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Plume de Renard - Page 68

  • Viva Republica!

    LA REPUBLIQUE D’ANTILEA

    Agée selon ses dires d’un bon millénaire au moins, la République d’Antiléa est sans aucun doute la plus grande structure politique de tout Iqhbar, et une des plus puissantes. Dans les faits, il est beaucoup plus difficile de déterminer l’âge exact de l’institution. Si « une République d’un millier d’années » fait très bien dans la bouche des sénateurs qui aiment se venter dans les soirées mondaines ou devant les dignitaires étrangers, la réalité est sans doute différente. Si l’agglomération qui deviendra la cité d’Antiléa peut effectivement se targuer de dix siècles et des poussières –en prenant en compte le fait qu’il ne s’agissait dans ses début que d’un bourg qui avait pour seul avantage des murs plus hauts que les autres – la République en elle-même n’est pas aussi âgée. Du moins officiellement. L’alliance entre la plupart des peuples qui la composent remonte presque aussi loin, mais Antiléa en tant que République et avec toutes les chartes et cérémoniaux que cela impose est un poil plus récente. Mais on ne va pas chipoter avec un ou deux siècles de différence : la République d’Antiléa est une entité très étendue, très puissante et très riche, ce qui fait taire les mauvaises langues et permet de payer grassement les historiens.

    Géopolitique

    La République couvre plus des dieux tiers du continent d’Estrie, ce qui représente une surface considérable. C’est le plus grand territoire unifié d’Iqhbar, et elle ne se garde d’ailleurs pas de le faire savoir. Elle s’étend grosso modo des montagnes d’Ael’ieon au nord, à la frontière de la Terra Media, aux premières terres de la Pointe du Sud. Si la plupart des côtes restent indépendantes, la République couvre néanmoins la plus grande partie du continent, ses frontières s’arrêtant généralement aux pieds des montagnes du nord ou d’autres terrains difficiles.

    Une grande variété de paysages peut être vue en Antiléa. Le gigantesque fleuve d’Ael Thelion –ou Fleuve d’Argent- travers tout le continent du sud au nord avant de continuer sa route en Terra Media, et assure une grand richesse du sol sur tout le centre de la République. Cette dernière touche également la Mer Close et l’Océan de Bar Iqla en plusieurs endroits, s’assurant une portion non-négligeable des côtes d’Estrie, et de grandes forêts courent sur le territoire, principalement au nord. Une partie assez grande de la République au sud de la cité d’Antiléa est constituée des vastes plaines d’Estrie, qui rejoignent plus au sud les Terres des Rivières, région parcourue de deltas et de torrents, puis la Point du Sud. Antiléa est globalement peut montagneuses, incluant la base de la Chaîne des Aether au nord-est et divers zones escarpées un peu avant la Côté D’Aestalie.

    Au niveau des frontières, Antiléa est séparée des Terres du Nord par la Chaîne des Aether et du sud par la Point du Sud, territoire peu habité mais indépendant. L’Aestalie est sise sur une grande partie des côtes est du continent, et l’Ostrérie s’accroche farouchement de l’ouest des Terres des Rivières à la côte occidentale. Au nord-ouest, où débute la bande de terre qui permet le passage en Ostrie, la République s’arrête peu avant les Montagnes d’Ael’ieon, où l’on entre en Terra Media.

    L’Archipel des Fir Bolg se trouve non loin de la côte ouest, et la République possède des dizaines de petites îles des océans de Bar Iqla à la Mer Close en passant par celle d’Estrie. La République ne possède aucune frontière avec l’Ostrie, ce qui est un fait évident mais qui mérite d’être souligné : le fait que, notamment, les Royaumes d’Esthar ne soient pas à portée d’Antiléa permet à Iqhbar de souffler un peu quant aux velléités d’expansion de la République (et de toute façon, les Royaumes d’Esthar n’ont besoin de personne pour se taper dessus).

    Antiléa rêve évidemment d’aller planter tous ses drapeaux sur le nouveau continent d’Orboros, mais se contente pour l’instant d’un ou deux petits comptoirs. En raison des difficultés d’accès à la terre nouvelle et des tensions politiques avec les autres nations d’Iqhbar résultant de son apparition, Antiléa reste donc pour le moment étonnamment sage lorsque l’on connaît sa politique expansionniste. Du moins pour l’instant…

    Météo

    Une vaste variété de territoires sous-entend une vaste variété de climat. Dans sa globalité, la République jouit d’un climat chaud et ensoleillé, plus prononcé du côté des frontières avec l’Aestalie et la Pointe du Sud. L’ouest et les grandes plaines jouissent de températures plus douces mais toujours agréables, et seules les Terres des Rivières connaissaient un climat réellement humide. Les hivers sont également doux, et la neige et la glace ne se retrouvent pratiquement qu’au nord du continent et, lors des plus rigoureux, ici et là au sein des grandes plaines, qui deviennent de véritables toundras au niveau du paysage. Le climat se fait plus sec à mesure que l’on s’approche de Terra Media, et devient inhospitalier aux pieds des Aether en hiver mais, globalement, on peut dire que l’entier de la République jouit d’un climat agréable et rarement dangereux.

    Villes principales

    Antiléa : traversée par le Fleuve d’Argent, Antiléa se trouve pratiquement au centre de la République et du continent d’Estrie. C’est la plus grande cité d’Iqhbar, et probablement l’une des plus avancées. Elle possède une esthétique certaine, et sa division en cercles concentriques est sans doute sa plus grande particularité. Elle abrite bien évidemment la Chambre du Sénat, et fait logiquement office de capitale de la République à qui, vous l’aurez compris, elle a donné son nom. Elle est également un centre économique et marchand de grande importance, et c’est entre ses murs que de nombreuses institutions de prestige se trouvent, comme la Grande Ecole de Magie ou encore l’une des principales enclaves de la Congrégation de la Lumière. Sans oublier le plus grand temple spiritualiste d’Iqhbar, où se concentre la majeure partie du pouvoir spiritualiste. C’est pour finir la ville la plus peuplée du monde, oscillant autour des deux, trois millions d’habitants.

    Arnos : le plus grand port d’Estrie, et la plaque tournante du commerce maritime en Antiléa. Il assure une liaison permanente d’embarcations entre la République, Terra Media et l’Ostrie. S’il a perdu un peu de son importance capitale depuis l’émergence d’Orboros, situé plus près d’autres grands ports et qu’il doit faire face à la concurrence aérienne, Arnos reste un endroit important pour la République, ne serait-ce que pour ses chantiers de construction navale. C’est également le principal port d’attache de la flotte maritime de la République.

    Al’tiir : la grande ville pam’tha située dans les montagnes d’Yssal’dir, au nord de la République, est considérée comme la capitale de l’empire marchand des saurnithoïdes. Bien que ces derniers n’aient jamais confirmés ou niés ce fait, elle a acquis ce titre parce qu’elle est l’une des seules cités pam’thaa révélées hors de leur royaume de rochers et de forêts. A la fois cosmopolite et typiquement sauros, elle est pour le commerce entre les continents un lieu de passage presque obligé lorsque l’on passe de l’un à l’autre par la Terra Media.

    Valherbe : située dans vallon couvert des grandes forêts du nord-est, Valherbe est la grande ville commerciale des nains. Si elle reste typique des constructions boisées des nains et en parfait accord avec la nature et les grands arbres, elle reste plus pratique pour les autres races. C’est principalement une ville de chantiers et de commerce, où les nains réalisent les prodiges dont ils sont coutumiers.

    Sindel : la plus grande ville des grandes plaines d’Estrie reste de taille modeste comparée à des mégalopoles comme Antiléa, Elthelion ou encore Port-Dalaan. Longeant les Terres des Rivières, Sindel fut bâtie sur d’anciennes ruines elfes, et fait office de lieu de passage important pours les voyageurs des plaines et, plus récemment, de lieu de villégiature pour nobles antiléans. Elle est pratiquement jouxtée aux fortifications de Durvalestine, où se réunissent les clans Velpars lorsqu’ils doivent se rencontrer.

    Système politique

    La République d’Antiléa n’est officiellement pas une sorte d’empire ou de gouvernement global, mais une alliance fédérée de plusieurs nations et peuples d’Estrie. Elle fut scellée il y a de cela plusieurs siècles, après que la cité d’Antiléa ait servi de point de ralliement pour la défense du continent face à des hordes de Borgs plus dangereuses que les autres. De là, il fut décidé que les peuples qui avaient vaincu avaient tout à gagner à s’entendre, et la République d’Antiléa était née.

    Chaque nation –ou équivalent- membre de la République conserve pratiquement toute son indépendance concernant ses terres. Pratiquement, parce que la République a tout de même voté l’application de nombres de lois communes à tous ses membres, notamment en matière d’économie et de lois internationales. Si chaque nation règle ses affaires internes comme elle veut, dès qu’une autre est concernée ne serait-ce que d’une moustache de lapin, elle tombe sous le joug des lois républicaines. Une monnaie unique a été instaurée pour facilité le commerce interne à la République, et une mise en commun des forces armées a évidemment été décidée en cas d’agression extérieure.

    La République a globalement été une entité raisonnable jusqu’à il y a quelques temps. Elle était restée principalement centrée sur elle-même : faire fonctionner un tel organisme fédéré, ce n’est pas si simple. Mais depuis peu, Antiléa est arrivée à une bonne homogénéité des cultures, et possède une sorte d’ « idéal national » de plus en plus fort. Avec ses richesses, sa technologie et son pouvoir, inutile de dire que la République a fini par se dire que l’expansion territoriale ne pouvait être qu’une bonne chose. D’où une attitude expansionniste farouche ces dernières années, annexant le moindre lopin de terre possible à coût de traités et de promesses. La République reste pour l’instant peu-agressive, mais ses armées sont très présentes dans les nouveaux territoires, ce qui rend nerveux les nations indépendantes (particulièrement l’Ostrérie, avec qui Antiléa ne s’entend guère).

    Antiléa jouit également du principal pouvoir spirituel d’Estrie : la tête officielle de l’institution des spiritualistes se trouve dans la capitale. Avec la Grande Ecole de Magie, elle détient aussi la main mise sur l’ordre des mages, et voit d’un très mauvais œil la concurrence discrète que lui fait subir la Nouvelle Ecole d’Elthelion, en Terra Media.

    Enfin, si chaque nation, chaque cité possède son propre gouvernement, la République possède un gouvernement principal situé en la cité d’Antiléa. Il s’agit de la Chambre du Sénat, où se réunissent les sénateurs, élus par leurs concitoyens. Chaque membre de la République a un sénateur pour le représenter à Antiléa, et le Sénat lui-même est représenté par le Haut-Conseil, où siègent cinq hauts-sénateurs, dont les débats sont dirigés par le Président du Sénat. Il est élu tous les dix ans par le Haut-Conseil, lui-même élu par les sénateurs (et généralement à vie, ou jusqu’à ce qu’un de ses membres ne soit plus capable d’exercer sa fonction).

    Actuellement, le Haut-Conseil est constitué du Maître Spiritualiste pam’thaa As’yr, du Maître de Clan nain Algon, du Commandant de l’Ordre des Chevaliers Horst Elwes, du Sénateur d’Antiléa Merville Austusus et de la Sénatrice de Sindel Anna Montoie. L’actuel Président du Sénat se trouve être l’ancien sénateur d’Antiléa, le seigneur Hervé Guisberg, un vieil homme en fin de mandat.

    Les Pam’thaa et les Nains d’Estrie font partie des membres fondateurs de la République, mais les humains restent majoritaires. Les Velpars faisaient à la base également partie de l’alliance, mais comme ils ont tendance à se ficher de toute politique étrangère à leurs clans et à leurs plaines, ils ne font pas officiellement partie du gouvernement central, mais possèdent un siège pour les représenter au Sénat. Antiléa offre également un siège à l’Archipel des Fir Bolg, aux Minotaures, aux Principautés d’Aestalie, à la Pointe du Sud, aux Terres du Nord et à L’Ostrérie, afin d’aider –selon les dires de la République- à la bonne marche de l’Estrie dans son entier. Ces représentants ont le statut d’émissaires, et n’ont pas vraiment d’autres pouvoirs que celui du prestige, ne faisant pas partie de la République (cette dernière essayant sans relâche de tous les convertir à sa cause, cela va de soi).

    L’Ecole de Magie a également droit à un représentant au Sénat élu par ses pairs mages, et généralement respecté par les sénateurs. On ne plaisante pas avec la magie.

    Climat social

    Globalement, il fait bon vivre en Antiléa, pour peu que l’on soit Antiléan. Les membres de la Républiques ne sont aucunement racistes, du moins pas de la manière dont on le conçoit habituellement. Trop d’espèces cohabitent et se mêlent en Iqhbar pour que la couleur de la peau, des écailles ou des plumes soient jugées importantes. En fait, la République d’Antiléa dans son ensemble pratique plus une sorte de racisme social, où les élites prennent facilement de haut le reste des citoyens qui, eux, prennent un peu de haut les étrangers. Mais généralement, une telle attitude n’est surtout prononcée que dans les hautes sphères, et la majorité des peuples antiléans restent des gens agréables et accueillants, bien que souvent distants avec les étrangers. Pour résumer, le citoyen d’Antiléa adopte généralement une attitude paternaliste à l’égard du reste d’Iqhbar, se considérant comme un peu plus évolué et, à ce titre, comme responsable d’aider les pauvres gens qui ne sont pas aussi développés…

    Bon, tout ceci dépend encore une fois des régions : Antiléa reste évidemment la cité la plus proche de la description ci-dessous, tandis que des villes comme Sindel ou les cités des côtes sont souvent plus ouvertes. Au final, l’antiléan moyen reste extrêmement fier de son appartenance à la République, « la plus grande nation d’Iqhbar », mais ne jette que rarement les étrangers dans le puits le plus proche.

    Le clivage social entre riches et pauvres n’est pas extrêmement accentué au-delà des grandes villes, principalement parce que la République fait preuve d’un système qui fonctionne globalement bien. La pauvreté et la misère sont peu répandues, et les barrières sont principalement dressées entre les élites (la noblesse républicaine, particulièrement celle d’Antiléa même) et les « gens simples ». Ensuite viennent les étrangers, mais on a tendance à leur pardonner en souriant parce que ce n’est pas de leur faute s’ils ne sont pas nés à la bonne place.

    La République accentue plus encore la tendance globale d’Estrie, qui sous-tend le fait que le continent d’Ostrie représente la face arriérée d’Iqhbar et que les colons de Terra Media ne sont que de sales arrivistes.

    Economie et technologie

    Economiquement, la République est forte. Très forte. Elle garde la main mise sur l’économie globale d’Estrie (malgré l’épine dans le flanc du commerce républicain que représente fermement l’Ostrérie), et entretient des relations commerciales avec pratiquement toutes les puissances d’Iqhbar, y compris l’Ostrie, même si les relations avec le continent occidental restent houleuses. Le niveau de vie antiléan moyen est, comme on l’a vu plus haut, très correct pour un monde de ce type, et l’offre et la demande restent forts et constants un peu partout. Chaque membre commerce avec son voisin selon des lois extrêmement profitables, ce qui convainc généralement une petite nation voisine de postuler pour entrer dans la danse.

    Et s’il y a bien un domaine où la République peut se targuer d’être l’élite –en tout cas du point de vue des humains- d’Iqhbar, c’est bien la technologie. La République d’Antiléa, tant du point de vue des sciences que des arts, c’est un peu la rencontre entre l’Empire Romain et la Grèce Antique. Voies de communications, services publics, médecine, technomagie : Antiléa reste à la pointe du progrès. Il faut dire qu’elle en a les moyens, et que si les domaines de la défense sont un brin privilégiés, rien n’est négligé. L’antiléan vit souvent mieux et plus longtemps que l’humain moyen. Bon, pour être honnête, il faut bien préciser que l’avancée technologique antiléenne repose pratiquement entièrement sur le travail des nains, qui travaillent sans relâche du fond de leurs forêts. C’est à eux que l’on doit les mises en pratique de la technomagie, les armes les plus innovantes et, surtout, les vaisseaux volants qui parcourent les cieux d’Iqhbar. Si les autres nations de la République apprennent vite et ont toutes leurs domaines de prédilection, il va sans dire que sans le concours des clans nains, la technologie en prendrait un sacré coup…

    Forces armées

    Il est heureux que la gestion interne d’une République aussi étendue prenne la majorité du temps de ses dirigeants, parce que l’armée républicaine aurait de quoi causer de sérieux dégâts à pratiquement toutes les puissances d’Iqhbar.

    Chaque membre gère sa propre milice de défense, mais doit pourvoir son contingent de soldats à la Grande Armée de la République, suivant son territoire. En permanence, la Grande Armée compte près de plusieurs dizaines de milliers de soldats bien entraînés et bien équipés. Nul doute qu’en cas de soulèvement général, ce chiffre pourrait rapidement atteindre bien plus d’une centaine de milliers. Pour le moment, Antiléa conserve une attitude militaire exclusivement défensive, mais ses envies d’expansion en inquiètent plus d’un…

    Le principal défaut de l’armée d’Antiléa revient à sa chaîne de commandement qui, loin d’être incompétente, passe plus de temps à surveiller ses voisins et à faire de la politique qu’à planifier des campagnes. Chaque branche de l’armée globale possède sa structure propre, et cherche généralement à garder un avantage sur les autres. Les principaux corps d’armées de la République sont les Forces Républicaines (équivalant à l’armée de terre), la marine (qui a perdu de son importance au profit des innovations technologiques ariennes) et la récente Armée des Airs et ses flottes de bâtiments de guerre volants (les plus perfectionnés d’Iqhbar, si ce ne sont les cités avebrises et les engins les plus perfectionnés d’Ostrérie).

    En cas de crise, un Conseil de Sécurité se réunit au Sénat. Il est actuellement constitué du Président, du Sénateur d’Antiléa, de la Sénatrice de Sindel et des trois commandants de la marine, des airs et de la terre. Le sénateur d’Antiléa dirige également les services d’informations et de propagande de la République, tandis que sa collègue garde la main mise sur l’organisation logistique.

    Enfin, les Velpars ne se considèrent nullement comme militaires de la Républiques, mais sont depuis longtemps liés à un traité leur demandant de fournir de l’aide lorsque la République d’Antiléa est menacée dans son ensemble.

  • Not dead yet!

    La roue du chariot tape dans imperfection du bitume, et pour la énième fois vous poussez un soupir exaspéré. Du moins dans l’intention. Dans les faits, votre soupir ressemble plus au dernier râle d’un moribond qui aurait avalé son ventolin. Mais ça n’empêche pas que vous êtes agacés. Indigné, même ! Une fois encore, c’est à vous qu’à échu la corvée des courses hebdomadaires. Sous prétexte que votre tendre moitié, qui travaille dans un supermarché, voit assez de rayonnages pendant sa journée et que vous pouvez bien faire ça pour elle. Elle a également dit que cela vous ferait bien de mettre un peu le nez dehors. Vous avez été assez outré par le tout. Premièrement, vous aidez au maximum de vos possibilités à la maison. Ce n’est pas de votre faute si lesdites possibilités sont limitées. D’autant plus qu’au final, c’est votre chère et tendre qui finit par vous interdire de mettre la main à la pâte : vous êtes tellement distrait que vous avez failli faire brûlé l’appartement la dernière fois que vous avez tenté de repassé, et vous jurez que l’aspirateur essaie de vous tuer en vous tombant dessus à chaque fois que vous ouvrez le placard. Quant au nez dehors, vous ne voyez pas en quoi elle viendrait fourrer le sien dans les affaires du vôtre. La place de votre nez est au milieu de votre figure, et la place de votre figure est là où il fait bon chaud et où vous n’avez pas à tirer le chariot à commissions. Sur plus d’une rue et demie. Parce que le nid douillet –où vous n’êtes pas en ce moment pénible, vous tenez à le faire remarquer- est situé au sommet de la rue principale du quartier. Qui dit sommet di pente, et qui di pente dit que vos pieds, eux, refuseront de vous dire quoi que ce soit pendant au moins trois jours. Oui, vous avez les pieds boudeurs. Comme leur maître, ils ont du caractère.

    Or donc, cette rue, vous la descendez une fois sur deux en courant après le chariot qui a échappé à vos doigts maladroits, et vous la montez en tirant derrière vous le même chariot, rempli de victuailles et de matériel qui vous permettraient de vous mettre à votre compte en ouvrant votre propre épicerie. Quant au chariot… Ou plutôt, comme vous l’appelez, LE chariot. La beste. Le tueur à roulette. Une monstruosité de la technologie d’antan, fruit des délires de l’esprit sordide d’un ingénieur qui avait dû être torturé à morts des années durant avant d’accoucher de l’enfant de Satan dans la douleur et la honte. Et oui, le fils du diable à des roulettes. Et pas n’importe quelles roulettes. Les petites choses vicieuses semblent dotées d’une vie propre et ne sont pas très bonnes voisines : elles passent leur temps à aller dans la direction opposée à l’autre, comme vous lorsque vous faite brusquement demi-tour dans le couloir de l’immeuble quand vous entendez les pas de madame Michoud, la vieille dame de l’étage du dessous. Vous ne savez pas quelle a été la technique utilisée pour assembler les pièces de cet engin des enfers (le chariot, pas madame Michoud). Outre les roues qui se barrent chacune de leur côté à la moindre occasion, le châssis est tordu comme le dos d’un retraité, la poignée se décroche tous les six cents vingt sept mètres (vois avez compté, c’est systématique ! Quand vous dites que cette chose est possédée ! ), et il s’avère aussi maniable qu’un traité de philosophie kantienne. Vous ne savez même plus d’où il vient. Aussi loin que remontent vos souvenirs, il a toujours fait partie de la famille, et vous aviez naïvement accepté de le prendre avec vous lors de votre départ du cocon familial. Vous en voulez encore à vos parents, qui maintenant font leurs courses en voiture et n’ont plus de problèmes de dos. Pourquoi vous obstinez-vous à vous servir de ce truc, alors ? Parce que vous détestez jeter quoi que ce soit. « Ca peut toujours servir » est votre leitmotiv. L’ennui, c’est que selon vous, plein de choses « peuvent encore servir ». Des fois que vous auriez besoin de colmater une brèche dans un mur avec des vieux tickets de cinéma, par exemple. Et puis, admettre que ce chariot vous mène la vie dure serait admettre que vous vous êtes fait avoir en acceptant de le prendre, ce que votre fierté toute masculine vous interdit catégoriquement.

    Alors vous revoilà une fois de plus en train de remonter la rue chargé comme une tribu tzigane, avec ces putains de roues qui tapent contre tout ce contre quoi elles peuvent taper. A croire qu’en plus du reste, le concepteur fou à rajouté à ses bébés difformes un système de tête chercheuse pour truc qui tapent. Minuscules trous sur le béton, bords de trottoirs, vos propres pieds et, une fois, la queue d’un chat que vous n’avez jamais revu traverser le quartier. Votre dos vous fait souffrir, et vous ne sentez presque plus votre main, cramponnée à la poignée du machin qui cahote vicieusement derrière vous. Selon votre amour de toujours –encore elle- ça vous fait mettre le nez dehors, et faire de l’exercice. Vous avez patiemment tenté de lui expliquer que si vous évitiez l’exercice, c’était justement parce que vous le soupçonniez d’être pénible et douloureux. Vous aviez raison, évidemment. Mais elle s’était mise à pointer du doigt votre ventre un peu trop rond, et vous avez sur le champ abandonné la partie. Vous avez peut-être un petit ventre, comme on dit, mais vous ne voyez pas en quoi c’est une raison d’en parler. Et vous préférez nettement vingt minutes d’aller et retour pénible que les semaines de régimes que vous promet la créature de rêves qui partage vos jours. Des régimes sans matières grasses, des régimes sans si, des régimes sans ça, des régimes avec-un-peu-de-tout-mais-tellement-peu-que-vous-avez-aussi-bien-l’impression-de-ne-pas-manger-du-tout ou encore des régimes avec des points (régimes auxquels vous ne comprenez rien et dont vous perdez le fil après deux jours laborieux à peser la moindre de vos portion. Vous avez définitivement banni ce régime là de votre vie quand vous avez découvert avec stupeur qu’une branche de chocolat cailler représentait en points la moitié de ce à quoi vous aviez droit en une journée. Faut quand même pas pousser). Non pas que la fille en question soit fana de régime. Au contraire. Quand elle s’y essaie, elle tient glorieusement trois heures avant de vider le frigo (peut importe ce qu’elle y trouve, tant qu’elle peut le recouvrir de crème chantilly). Sans prendre un gramme. Il n’y a pas de justice, c’est un fait bien connu dans le monde.

    Pour couronner le tout, vous avez froid. Vous avez froid dès le premier septembre. C’est sans doute psychologique, mais vous ne pouvez plus sortir sans une écharpe autour du coup, un pull et un manteau dès que la première des feuilles vire au rouge. Au risque d’en être ridicule, notamment parce que vous appréciez les écharpes aux couleurs vives, presque fluo. Un goût que ne partage pas l’être aimé mais devant lequel elle a cédé. Entre les écharpes orange fluo et un homme malade à la maison (angines, rhumes, otites, vous pourriez faire vivre un laboratoire pharmaceutique à vous tout seul dix mois sur douze), le choix a pour elle vite été fait. Et pendant que vous peinez pendant cette interminable montée, c’est votre nez qui en pâtit le plus, lui qui n’avait rien demandé à personne. Mais vous ne pouvez niez que prendre l’air vous fait du bien. C’est un de ces moments où vous n’avez pas d’autre choix que de laisser vos pensées vous distraire, et c’est fou ce qu’on peut avoir comme idées lorsqu’on marche. Aller chercher le pain et les cornichons s’est plus d’une fois avéré être un souverain remède contre la maladie de la page blanche, ce qui rend tout le monde heureux. Celle que vous aimez peut avoir des cornichons dans ses sandwichs et votre éditeur des pages à publier (distrait comme vous l’êtes, vous attendez le jour où vous apporterez les cornichons à votre éditeur ébahi et où vous glisserez les pages entre le jambon et la moutarde). C’en est presque libérateur. Vous observez distraitement les passants, ceux qui, comme vous, reviennent des courses avec sacs et chariots, et les autres. Souvent, vous entendez les cris des enfants du coin, qui profitent de la fin de journée pour passer un peu de temps avec les copains, à jouer au foot sur le vieux terrain de l’immeuble du coin de la rue, ou à courir les uns après les autres sur le trottoir. Vous vous plaisez à les entendre se raconter leurs jeux, bien loin des soucis qu’ils connaîtront des années et trois boutons d’acné sur le front plus tard. Vous vous demande quand vous avez perdu cette faculté incroyable à vivre dans l’instant qu’on les gosses. Pour eux, demain n’est jamais réellement important. Ils se rendent compte qu’il existe, bien sûr, et ils peuvent se réjouir du lendemain comme le craindre, mais de manière presque abstraite. Sans connaître l’ennui, toujours occupé à quelque chose ; courir, rigoler, faire ses devoirs, râler, jouer… Ils vivent chaque minute dans l’instant pur, sans s’en rendre compte. Vous pensez d’ailleurs que c’est au moment où on se rend compte des minutes qui passe que l’on perd cette formidable capacité à embrasser le présent. Dès que l’avenir, dès que demain devient une notion concrète, il y a toujours une partie de soi, de plus en plus grande, qui s’y consacre. Etudier pour réussir plus tard. Travailler pour avoir de quoi vivre plus vieux. Ceci ou cela dans le but de cela ou ceci demain, dans trois jours ou un mois. Devenir grand, c’est être usé par l’avenir. Alors vous profitez de ces moments où votre esprit s’évade pour oublier qu’il a des kilos de coca, de cornichons et de pain sur les bras, et où il rencontre à nouveau celui de ses enfants qui jouent dans la rue. Puis vous arrivez enfin au sommet, à la porte de votre immeuble, et quand vous vous retournez c’est avec l’impression de contempler votre passé. Après tout, l’enfance, c’est un peu comme courir jusqu’en haut de la rue. Une fois arrivé en haut, on se rend compte que la route est derrière nous. Et puis il y a le présent, celui pour lequel vous vous battez d’arrache-pied, pour qu’aujourd’hui soit toujours demain. Alors vous poussez la porte et vous préparez à gravir les deux étages qui vous séparent du maintenant chaud et douillet qui vous attend. Si la rue est une enfance, la vie est une ville. Alors mieux vaut bien le prendre et décider d’aimer marcher un peu. Puis vous tournez les clefs dans la serrure, heureux d’en être arrivé à cette conclusion et d’avoir tiré le chariot sur toutes ces marches sans rien renverser malgré ses tentatives pernicieuses pour se débarrasser de son contenu. Et vous suspendez soudain votre geste : vous avez oublié le pain.

    Putain de rue, ouais.

  • La fille du train

    Entre deux épisodes de la saison une de Grey's Anatomy (parfaitement, vous vous êtes mis à Grey's Anatomy. Vous ne l'auriez jamais cru. Mais c'est sympa, et vous êtes faible), une nouvelle historiette a éclo dans votre tête. Toujours dans la série de "Trois heure et quelques du matin" (en fait, vous avez la flemme de retrouver le titre exact) et compagnie. Toujours une fiction de la réalité, dans cette forme en "vous" qui vous est chère.

    Vous espérez que cela plaira aux rares touristes qui se perdent encore dans le coin. Vous, vous ne savez pas trop ce que vous en pensez. Peut-être parce que ces temps-ci, vous avez trop à penser, justement. Mais quoiqu'il en soit, la voici, la voilà! Bonne lecture!

     

    "Le train a toujours exercé chez vous une étrange fascination. Vous ne savez toujours pas très bien pourquoi aujourd’hui encore. Pour tout dire, cela commence par de la haine : vous détestez l’attendre. S’il y a bien une chose qui vous agace au plus haut point –encore plus que faire la queue dans un bureau de poste, c’est-dire- c’est d’attendre les transports publics. A chaque fois, vous avez l’impression d’être soumis à la question selon les principes d’une antique torture moyenâgeuse. Que le véhicule mette deux minutes ou trois quarts d’heures à arriver revient au même : vous avez le sentiment de passer des heures sur le quai, vos petits yeux fébriles fixés sur la première horloge venue (qui n’avait rien demandé à personne, la pauvre), la foudroyant du regard pour ses aiguilles qui n’avancent pas assez vite à votre goût. Vous êtes qui plus est pratiquement incapable de faire quoi que ce soit pour passer le temps. Sortir un bouquin ou feuilleter un magazine paraît au-dessus de vos forces quand vous faites stoïquement face à l’attente d’un transport public. Même la musique que vous écoutez ne parvient pas à vous égayer, et les gens qui vous entourent, vous avez envie de les mordre. Pour ne rien arranger, vous êtes de nature terrorisé à l’idée de rater votre train, ce qui vous pousse à vous rendre à la station de longues minutes en avance. Que vous passez à maudire l’humanité, et le temps qui s’écoule.Et puis le train finit par arriver (le train finit toujours par arriver ; quand à savoir si c’est toujours le bon, ça, c’est une autre histoire) et une fois dedans, tout change. Vous vous sentez happé par une douce torpeur légèrement moite (parce que vous avez tendance à vous asseoir contre la vitre sur laquelle le soleil tape, comme si vous n’aviez pas assez souffert sur le quai). Quelle que soit la durée du voyage, tout est le contraire de ce que vous ressentez sur le fameux quai : vous avez l’impression de pénétrer dans une fenêtre temporelle qui s’ouvre au moment où la locomotive démarre, et qui vous fait filer hors du temps jusqu’à votre destination. Comme aujourd’hui, par exemple. Vous devez porter votre nouveau manuscrit à votre éditeur, qui n’a rien de mieux à faire que d’habiter dans un coin éloigné de la civilisation à des heures de route de tout être sensé (donc citadin, comme vous) et qui exige de recevoir tout manuscrit en mains propres. Vous le soupçonnez de faire exprès. Et si vous devez une fois de plus faire le trajet en train, c’est parce que vous refusez toujours et avec obstination de passer votre permis de conduire. Vous l’aviez décidé enfant déjà : jamais vous ne prendrez le volant. Ce qui était une décision typiquement bornée au départ s’est vite transformé en règle de vie quand vous avez appris que nombre d’accidents de la route étaient provoqués par des inattentions. Et comme vous êtes aussi attentif que le poisson rouge moyen (et que vous avez sans doute les réflexes du poisson rouge moyen mort), vous considérez comme irresponsable l’idée qu’on vous laisse conduire. Certains prétendent y voir de la mauvaise fois et de la paresse –comme votre père, frustré de ne pas avoir pu vous apprendre comme est censé le faire tout bon pater familias moderne- mais vous, vous persistez à dire que vous sauvez des vies. Parfaitement. Et cela vaut bien tous les sacrifices, non ? Comme celui de prendre le train dès que vous devez vous éloigner de plusieurs kilomètres. Particulièrement pour les longs trajets comme celui qui vous mène chez votre éditeur, et ce parce que la douce créature qui partage votre vie refuse de vous y emmener dans sa titine à elle (vous ne comptez plus le nombre de gens qui ont baptisé leur voiture titine). Il paraîtrait que vous êtes un passage épouvantable, et la dite créature (pourtant douce, n’oublions pas), a plusieurs fois menacé de vous quitter là, sur le trottoir, si vous n’arrêtiez pas de vous comporter comme « la plus agaçante des mangoustes » (dixit la même créature, toujours). Vous ne voyez pas ce que les mangoustes viennent faire là-dedans, mais vous avez depuis longtemps renoncé à saisir toutes les nuances du langage fleuri de votre belle et tendre (qui semble avoir une dent contre la faune entière, et pas uniquement les pauvres mangoustes).

    Du coup, donc, vous voilà une fois de plus dans le train, dans votre petit espace-temps personnel doux et étrangement cotonneux. Avec de la musique dans les oreilles pour compléter le tableau (vous faites partie de ces gens qui sont devenus totalement dépendant à la musique portative : vous ne pouvez plus faire dix mètres hors de chez vous sans vos écouteurs vissés dans les oreilles. Ce qui fait que vous n’entendez jamais sonner votre portable, et que plusieurs personnes vous en veulent parce que vous n’avez pas réagi à leurs salutations lorsqu’elles vous ont croisé dans la rue. Tant pis). Vous voilà dans le train, avec le même paysage qui défile derrière les vitres, paysage que vous connaissez par cœur. Avec les enfants qui récitent indéfiniment la liste des arrêts pour prouver à leurs parents que l’école leur apprend effectivement à lire. Avec les quotidiens gratuits –un des nombreux fléaux du monde moderne- qui jonchent le wagon à perte de vue. Avec les vieux qui toussotent, les jeunes qui écoutent de la (mauvaise) musique très fort et les vaches qui vous regardent passer de l’œil typiquement décomplexé des bovins.

    Et puis il y a la fille du train.

    La fille du train, toute personne prenant un transport public (train, bus, métro, tramway ; il n’y a peut-être que les pousses-pousses asiatiques qui échappent à la règle, et encore) en a eu une dans sa vie. La fille du train, c’est celle que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam, mais qui fait pourtant partie de votre univers d’une manière étrange et plus concrète que vous ne pouvez l’expliquez. La fille du train n’est pas forcément plus jolie qu’une autre. Mais c’est elle qui retient votre attention. C’est la façon dont elle plisse sa jupe lorsqu’elle s’assoit, la manière dont elle rattache ses cheveux ou le sourire qu’elle adresse au contrôleur qui fait sa ronde.

    Vous ne savez rien d’elle. La fille du train est une parfaite inconnue. Jamais vous ne lui avez adressé la parole, et sans doute ne la lui adresserez-vous jamais. Et pourtant, lorsqu’elle monte et vient prendre sa place dans le wagon, parfois même en face de vous, elle devient le centre de votre univers sur rails. Est-ce que vos lecteurs se sont déjà demandé ce qui pouvait bien se passer dans la vie d’un être totalement inconnu ? Quel a été son parcours, quels sont ses rêves, ses espoirs ? Vous, oui. Lorsque vous croisez le regard de la fille du train –qui la plupart du temps ne fait même pas attention à vous ; non pas par ignorance mais simplement parce qu’elle ne sait pas que vous existez- vous donneriez beaucoup pour savoir ce qui se cache derrière. Quelle est la vie de cette personne, en particulier. Pourquoi elle et pas une autre ? Vous n’en savez rien, c’est la fille du train. Comme une fée descendue dans le royaume des mortels le temps d’un voyage. Une personne qui vous attire, sans que vous puissiez dire pourquoi. Et pourtant, vous avez toujours été quelqu’un d’obstinément fidèle. D’autant plus que vous adorez l’amour de votre vie (même si elle menace de vous abandonner sur le trottoir ; ça fait quelque part partie de son charme). La fille du train n’est pas une fille que vous pourriez séduire. La fille du train est hors de votre portée. La fille du train représente, le temps de quelques stations, un questionnement. Sur ce que vous seriez devenus si vous l’aviez rencontrée elle, si votre vie avait été différente. Elle incarne la possibilité même d’une vie différente. Et que la vôtre vous satisfasse ou non, vous ne pouvez jamais vous empêcher de vous poser l’éternelle question « et si… »

    Et si elle m’avait adressé la parole. Et si une femme come elle était entrée dans ma vie. Et si, du coup, ma vie avait pris un autre chemin. Et ainsi de suite. Jusqu’à ce que le conducteur marmonne d’une voix inintelligible dans les haut-parleurs (vous persistez à croire qu’on leur des cours pour ne pas se faire comprendre usagers, ou qu’ils n’engagent que des chauffeurs avec de graves soucis d’élocution, parfaitement) que votre station est la suivante sur le trajet. Et jusqu’au bout, vous regardez la fille du train. Puis vous descendez sur le quai, et la magie disparaît. Vous revoilà dans la vraie vie. La vôtre. Qu’elle vous plaise ou non n’a aucune importance. Et vous savez que la fille du train n’est qu’un rêve, un fantasme irréalisable d’une autre vie. Juste pour savoir ce que cela aurait donné. Mais comme toutes les fées, elle est inaccessible. Parce que les fées n’existent pas.Et parce qu'il y aura toujours quelque chose que l'on aura besoin de pouvoir désirer tout en ayant le réconfort de savoir que l'on ne l'aura jamais.

    Alors vous calez la mallette contenant votre manuscrit sous votre bras, et vous descendez dans le passage sous-voie. Déjà, vous pensez à la rencontre avec votre éditeur, aux six messages qu’a laissé votre mère demandant ce que vous voulez pour votre anniversaire (celui qui aura lieu dans six mois), à la fatigue que vous procure vos nombreuses nuits d’auteur sans sommeil, à la femme de votre vie, et aux mangoustes. Déjà, la fille du train et ce qu’elle représente ne sont plus qu’un souvenir, en attendant la prochaine rencontre. Tout le monde a eu un jour une fille du train (et les femmes, un homme du train, vous en êtes sûr). Ou du bus. Ou du métro. Parce que tout le monde, un jour ou l’autre, se demande « et si… ». Même les plus heureux. Même ceux qui ne sont pas seuls.

    Parce que c’est la fille du train.

    Et parce qu’on ne pense jamais assez aux mangoustes."