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Plume de Renard - Page 63

  • Carnaval, ou le cimetière des barbes à papa - 1ère partie

    Et hop, la première partie d'une nouvelle historiette basée sur vos chers personnages et même des nouveaux. On y parle de poussins, de churros et de chaussettes, les chaussettes représentant une des forces mystiques les plus puissantes de tout le multivers.

    Ah, et un peu de carnaval, quand même.

     

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    « Ché pjas chebbile jé charvanals kjan memch… »

    Vous détournez le regard de la lumière joyeuse du manège qui tourne sans discontinuer depuis sans doutes des heures, et haussez un sourcil inquisiteur à l’adresse de Steve, le visage caché derrière un nuage de sucre rose. Car votre ami avait absolument tenu à s’arrêter pour une barbe à papa. Tout en sachant pertinemment qu’au fond, il n’aime pas tellement ça et qu’il finirait par s’en débarrasser après en avoir picoré un bon tiers. Mais dans l’esprit de Steve, il en est ainsi : qui dit carnaval dit forcément barbe à papa. Ce qui vous arrange, le coton sucré ayant le mérite de ralentir fortement le débit de parole de son propriétaire. Tout en le rendant parfaitement incompréhensible lorsqu’il ne plus se retenir de placer une remarque quelconque. Aussi, devant votre meilleur air interrogateur doublé d’un intérêt poli, il se dépêche d’avaler sa dernière bouchée avec une grimace. Levant le bâton de friandise au-dessus de son nez comme on jauge une bouteille de vin et constatant qu’il en était enfin au tiers de rigueur, il la jette dans l’un des nombreux sacs poubelles attachés aux longues tables de bois dressées partout pour l’occasion, où elle rejoint nombre de ses consoeurs guère plus entamées. Ce qui semble être le lot des barbes à papa partout où elles  donnent en spectacles leurs doux ils de couleur. En Afrique il y a des cimetières d’éléphants, et dans votre carnaval, des cimetières de barbes à papa…

    « Je disais que c’est pas terrible quand même, ces carnavals. Pourquoi est-ce qu’on est là ? Si je me fait bousculer encore une fois par un bouffeur de merguez, je ne réponds plus de mes actes ! »

    Etant donné son bon mètre soixante-cinq et sa carrure d’anchois sur lequel on aurait enfilé un t-shirt rose moulant, l’idée d’un Steve dans tous ses états ne manque pas de vous amuser. Diplomate, vous préférez ne pas le lui montrer et optez pour votre réponse passe-partout, un haussement d’épaules. Vous êtes depuis longtemps arrivé à la conclusion qu’on bon haussement d’épaules était la réponse idéale ; bien maîtrisé, il permettait à l’interlocuteur d’y voir la réponse qu’il voulait. Steve semble s’en satisfaire, ce qui ne vous étonne guère. Pas plus que son commentaire. Vous êtes maintenant habitué à la propension de Steve aux râleries diverses et autres bougonneries. Tel le requin dans ses eaux profondes, votre ami n’est jamais dans son  meilleur élément que lorsqu’il trouve l’occasion de ronchonner. A vrai dire, comme le requin qui meurt s’il s’arrête de nager, vous vous demandez dans quel état se retrouverait votre râleur favori s’il n’avait plus de raison de se plaindre.

    Mais pour cerner plus en avant l’un de vos amis les plus proches, il convient d’y jeter un œil attentif. Ce qui n’est pas vraiment difficile étant donné que même au milieu de la foule la plus dense il se repère comme un poussin au milieu  d’une bande de schtroumpfs. Si le t-shirt rose moulant  cité plus tôt-heureux élu de la soirée et exemple plutôt sage d’une garde-robe généralement incongrue- n’est pas un indice suffisant, vous rajoutez le jeans taille basse troué aux genoux, la ceinture de cuire cloutée bien trop grande et des baskets à velcro d’un rouge tellement vif que vous vous attendez d’un instant à l’autre à voir les steak hachés des stands de hamburgers sauter de leurs petits pains pour venir foncer dans les fameuses godasses comme les taureaux qu’ils avaient peut-être été un jour. Du poussin, Steve a aussi cet air ébouriffé renforcé par des cheveux l’étant tout autant, décoloré au blond sauf la petite crête noire qui lui séparait le crâne en deux comme un tranche de bacon l’œuf au plat. Et si la tranche de bacon luit de graisse, la crête de votre ami luit de gel. Une chaîne en faux or passée au tour du cou et une paire de grosses lunettes de soleil à la monture rose fluo complétaient un tableau que n’aurait pas renié un impressionniste sous ecstasy. Il ne lui manque que la canne sertie d’un diamant, et vous vous surprenez à voir un renard jaillir des poubelles à tout instant pour se jeter sur les épaules et lui servir de manteau de fourrure. Une tenue pas plus extravagante qu’une autre pour, disons, un jeune de banlieue avec un léger strabisme. Seulement, n’importe quel ensemble –même le plus terne- a tendance une fois enfilé sur votre ami, à devenir aussitôt aussi  déplacé qu’une moustache sous la trompe d’un éléphant. C’est là une sorte de malédiction aussi mystique que terrifiante qui accable Steve depuis de nombreuses années, et qui le pousse à changer de style aussi souvent que les philosophes d’avis après trois verres de vin. Chaque nouvelle tentative est pour lui une chance de se définir un genre, dans l’espoir de se fondre dans la masse et, avec de la chance et une dose de culot, de trouver le grand amour de sa vie. Une recherche de tous les instants qui pousse Steve à vous accompagner, vous et votre chère et tendre, à des évènements telle la foire du carnaval qui battait son plein en ville depuis quelques jours. Rien n’arrête jamais Steve dans la recherche de l’amour de sa vie, une tâche occupant la plupart de son temps d’étudiant en économie. Et quand on sait que celui que vous avez connu alors qu’il était l’un des colocataires de celle qui partage votre vie était lui-même amoureux fou de la créature et que ladite créature avait fini à votre bras, voilà une quête qui ne semblait guère sur le point d’aboutir. Et par une de ces prouesses étranges dans la vie seule à le secret, Steve avait surmonté sa déception et vous étiez devenus d’excellents amis, tous les trois. Et ne manquait pas une occasion d’accompagner votre couple dans une sortie qui avait la moindre chance de lui faire croiser la route  de sa future promise. Mais la technique de Steve constituant principalement, lorsqu’il repérait une des rares filles qu’il estimait digne de retenir son attention, à la suivre de ses petits yeux mouillés derrière ses grosses lunettes en s’agitant comme… et bien, un poussin, ce jour n’était pas encore près d’arriver.

    En le voyant ainsi, vous vous dites que vous êtes content d’avoir trouvé celle qui partage votre vie. Vous n’avez jamais vraiment aimé cherché quoi que ce soit, que ce soit les clefs de la maison ou un contrat avantageux pour un de vos prochains ouvrages. Quant aux chaussettes, vous avez abandonné depuis longtemps. Vous partez  du principe quand attendant assez longtemps, quelque chose finit par vous tomber dessus. A votre grand plaisir et à l’agacement général de vos fréquentation, cela s’avère souvent le cas. Sauf en ce qui concerne les chaussettes. Tout le bon karma de l’univers ne peut rien contre la force des chaussettes disparues.

    « Oh, regarde, des churros, je mangerais bien des churros maintenant ! »

    Vous avancez, entre deux coups de cuivre d’un groupe de guggenmusik en vadrouille, que faire la queue à un stand pendant une demi-heure afin d’acheter de l a pâte sucrée qu’aucun de vos estomacs n’aura la force de tolérer jusqu’au bout ne vous enchante guère, mais vous cédez rapidement devant l’enthousiasme pépiant de votre ami. Qui peut avaler des kilos de nourriture, des pizzas dégoulinantes de fromage aux gâteaux les plus sucrés sans froisser une seule plume de sa silhouette impeccable de poussin. Et vous voilà tous les deux de longues minutes plus tard, un cornet de ces machins chauds et sucrés dans les mains à la vue desquels vous sentez déjà vos lèvres se rétracter comme une limace devant du gros sel.

    « Les churros, ch’est chuper ! Hé, elle est passée où ? »

    A cette question, vous tournez plusieurs fois la tête de gauche à droite. La femme de votre vie n’est nulle part dans votre champ de vision, encombré de passants festifs, de forains enthousiastes, de mangeurs de merguez dont la seule préoccupation de la soirée semble effectivement être celle de bousculer votre ami par mégarde, de manèges et de stands et lumières en tout genre. Sans oublier les ballons divers et variés qui se baladent au rythme de leur propriétaire, rebondissant de ci de là sur une tête ou un coude. Mais de votre chère et tendre, nulle trace, comme si elle avait été avalée par la foule. Ce qui n’est pas une pensée des plus rassurantes ; des estomacs capables de digérer barbes à papa acides et merguez trop grillées étant sûrement plus que capable de faire un sort à la belle créature.

     Où diable a-t-elle bien pu passer ?

     


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    ...(Si ça c'est pas du "klifan'gueure" de la mort, comme on le prononce en bon français!)


     

     

  • Les autres gens

    Cette fois, il ne s'agit pas d'une historiette. Mais d'une humeur qui vous a pris tout à coup et que vous avez eu envie de maladroitement coucher sur le papier...

     

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    Vous regardez par la fenêtre. Et à travers elle, une fenêtre. Non, vous ne comptez pas vous lancer dans un exercice impromptu de métaphysique ; c’est simplement que ce qu’il y a en face de votre fenêtre, et bien c’est une autre fenêtre sur la façade du bâtiment voisin, encore illuminée malgré l’heure tardive. Vous aviez envie de prendre l’air, de vous débarrasser de cette sensation d’étouffer qui vous poursuit entre vos quatre murs, de sentir du vent sur votre visage fatigué. Car il est des fois où vous avez besoin de quelque chose d’aussi simple, d’aussi élémentaire qu’un souffle sur votre peau pour vous rappeler que vous êtes… vivant.

     

    Alors vous avez ouvert votre fenêtre, et comme il ne sert pas toujours de regarder en l’air pour trouver les étoiles en pleine ville, vos yeux sont attirés par la lueur d’en-face. L’illumination anonyme d’une ampoule de l’autre côté de la cours qui, dans l’état d’esprit où vous êtes, pourrait tout aussi bien représenter la couleur d’un nouvel horizon s’étendant sur un monde inconnu. Contrairement à ce que l’on croit, il n’y a pas besoin de voyager à l’autre bout du monde ou de monter dans une navette spatiale pour voir un nouveau monde. Non, nul besoin de jungle impénétrable. Là, ce n’est qu’une rangée de géraniums ayant connu des jours meilleurs qui se dressent devant la vitrine de l’inconnu, sur un rebord en granit d’où pend une mangeoire à oiseaux. A dix mètres en face de vous, un autre immeuble, un autre appartement, une autre fenêtre. Et pourtant plus lointain que l’extrémité du globe. En fait, vous en savez plus sur les mœurs de peuplades éloignées que sur la vie des êtres humains dont vous partagez la cour.

     

    Qui sont-ils ? Que font-ils ? D’où viennent-ils, et où vont-ils ? Ce ne sont pour vous que de vagues silhouettes sombres qui glissent derrière leur vitre comme des fantômes, des silhouettes spectrales déphasées par rapport à votre propre quotidien, à votre propre monde. A quoi pensent-ils, ces gens que vous ne connaissez pas ? Regardent-ils à travers leur fenêtre pour se poser pareilles questions sur leurs voisins ? Probablement que non. A leurs voisins, ils ont sûrement plutôt tendance à demander du sucre, et leurs questions trouvent sûrement des réponses plus pratiques que les vôtres. Ils sont occupés à vivre leur vie, jour après jour, nuit après nuit. Des figurants du théâtre de votre propre existence, mais dont les buts sont sûrement plus significatifs que tout ce qui pourrait bien vous passer par la tête. Et dieu sait ce qui peut y passer d’étrange… Ces gens là, savent-ils où ils vont ? Vous aimez à le croire. Vous avez besoin de le croire. De vous dire que la plupart des êtres ont trouvé leur but, et s’emploient à le réaliser.

     

    Parce que cela vous permet d’espérer.

     

    C’est la possibilité infime qu’un jour, ce soit vous qui deveniez l’anonyme derrière la fenêtre d’un autre. C’est une façon tordue de justifier votre optimisme, convaincu de voir un jour un monde meilleur.  Au fond, qu'est-ce que l'optimisme, si ce n'est la tendance de ceux qui ne peuvent atteindre leur but à toujours espérer un avenir meilleure? Vous êtes un optimiste parce que c’est ce qui vous permet de tenir. De rêver à quelque chose. N’importe quoi. Un but. Un objectif. Comme ces gens de l’autre côté de votre cour. L’ont-ils réalisé, ce rêve ? Quel était-il ? En ont-ils encore ? Sont-ils satisfaits ? Que voulaient-ils devenir et que sont-ils devenus ?
     
    Et au-delà de cette autre fenêtre, dans la ville qui s’endort, d’autres fenêtres comme autant d’étoiles urbaines et solitaires. Vous ne pouvez vous empêcher de vous demander ce qui se passe sous ces toits inconnus, quelles vies s’y déroulent… C’est une multitude d’univers différents du vôtre, une multitude qui vous donne le tournis rien que d’y penser. Et pourtant, vous ne pouvez vous empêcher. Si semblables, et pourtant si différents, tous ces gens. Cela aurait-il pu être vous derrière cette fenêtre-ci plutôt qu’une autre ? Qu’ont-ils fait de différent de vous ? Sont-ils à ce point satisfait de leur existence qu’ils ne se demandent jamais ce que cachent les autres fenêtres ?
     
    Et vous, êtes-vous à ce point dépité de votre propre existence que vous vous demandez autant à quoi ressemblent celles des autres ? Avez-vous tellement de peine à être qui vous êtes, à simplement savoir qui vous êtes vraiment que vous vous prenez tant à rêver de la vie d’un autre ? D’être le figurant plutôt que le premier rôle de votre vie ? Vous avez tellement peur de cette solitude qui vous bouffe, tellement peur de ne jamais vous en sortir, de ne jamais trouver… quoi que ce soit que vous ayez à trouver, que vous rêviez d’une autre vie ? Alors vous vous perdez dans toutes ces fenêtres, car derrière la vôtre vous n’êtres plus sûr qu’il y fasse bon vivre. Et vous vous demandez quelles sont leurs vies, à eux.
     
    Les autres gens.
  • Sunny day

    Photographie écrite d'un moment, d'un instant, d'une humeur... d'un dimanche.

     

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    Vous avez froid. D’un geste absent, vous réajustez la couette sur vos épaules, les yeux perdus dans l’éclatante lueur cathodique de votre écran tandis que le reste de la pièce est plongé dans la pénombre. Comme fond sonore, une musique triste au rythme lancinant passant en boucle sur youtube, se fondant avec le tapotement de vos doigts sur le clavier lorsque vous répondez à tel commentaire ou tapez telle adresse. Votre œil glisse sur l’heure inscrite en bas à droite de votre ordinateur, il est à peine passé dix-huit heures. Retour au reste de l’écran, où défilent les mêmes pages encore et encore dans l’espoir fou qu’elles affichent quelque chose de nouveau, capable de vous faire sourire, capable de vous surprendre. Mais comme partout ailleurs le temps semble figé sur la toile, prenant au piège les mouches au cerveau fatigué, attirées par la lumière froide.

     

    Pour la énième fois de la journée, vous vous levez. Vous faites quelques pas dans l’appartement vide, passant d’une pièce à l’autre comme on zappe les programmes à la télé. La télé, allumée sans espoir d’y trouver d’autre réconfort que celui d’un bruit de fond vague et abrutissant. Il n’y a personne, les parents sont partis souper chez des amis, vous n’avez pas eu le courage de franchir la porte pour les accompagner. Un autre jour. Il y a juste la chienne, étalée dans son panier ou le canapé, indifférente à l’ambiance particulière qui dégouline dans l’atmosphère. Le couloir,  la cuisine, la lumière qui s’allume, les placards qui s’ouvrent, se referment. Vous n’avez rien trouvé, parce que vous n’avez rien cherché. Vous brassez de l’air, donnant l’illusion de mouvement dans cette stagnation hebdomadaire. Le salon, avec son grand canapé vide éclairé par intermittence, au bon vouloir de l’écran de la télévision que plus personne ne regarde. Dehors, sur la grand’route, les voitures passent une par une, leurs phares blafards crevant la nuit en train de tomber avant de disparaître aussitôt. Le perpétuel bourdonnement des automobiles en pleine course vous berce un instant, tandis que vous vous imaginez à la place d’un de ces conducteurs anonymes, les mains vissées sur le volant et le regard fixé sur un but. Vous pensez à ce que peuvent être toutes ces existences, vous rêvez à une vie qui n’est pas la vôtre. Vous grimacez ; le sol est froid sous vos pieds.

     

    La chambre, de nouveau. Un jerricane de jus d’orange à moitié entamé, des mangas et des bouquins à demi-lus, un livre de jeu de rôles qui traîne sur la table de nuit… Et pourtant c’est vers le pc que vous revenez, assis en tailleur sur le lit, le duvet sur le dos, voûté au-dessus du clavier. Sur l’écran, rien n’a changé. Un geste machinal pour saisir la cuillère d’un bol de corne flakes trempés par le lait, mâchonnés d’abord sans grande conviction, puis avec un soupçon de plaisir : ils sont bons, ces corne flakes au miel. Et puis l’envie disparait, comme coupable d’avoir osé ne serait-ce que prétendre à l’existence en un jour pareil. Au-dessus ou à côté, des bruits, des éclats de voix dans l’immeuble. Les voisins vivent, vous regardez votre écran et l’heure encore une fois. Elle n’avance pas beaucoup, pas vraiment. Elle a le temps.

     

    Vous revoilà debout, déjà en pyjama, frissonnant alors que vous n’êtes pas de ceux qui ont froid. Personne à qui parler si ce n’est la chienne qui ne répond pas, pas de raison de faire fonctionner la voix autrement que pour chantonner les paroles de la nouvelle musique, lourde et triste, de circonstance qui tourne sur une machine ou une autre. Le carrelage, toujours aussi frais, la flemme de chercher vos pantoufles. Se tenir simplement debout, là, à mi-chemin entre le salon et la salle à manger, le regard perdu dans les sombres recoins des meubles, l’esprit dans du coton, une boisson chaude entre les mains. La télé tourne toujours sans s’arrêter, comme une machine folle lancée dans une orgie de sons et de lumières qui n’ont plus grand sens pour vous. Autant retourner se coucher.

     

    Ouvrir un livre, le refermer, en choisir un autre, lire deux ou trois pages, reprendre le premier. Fouiller la bibliothèque pour trouver la perle rare que vous avez enfin l’envie de lire et puis, une fois trouvée, la laisser trainer avec les autres. Allumer la console, parcourir le menu, hésité entre trop de jeux, l’éteindre. Qu’il fait bon sous la couette, même si vous aurez trop chaud à nouveau d’ici quelques minutes. Voilà, ça ne manque pas. Et pourtant, vous avez si froid. Lancer une série ou une autre, se retourner à un passage dans l’espoir de pouvoir le commenter, ne rencontrer que les ombres sur le mur qui filtrent à travers les fentes de volets déjà tirés. Dehors il pleut, il fait gris, il fait nuit. Sur l’écran, le temps est homogène. Vous vous enroulez plus encore dans le duvet, le dos plié à vous en faire mal, perdu dans vos pensées. Vous avez toujours froid, ce  froid qui règne quand il n’y a personne pour vous prendre dans ses bras… Vous ruminez votre solitude, vous l’abrutissez sous la musique à pleurer et les images à oublier. Dans la cour de l’immeuble, le moteur d’une voiture démarre, et vous vous levez pour aller chercher du lait.

     

    Vous êtes à nouveau au lit, seul et fatigué, mais pas assez pour dormir, juste pour s’abrutir. Pour mettre de côté vos pensées, brider votre créativité et neutraliser vos angoisses. Vous entendez qu’ils repassent un « Friends » à la télé. Vous prenez d’une main molle votre natel, aucun message, aucun appel. Sur l’horloge de l’ordinateur, il est toujours à peine passé dix-huit heures… Dix-huit heures et quelques qu’une nouvelle journée a commencé. Dix-huit heures de déjà passées, et qui ne seront jamais rattrapées. Vous rafraichissez vos onglets internet, des fois qu’il y aurait du neuf. Des fois qu’il y aurait de quoi vous faire oubliez cette solitude, ce silence et cet obscur. Tiens, dehors, quelqu’un rit, tout n’est donc pas mort aujourd’hui ! Mais vous, vous préférez rester au lit.

     

    Juste un dimanche de plus.