous piquer derechef une cigarette. Allez comprendre…
Toujours avec le moins de bruit possible, vous déposez votre bâton de la mort dans le cendrier et attrapez l’ordinateur portable qui traîne en permanence sous votre lit quand vous ne l’utilisez pas. Assis en tailleurs sur votre bord de lit, la machine qui démarre sur vos genoux, vous enfoncez vos fidèles écouteurs dans vos oreilles et clignez des yeux devant la lumière de l’écran. Votre premier réflexe est d’enclencher votre playlist, et la musique s’écoule dans votre tête, contribuant à vous calmer. Cela fait longtemps que vous n’avez pas eu besoin de recourir aux médicaments prescrits par votre psychiatre, et vous aimeriez bien que cela continue.
Perdu dans vos pensées, vous ne savez même pas pourquoi vous l’avez allumé, votre ordinateur. En fait, c’est devenu une sorte de réflexe moderne qui vous effraie. Vous ne savez pas quoi faire ? Zou, vous allumez le pc ! Alors que vous avez des bouquins à lire, des textes à écrire et tant d’autres choses à faire, vous vous retrouvez à errer bêtement sur le net, à relire les mêmes informations et à, avouons-le, perdre votre temps. C’est terrifiant. Cela dit, vous croyez voir que l’un de vos dessinateurs préférés à posté une nouvelle note (les auteurs de bds, comme les écrivains et les proxénètes, possèdent un rythme de vie plus ou moins irrégulier)…
Vous esquissez un sourire…et manquez vos étouffer sous la surprise lorsque deux bras viennent entourer vos épaules pour plaquer les mains froides qu’ils ont au bout contre votre torse (qui n’avait rien demandé à personne).
« Tu ne dors pas ? »
Parfois, la perspicacité de la créature de vos rêves vous étonne, tout comme les phrases toutes faites que les gens emploient. Vous ne dormez pas assis en tailleurs, que vous sachiez ! Vous préparez une remarque acide dont vous avez le secret, mais son souffle chaud dans votre cou vous radoucit (voilà où est passée toute la chaleur qu’elle vous a vampirisé !).
Décidée à vous agacez, la demoiselle vous débarrasse de vos précieux écouteurs et chuchote exagérément fort dans votre oreille :
« Houhou ? Qu’est-ce que tu fais ? »
Sans attendre de réponse –comme à son habitude- elle pose sa tête sur votre épaule, encercle votre ventre (moins d’athlète celui-là) de ses bras nus et lit par-dessus votre dos, ce que vous détestez. Elle sait que vous détestez. Vous savez qu’elle sait que vous détestez. Elle sait que vous savez qu’elle sait que vous détestez. C’est beau, la vie de couple.
« Ce type est marrant, même à trois heures… » Elle jette un bref coup d’œil sur le réveil. « …trois heures trente sept du matin. » Elle parle de la note de blog. Vous, vous êtes marrant tout le temps, tout le monde le sait ! « Tu vas rester assis comme ça encore longtemps ? »
Sans écouter la réponse que vous commencez à balbutiez, elle baille et fait le tour pour se lever.
« Du coup, j’ai soif. T’as fumé, toi ! »
Vous ne niez pas, occupé à la contemplez, vêtue d’une petite culotte blanche et d’un de vos vieux t-shirt (ça vous apprendra à lui offrir la somptueuse nuisette de ses rêves à son dernier anniversaire, tiens…). Sans cesser de bailler à s’en décrocher la mâchoire, elle se sert un verre d’eau à la cuisine ; vous entendez l’eau cogner contre le métal de l’évier. Lorsqu’elle revient, c’est pour s’emparer de la cigarette qui se consume dans votre cendrier et la coincer entre ses lèvres.
A vos protestations, elle réponde par le haussement de sourcil qui fait que vous damneriez pour elle sans hésiter une seule seconde :
« Pour moi c’est pas pareil. Tu sais très bien que ça te fait tousser ! »
Elle s’assied à vos côtés, l’une de ses longues jambes par-dessus l’autre.
« Qu’est-ce que tu as ? Je ne t’ai pas assez fatigué tout à l’heure ? » Elle glousse, de ce petit rire qui a fait chaviré votre cœur il y a trois ans.
Mais ce soir, les angoisses sont là, et vous ne savez pas comment les partager. Vous tentez de lui dire que vous voulez rester seul, pour vous apitoyer tranquillement sur votre sort et toutes ces choses que l’on fait lorsqu’on a l’impression que le monde entier vous en veut à vous, personnellement. Et cette histoire de livre vous trotte dans la tête. Votre éditeur n’est guère loquace, et vous ne savez toujours pas comment interpréter les « Hon hon » du bonhomme lorsqu’il feuilletait distraitement votre dernier chapitre.
Vous avez envie de parler, de déverser votre peur irraisonnée en la partageant avec votre cher amour, de vous laissez happer par la spirale infernale, de casser des assiettes et de repartir chez votre mère qui réussit, elle, très bien le gâteau au chocolat (votre compagne s’entend avec les fours comme vous avec les briquets). Malgré votre appartement, malgré la splendide et aimante –bien que taquine- créature qui partage votre vie, malgré votre chat qui dort dans une de vos vieilles pantoufles en ronflant, vous avez la furieuse envie de vous lever, de renverser quelques meubles (mais pas des gros meubles, vous avez le dos fragile) et de claquer la porte pour vous enfuir. Partir loin, comme vous faisiez avant lorsque quelque chose vous donnait la sensation d’étouffer. D’être emprisonné, de rester bloqué. Incompris.
Vous allez ouvrir la bouche, vous allez lâcher la bombe, persuadé que c’est la seule chose à faire…lorsque votre compagne ferme délicatement l’écran de votre ordinateur pour venir vous embrasser dans le cou.
« Et si on recommençait ce qu’on a fait tout à l’heure, mmhm ? »
Vous vous laissez entraînez sous les draps tandis que vos mains se glissent sous votre vieux t-shirt qu’elle porte et dont elle dit tant aimer la fragrance rassurante. Et soudain, vous n’avez plus peur. Vous vous sentez bien. Les angoisses ne sont pas parties, elles reviendront sans doute. Mais vous êtes enfin chez vous.
Il est passé trois heures trente du matin, et tout va bien."