Pas grand chose, juste une pageounette, mais je suis bien content d'arriver à m'en tenir à ce minimum! Ca fait longtemps que ça n'avait pas duré aussi longtemps! ^^
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La nouvelle voiture où elle venait d'entrer n'avait rien d'extraordinaire : il s'agissait du même modèle que la précédente, destinée à transporter des passagers sur les rangées de sièges épais disposés des deux côtés du couloir. N'accueillant personne ce voyage-ci, elle était plongée dans la pénombre, et la fenêtre qu'elle possédait elle aussi était recouverte d'un store complètement opaque. Lucie avança d'un pas tranquille, ses petites mains frôlant ici ou là le contour d'un fauteuil tandis qu'elle se demandait qui avaient bien pu être tous les citoyens de l'Hégémonie qui avaient pris ce train avant elle. Qu'est-ce qui avait bien pu les pousser à partir, à quitter leur foyer pour aller en chercher un autre à Haven ? Elle était assez grande pour avoir compris que, la plupart du temps, les adultes devaient s'y rendre parce que leur travail l'exigeait, comme pour les pères Horst et Delgado ou Kenneth Marsters. Mais elle ne connaissait pas beaucoup de monde comme sa mère et elle, prêtes à tout pour quitter leur complexe et changer de vie. Martha Robbins avait travaillé dur, elle avait travaillé longtemps et elle avait tout fait pour leur permettre de partir. Et si Lucie était ravie d'un tel voyage malgré le pincement au cœur qu'elle ressentait à l'idée de quitter son univers, elle ne savait toujours pas pourquoi c'était aussi important pour sa mère. Tout ce qu'elle savait, c'était que cette femme au caractère bien trempé et au bon sens sur lequel on aurait pu tordre des barres d'acier lui avait paru plus d'une fois presque inquiète, et qu'elle ne l'avait jamais vue aussi soulagée que le jour où elles avaient reçu leur sauf-conduit pour Haven. L'humeur de Martha s'était considérablement améliorée depuis, et Lucie se rappelait du soulagement qu'elle avait ressenti chez sa mère ce jour-là. C'était comme si le poids d'un énorme souci invisible s'était envolé de ses épaules pour lui permettre de sourire à nouveau, de ce beau sourire que Lucie connaissait depuis sa naissance. Quand elle avait demandé, curieuse, pourquoi elles devaient partir, Martha s'était contentée de la prendre dans ses bras en lui expliquant que c'était pour leur permettre de vivre pleinement sans rien pour les retenir en arrière. La fillette s'en était contentée, estimant que c'était là une explication typiquement maternelle qui ferait l'affaire. Et puis elle avait laissé l'excitation du voyage et de la découverte la gagner, et elle ne s'était plus posée la question. Mais maintenant qu'elle était en route, elle commençait à nouveau à réfléchir à la suite. Comme ce qui les attendait à Haven. Lucie aurait une école, là-bas, et on lui avait dit que l'enseignement de Haven était le plus diversifié de toute l'Hégémonie, et qu'elle pourrait apprendre tout ce qu'elle voudra. Sa mère aurait un travail, là-bas, elle aussi. Quelque chose dans l'administration, Lucie ne savait pas vraiment quoi ; elle savait juste qu'ils avaient de la chance d'avoir quelqu'un comme Martha Robbins, capable de garder les pieds sur terre en toutes circonstances. Elle se demandait aussi qui ils allaient bien rencontrer, maintenant que tous ceux qu'elles avaient connu faisaient partie de leur passé. En tout cas, elle aimait bien le père Horst, et Arthur Kent était gentil, il la faisait rire sans faire exprès. Elle voyait aussi comment il ne pouvait s'empêcher de regarder sa mère par moment, comme beaucoup d'hommes l'avaient déjà fait. Mais si Martha avait toujours préféré resté seule, sa fille espérait que maintenant qu'elle était enfin si détendue, elle ne le resterait pas toute sa vie. Et elle méritait quelqu'un de gentil. Par contre, il n'y avait pas d'autres enfants dans le train, et si Lucie s'était toujours sentie à l'aise entourée d'adultes, elle espérait se trouver des camarades de jeu une fois à destination, pour partager des histoires comme elle l'avait fait avec ceux de son vieux quartier, dans les ruelles étroites entre les murs gris. Elle fut tirée de ses réflexions quand elle atteignit l'autre bout du wagon et se retrouva face à une nouvelle porte. Elle était légèrement différente des autres, et donnait l'impression d'être plus solide, plus épaisse. Le système d'ouverture n'était pas semblable lui non plus, grosse poignée en métal que Lucie dût prendre à deux mains pour la faire bouger. Elle la tourna dans un sens et dans l'autre, la tira vers elle, mais sans effet. Elle essaya de pousser, sans trop y croire, et abandonna, un peu déçue. Elle resta là à la contempler avec un regard noir qui ressemblait énormément à celui de sa mère, et se demandait s'il elle allait devoir faire demi-tour quand la poignée se mit à jouer toute seule. Lucie sursauta, surprise, et resta figée, petite silhouette dans l'encadrement de la porte qui s'ouvrait avec un grincement sonore, révélant la figure pâle du père Delgado.