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Plume de Renard - Page 81

  • Bill

     Une histoire qui vous est venue comme ça... Parfois, il suffit de bien peu de chose. ^^

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    Bill était de bonne humeur. Il faut dire que Bill était un pigeon, et qu’en tant que tel il ne demandait pas grand-chose. De quoi picorer, des cibles pour se débarrasser du surplus de picorement et de belles colombes auprès desquelles fricoter lorsqu’il se sentait d’humeur canaille.

     

    Pour l’heure, Bill battait joyeusement le pavé, sa tête d’oiseau sans cesse en mouvement. Saccade sur saccade, il regardait autour de lui avait l’air étonné et globalement inexpressif qu’avaient les pigeons. Ses petites pattes maladroites tricotant gaiement sur le sol de pierre, il se demandait à quoi il allait bien pouvoir occuper son temps libre. Et, avouons le, un pigeon a beaucoup de temps libre. Peut-être parce qu’il ne sait pas ce que c’est. Alors il mange sur la première place venue, boit une goutte dans la première flaque venue et se soulage sur la première tête venue (ou parfois l’épaule, Bill ne visait pas très bien). Sans oublier les colombes. Très important, ça, les colombes.

     

    Comme Bill venait de prendre un bain dans la fontaine quelques rues plus loin, il avait le poitrail gonflé et le plumage ébouriffé typique des oiseaux mouillés. Il se sentait beau, il se sentait propre, et le fait qu’il eut à partager ses ablution avec deux mégots de cigarettes et une vielle canette ne le dérangeait pas outre mesure. Il en fallait bien plus pour déranger Bill le pigeon.

     

    Parce que c’était un crac, le Bill. Un as dans son domaine, une pointure ! Il roucoulait comme personne, et nul autre volatile citadin n’avait autant de classe que Bill quand il s’avançait pesamment de sa démarche de vieux propriétaire. Les jeunes pigeons courbaient l’échine devant lui et les colombes se pâmaient comme les plus romantiques des collégiennes devant la dernière star à la mode. Quant aux moineaux, ils gazouillaient de peur sur son passage. Quand Bill arrive en ville, on change de trottoir, sifflaient-ils aux nouveaux. Il y avait bien le vieux corbeau qui ne se laissait pas marcher sur les serres, mais comme il était vieux et sénile –d’autant plus qu’il digérait mal la perte de son fromage depuis que l’ami goupil s’aventurait de plus en plus loin dans la ville- Bille ne lui accordait guère d’attention. Il était le boss, et cela n’était pas un vieux corbac de malheur qui allait dire le contraire.

     

    Or donc, Bill était de bonne humeur. S’il avait su ce que c’était et que son bec aurait été physiologiquement adapté, il aurait sifflé avec l’accent allemand. Que voulez-vous, même les pigeons ne choisissent pas leurs prénoms… Mais comme Bill n’avait pas la moindre idée de ce que pouvait bien être un prénom, il n’en souffrait pas le moins du monde. Bill souffrait peu, parce qu’il ne savait pas grand-chose. Ce qui était le cas de la plupart des pigeons.

     

    Crâne de piaf, mais cœur léger, Bill se pavanait nonchalamment entre les réverbères ; il se disait qu’il n’avait bombardé personne depuis longtemps, et qu’il serait bientôt temps de mettre en route une nouvelle couvée de petits Bill des villes, farouches et solitaires, comme leur père !

     

    Aussi, perdu dans ses pensées aussi légères que les plumes qui garnissaient son arrière-train, Bill descendit sur la terrasse le cœur léger. Il ne savait pas que ce jour serait le dernier.

     

    En effet : a peine avait-il posé une patte indolente sur ladite terrasse qu’une tornade humaine jaillit d’une habitation, hurlant des imprécations. Bill n’eut pas le temps de comprendre. Il n’eut pas le temps de comprendre que certaines personnes n’aimaient vraiment, mais vraiment pas les pigeons. Et le malheur le choisit comme dindon de la farce.

     

    Sur la terrasse, il n’y avait plus qu’un petit tas de plumes et d’os brisés.

     

    Bill avait été de bonne humeur, mais comme Bill était un pigeon, en tant que tel il lui suffisait de peu de choses…

  • Recyclage

    Et oui, vous recycle une vielle note retrouvée sur votre vieux blog qui avait connu une vie plus qu'éphémère! Mais elle parle de McDo, et de viles personnes vous ont fait saliver aujourd'hui! Alle zou, recyclage!

     

    Vous êtes un monstre bourré de défauts et de vices. Parfaitement, de vices!

    L'un d'entre eux vous a soudainement sauté à la figure comme un pop-corn dans le micro-ondes alors que vous preniez votre repas de midi. Au McDo. Et vous vous avouez enfin ce terrible travers: vous aimez manger dans la chaîne de self-services du gros M jaune. Oui, vous aimez McDonald. Vous aimez les cheesburgers caoutchouteux dégoulinant de ketchup et de fromage industriel et leurs gros muffins au chocolat. Pire, vous aimez leurs frites dont la dose de sel semble varier d'un jour à l'autre à l'image de leur structure moléculaire même. Vous adorez ça. Comme un gamin, vous engloutissez avidemment et AVEC PLAISIR cette nourriture infâme.Oui, avec plaisir! Petit, vous collectionniez même les jouets et construisiez les décors avec les boîtes en carton. Et, comme si porter ce pêché ne suffisait pas, le clown détient son arme la plus redoutable, celle qui vous fait saliver rien que d'y penser: la sauce moutarde.

    Votre délice caché, votre honteux plaisir. Votre régal. Lorsque vous la sentez se répendre sur votre langue, votre palais perd tout contrôle, électrisé par la doucereuse sensation de bonheur que ce goût éveille en vous. La sauce moutarde du MacDonald n'est en aucun cas, comme certains impies bien-pensants se plaisent à le croire, une vulgaire moutarde mais bien une sauce à part! Une composition que vous n'avez jamais retrouvée hors de ces restaurants américains à service rapide ornés d'un M stylisé du plus jaune (tiens, comme ladite sauce moutarde), une saveur unique que les gardiens du savoir ronaldien gardent jalousement: une merveille face à laquelle vous perdez tout contrôle, vous conduisant comme le premier junkie venu en manque de drogue dure.

    Oui, vous qui me lisez avec vos yeux horrifiés et vos estomacs révulsés d'horreur, vous avez bien été témoins de cette sinistre révélation: moi, j'aime McDonald!

    Décidemment, vous êtes irrécupérable, enlisé dans votre honteux bourbier. Un paria perdu à jamais pour la société dite bien pensante. Parfaitement! Lecteurs qui me condamnez, vous avez raison, mille fois raisons: vous êtes un maillon au service de l'impérialisme américain s'étendant jusque dans nos vertes campagnes!

    N'empêche, là tout de suite, vous vous avaleriez bien un succulent double-cheese.

    Avec un peu de sauce moutarde...

     

  • Usé par l'avenir

     


     

    La vie, c’est un peu comme jeter un chat dans une baignoire : aléatoire. Vous en êtes arrivés à cette conclusion il y a quelques temps déjà, et vous ne pouvez qu’y adhérer. Pour en arriver là, il vous a d’abord été nécessaire de dépasser l’image préconçue qui dit que tous les chats n’aiment pas l’eau. Ce qui est faux. Il existe des cas avérés de chats qui se plongent avec délice dans l’élément liquide, tels leurs grands cousins les tigres qui s’ébattent voluptueusement dans les rivières indiennes. Au final, on ne peut pas savoir si un chat aime l’eau avant de l’y plonger. Bon, évidemment, il y a l’art et la manière : il est fort peu probable que la bestiole goûte avec plaisir au bain si vous l’y lancer tel un ballon de fourrure, cela va de soi. Mais au-delà de ça, on ne peut pas savoir avant d’avoir vu le chat dans l’eau. Pour la vie, c’est pareil : on ne sait pas avant d’y être.

     

    A noter que les chats n’en sont pas à leur première utilisation dans l’illustration d’une théorie quelconque. Vous pouvez citer pour exemple le célèbre paradoxe du chat de Schrödinger, qui veut qu’un chat enfermé dans une boîte soit à la fois mort et vivant (et surtout très en colère, rajoute l’écrivain anglais Terry Pratchett). Vous pouvez aussi mentionner la légende urbaine qui attache la tartine sur le dos du chat ; la tartine ne retombant que sur le côté beurré et le chat sur ses pattes, les balancer dans le vide attachés l’un à l’autre devrait alors les faire flotter dans le vide, partagés par deux gravités. Vous adorez la logique populaire.

     

    Bref, tout cela pour dire que la vie, c’est un peu comme jeter un chat dans une baignoire. Vous n’imaginiez même pas revenir poster ici un jour, c’est dire. Déjà parce que vous avez mille autre choses à faire (que vous ne les fassiez pas n’a aucun rapport, que les mauvaises langues le sachent !) et aussi parce que vous ne savez pas trop quoi raconter. Seulement, vous en êtes arrivés à la question suivante : est-il vraiment nécessaire d’avoir quelque chose à raconter ? Franchement, hein ? Après tout, vous êtes chez vous sur ce blog… Vous n’allez pas vous mettre à écrire avec des lettres de couleur non plus (quoique vous n’êtes plus à un satanisme prêt…mais bon, il y a des limites !), ni mettre des chiffres à la place de lettres. Vous avez juste envie de…taper quelques mots, comme ça, sans raison. De manière aléatoire.

     

    Peut-être parce que vous vous sentez fatigués ces derniers temps. Ecrire un coup vous fera peut-être du bien. Dernièrement, vous réalisez certaines choses que vous ne vouliez pas voir, apprenez des nouvelles que vous auriez préféré ne jamais entendre et vous posez des questions qui ont une fâcheuse tendance à rembrunir votre humeur. Ah, et vous avez appris que vous étiez souffrant d’un fonctionnement psychotique. En gros, vous avez les capacités sociales, la confiance en vous et la facilité à vous insérer dans la vie dite normale d’un tabouret. Pourquoi pas cela dit ? C’est tranquille, un tabouret. Il ne se pose pas de questions métaphysiques, n’est pas assailli par des angoisses diverses et variées avant de dormir (il ne dort même pas, c’est dire !) et il n’a pas de vie sentimentale à gérer. La facilité sociale d’un tabouret et l’ambition d’une pantoufle… Voilà qui vous définit plutôt bien.

     

    L’ambition ! Ah, un grand mot qui vous en fait voir de toutes les couleurs ! Alors que vous n’en avez aucune, c’est dire ! Malheureusement, la majeure partie de votre entourage semble en avoir pour vous. Et ne peut pas concevoir que vous pourriez vous contenter d’une vie simple et tranquille. Plus d’intelligence que vous n’avez de force pour la supporter, c’est ainsi que vous vous voyez… Vous êtes fatigués, écrasés par cette ambition qu’on vous agite sous le nez comme un hochet devant un joufflu bébé récalcitrant.

     

    Il y a une chanson de Damien Saez qui vous fait comme une claque à chaque fois que vous l’entendez ces temps-ci, tellement chacune de ses paroles ou plus vous parle. On peut notamment y entendre « usé par l’avenir ». Ca aussi, c’est tout à fait vous. Et c’est sans doute le cas de la majorité des gens, finalement. Usé par les études qu’on doit réussir. Par le travail qu’on doit trouver. Par la « bonne situation » que la société exige de nous. Par le bulletin de salaire de la fin du mois. Par ce film qui sort la semaine prochaine. Par cette chose à faire demain. Par demain. Vous avez parfois l’impression de vous battre pour demain, et que lorsque le demain est là, vous n’en profitez pas étant donné qu’il faut déjà lutter pour le lendemain.

     

    Vous chérissez d’autant plus les instants présents dont on peut profiter sans restriction. Vos pas qui crissent dans la neige (quand il y en a). L’odeur de la pluie. Observer les oiseaux. Juste essayer d’être le soi que vous vous voulez réellement être, et non celui que vous vouliez être ou que le monde autour de vous veut que vous soyez.

     

    Et malgré tout ce qui vous fait sourire, là, maintenant, vous avez subitement l’impression d’étouffer. La boule dans votre gorge, et cette tristesse dont vous ne trouvez pas l’origine. Cette peur de l’avenir qui arrive trop vite, comme une locomotive en contre-sens sur le pauvre cabri gambadant de votre innocence. Vous avez envie de fermer les yeux un instant, pour les rouvrir demain. Vous avez aussi envie de manger une tranche de gruyère, mais cela n’a plus grand-chose à voir avec la choucroute.

     

    Vous voulez vivre, tout simplement. Et pour cela, il y a encore une question à laquelle vous devez répondre, et dont la dite réponse vous terrifie.

     

    Qui êtes-vous, nom d’une chouette ?

     

     

    Et pour illustrer tout ça, hop, la chanson de Saez vite trouvée par youtube(dont vous avez foiré la mise en page sur le blog, vous savez, merci) qui vous remue tant les tripes (la chanson, pas Saez; ce serait pas propre!):