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Vie - Page 11

  • Les pieds froids

    Oui, il n'y a pas eu d'écrits depuis un certains temps dans le coin. Entre l'appendicite, les gastros, le manque d'inspiration et pire encore, la suite des aventures de Lucie, c'est pas gagné. Et je ne parle pas de pondre une historiette! Mais bon, comme toujours, je retrouve le chemin du clavier, ne serait-ce que par souci thérapeutique, quand les émotions débordent. Alors voici.

     

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    Malade.

     

    Ça ne vous arrive pas souvent, mais ça vous fait une belle jambe. D'autant que parmi le peu de choses qui vous foutent la paix ces temps-ci, on y trouve au moins vos jambes. Qui font tout leur possible pour vous permettre de traîner votre corps déficient à son allure d'escargot, un pas après l'autre. Lit, canapé, cuisine, et on recommence, pas forcément dans cet ordre. En y ajoutant les innombrables visites express à la salle de bain. Non pas que vous répandiez tripes et boyaux sans discontinuer, même si vous auriez préféré, des fois que le mal de cœur y passe avec. Seulement, il paraît qu'il faut vous hydrater -ce qui tombe bien, vous passez votre temps à crever de soif- mais votre vessie n'y comprend plus grand chose. En même temps, vous n'avez jamais eu une vessie très futée et de toute façon, elle a toujours une patience équivalente à celle d'un gamin de quatre ans. De toute façon, vessie ou pas, vous êtes plus un tas de couvertures et peignoirs qui bougent mollement qu'un véritable être humain.

     

    C'est à croire que depuis votre appendicite, tout a subitement décidé de foutre le camp. Comme si machin qui s'est soudainement enflammé avait fait office de sonnette d'alarme pour vous dire :« Attention mon grand, fini la belle vie, tu vas souffrir maintenant, t'en prendre plein la gueule, et quand en seras réduit à un petit tas de vêtements de maison sur un coin de ton canapé et que tu finiras par péniblement en émerger, ce ne sera que pour mettre le pied sur un nouveau piège à souris du destin. En même temps t'avais qu'à ranger ton bordel hein, c'est pas ma faut si t'es pas ordré et que tu laisses traîner des trucs qui finissent par te tomber sur le coin de la pomme. Oh, et là je te fais vachement mal, alors il faudrait peut-être songer à te débarrasser de moi, mais c'est que le début hein, promis ! On s'appelle et on s'fait une bouffe ? ». Oui, votre appendice était du genre bavard, et si certaines personnes s'embarrassent dans leurs récits d'une escalope milanaise mutante, vous ne voyez pas pourquoi votre appendice ne serait pas sortie tout droit d'un cartoon, avec un monocle et un fez (« Because fezes are cool ! »).

     

    Et si l'appendicite, c'est un peu l'équivalent opératoire d'enlever un sparadrap et qu'à peine vous réalisez que tiens, vous êtes à l'hôpital, et bien vous vous retrouvez déjà chez vous, et bien ce n'était que le début des emmerdes. Pour parler crûment (ce qui n'est pas tant que ça dans vos habitudes, mais y a un moment où faut plus pousser et ou c'est juste marre ; et puis ça reste dans le thème, les intestins, tout ça). Non parce que bon, les trucs n'ont pas arrêter de vous tomber sur le coin de la pomme, sans jamais vous demander votre avis, vous laisser le temps pour souffler ou proposer de prendre part à une explication raisonnable autour d'une tasse de thé. Ils n'ont pas été aussi polis : ils se sont contenter de tomber. Un peu comme la foudre, mais sans priver de le faire au même endroit, et s'en s'essuyer les pieds avant d'entrer. Alors au bout d'un moment, faut pas s'étonner que sa lâche, comme les boyaux. Vous n'avez pas envie de sombrer dans l'auto apitoiement, mais trop c'est trop. D'autant que moralement, ça fait aussi son petit effet. Déjà parce qu'à force de vous traîner chez vous, entre vos quatre murs, et bien vous commencez à devenir sérieusement timbré. Et puis il est plus difficile qu'on ne le croit de tourner en rond dans un petit appartement, parce qu'on finit toujours par se cogner l'orteil contre quelque chose. Et comme l'extrémité du sachet de thé qui prend un malin plaisir pervers à s'échapper de vos doigts pour plonger dans la boisson, vous n'avez pas besoin de ça. Ça suffit maintenant, y en a ras le bol : des appendices, des gastros, des pieds froids et du reste. Parce que vous avez froid aux pieds. Vous qui n'avez presque jamais froid, qui dormez les fenêtres grandes ouvertes avec un simple drap fin pour vous couvrir tout l'hiver, et bien vous avez froid. Un froid issu de l'intérieur, qui s'injecte dans vos veines comme le produit anesthésiant avant une opération, un flot de glace liquide qui balaie les derniers îlots de chaleur préservés tant bien que mal par la tempête qui fait rage dans votre corps. Et quand vous n'avez pas trop froid, vous avez trop chaud, c'est à rendre fou. Mais les pieds, eux, restent obstinément froid, ce qui pose de sacrés problèmes logistiques au niveau du rendement des couvertures. Bref, vos pieds froids et vous n'en pouvez plus de traverser cette succession d'épreuves coincés chez vous, seul et misérable, si ce n'est pour votre propre compagnie. Qui n'est ces temps-ci ni très lucide, ni très jouasse.

     

    Peut-être que l'univers s'amuse maintenant à vous accabler de tout un bordel, mais vous ne lui avez rien demandé, à l'univers. Qui de toute façon, n'écoute jamais ce qu'on lui dit. C'est un peu son propre, à l'univers. Des milliards de planètes, de plans, des possibilités infinies, mais pas fichue de se faire un sonotone correct. Vous pourriez miser sur le karma, et attendre le lot de bonnes choses qui en résultera, mais vous croyez autant en ces conneries d'équilibre cosmique qu'en, disons, la possibilité de trouver un sens philosophiquement profond dans l'analyse d'un épisode de la saga « Twilight ». Non, l'univers, si vous le croisiez, vous lui récuriez la tronche à coup de brosse à chiottes avant de lui balancer un coup de binette dans la pomme. Non parce que bon, hein, vous croyez pouvoir dire sans trop vous jeter des fleurs que vous êtes un garçon plutôt gentil, affable. Un peu grognon quand vous avez envie de rester dans vos pantoufles, un peu râleur -question de principe- mais au final, pas méchant pour un sou. Du genre à hocher la tête et dire « ça va » plutôt que de vous précipitez dans un conflit inutile. Déjà parce que oui, en général, ça va. Vous avez fait un sacré chemin pour en arriver à vous dire ça mais force fut pour vous d'admettre à un moment que bon, d'accord, votre vie n'était pas parfaite, que vous n'aviez pas le contrôle sur tout, et que vous continueriez toujours d'égarer une chaussette après chaque lessive mais que globalement, ben, ça allait. Que y avait de quoi bien aller en tout cas et qu'une fois qu'on le réalisait, ben ça rendait les choses tout de suite non pas plus faciles -elles ne le sont jamais ; jamais!- mais plus gérables, plus abordables. Vous n'aviez plus à rester dans votre coin de peur de vous prendre une nouvelle tuile sur la tronche (même si à ce train là, vous aurez bientôt au final prit l'équivalent de deux ou trois toits sur la caboche). Qu'après tout, votre apologie du désespoir n'avait plus lieu d'être. Un rêve pieux de toute façon ; l'espoir restera toujours pour vous une drogue, un brin abrutissante, qui vous poussera toujours à relever la tête avant de la replonger dans la flaque, ne serait-ce que pour éviter de vous noyer. Le désespoir, le vrai, le pur, le dur, vous l'avez connu par le passé, et vous n'avez aucune envie de le retrouver si vous pouvez faire autrement. Le noir, le marécage, cette zone d'ombre glacée et solitaire dont on n'a l'impression que rien ne pourra jamais sortir et qui étouffe dans l’œuf le moindre germe d'un printemps nouveau (en même temps, qu'est-ce qu'un œuf fout avec des germes printemps nouveau, aussi). Mais quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, le désespoir on peut s'en sortir, mais il projette toujours son ombre.

     

    Oui, donc, vous considérez être un gars plutôt sympa, gentil, pas cynique pour un sou et bêtement capable d'imaginer le meilleur dans chaque chose et à vouloir que tout se passe pour le mieux pour tout le monde, au point de passer dix minutes dans un supermarché à hésiter entre deux boîtes de petits pois de peur d'en laisser une seule et malheureuse de ne pas avoir été choisie (houla, dit comme ça, c'est quand même un problème qui doit remonter à sacrément loin mais tant pis, vous assumez). Vous l'étiez depuis toujours, et vous l'aviez retrouvé après une longue période creuse façon traversée du désert, repli sur soi-même, désespoir donc, et tous ces machins là qui poussent les gens à ne plus se raser, à vivre les stores tirés et à passer mille nuits sans sommeil en se raccrochant à n'importe quoi pour s'occuper l'esprit, qu'il s'agisse de se perdre dans les livres ou dans le déni. Vous vous étiez blindé, des fois qu'il pourrait vous arriver de ressentir à nouveau des trucs pour qui ou quoi que ce soit, et que ça pourrait à nouveau faire mal, à vous ou au qui ou quoi que ce soit en question, boîtes de petits pois comprises. Et puis le cocon s'est fendillé, vous avez mué, et ce n'était pas par un miraculeux caprice du destin, ou grâce à un événement révélateur sur le sens de la vie du genre de ceux qu'on croit imaginer pouvoir trouver dans un éprouvant périple en solitaire. Non, vous avez simplement finir par vous rappeler que vous aviez un cerveau -et pfou, vous y aurez mis, le temps !- et qu'en le connectant au cœur plutôt qu'en essayant de le substituer, et bien ça allait tout de suite mieux. Enfin, mieux, non, mais disons que c'était meilleur, ce qui n'était pas tout à fait la même chose. Vous vous êtes rappelé qu'il y avait un monde autour de vous, que vous en faisiez partie, et que vous ne sortiriez jamais de votre carapace si vous ne vous en débarrassiez pas pour plonger dans l'inconnu. Paradoxalement, de vous lier à nouveau au monde et aux gens qui le composent, avec tous les risques que cela encoure, cela vous a aussi permis de vous retrouver face à face avec vous-même dans le lot, et à un peu mieux comprendre qui vous êtes. Vous n'étiez plus en train de vous oublier. Car ce qu'on oublie facilement, c'est que ce n'est pas par l'isolement qu'on se retrouve, mais à travers autrui. Ou, du moins, à travers des expériences. On peut bien rester six mois (et vous avez fait ça plus longtemps) coupé de tout, ça peut faire du bien, mais ça ne règle rien. Vous, vous n'avez jamais vécu autant pour vous-même depuis que vous avez décidé de ne plus vous épargner le reste du monde. C'est étrange dit comme ça, mais ça marche. Ou du moins, ça marchait. Là, vous n'êtes plus très sûr. En même temps, depuis quelques temps, vous n'êtes plus très sûr de rien. Pourtant, vous étiez arrivé à atteindre ce stade béni qui vous permettait de voir le meilleur même dans la plus pourrie des situations, cet état qui permet de voir le bien dans toute chose, de profiter du revers de chaque médaille en le transformant en une nouvelle expérience plutôt qu'en une catastrophe sans équivalent. Mais quelque part, vous avez beau être un brave type tendance optimiste borderline naïf bien décidé à ne pas vous plaindre de ce que la vie met sur votre chemin même quand c'est une tarte dans la face, mais y a un moment où c'est marre. Tout simplement. Ras le bol. Ecoeuré, le bonhomme. Trop de tartes. A force de se relever sans cesse après un coup dur, il finit bien par arriver un moment où on se dit qu'il serait mieux et moins douloureux de rester couché, histoire de s'épargner le peu d'énergie qu'il nous reste. Et que l'envie de se retirer en boule dans un coin, sans plus rien demander ni attendre du monde, un gros casque sur les oreilles et des lunettes noires devant les yeux, ben ça devient carrément séduisant. Et puis après tout, merde, vous êtes humain, comme tout le monde (enfin, tous les humains, pas les arbres, les fleurs, les cailloux et tous ces machins, même s'ils ont quand même une vie bien moins compliquée, ces sagouins) ; au bout d'un moment, vous avez beau y mettre toute la bonne volonté du monde et voir le bien, vous allez finir par plier. Trop c'est trop, d'autant plus quand vous n'y êtes pour rien dans tout le bordel qui vous tombe dessus. C'est bien gentil d'y croire et d'essayer sans cesse mais au bout d'un moment, la machine se grippe et ça doit finir par casser. L'usine du bonheur met la clef sous la porte. Et quand on passe le calendrier des événements en revue, il y a un schéma qui en ressort, et c'est pas brillant : chaque essai qui compte, aussi bien qu'il ait commencé, a fini par se casser la gueule. Que ce soit vos entreprises scolaires professionnelles, sentimentales ou spirituelles, rien ne tient, vous finissez toujours par rouler misérablement en bas de la colline. Alors à la longue, quand on est pas con, on finit bien par additionner deux et deux et par rester couché. Histoire de cultiver son cynisme, afin de ressourcer par là ses réserves et de s'occuper de soi, et merde aux autres, au reste du monde et à l'univers. Non parce qu'il y a un moment où vous ne savez plus trop quoi faire pour continuer de mettre un pied devant l'autre, alors à quoi bon, franchement ? Deux et deux, ce n'est pas une addition compliquée.

     

    Seulement, vous n'avez jamais été très fort en calcule (et encore vous êtes gentil). On pourrait vous en présentez la preuve par neuf que vous n'y pigeriez rien, à toutes ces histoires. Ou alors vous finiriez par en oublier le résultat et à retomber les pieds devant dans vos travers à base d'espoir. Ressortir la tête de la flaque. Vous ne pouvez pas vous en empêcher, c'est maladif. Mais en même temps, vous avez grandi, vous avez mûri, vous avez appris à mieux connaître qui vous étiez réellement et il semblerait que cet espoir fasse partie intégrante de votre système. Sans lui, vous vous écroulez, vous vous retirez dans votre petit monde personnel loin des émotions et de tous ces trucs là souvent bien lourds. Et c'est chiant. Vous n'avez plus envie de passer à côté des trucs lourds. Même si vous avez une envie terrible de fuir dix jours loin de tout, vous savez que vous finirez par en revenir pas plus désespéré. Et vous l'acceptez faute de mieux, peut-être parce que vous avez mûri donc, et que vous êtes devenu plus fort, ou tout simplement parce que vous avez enfin trouvé en quoi croire, en quoi placer cet espoir qui n'a jamais cessé de déborder en vous par tous les trous, vous faisant patauger dans la flotte, la boue et les larmes. Seulement, ce sont vos larmes, et rien ni personne ne vous dira quand les verser, ou quand ne pas les verser .Vous vous accordez le droit à la vie, avec tout ce que cela ensuit. Et vous avez besoin de vous le rappeler, de vous le répéter et de vous l'écrire pour ne pas voir cette fragile charpente s'écrouler dans des moments difficiles, comme ces moments où vous êtes malade, ou le mal au coeur vous donne envie de l'arracher et de le balancer dans le Mont du Destin le plus proche, ou que vous avez les pieds froid. Vous essayez de rester celui que vous êtes devenu, et de vous rappeler que quoi que la vie et l'univers -qui a bon dos, vous l'avouez- vous balancent à la face, et bien cela vaut la peine de le recevoir, en bien ou en mal. Et de vous dire qu'un mal peut toujours redevenir un bien. Et toutes ces conneries. Même quand vous avez froid à l'âme comme maintenant, que votre corps vous trahit et que la solitude vous accable dans cette traversée de l'épreuve. Mais malgré toute votre foi, ce n'est pas facile. Ca ne l'est jamais mais là, vraiment, c'est compliqué. Il y a le schéma malheureux des répétions tragiques, l'énergie qui peine à être renouvelable, des enclumes qui tombent du ciel sur la croix où vous ne pouvez vous empêcher de mettre les pieds. Au final, ce qui est dur, c'est de se retrouver seul non pas avec soi-même, même seul tout court, coupé de son propre droit à influer sur les événements, privé de sa voix et visiblement condamné à voir des pans entier de la vie s'écrouler autour de vous sans même qu'on vous donne le droit de tout faire pour les retenir et les consolider. Et qu'au final, tout ce que vous pouvez faire, grand malade que vous êtes, c'est de garder prise sur votre affliction, de garder espoir dans la tempête.

     

    Mais ce n'est pas facile. Parce que rien ne les réchauffe, et que vous avez les pieds froids

  • Wash, rinse, repeat

    Pas de "Lucie" ni d'historiette aujourd'hui, mais une note purement bloggique qui permet d'évacuer les doutes et d'asseoir sa déttermination. Une sorte de purge et ça fait toujours du bien!

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    Il y a des jours où vous vous dites que la vie, ça devrait être aussi simple qu'une lessive. Cette pensée vous est venue, comme un lapin sortant de son terrier, tandis que vous étiez justement en train de la faire, votre lessive. Et si tout cela n'a finalement guère de rapport avec le lapin -vous étiez d'humeur champêtre côté comparaisons- il reste que vous aimeriez bien balancer tous les aspects qui habillent votre vie dans le tambour de la machine, avec un brin d'adoucissant et, surtout, un produit détachant du tonnerre. Qu'il serait agréable de laver à grandes eaux jusqu'aux moindres recoins de votre âme, et de renfiler votre peau après un tel décrassage. Tout ce qui vous affligeait serait nettoyé, tout ce qui bavait sur la couleur éclatante de vos perspectives d'avenir serait éliminé, et tout ce qui raidissait et alourdissait les plis de vos soucis serait adouci. Que vous vous sentiriez léger alors, à renfiler votre vie sur le dos, propre comme un sou neuf ! Et vous sentiriez bon, baigné d'une douceur et d'une fraîcheur bienvenues, et vous pourriez alors braver le futur d'un pied ferme, tous vos sales ennuis derrière vous. Comme un nouveau départ, mais avec les mêmes vêtements d'une même vie, lavés de tout ce qui menaçait de les voir finir dans la corbeille. Laver, rincer, recommencer.

    Évidemment, ce n'est jamais aussi simple. On ne peut jamais éviter totalement de se salir, de voir ses vêtements subir les usures d'un climat difficile, et on ne peut piocher indéfiniment dans l'armoire des habits neufs en évitant le problème, ce panier de linge sale qui traîne dans un coin. Oui, il est bien dommage de ne pas pouvoir éliminer une étape difficile de sa vie comme les tâches sur un pull, en enfonçant le tout dans une machine, appuyant sur un bouton et attendant que le tout nous revienne frais et étincelant. Ce serait bien. Mais la vie, ce n'est pas comme trier ses chaussettes et séparer les blancs des noirs. A tout instant, on risque d'être éclaboussé par un coup dur au moment où l'on s'y attend le moins, et ce même quand on a toutes les raisons du monde d'être épargné par les crasses qui nous tombent malgré tout dessus. Et c'est sans doute ce qui vous mine le plus, cette fatale impuissance face aux difficultés qui surgissent même dans le meilleur des mondes, un peu comme des mauvaises herbes finissant inévitablement par apparaître dans le jardin pourtant le plus propices aux merveilles. Le jardin est toujours là, sous les ronces et les herbes folles, mais la nature reste hors de contrôle et n'a besoin de personne pour décider de le recouvrir. Et vous avez un peu l'impression de vous retrouvé devant un grand pied de nez balancé par l'univers.

    C'est tout lui ça, l'univers. Tout se passait bien depuis quelques temps maintenant, vous étiez arrivé à un équilibre précieux que vous avez su maintenir avec une adresse et une facilité qui vous étonne, et vous viviez enfin quelque chose de profondément beau, de profondément apaisant et, surtout, de profondément juste et naturel. Et, vous avez même envie de dire, de mérité. Parfaitement. Et quand arrive le jour qui devrait permette à toutes ces nouvelles racines de croître, s'étendre et renforcer des fondations déjà solides, voilà que le tout butte contre de nouveaux obstacles, jusqu'ici dissimulés dans l'ombre. Des obstacles sur lesquels vous n'avez aucune prise directe, et qui semblent prendre un malin plaisir à accabler leur monde. Et tous les efforts que vous faites pour les surmonter semblent parfois ne pas suffire, et c'est à se demander quand vous allez finir par trébucher et vous écraser le nez dans la poussière.

    Et pourtant, malgré la difficulté, malgré tout ce qui peut décider de se dresser sur votre chemin, vous ne pouvez vous empêcher de relever la tête avec un air de défi face à l'adversité. Déjà, vous vous êtes assez écrasé le nez dans la poussière jusqu'à aujourd'hui pour que la peur de tomber vous paralyse. Votre nez, vous êtes prêt à le risquer, et votre cœur aussi. Vous en avez plus que ras le bol d'être accablé par cette foutue adversité, quelle qu'elle soit. Et vous refusez catégoriquement de vous dérober par quelque porte de sortie, même si une de ces dernières s'ouvrait soudainement devant vous. Vous passerez par la porte qui vous permettra de continuer votre chemin, et vous n'avez aucune intention de revenir en arrière, et ce dans tous les aspects de votre vie. Parce que vous avez trouvé ce qui vaut la peine de risquer la chute, et que vous ne pouvez imaginer l'abandonner sans tout tenter. Sans vous battre contre l'adversité (toujours elle, cette garce surgie de nulle part où vous n'attendez que de l'y renvoyer). Vous ne regrettez aucune de vos décisions, parce que vous en avez plus qu'assez de passer à côté de votre vie et de vous retrouver sans cesse avec de nouveaux regrets. La peur de vous planter, de vous faire mal, de la souffrance ne vous arrêtera plus, parce que ces dernières font aussi intrinsèquement partie de la vie que toutes les bonnes choses que cette dernière peut offrir. Et ces bonnes choses, vous y croyez. Vous y avez droit, vous les avez expérimentées et vous savez qu'elles existent. Même quand des problèmes surgissent pour les ensevelir sous les mauvais herbes, elles n'ont pas disparu, et vous allez faire en sorte de les révéler à nouveau. Quels que soient les risques, parce que le jardin vaut bien plus que la vie que vous mèneriez si vous vous contentiez de passer à côté de peur de trop en souffrir. Parce que vous savez enfin ce que se sentir vivre veut dire, que vous ne voulez plus vous épargner pour de mauvaises raisons, et parce que vous le devez à vous-même. Là où fut un temps, le découragement vous aurait charmé par sa facilité, vous n'éprouvez aujourd'hui qu'une détermination farouche et une résolution inébranlable face à l'adversité. Même si c'est difficile, même si vous devez mettre de côté de votre confort, même si vous devez attendre ; les épreuves que vous avez traversées vous auront appris la véritable patience, et vous êtes plus forts que vous ne l'avez jamais été. Meilleur aussi, vous osez enfin vous l'avouer. Alors même si les nouvelles épreuves qui vous attendent ne peuvent pas se régler aussi facilement qu'en mettant son linge dans la machine à laver, ou qu'en fermant les yeux pour espérer s'endormir et ne se réveiller qu'une fois les troubles passés, et bien vous n'allez certainement pas vous défiler. Au risque de vous faire mal, certes, mais c'est un risque que vous prenez désormais en toute connaissance de cause. Parce ce que ce sont des risques pareils qui valent mille fois la peine d'être vécus, et parce que vous avez le droit d'espérer. Votre apologie du désespoir, cette philosophie qui guidait un temps votre vie, a volé en éclat, mais pas seulement parce que vous êtes rentré dans les aléas -et les bonheurs de la vie- de plein fouet. Non, vous vous êtes aussi décidé à prendre le marteau (métaphorique le marteau, bien sûr ; vous êtes une catastrophe avec de vrais outils dans les mains) pour fracasser cette coque abrutissante, acceptant de perdre la protection qu'elle vous offrait. Parce que vous voulez vivre, quitte à risquer tous les coups dans la tronche qui menacent de vous tomber dessus. Qu'ils viennent. Et qu'ils ne comptent plus sur vous pour baisser les bras.

    Peut-être que c'est difficile, peut-être que tout ne va pas aussi bien maintenant que cela le devrait, peut-être que retrouver la beauté du jardin un peu caché prendra plus de temps et d'efforts que vous ne le pensez. Mais ce jardin est toujours là, vous l'avez vu, et ses fondations, ses racines sont solides. Et portent en elle de quoi l'épanouir, plutôt que de le détruire. Du moins avez-vous décidé du croire. Et ce sans la moindre garantie, mais vous croyez désormais qu'on ne peut espérer vivre sa vie en espérant des garanties. Pour quoi que ce soit. Rien n'est jamais acquis, et il faut toujours œuvrer, travailler à faire fructifier ses petits bonheurs comme ses grands. Et oui, peut-être qu'on ne peut pas toujours s'en sortir, mais cela n'empêche nullement d'essayer. Parce que vous y croyez. Et que vous savez que parmi tous ces futurs possibles qui vous attendent, il y en a qui valent foutrement la peine d'être patient, déterminé et prêt à l'effort. Et si vous devez tomber en chemin, tant pis. Vous vous relèverez. Vous l'avez déjà fait. Et vous refusez de croire que la chute est la seule destination, la fuite la seule alternative. Vous avez le potentiel de vivre quelque chose de beau, de vivre pleinement, et vous n'allez certainement pas gâcher cette chance. Quoi qu'en dise l'univers. Vous n'avez peut-être pas le dernier mot sur la résolution finale, mais vous n'avez pas perdu votre voix pour autant, et elle compte plus que jamais.

    La vie, ce n'est pas simple, et on ne peut pas se contenter de la passer dans la machine à laver quand ça va moins bien. Mais les crasses qui vous tombent sur le coin de la pomme n'efface pas les belles choses que vous avez vécues -et que vous vivez encore ! Elle les cache, seulement, et fausse les perspectives, surtout quand on a l'habitude du malheur. Mais il y a des habitudes qui sont faites pour être brisées, et la malheur est de celles-ci. Après tout, qu'est-ce qu'on risque ? Tout, diront certains. Peut-être est-ce le cas. Mais passer sa vie à avoir peur de tout perdre est le meilleur moyen pour se retrouver avec rien.

    Et vous, ce n'est même plus que vous avez envie d'y croire : vous le savez. Et finir par réussir à vivre le bonheur que la vie cache sur son chemin, ça vaut bien tous les risques. Et tant pis si c'est pour sortir de se machine tous ses blancs devenus noirs. Après tout, le blanc sera toujours là ; il ne restera plus qu'à le retrouver.

  • Carré de ciel

    Point de "Lucie" aujourd'hui, parce que j'ai eu envie d'écrire autre chose: parce que c'est l'automne, et que c'est une saison qui mérite d'être célébrée! ^^

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    Vous avez toujours aimé l'automne. Après le voile solaire et agressif d'un été éclatant, vous accueillez avec un vif plaisir ce changement de saison comme vous retrouveriez un vieil ami (mais sans avoir besoin de lui payer un verre). Des septembre, il y a quelque chose dans l'air qui vous remplit les poumons d'une douce fragrance et qui fait circuler dans votre corps un peu rouillée une énergie revigorante et bienvenue. Et ça vous fait un bien fou ! Parce qu'autant le dire, en été, vous êtes rarement au sommet de votre forme. Plutôt que de vous gorger d'énergie solaire, vous avez plutôt l'impression que l'astre du jour, à trop haute dose, pompe plutôt la vôtre. Pourtant vous n'avez rien contre un beau ciel bleu et un temps sans nuages, mais le manque de variations climatiques vous ennuie. Vous préférez le ballet d'un ciel changeant qu'il soit gris, bleu ou rose. Trop de bleu vous donne le tournis, vous avez l'impression qu'il suffirait de lever le pied pour vous y perdre et y flotter à jamais. Et pour autant que vous appréciez la vastitude de l'univers, vous préférez le contempler les pieds sur terre plutôt que d'y dériver sans but et sans attaches. Ce qui ne vous empêche pas d'éprouver pour ce dernier une profonde fascination. Pour vous en rendre compte, il vous suffit généralement de sortir du métro à l'arrêt de la Riponne et de monter à l'air libre par l'escalier vous amenant directement sur cette place, qui cumule pour vous un nombre de significations toujours plus grand. Comme celle de ce fameux escaliers car, quand vous l'empruntez et que vous regardez en l'air et pour peu que le ciel soit d'une couleur totalement uniforme dépourvue de la moindre variation climatique, c'est pour découvrir un carré de ciel parfait. Il y a en endroit lors de cette montée où nulle construction, nulle forme, nulle ombre ne vient troubler l'étendue azurée et vous avez l'impression qu'il ne vous reste que quelques marches à gravir pour tomber tête la première dans cette étendue bleue ou grise. A chaque fois, pour peu qu'elle ne soit pas troublée par un nuage, la silhouette d'un avion, d'un oiseau ou la présence de trop de monde, l'illusion est pour vous si parfaite que vous vous y laissez prendre comme un enfant émerveillé par sa première perception de l'immensité du monde.

     

    Et quand vous gravissez ces dernières fameuses marches pour émerger à l'air libre, vous ne l'appréciez jamais autant qu'en une belle journée d'automne. Il n'y a rien de tel qu'une fin d'après-midi en cette saison, où tout semble courir vers sa fin, des feuilles qui tombent aux journées qui se raccourcissent. Dans ce court moment avant que le soleil ne commence vraiment à ce coucher, et après qu'il ait paradé haut dans le ciel, il y a dans cette ambiance si particulière un vif sentiment d'exaltation qui a le chic pour vous toucher jusqu'au plus profond de votre être. Un bref moment où, prenant une grande inspiration, vous vous sentez plus en vie et en phase avec ce grand univers que jamais. Un bref moment qui vous donne aussi bien l'impression de durer toujours. L'air frais s'infiltre en vous, le vent caresse votre visage, les derniers rayons de soleil paressent sur votre peau et, tout autour de vous, le monde continue de tourner et vous avez tellement l'impression de réussir à suivre ne serait-ce qu'un petit moment le mouvement que vous n'avez même plus le tournis caractéristique qui afflige généralement votre personnalité angoissée. Mais ces quelques secondes n'ont pas de place pour les angoisses, ni pour les inquiétudes de toutes sortes, car c'est pour vous l'équivalent de respirer un bon coup et de se dire que tout va bien. Et à ce moment précis, là, tout de suite, tout va bien. Et le simple fait que vous puissiez vous le dire signifie à quel point vous avez évolué au fil de l'année qui vient de s'écouler. C'est comme se réveiller dans l'instant présent après une longue nuit de sommeil où vous ne faisiez que subir les cauchemars du passé et les rêves de l'avenir. Là, sous ce ciel d'automne et cette température qui s'adoucit, vous sentez votre emphase avec le présent grandir au fur et à mesure que les jours se font plus courts. Vous avez la furieuse et enivrante sensation de vivre, enfin ! Et autant dire que ça fait un bien fou !

     

    Finies, les grosses chaleurs qui avaient tendance à ralentir votre esprit et ramollir votre corps (enfin, plus que d'habitude), vous poussant à vous retourner maintes et maintes fois les nuits de canicules. Fini, le soleil implacable vous cognant sur la tête et plissant vos petits yeux encore un peu ensommeillés qui n'avaient rien demandé à personne. Et si vous avez traversé l'été avec plus de facilité que de coutume quand on connaît votre tendance à dépérir et déprimer durant les plus beaux et actifs jours de l'année (à la grande stupéfaction d'une bonne partie de votre entourage, qui ne comprend pas très bien votre cycle particulier : l'automne et l'hiver favorisent chez vous l'énergie et la bonne humeur, tandis que le printemps et l'été marquent le déclin de vos forces engrangées durant les mois d'ombres), vous êtes tout de même ravi que l'automne ait ramené le bout de son nez. Il y a les couleurs éclatantes qu'il peint sur le paysage, que vous préférez nettement voir sur les feuilles que reflétées dans des lunettes de soleil, et cette teinte particulière du ciel, le tout agrémenté d'une atmosphère unique que vous avez presque l'impression de pouvoir goûter et faire tourner en bouche comme un bon vin (non pas que vous y connaissiez quoi que ce soit en vin ; de toute façon, au restaurant, les serveurs ont longtemps eu spontanément le réflexe de vous proposer un jus d'orange en apéritif qu'un verre d'alcool). C'est comme renfiler de vieux habits fidèles et confortables qui, sans trop savoir pourquoi, arrivent encore à vous surprendre et à vous donner l'impression de ne jamais encore avoir été portés. Alors vous avez envie de sortir les montrer, de parader dans vos beaux atours et de profiter de chaque jour, de chaque heure, de chaque minute de cette cape saisonnière. Jamais la vie ne vous paraît aussi courte que ces quelques mois de l'année, tout en vous paraissant aussi magique, entière, et valant pleinement chacun de ces jours, heures et minutes. Que ce soit lors d'une balade en ville en une de ces fameuses belles et sublimes fins d'après-midi, ou parmi les arbres parés de leurs plus belles couleurs dans les forêts rouge et or, vous ne pouvez faire autrement que d'avoir la pêche (malgré votre allergie aux fruits) dès que vous mettez le bout du nez dehors.

     

    Et cette année qui vient de s'écouler, placée sous le signe de la stabilité bien plus que nombre de ses précédentes, l'automne vous paraît encore plus beau, encore plus grand, encore plus doux (et il lave même les blancs les plus tenaces sans laisser de traces!). Peut-être est-ce parce que vous êtes enfin arrivé à un point précis de votre vie où, plutôt que de basculer dans l'excès, vous êtes en train de trouver une sorte d'équilibre ô combien rafraîchissant et reposant. Vous vous sentez apaisé, et vous l'êtes encore plus quand vous regardez dehors pour contempler la saison qui avance. Mais apaisé ne veut pas dire assommé, au contraire, et vous n'avez plus qu'une envie : vivre. Pleinement, chacun des instants qui s'offrent à vous, sans perdre de temps. Du temps que vous avez trop perdu, mâtiné de regrets, mais que vous voulez vous efforcer de rattraper de la meilleure des façons : soit en gaspiller le moins possible, de cette matière jamais retrouvée. Chaque moment est précieux, c'est ce que vous réussissez à vous dire de plus en plus et -inouï!- à y croire ! Parce qu'il y a de belles choses sur votre chemin encore, alors qu'il y a peu encore vous croyiez bêtement ne plus y avoir droit. Mais maintenant, vous savez que vous avez encore plein de ces choses à découvrir, expérimenter, chercher, et que vous n'êtes pas près de vous ennuyer. Ou de manquer de ce souffle qui vous fait avancer dans cette vie qui vous donne toujours l'impression d'être un peu plus nouvelle. Vous n'avez même plus à y marcher seul, vous découvrant des connexions avec d'autres individus que vous étiez persuadé de ne plus jamais retrouver avec qui que ce soit. Votre route est arpentée par d'autres personnes, anciennes comme nouvelles, et vous n'avez plus envie de rester sur le bord du chemin avec un caillou dans la chaussure. Vous avez envie de marcher et courir à leur côté, de leur prendre la main et de ne plus la lâcher. Et vous avez envie de ne plus vous perdre de vue, maintenant que vous avez un peu l'impression de vous être enfin trouvé, et de vous sentir vous-même de plus en plus. Le vrai vous, qui n'aspirait qu'à remonter à la surface pour prendre l'air...et y rester, séduit par les partages, les échanges, les découvertes, les rires, les mains tendues, les baisers et les couleurs de l'automne.

     

    De cette saison, on dit parfois qu'elle marque le début de la fin, et l'on s'attaque à la poésie de ses couleurs en rappelant que les feuilles qui tombent ne sont que les prémices de la mort des arbres, et que l'hiver suivra avec son froid et son obscurité. Vous, vous avez plutôt envie de voir cet automne comme symbole d'un changement, en accord avec votre nature cyclique (mais plus stable que jamais, on dirait bien). Du changement qui vous aura apporté tant ces derniers mois, cette année qui vient de s'écouler, et ce sur bien des points. Et des changements futurs qui vous attendent, de cette nouvelle étape de votre vie que vous allez entreprendre de découvrir avec le plus d'enthousiasme et de cœur possible, et sans même devoir vous y forcer. Vous n'avez qu'à prendre une grande inspiration, une belle fin d'après-midi automnale, pour vous le rappelez dans les moments de doute. Et pour vous rappelez que tout change mais qu'on n'a pas besoin de le vivre seul, que le monde est grand, l'univers encore plus, et qu'il recèle en lui une formidable réserve d'automnes.

     

    Alors vous avancez dans le carré de ciel, et vous tendez la main : vous n'êtes plus obligé de tomber.