Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Plume de Renard - Page 66

  • Lost (at home)

    « Et vous Philippe, vous avez mangé à midi ? »

    Vous avalez votre gorgée d’eau, manquant la faire passer de travers, et vous songez à gratifier d’un regard noir la personne capable de poser une question pareille. Vous vous retenez, vous contentant de diriger votre regard partout ailleurs sur les murs du bistrot, espérant que votre interlocuteur comprendra par votre dérobade visuelle que vous n’avez aucune envie d’engager la conversation. Las, rien n’y fait ; vous vous seriez retourné les globes oculaires dans les orbites que cela n’aurait pas dérouté l’impertinent futile. Vous finissez par grogner une réponse avant de vous dépêcher de boire à nouveau un peu d’eau, faisant mine de vous concentrer intensément sur la couverture du livre de philosophie consacré à David Hume que vous aviez posé sur la table en arrivant.

    Small talk.

    Décidément, les anglais sont très forts. Aucune expression en français ne correspond autant à l’idée que vous vous faites du bavardage. « Petite parole ». Small talk. Les deux mots roulent délicieusement sur la langue de votre esprit tandis que vous fuyez tout ce qui s’y rapproche de près ou de loin. Vous haïssez bavarder de tout et de rien. Vous abhorrez de devoir parler de votre journée. Vous exécrez parler du temps qu’il fait, et vous ne supportez pas de parler de votre repas de midi. Franchement, qui cela peut-il bien intéresser ? Certainement pas la personne qui vous l’a demandé. Non, elle, elle pense déjà à autre chose, cherchant quoi dire pour briser le silence que tant de gens trouvent inconfortables. Vous détestez cette manie qui consiste à parler de n’importe quoi pour vu qu’on parle. Que ce soit le serveur du bistrot qui engage la conversation ou du vendeur de la Fnac qui vous dit qu’il fait beau aujourd’hui. Vous n’en avez rien à carrer, du temps qu’il fait, et lui non plus. Mais c’est plus fort que lui, comme une sorte de force ancestrale et maléfique qui pousse les gens à débiter des bêtises pareilles. Si ça se trouve, en vous rendant votre monnaie, il va –horreur !- tenter une pique ridicule de ce que vous nommez « humour de tous les jours, au secours ». Quelque chose comme «Ah ben faudra les arroser, histoire de faire pousser les billets ! ». Atterré, vous ne répondrez rien, fourrez les piécettes dans votre porte-monnaie et fuirez au plus vite le désespérant.

    C’était le dernier jour des activités communautaires aujourd’hui. La dernière fois que vous êtes contraint de vous retrouvé dans ce bistrot pendant une heure trente de temps un vendredi après-midi, histoire de socialiser. Une heure trente d’ennui élastique qui vous revient dans la figure en claquant au rythme des blagues de comptoir, des récits de journées et des questions aussi pertinentes qu’un gâteau au homard. Ca ne veut rien dire ? Your point. C’est comme le « small talk » : ça ne veut strictement rien dire. Et vous, vous ne savez que dire à ces gens. Leur parler du concert de Damien Saez auquel vous avez assisté hier soir ? Aucun d’eux ne sait qui sait, et ils ne se soucient pas plus que vous de la manière dont vous avez passé votre soirée. Vous, vous avez envie de sortir, de prendre l’air qui commence à vous manquer, de partir peut-être.

    Partir loin, avec votre compte en poche et des idées plein la tête, qui tournent comme un vol d’alouettes sur un tambour. En perdre quelques unes en route peut-être, trouver une gare et une destination au hasard. Ou tout simplement vous écrouler quelque part. De toute façon, vous savez que vous finissez toujours par rentrer à la maison. Par revenir à votre vie solitaire parmi vos amis et vos écrans, à vous perdre parmi les pilules et le reste. Le reste, c’est un peu de tout. L’obligation de chercher un appartement, de gérer sa paperasse, de promener la chienne, de vous coucher le soir et de vous lever le matin. Il n’y aurait de toute façon personne pour vous trouver à la gare, pour vous suivre ou pour vous en ramener. Pas plus qu’il y en a pour parler avec vous de ce qui compte, du futur qui vous effraie, de la dernière chanson qui vous a touché ou de Lost. Pas vraiment, pas souvent. Vous enviez ceux qui sont deux, ceux qui sont bien. Vous en avez marre d’être tout seul devant votre écran. Mais vous y restez, parce que qui sait ce qu’il y a de l’autre côté, prêt à vous dévorer  après vous avoir demandé qu’est-ce que vous aviez mangé pour le dîner, et commenté le temps qui passe vite, pfou, c’est fou !

    Vous ne savez pas ce que vous voulez, et c’est peut-être vous qui vous dévorer de ne pouvoir partager tout ce que vous aimeriez. A qui pouvez-vous en vouloir, de toute façon ? Une vie, un boulot, une femme, un amant, des enfants, des projets, un chemin tracé dont ils ne peuvent dévier. Vous, vous êtes assis au bord, l’Hymalaya dans vos chaussures. Etes-vous heureux ? est la question qui devrait être vraiment estimée. En ce qui cous concerne, peut-être devriez-vous l’être. Et eux, le sont-ils ? Le croient-ils ? Où sont-ils, tous ? Vous les enviez, ceux qui sont deux, ceux qui sont plus, ceux qui avancent.

    Vous ne pouvez pas partir. Vous ne pouvez que rentrer, toujours. Même si vous ne savez pas où.

    Fair enough.

    L’anglais est décidément une langue formidable.

     

    __________________________________________________________________

     


    podcast

    On The Way Back Home - Lucero

  • Quand la vulgaire télé livre une véritable oeuvre de réflexion autant que de divertissement

    Comme la plupart de vos connaissances le savent, vous adorez Battlestar Galactica, cette excellente série de science-fiction aussi intelligente que prenante. C’est pourquoi vous n’allez pas parler de Battlestar Galactica dans ce post. Parce que c’est une série réellement compliquée à présenter, et que vous ne vous en sentez pas l’envie impérieuse. Non, vous ressentez en fait l’envie impérieuse de parler brièvement de votre autre grande passion dans le monde des séries, votre obsession télévisuelle par excellence : Lost.

     

    Vous entendez déjà les « Bouh ! » et autres « Mais en fait c’est du grand n’importe quoi cette série ! » pleuvoir, mais cette averse d’ignorance glissera sur vous comme la caresse du vent sur un chêne centenaire (qui a quand même bien plus de prestige qu’un canard). Vous répondrez à ces philistins ignares qu’ils devraient regarder plus de trois épisodes pris au hasard et cesser de prêter attention aux ragots et autres qu’en dira-t-on qui persistent à faire passer cette fabuleuse série pour une vulgaire et simpliste « accroche pour téléspectateurs » dépourvue de véritable scénario travaillé.

     

    Et bien il n’en est rien. Parfaitement. La rumeur qui court depuis trop longtemps, assurant que le scénario était inventé au fur et à mesure, épisode par épisode, et que les auteurs ne savaient pas du tout où ils allaient est infondée. Car –alors que la sixième et dernière saison est actuellement en cours de diffusion aux Etats-Unis- on ne peut que se rendre compte que les scénaristes savaient où ils allaient, et ce depuis le début. Ils l’ont dit plus d’une fois, et vous certifiez que cela se sent en ayant récemment revu la saison une avec votre mère (puisqu’aucune de vos autres proches connaissances ne semble s’y intéresser). Non messieurs-dames, Lost n’est pas qu’un gros foutoir d’idées jetées au petit bonheur la chance chaque semaine autour d’une table d’auteurs défoncés aux champignons magiques. Les ours polaires ont un sens, de même que le reste. Mais pour avoir la satisfaction de l’apprendre –et de voir à quel point tout cela a été rondement mené- il aura fallu faire preuve de fidélité et de patience.

     

    Et franchement, ce n’est pas difficile tant cette série est géniale, bien différente de tout ce qui a été fait jusqu’ici. Car ce n’est pas l’histoire –très bonne au demeurant- qui est le véritable moteur de cette fresque du petit écran, mais les personnages. Jamais vous n’avez vu une psychologie des personnages et de leurs relations aussi fouillées dans une série, ou même au cinéma. L’écriture est aussi pertinente et profonde que celle d’un excellent roman plein de pages. La dynamique de la série, qui suit certains des rescapés (mais pas que), en dévoilant des moments de leur vie au compte-gouttes (que ce soit à l’aide de flash-back ou de flash-forwards, deux procédés dont la série Lost possède la maîtrise absolue à vos yeux) est toujours prenante, et loin de tout stéréotype, abandonnant très tôt (dès la première saison) toute notion de manichéisme. Contrairement à ce que les détracteurs faciles racontent, Lost n’est pas remplie de personnages toujours frais et pimpants même après des mois sur une île déserte, mais vous n’allez pas épiloguer là-dessus. Car ce qui compte, comme le dit la sagesse populaire, c’est l’intérieur, ce qui se cache au plus profond des gens et non leur apparence. Et de la profondeur, tous les personnages –très nombreux- en sont fournis (il y a bien sûr quelques exceptions, rien n’est parfait en ce monde). Ils sont tous extrêmement humains, et possèdent une histoire riche et fouillées loin des pontifes du genre, tout en permettant à nombre d’entre nous de s’y identifier. Et le tour de force, c’est que la magie dure, persiste et signe : on s’attache très vite à ces protagonistes, pas plus héros que vous ou un autre, et à leurs petites histoires.

     

    La psychologie fournie et très riche de tous ces gens d’origines variées est d’autant mieux rendue par une autre force de la série : le casting. Tous (pratiquement, hein ; il y a là aussi quelques exceptions bien entendu) les acteurs sont absolument fabuleux, transmettant des émotions comme jamais dans une série télévisée. La manière dont est filmée la série –digne selon vous des plus grands films du cinéma- ne peut que renforcer leur talent incroyable. L’émotion est très fort, submerge le spectateur, le surprenant sans cesse, le bouleversant lui et ses idées reçues sans jamais ménager. Au fur et à mesure que la série avance, que des réponses sont données et que des nouvelles questions se soulèvent, on réalise que les créateurs de ce show ne se sont pas payés la têtes de ceux qui y ont cru, et vous, en tout cas, ne regrettez rien. Outre la psychologie incroyablement riche des personnages et des relations qu’ils entretiennent entre eux, outre la mise en scène et la réalisation digne du génie, outre l’histoire dont chaque élément finit par s’emboîter avec logique, il y a les multiples références, cryptiques ou non, qui parsèment la série et construisent sa mythologie (il y a plein de chose fascinantes qui peuvent amener à la réflexion ; si trois personnages portent les noms de familles de trois philosophes –Locke, Hume et Rousseau- ce n’est certes pas par hasard. Et ce n’est là que l’une des multiples facettes de la série poussant à la réflexion).

     

    Alors oui, maintenant que la série est sur le point de s’achever, vous n’avez pas peur de dire que c’est à la série télé ce que sont les chefs-d’œuvre au cinéma. Puissamment intelligente, poussant sans-cesse à la réflexion, dotée d’un casting de personnages (et d’acteurs) travaillés à l’extrême et souvent loin des clichés, dotée d’une réalisation et d’une photographie sublime et relevée d’une bande originale sublime (composée par Michael Giacchino, dont vous avez mis un morceau à la fin de cette note), Lost est décidément fascinante sous toutes les coutures, et vous ne pouvez plus attendre de voir la conclusion de cette saga épique qui confirme à vos yeux le génie que peut présenter le mode de narration qu’est celu de la série télé.

     

    Lost est pour vous l’une des œuvres majeures du divertissement humain – différente encore du faite qu’elle pousse à la réflexion et de par tout ce qu’elle met en scène, quels que soient les thèmes abordés au cour de la série. Vous n’avez envie que d’une seule chose : tout revoir à la suite, en bonne compagnie, afin de la faire découvrir à ceux qui sont passé à côté de ce petit bijou. Si quelqu’un a un jour envie de se plonger dans cette saga captivante et profondément intelligente, qu’il n’hésite pas à vous en faire part : vous serez ravi de l’y accompagner !

     


    podcast

    (The Constant - Lost: Season 4, Michael Giacchino)

     

  • Honor Harrington

    C’est alors que vous attaquez le premier volume de la nouvelle série de l’auteur de science-fiction David Weber (et non pas Bernard Werber ; vous précisez parce qu’environ quatre personnes sur cinq s’exclament « Ah, Bernard Werber, tu dis ? » après que vous ayez pourtant très distinctement « David Weber ». Non pas que vous ayez quelque chose contre Bernard Werber, hein. Mais c’est fou comme cet écrivain est quelque par entré dans l’inconscient collectif.), que vous avez eu envie d’écrire quelques mots sur sa saga phare, celle d’Honor Harrington.

    Qu’est-ce qu’Honor Harrington ? C’est une fantastique, grande et très dense œuvre de science-fiction qui compte actuellement onze tomes divisés en dix-sept bouquins (certains tomes ayant dû être divisés en deux pour faciliter la publication, sans doute). C’est de la science-fiction, et vous la qualifieriez plus précisément de space-opera politique. Vous entendez par là qu’il y a beaucoup de combats spatiaux et beaucoup de politique (présente dès le premier ouvrage, et le devenant de plus en plus par la suite).

    Dans un futur lointain, l’humanité à colonisé de nombreux systèmes solaires, et s’est divisées en de nombreux royaumes et entités politiques. Dans le premier tome (Mission Basilic), Honor Harrington est une jeune capitaine de vaisseau du royaume stellaire de Manticore, une sorte de royaume de Grande-Bretagne futuriste. Elle vient d’obtenir son premier commandement de croiseur de combat, qui sera le premier poste d’une longue carrière riche en aventures, de victoires en déboires. Accompagnée du chat sylvestre Nimitz –une espèce de félin à six pattes incroyablement intelligent qui partage un fort lien empathique avec l’humaine- elle va être le personnage central de la grande fresque spatiale politique qu’est la saga qui porte son nom.

    Alors oui, les premiers tomes peuvent parfois se révéler agaçants quand on se détache de l’action et qu’on y réfléchit, de part les parallèles parfois maladroits et surtout trop évidents que l’auteur se plait à utiliser. La première partie de la saga met en scène la guerre entre le royaume stellaire de Manticore –une sorte de monarchie libérale dont les dirigeants sont élus par le peuple- et la République du Havre, une grande entité vaguement communiste et sclérosée qui n’a plus assez de ressources pour gérer tous ses systèmes stellaires et dont la quasi-totalité du peuple dépend des allocations vitales que lui verse un gouvernement plus ou moins corrompu. Alors oui, les parallèles historiques sont flagrants et peuvent agacer ceux qui auront de la peine à entrer dans l’action. Vous pensez notamment au choix des noms (celui de la République populaire de Havre, notamment, et le nom de certains révolutionnaires qui vont mettre à bas le régime et devenir de nouveaux dictateurs : on trouve parmi eux un Robert Pierre et un Oscar Saint-Just, entre autres…). Entre ces grossiers parallèles (oui, vous vous répétez mais vous avez la flemme de chercher des synonymes à « parallèle » et la critique assez négative de l’Eglise (dans le tome deux surtout), vous comprenez que certains lecteurs puissent avoir de la peine à prendre l’auteur au sérieux et à rentrer dans l’histoire.

    Et c’est bien dommage pour eux, car la série finit doucement par s’émanciper de ces stéréotypes. Dès le quatrième tome, le royaume stellaire de Manticore se voit aussi doté de dirigeants corrompus et détestables, et par la suite la République du Havre se verra dotée d’autres personnages que des dictateurs fanatiques, surtout une fois la face révolutionnaire passée. Quant à l’Eglise, le propose se nuance lui aussi rapidement dès que l’auteur s’attache à se plonger plus en avant dans l’histoire de la planète religieuse Grayson, introduite dans le deuxième tome et prenant beaucoup d’importance dans les suivants. Dès le milieu de la saga, le manichéisme très présent les premiers tomes disparait rapidement pour laisser place à une grande nuance de gris, aucune nation n’étant ni toute noire ni toute blanche. L’auteur semble avoir compris qu’il était plus réaliste de nuancer, et il s’en sort avec les honneurs, parvenant à nous faire oublier les maladresses des premiers tomes (maladresses parfois exagérées ; vous ne voyez toujours pas comment certaines personnes ont pu considérer le royaume stellaire de Manticore comme une nation fasciste. Vous rassurez les lecteurs, il n’en est rien !).

    Qu’est-ce qui fait pourtant crocher dès le début, alors, se diront vos lecteurs les plus perspicaces ? Et bien l’écriture tout d’abord, très agréable, ainsi que les personnages impeccablement décrits que David Weber met en scène. La psychologie et les relations entre personnages sont impeccables, fouillées, et de plus en plus nuancées au fur et à mesure que l’histoire progresse. Ensuite, Weber a su construire un univers (surnommé le « Honorverse » par les fans) crédible et cohérent (toujours une fois les premiers parallèles grossiers dépassés). Le travail d’ensemble est remarquable, et chaque détail est fouillé et bien pensé. On y croit, à ce futur possible de l’humanité dans les étoiles, et les crises qui s’y produisent nous semblent assez proches des nôtres pour que nous nous y identifiions très vite.

    De plus, David (vous vous permettez de l’appeler David, aller, zou !) maîtrise sans conteste tout ce qui relève de la science et des technologies. Tout est expliqué, crédible et surtout incroyablement détaillé. Il n’est pas rare d’avoir plusieurs pages consacrées au fonctionnement de telle ou telle technologie, et les voyages spatiaux n’auront bientôt plus de secrets pour les lecteurs. Le jargon technologique reste très dense, toutefois, et pourra rebuter les personnes les plus allergiques (cela était votre cas au début, mais vous vous y êtes habitués, finalement). Il en va de même pour les combats spatiaux, le cœur de la série : on s’y croirait. On a véritablement l’impression de voir projeté les combats navals sur nos vieilles mers à échelle spatiale. Les flottes d’une nation ou d’une autre sont toutes impeccablement mises en scène, et l’auteur connait son sujet sur le bout des doigts. La vie à bord, la vie d’officier de marine ou de fusilier, tout y est mis en scène avec brio et moult détails qui renforcent la cohésion de l’univers. Les combats sont passionnants de bout en bout, s’étalant parfois sur une cinquantaine de pages pour une seule bataille, détaillant la moindre bordée de missiles et prenant en compte une véritable tactique. Là également, certains lecteurs rétifs aux longues descriptions de batailles spatiales (ou navales) pourront s’ennuyer, mais évidemment, tout le monde n’aime pas la science-fiction plus dense. Enfin, après les combats spatiaux, la politique devient de plus en plus présente dans la saga. De nombreux chapitres sont consacrés à des délibérations politiques et la dynamique de cette politique à l’échelle non pas d’un monde mais d’une galaxie. C’est là encore très bien maîtrisé, et on ne s’ennuie jamais à suivre les longs dialogues et explications politiques.

    Mais tout cela ne tiendrait pas ensemble sans l’histoire, prenante et toujours bien mise en scène, servie par de très nombreux personnages fouillés et fascinants. Car il y a une quantité astronomiques de personnages qui se côtoient et se succèdent au long de la saga, et pratiquement tous deviennent attachants car profondément humains. Il y a bien sûr des héros et des vilains, mais de plus en plus de personnages nuancés font surfaces. Une fois la deuxième guerre entre Manticore et Havre en place, aucun des deux camps ne parait plus sympathique que l’autre comme cela était le cas auparavant. On en vient à aimer les personnages des deux camps, et à ne plus supporter une seule faction mais à trouver du bon en toutes. C’est là tout le génie de David Weber, au sommet de son art lorsqu’il s’agit de nous rendre attachant une myriade de personnages et à nous faire craindre pour le futur de chacun d’entre eux, quel que soit leur camp (car David Weber est aussi un grand sadique qui, comme dans la vraie vie, n’hésite pas à faire disparaître des gens à tour de bras ; les dures réalités de la guerre…).

    Bref : un univers fouillé, dense et cohérent, une complexité politique et des combats spatiaux passionnants ainsi que des personnages profondément humains (ainsi que les relations qu’ils nouent entre eux, sans oublier leur évolution), fait vite oublier les maladresse du début et nous transporte dans une sage qui nous met sans cesse en haleine et qui brise petit à petit les bases établies en renversant sans cesse les rôles et en nous donnant envie de savoir ce que deviendront chacun des protagonistes, et ce quel que soit leur camp. Car au fur et à mesure, les certitudes sont ébranlées et il n’y a plus que de véritables héros ou méchants ; car au final, ce sont les différences d’opinion qui justifient les conflits, mettant en scène non pas les gentils contre les vilains, mais simplement des antagonistes malgré eux, et toujours profondément humains. Tout cela au service d’une histoire pleine de rebondissements et d’une action soutenue et excellemment mise en scène par David Weber, qui sait dès le premier tome nous faire aimer Honor Harrington et nous donner sans cesse envie de suivre le destin de ce personnage exceptionnel et de ceux qui l’entourent !

    Honor Harrington, David Weber (onze tomes (dix-sept romans) pour la sage principale, toujours en cours, et déjà un tome divisé en deux livres se déroulant dans le même univers mais de détachant de l’histoire principale)